L’abus du droit d’agir en déchéance de marque 

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Si l’intérêt à agir n’est pas requis dans le cadre des demandes en déchéance formées devant l’INPI, en application de l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, la notion d’abus de droit ou de procédure abusive est indépendante des règles relatives à la personne habilitée à introduire une demande de déchéance.

Le droit de présenter une demande en déchéance est susceptible de dégénérer en abus uniquement s’il relève en réalité d’une intention de nuire de la part du demandeur, en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol.

En l’espèce, si la demande en déchéance intervient dans le cadre de relations contractuelles entre le titulaire de la marque contestée et une société filiale du demandeur, à savoir un contrat de licence exclusive, il convient de constater qu’aucune juridiction n’a été saisie aux fins de prononcer la nullité ou la résiliation du contrat de licence ou de sanctionner des manquements aux obligations contractuelles entre les parties.

En outre, l’existence du lien entre les parties relatif à la licence d’exploitation ne permet pas à elle-seule de caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit du demandeur d’agir en déchéance.

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INPI, 31 mai 2022, DC 21-0097

Sur les personnes

Parties : HENKEL AG & Co KGaA (Allemagne) c/ FUMAKILLA LIMITED

Texte intégral

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LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE;

Vu le Code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L.411-1, L.411-4, L.411-5, L.714-4 à L.714-6, L.716-1, L.716-1-1, L.716-3, L.716-3-1, L.716-5, R.411-17, R.714-1 à R.714-6, R.716-1 à R.716-13 et R.718-1 à R.718-5 ; Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié par l’arrêté du 9 décembre 2019 relatif aux redevances de procédures perçues par l’Institut national de la propriété industrielle ; Vu la décision n° 2020-35 du Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle relative aux modalités de la procédure en nullité ou en déchéance d’une marque.

I.- FAITS ET PROCEDURE

1. Le 13 juillet 2021, la société de droit allemand HENKEL AG & Co KGaA (le demandeur) a présenté une demande en déchéance enregistrée sous la référence DC 21-0097 contre la marque n° 1 354 471 déposée le 21 septembre 1976, enregistrée initialement sous le n° 966828 et portant sur le signe verbal VAPE.

La société de droit japonais FUMAKILLA LIMITED (le titulaire de la marque contestée) est titulaire de cette marque enregistrée le 12 mai 1986 en renouvellement de ce dépôt de 1976 selon publication du BOPI 1986-43 et régulièrement renouvelée depuis. 2. La demande porte sur l’intégralité des produits pour lesquels la marque contestée est enregistrée, à savoir : « Classe 1 : Fertilisants liquides. Classe 3 : Préparations aromatiques. Désodorisants, préparations pour la purification de l’air; Classe 5 : substances diététiques ; insecticides. Classe 9 : Appareils électriques pour détruire les moustiques ». 3. Le demandeur invoque le motif suivant : « La marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux » et a versé un exposé des moyens à l’appui de cette demande en déchéance. 4. L’Institut a informé le titulaire de la marque contestée de la demande en déchéance et l’a invité à se rattacher au dossier électronique, par courrier simple envoyé à l’adresse indiquée lors du dernier renouvellement ainsi qu’à l’adresse du mandataire ayant procédé au renouvellement susvisé. 5. La demande en déchéance a été notifiée au mandataire ayant procédé au rattachement, par courrier recommandé en date du 16 août 2021, reçu le 18 août 2021. Cette notification l’invitait à produire des pièces propres à établir que cette marque a fait l’objet d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la demande en déchéance ou à justifier d’un juste motif de sa non- exploitation dans un délai de deux mois à compter de sa réception. 6. Au cours de la phase d’instruction, le titulaire de la marque contestée a présenté trois jeux d’observations en réponse auxquelles le demandeur a répondu deux fois, dans les délais impartis. 7. Conformément aux dispositions des articles R.716-6 et R.716-8 du Code de la propriété intellectuelle, les parties ont été informées de la date de fin de la phase d’instruction à savoir le 10 mars 2022. Prétentions du demandeur 8. Le demandeur a invoqué dans le récapitulatif de la demande en déchéance, le motif « La marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux ». Il a fourni un exposé des moyens à l’appui de cette demande dans lequel il précise que la marque contestée n’a fait l’objet d’aucune exploitation sérieuse et demande la déchéance totale de son titulaire sur ses droits à compte du 13 juillet 2021. 9. Dans ses premières observations en réponse, le demandeur : o fournit une argumentation relative à son intérêt à agir et la recevabilité de la demande en déchéance :

