La mesure d’expertise en référé en 10 Questions / Réponses

Résumé de cette affaire : Monsieur [N] [X] et Madame [F] [W] ont construit une maison sur leur terrain à [Localité 7]. L’entrepreneur Monsieur [D] [G] et la société SME Elec ont été engagés pour la maîtrise d’œuvre et les travaux d’électricité, plomberie et chauffage, respectivement. Après des plaintes de non-conformité, les maîtres d’ouvrage ont rompu les contacts avec le maître d’œuvre et ont réceptionné les travaux avec des réserves le 23 juin 2023. Ils ont mis en demeure M. [G] et SME Elec de lever les réserves et réparer les désordres par lettres recommandées en mars 2024. En juin 2024, ils ont assigné en référé M. [G], son assureur MIC Insurance company, et l’assureur de SME Elec, Ergo France, pour désigner un expert. Lors de l’audience du 25 septembre 2024, M. [G] ne s’est pas présenté. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer les travaux, les désordres et leurs causes, ainsi que les responsabilités et préjudices. Une provision de 5 000 € a été fixée pour la rémunération de l’expert, avec des délais pour la consignation et la remise du rapport. Les dépens ont été laissés à la charge des demandeurs, et d’autres demandes ont été rejetées.

1. Quelles sont les conditions pour ordonner une mesure d’expertise en référé ?

Pour ordonner une mesure d’expertise en référé, il est nécessaire de se référer à l’article 145 du Code de procédure civile, qui stipule :

« Si un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige existe, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé en référé. »

Ce motif légitime doit être constitué par des faits précis, objectifs et vérifiables, démontrant l’existence d’un litige plausible, même s’il est futur.

Il est également essentiel que l’action envisagée ne soit pas manifestement compromise, comme l’indique la jurisprudence (Civ. 2ème, 10 décembre 2020, n° 19-22.619).

Ainsi, les demandeurs doivent prouver qu’ils ont un intérêt légitime à voir ordonnée l’expertise, ce qui a été le cas dans l’affaire mentionnée, où des travaux avaient été réalisés avec des réserves.

2. Que se passe-t-il si le défendeur ne comparaît pas ?

L’article 472 du Code de procédure civile précise que :

« Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »

Cela signifie que même en l’absence du défendeur, le juge peut rendre une décision.

Cependant, il doit s’assurer que la demande est régulière et fondée sur des éléments probants.

Dans le cas étudié, le juge a vérifié la recevabilité de la demande des demandeurs, ce qui a permis de statuer malgré l’absence de Monsieur [D] [G].

3. Quelles sont les conséquences des réserves formulées par les défendeurs ?

Les réserves formulées par les défendeurs, comme celles des sociétés Ergo France et MIC Insurance company, ne peuvent pas être considérées comme des éléments qui compromettent la demande d’expertise.

En effet, selon la jurisprudence, les parties défenderesses à une expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 ne sont pas considérées comme perdantes au sens des articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

Ainsi, même si des réserves sont émises, cela n’empêche pas le juge de statuer sur la demande d’expertise, tant que celle-ci est jugée régulière et fondée.

4. Quelles sont les missions de l’expert désigné par le juge ?

L’ordonnance de désignation de l’expert précise plusieurs missions qui lui sont confiées, notamment :

– Se rendre sur place et convoquer les parties.
– Entendre les parties et tous sachants.
– Vérifier la réalité des désordres et malfaçons invoqués.

L’expert doit également décrire les travaux effectués et déterminer s’ils ont été réalisés conformément aux règles de l’art.

Il doit rechercher les causes des désordres et préciser leur nature, ainsi que leur impact sur la solidité de l’immeuble.

Enfin, il doit dresser un rapport de ses opérations dans un délai de huit mois, après avoir transmis un pré-rapport aux parties.

5. Quelle est la procédure de consignation des frais d’expertise ?

La consignation des frais d’expertise est régie par l’ordonnance qui fixe à 5 000 € la provision à valoir sur la rémunération de l’expert.

Les demandeurs, Monsieur [N] [X] et Madame [F] [W], doivent consigner cette somme par chèque émis à l’ordre du régisseur du tribunal judiciaire de Rennes dans un délai de deux mois.

Si cette consignation n’est pas effectuée dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque.

L’expert commencera ses opérations après avoir reçu l’avis de la consignation, ce qui garantit que les frais seront couverts avant le début de l’expertise.

6. Quelles sont les implications des dires des parties sur le rapport de l’expert ?

L’expert est tenu de communiquer un pré-rapport aux parties, leur laissant un délai suffisant pour présenter leurs observations.

Ces observations, sous forme de dires, doivent être prises en compte par l’expert dans son rapport définitif.

Cela garantit que toutes les parties ont la possibilité de faire valoir leurs arguments et que le rapport final est équilibré et complet.

L’expert doit répondre à tous les dires des parties, ce qui renforce la transparence et l’équité de la procédure d’expertise.

7. Quelles sont les conséquences de la charge des dépens dans une procédure d’expertise ?

Selon l’article 491 du Code de procédure civile, le juge des référés statue sur les dépens.

Il est établi que les parties défenderesses à une expertise ne peuvent pas être considérées comme perdantes, ce qui signifie que la charge des dépens peut rester provisoirement à la charge des demandeurs.

Dans l’affaire en question, Monsieur [N] [X] et Madame [F] [W] conservent donc la charge des dépens, ce qui est conforme à la jurisprudence constante sur ce sujet.

8. Quelles sont les obligations de l’expert en matière de