– le contrat de licence exclusive invoqué par le titulaire de la marque contestée n’a pas été signé avec lui mais avec la société GUABER S.R.L. avec laquelle il n’avait à l’époque aucun lien ;

– il vend lui-même des insecticides sous la marque VAPONA dans certains pays européens et a déposé des marques pour protéger son activité ;

– il s’interroge sur la bonne foi du titulaire de la marque contestée qui a déposé en France le 25 août 2021, soit peu de temps après la présente demande en déchéance, une marque VAPE n° 4794615 portant sur le même libellé que la marque contestée, à laquelle il s’est opposé. o conteste les preuves d’usage fournies par le titulaire de la marque contestée :

– l’annexe 1 porte sur des produits à destination du public italien, les documents étant rédigés en italien et n’établissant pas de lien entre le titulaire de la marque contestée (ou le licencié exclusif) et les produits vendus ;

-les annexes 2 et 3 sont des extraits non datés de sites internet non destinés au public français, faisant référence à des emballages de produits rédigés en italien ;

– l’annexe 4 n’est pas datée ;

– l’annexe 5 fait référence à la marque italienne VAPE et ne concerne donc pas le public français. Le demandeur relève qu’aucun document ne démontre une exploitation effective et sérieuse de la marque en France au cours de la période de référence du 13 juillet 2016 au 13 juillet 2021. 10. Dans ses secondes et dernières observations, le demandeur réitère ses arguments présentés dans ses précédentes observations et répond aux arguments du titulaire de la marque contestée : o Sur son intérêt pour agir : Il indique préserver ses droits sur sa marque VAPONA utilisée depuis de nombreuses années et a donc un intérêt légitime pour demander la déchéance de la marque contestée qui n’a pas été exploitée en France, les documents visant une exploitation à destination du public italien. Il précise que le titulaire de la marque contestée a déposé, outre la demande d’enregistrement française VAPE n° 4794615 le 25 août 2021, une demande de marque de l’Union Européenne VAPE n° 1567852 en date du 31 décembre 2020 à laquelle il s’est également opposé. Il ajoute que ses marques VAPONA et la marque contestée « sont visuellement et phonétiquement très proches et sont susceptibles d’être confondues si elles venaient à être utilisées sur le même territoire ». Il a donc un intérêt à agir à demander la déchéance pour défaut d’usage de la marque contestée. o Sur les preuves d’usage fournies :

Il indique qu’aucun document n’a été fourni concernant les produits suivants : « Fertilisants liquides. Préparations aromatiques. Désodorisants, préparations pour la purification de l’air; substances diététiques ». Pour les autres produits, à savoir les « insecticides. Appareils électriques pour détruire les moustiques », les documents ne permettent pas de connaître l’origine des produits, la quantité et l’étendue territoriale des produits commercialisés. Il ajoute qu’aucun élément chiffré n’a été fourni (commandes, documents comptables, factures, attestation, articles de presse) de sorte que le titulaire de la marque contestée n’a pas établi la réalité de l’exploitation commerciale de la marque contestée dans la vie des affaires. Prétentions du titulaire de la marque contestée 11. Dans ses premières observations en réponse, le titulaire de la marque contestée : o soulève l’irrecevabilité de la demande et la mauvaise foi du demandeur : Il indique avoir conclu un accord de licence exclusive avec la société GUABER S.R.L. en date du 19 avril 1996 en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 ayant pour objet la vente de produits portant les marques VAPE lui appartenant dans les pays membres de l’Union Européenne dont la France. Le licencié exclusif GUABER S.R.L. est devenu GUABER S.PA. puis GUABER CO KGaA, filiale italienne du demandeur Henkel AG & Co KGaA. Le titulaire de la marque contestée constate des usages de la marque contestée sur le site internet du demandeur. Il en conclut que la demande en déchéance a été déposée de mauvaise foi et est abusive puisqu’elle relève de l’intention de nuire de la part du demandeur. o présente des pièces destinées à démontrer l’usage sérieux de la marque contestée (lesquelles seront listées et analysées ci-dessous dans la décision) :

Il indique que ces documents prouvent l’usage de la marque contestée par la société GUABER S.R.L. dans le cadre d’une licence exclusive (Annexes A à D). Il ajoute que ces documents attestent d’une vente en France à travers des sites Internet de vente en ligne (Amazon.fr, ebay.fr, c discount, lemaevadistribution.fr) (Annexes 1 à 5). 12. Dans ses secondes observations en réponse, le titulaire de la marque contestée répond aux arguments soulevés par le demandeur. o Sur l’intérêt à agir du demandeur et l’abus de droit :

Il indique que même si le demandeur n’était pas partie au contrat de licence (signé en 1996), il ne pouvait en ignorer l’existence ni l’usage fait de la marque contestée, dès lors qu’il a acquis en 2016 la société GUABER, licencié exclusif de la marque contestée, cette société et le demandeur étant deux sociétés qui exercent dans le même secteur d’activité, à savoir la production et la commercialisation d’insecticides qui est un marché spécifique et réglementé. Il fournit un extrait web.archive.org du 30 septembre 2020 montrant une copie d’écran du site du demandeur mentionnant la marque contestée, le licencié GUABER et le titulaire de la marque contestée, ces éléments figurant toujours sur ce site Internet au 23 décembre 2021. Il fait remarquer que l’article publié qu’il a fourni (annexe 5) mentionne le nom d’un des salariés du groupe HENKEL, le demandeur, alors qu’il relate une campagne publicitaire de la marque contestée, renforçant la mauvaise foi du demandeur. o Sur l’usage sérieux de la marque contestée : Le titulaire de la marque contestée réitère ses observations sur les preuves d’usage déjà fournies qui visent bien le public français : sur les sites Internet sur lesquels les produits sont vendus, la description est rédigée en français, certains avis des clients ayant acheté les produits sont rédigés en français et la livraison en France est proposée. Elles portent bien sur les produits enregistrés, notamment les « insecticides et les appareils électriques pour détruire les moustiques ». 13. D ans ses troisièmes et dernières observations , le titulaire de la marque contestée a, tout en réitérant ses arguments et demandes, notamment fait valoir que : La présente demande en déchéance devait être déclarée irrecevable, même si le demandeur et le licencié exclusif de la marque contestée sont des entités juridiques distinctes. En tout état de cause, les preuves d’usage fournies portent bien sur les « insecticides et les appareils électriques pour détruire les moustiques ».

II.- DECISION A.

Sur l’abus de droit et la mauvaise foi du demandeur 14. Le titulaire de la marque contestée indique avoir signé une licence exclusive avec la société GUABER S.R.L. qui est la filiale italienne du demandeur, selon un contrat en date du 19 avril 1996 en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 pour les pays membres de l’Union Européenne dont la France.

Il constate en outre des usages de la marque contestée sur le site internet du demandeur www.henkel.com qui indique que « Vape est une marque utilisée par Guaber S.r.l sous licence [du titulaire de la marque contestée] » et en déduit que ce dernier n’ignorait donc ni l’existence ni l’usage de la demande contestée au jour où il a formé la présente demande en déchéance. Il indique que « la société GUABER, en qualité de licenciée exclusive a été habilitée à exploiter la marque contestée en France, elle serait donc seule responsable de l’absence d’exploitation alléguée au cours des cinq années précédentes » et est « irrecevable à se prévaloir de sa propre carence et à solliciter la déchéance de la marque qu’elle n’aurait pas exploitée ». Cette irrecevabilité s’étend à sa société mère, le demandeur, même s’il s’agit d’une entité juridique distincte. Il en déduit que la demande est abusive et relève de l’intention de nuire de la part du demandeur. 15. Le demandeur quant à lui indique qu’il vend lui-même des insecticides sous la marque VAPONA dans certains pays européens qui est utilisée depuis de nombreuses années et a déposé des marques pour protéger son activité. Il précise avoir un intérêt légitime pour demander la déchéance pour défaut d’usage de la marque contestée qui n’a pas été exploitée en France. Il s’interroge à son tour sur la bonne foi du titulaire de la marque contestée qui a déposé en France le 25 août 2021, soit peu de temps après la présente demande en déchéance, une marque VAPE portant sur le même libellé que la marque contestée, à laquelle il s’est opposé. Il ajoute que le titulaire de la marque contestée a également déposé une demande de marque de l’Union Européenne VAPE n° 1567852 en date du 31 décembre 2020 à laquelle il s’est opposé. 16. Il convient tout d’abord de rappeler que la présente procédure en déchéance n’a pas pour objet de se prononcer sur la mauvaise foi d’un dépôt de marque effectué par le titulaire de la marque contestée, mais sur l’usage sérieux de la marque contestée. 17. Par ailleurs, il convient de préciser que si l’intérêt à agir n’est pas requis dans le cadre des demandes en déchéance formées devant l’Institut, en application de l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, la notion d’abus de droit ou de procédure abusive est indépendante des règles relatives à la personne habilitée à introduire une demande de déchéance. Le droit de présenter une demande en déchéance est susceptible de dégénérer en abus uniquement s’il relève en réalité d’une intention de nuire de la part du demandeur, en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol. 18. En l’espèce, si la demande en déchéance intervient dans le cadre de relations contractuelles entre le titulaire de la marque contestée et une société filiale du demandeur, à savoir un contrat de licence exclusive, il convient de constater qu’aucune juridiction n’a été saisie aux fins de prononcer la nullité ou la résiliation du contrat de licence ou de sanctionner des manquements aux obligations contractuelles entre les parties.

En outre, l’existence du lien entre les parties relatif à la licence d’exploitation ne permet pas à elle-seule de caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit du demandeur d’agir en déchéance. 19. D’autant plus que le demandeur fait valoir que la présente demande en déchéance s’inscrit dans le cadre de la protection de ses intérêts, en raison des ressemblances d’ensemble entre la marque contestée et ses marques VAPONA, et souligne à cet égard avoir introduit plusieurs demandes d’opposition simultanément à l’encontre de marques similaires appartenant au titulaire de la marque contestée. 20. Ainsi, rien dans les éléments produits ou exposés par le titulaire de la marque contestée ne permet de caractériser un abus de la part du demandeur d’utiliser la faculté qui lui était ouverte par les articles L. 714-5 et L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle de présenter une demande en déchéance devant l’Institut.

Par ailleurs, comme le relève à juste titre le demandeur, la demande en déchéance est au moins partiellement justifiée puisque le titulaire de la marque contestée reconnait dans ses observations n’apporter des documents visant à établir l’usage de la marque que pour certains des produits désignés dans son enregistrement. 21. Par conséquent, la demande en déchéance est recevable.

B. Sur le fond

22. Conformément aux articles L. 714-4 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, le titulaire d’une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux en France pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs de non-usage. 23. L’article L.714-5 du code précité précise qu’« est assimilé à un usage [sérieux] [….] : 1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque […] ; 3° L’usage de la marque par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ». 24. En vertu de l’article L.716-3 dernier alinéa du code précité, « La déchéance prend effet à la date de la demande ou, sur requête d’une partie, à la date à laquelle est survenu un motif de déchéance ». 25. L’article L.716-3-1 du même code prévoit que la preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être rapportée par tous moyens. 26. Enfin, l’article R.716-6 du code précité précise dans son 1° : « Pour les demandes en déchéances fondées sur l’article L.714-5, les pièces produites par le titulaire de la marque doivent établir que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la demande en déchéance ».

Appréciation de l’usage sérieux 27. Il est constant qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. 28. Il convient de prendre en considération, dans l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (CJUE,11 mars 2003, Ansul, C 40/01). 29. Pour examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. En effet, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent un usage effectif et suffisant de la marque sur le marché concerné. 30. La preuve de l’usage doit ainsi porter sur la période, le lieu, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque en relation avec les produits et services pertinents. Période pertinente 31. En l’espèce, la marque contestée n° 1354471 a été déposée le 21 septembre 1976 et enregistrée initialement sous le n° 966828, renouvelée régulièrement depuis. La demande en déchéance a quant à elle été déposée le 13 juillet 2021. 32. Par conséquent, la marque contestée avait été enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de dépôt de la demande en déchéance. 33. Le titulaire de la marque contestée devait ainsi prouver l’usage sérieux de sa marque au cours de la période de cinq ans précédant la date de la demande en déchéance soit du 13 juillet 2016 au 13 juillet 2021, pour tous les produits désignés dans l’enregistrement à savoir : « Classe 1 : Fertilisants liquides. Classe 3 : Préparations aromatiques. Désodorisants, préparations pour la purification de l’air; Classe 5 : substances diététiques ; insecticides. Classe 9 : Appareils électriques pour détruire les moustiques ». 34. Les éléments de preuve fournis par le titulaire de la marque contestée sont les suivants :

Des documents relatifs au titulaire de la marque contestée, au licencié exclusif GUABER S.R.L et à des sociétés du groupe HENKEL en lien avec la marque VAPE :

– Annexe A -Documents attestant du lien entre le licencié exclusif et le demandeur : Extrait de la Chambre de commerce de Milan Monza Brianza Lodi et du Registre des sociétés italiens relatifs à l’enregistrement le 1er juillet 2016 de la société GUABER SRL créée le 14 juillet 2006 et active depuis le 24 juillet 2006 dont est titulaire HENKEL ITALIA HOLDING S.R.L. Extrait du site internet GUABER accessible à l’adresse www.henkel.it

– Annexe B : copie du contrat de licence : Contrat de licence exclusive entre le titulaire de la marque contestée et la société GUABER S.R.L. en date du 19 avril 1996 rédigé en anglais et partiellement traduit par le titulaire de la marque contestée ayant pour objet un usage exclusif des marques « VAPE » dans de nombreux pays de l’Union Européenne dont la France.

– Annexe C : extrait d’une page d’un site internet VAPE : Faisant référence à différents produits revêtus de la marque VAPE : insecticides et répulsifs sous forme de spray, bombes, spirales, plaques, recharges pour prises électriques Faisant référence au licencié exclusif GUABER SRL avec une adresse en Italie ainsi qu’au demandeur

– Annexe D : extrait d’une page d’un site internet faisant référence à CASA HENKEL : Faisant référence à différents produits revêtus de la marque VAPE : différents insecticides et répulsifs sous forme de spray, bombes, spirales, plaques, recharges pour prises électriques  Des documents visant à établir l’usage sérieux de la marque VAPE :

– Annexe 1 : extraits du site internet www.amazon.fr : Extraits de 2014 à 2020 présentant l’achat en ligne des produits insecticides ou répulsifs VAPE sous diverses formes (plaquettes, liquides, pièges, spirales, recharges, gels répulsifs à appliquer sur la peau, préparations aromatiques, diffuseurs électriques, produits permettant la diffusion d’odeurs…), dont le descriptif est en français et proposant leur livraison en France ;

– Annexe 2 : extraits du site internet www.cdiscount.com Extraits présentant l’achat en ligne auprès de vendeurs établis en France des produits insecticides ou répulsifs VAPE sous diverses formes (plaquettes, liquides, pièges, gels répulsifs à appliquer sur la peau, recharges, sprays pour la peau, préparations aromatiques, diffuseurs électriques, produits permettant la diffusion d’odeurs,…) dont le descriptif est en français et proposant leur livraison en France ;

– Annexe 3 : extrait du site Internet www.ebay.fr: Extraits de 2018 à 2021 présentant l’achat en ligne auprès de différents vendeurs établis en France des produits insecticides ou répulsifs VAPE sous diverses formes (plaquettes, liquides, pièges, spirales, recharges, gels répulsifs à appliquer sur la peau, préparations aromatiques, diffuseurs électriques, produits permettant la diffusion d’odeurs…), dont le descriptif est en français et proposant leur livraison en France ; Les extraits dédiés à chaque produit comprennent un « numéro de l’objet eBay » et une page récapitulative de l’ensemble des modifications effectuées sur le site depuis sa mise en ligne et les dates correspondantes.

– Annexe 4 : extrait du site internet www.lemaevadistribution.fr Extrait de ce site de courses en ligne à Mayotte et commercialisant 2 sprays insecticides VAPE Fumakilla Capture d’écran de la page Facebook de ce commerçant sur laquelle on peut constater que le produit était commercialisé le 7 avril 2020.

– Annexe 5 : extrait https://advertising.amazon.com/fr-fr Article en français publié sur le site https://advertising.amazon.com/fr-fr concernant la mise en place d’une campagne publicitaire pour la marque VAPE, avec Amazon Advertising en 2020. 35. La plupart des éléments de preuve de l’usage sont datés dans la période pertinente. Les éléments de preuve antérieurs à 2015 étant relatifs aux relations contractuelles entre les parties et notamment à l’exploitation de la marque contestée avec le consentement du titulaire de la marque contestée, peuvent néanmoins être pris en considération dans le cadre d’une appréciation globale, en combinaison avec d’autres éléments de preuve datés, afin de confirmer l’usage de la marque pendant la période pertinente. 36. En outre, si, comme le souligne le demandeur, parmi les documents fournis certains ne sont pas datés (Annexes C et D ; Annexe 2), ils peuvent être combinés avec d’autres documents et comportent un certain nombre d’indications permettant de corroborer des indications utiles dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée. 37. Par conséquent, les éléments de preuve présentés par la titulaire de la marque contestée contiennent suffisamment d’indications concernant la période pertinente.

Usage par le titulaire ou avec son consentement 38. Les preuves d’usage doivent démontrer que le signe contesté est utilisé à titre de marque pour désigner un produit ou service, commercialisé ou fourni par son titulaire ou une personne autorisée. 39. En l’espèce, il ressort des pièces apportées par le titulaire de la marque contestée que celui-ci a conclu une licence d’exploitation exclusive le 19 avril 1996 avec la société GUABER S.R.L. ayant pour objet l’usage exclusif des marques « VAPE » par cette dernière dans de nombreux pays de l’Union Européenne dont la France (Annexe B). En outre, le site internet portant sur le signe VAPE fait apparaître différents produits revêtus de la marque VAPE, à savoir insecticides et répulsifs sous forme de spray, bombes, spirales, plaques, recharges pour prises électriques et fait référence au licencié exclusif GUABER SRL avec une adresse en Italie (Annexe C). Ainsi, les documents fournis susvisés ainsi que les extraits de sites internet intégrés dans les observations du titulaire de la marque contestée font apparaître la société GUABER S.R.L. en relation avec les produits susmentionnés en lien avec la marque VAPE. 40. En outre, l’annexe 4 fait référence à des produits insecticides VAPE Fumakilla vendus à Mayotte, faisant ainsi directement référence au titulaire de la marque contestée. 41. En conséquence, la marque contestée apparaît avoir été utilisée avec le consentement du titulaire de la marque contestée pendant la période pertinente. Lieu de l’usage 42. Les preuves doivent démontrer que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux en France. 43. Dans ses observations, le demandeur indique que les documents fournis par le titulaire de la marque contestée n’établissent pas un usage en France mais en Italie, les produits revêtus de la marque VAPE comportant des emballages dont les mentions sont rédigées en italien (annexes 1, 2 et 3) ; en outre, l’article publié sur le site internet https://advertising.amazon.com/fr-fr, même s’il est rédigé en français, fait référence à une campagne publicitaire visant la marque italienne VAPE (Annexe 5). 44. En l’espèce, il ressort notamment des Annexes 1, 2, 3 et 4, lues en combinaison, que la marque contestée a bien fait l’objet d’un usage sur le territoire français : les extraits de sites Internet sont rédigés en français, proposent la vente en ligne de produits insecticides sous diverses formes revêtus de la marque VAPE dont la description est rédigée en français et livrés en France. 45. En revanche, les annexes C et D sont des pages de sites Internet de vente en ligne dont l’adresse exacte n’apparait pas, rédigés en italien et faisant apparaître différents produits insecticides revêtus de la marque VAPE vendus en ligne par la société GUABER SRL dont l’adresse est située en Italie. 46. En outre, l’annexe 5 est constituée d’un article publié sur le site https://advertising.amazon.com/fr-fr concernant la mise en place d’une campagne publicitaire pour la marque VAPE, avec Amazon Advertising en 2020. Si cet article est rédigé en français, il fait référence à une marque italienne « En 2020, VAPE, une marque italienne d’insectifuges » et aux effets de cette campagne publicitaire en Italie sur les ventes de produits sur le site Amazon.it qui vise le public italien « L’entreprise est devenue le premier vendeur d’insecticides sur Amazon.it à l’été 2020 ». 47. Par conséquent, les éléments de preuve produits, à l’exception de ceux visés aux paragraphes 45 et 46, permettent d’établir un usage du signe contesté en France pendant la période pertinente. Nature et Importance de l’usage 48. Les preuves doivent démontrer que la marque contestée est utilisée en tant que marque, c’est-à- dire conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité des produits et services pour lesquels elle est enregistrée. Il est également nécessaire de prouver que la marque est utilisée telle qu’elle a été enregistrée, ou sous une forme modifiée qui n’altère pas le caractère distinctif de la marque contestée. 49. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle que protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (CJUE, 11 mars 2003, ANSUL, C-40/01, point 37). 50. En ce qui concerne l’importance de l’usage, tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, incluant la nature des produits et services pertinents et les caractéristiques du marché concerné, l’étendue territoriale de l’usage, son volume commercial, sa durée et sa fréquence. Sur l’usage en tant que marque 51. En l’espèce, l’ensemble des documents fournis par le titulaire de la marque contestée fait état d’un usage du signe VAPE sous la forme verbale sous laquelle il a été enregistré à titre de marque, mais également sous les formes complexes suivantes :

52. Il est constant que lorsqu’un ajout n’est pas distinctif ou dominant, cela n’altère pas le caractère distinctif de la marque enregistrée (TUE, 28/06/2017, Tayto group Ltd / EUIPO, T-287/15). 53. En l’espèce, force est de constater que les couleurs et éléments figuratifs ainsi que le terme DERM inscrit en plus petit caractères sur une ligne inférieure n’altèrent pas le caractère immédiatement perceptible de l’élément verbal VAPE, élément central et mis en exergue au sein de ces signes, en sorte qu’il apparaît dominant et son caractère distinctif non altéré. 54. Ainsi, il ressort des pièces apportées par le titulaire de la marque contestée que l’usage de la marque contestée s’est opéré, sous sa forme verbale ou modifiée, notamment sur des sites internet de vente en ligne pour commercialiser des insecticides, en sorte que cet usage s’est opéré publiquement et vers l’extérieur pendant la période pertinente. 55. Ainsi les pièces prises dans leur ensemble démontrent bien que la marque litigieuse est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits pour lesquels elle a été enregistrée. Importance de l’usage 56. La question de savoir si un usage est quantitativement suffisant pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque dépend ainsi de plusieurs facteurs et d’une appréciation au cas par cas. Les caractéristiques de ces produits ou de ces services, la fréquence ou la régularité de l’usage de la marque, le fait que la marque est utilisée pour commercialiser l’ensemble des produits ou des services identiques de l’entreprise titulaire ou simplement certains d’entre eux, ou encore les preuves relatives à l’usage de la marque que le titulaire est à même de fournir, sont au nombre des facteurs qui peuvent être pris en considération (CJUE, Ordonnance du 27 janvier 2004, La mer technology, C-259 /02).

57. Il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux ((CJUE, 11 mars 2003, ANSUL, C-40/01, point 39 ; Cass. Com. 24/05/2016, n° 14-17.533). 58. Il y a lieu de tenir compte pour l’appréciation d’un usage sérieux des caractéristiques du marché dans le secteur spécifique concerné. 59. Il ressort de la jurisprudence qu’« un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque (C.A. Versailles 19 novembre 2020). A cet égard, il convient de préciser que « plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée » (TUE du 15 juillet 2015, T-215/13, point 33). 60. Le demandeur souligne que les éléments fournis n’établissent pas de réalité économique et constante de la marque contestée et ne comportent aucune indication concernant la quantité et l’étendue territoriale des produits prétendument commercialisés. 61.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier et des pièces susvisées (Annexes 1, 2, 3 et 4) que le titulaire de la marque contestée a produit plusieurs extraits de site internet de vente en ligne proposant des produits insecticides revêtus de la marque VAPE sous les formes visées au point 51. Il n’apporte toutefois aucune précision permettant d’appréhender les particularités du marché en cause et aucun élément chiffré permettant d’établir que les sites internet www.amazon.fr , www.cdiscount.com, www.ebay.fr et www.lemaevadistribution.fr ayant proposé à la vente divers insecticides revêtus de la marque VAPE ont permis de créer des parts de marché en France pour les produits couverts par la marque contestée. En effet, comme le relève à juste titre le demandeur, les documents fournis par le titulaire de la marque contestée ne comportent « aucune indication concernant la quantité et l’étendue territoriale des produits prétendument commercialisés » et aucun « ordre de commande, documents comptables, factures ou attestation ». 62. Il résulte de ce qui précède que les pièces transmises fournissent des indications insuffisantes concernant l’importance de l’usage effectif qui a été fait de la marque contestée et ne permettent pas d’établir que l’usage du signe contesté ne constitue pas un usage de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

Usage pour les services enregistrés

63. La preuve de l’usage doit porter sur la période, le lieu, la nature et l’importance de l’usage qui a été fait de la marque en relation avec les produits et services pertinents, ces exigences étant cumulatives. 64. Dans la mesure où le titulaire de la marque contestée n’a pas justifié de l’importance de l’usage de sa marque, l’examen de la preuve de l’usage au regard des produits enregistrés n’apparaît pas nécessaire. 65. Par conséquent, l’usage sérieux de la marque contestée n’a pas été suffisamment démontré pour tous les facteurs pertinents, pour tous les produits visés à l’enregistrement de la marque contestée. Conclusion 66. Il ressort de ce qui précède que le titulaire de la marque contestée n’a démontré son usage sérieux pour aucun des produits visés dans la marque contestée, en sorte qu’il doit être déchu de ses droits sur cette dernière. 67. L’article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « La déchéance prend effet à la date de la demande ou, sur requête d’une partie, à la date à laquelle est survenu un motif de déchéance ». 68. En l’espèce, le demandeur a, dans son exposé des moyens, demande à ce que la déchéance soit prononcée à la date de la demande en déchéance, soit le 13 juillet 2021. 69. Par conséquent, le titulaire de la marque contestée est déchu de ses droits à compter du 13 juillet 2021, pour tous les produits visés à l’enregistrement. PAR CES MOTIFS DECIDE Article 1 : La demande en déchéance DC21-0097 est justifiée. Article 2 : La société de droit japonais FUMAKILLA LIMITED est déclarée déchue de ses droits sur la marque n° 1 354 471 à compter du 13 juillet 2021 pour l’ensemble des produits désignés à l’enregistrement.

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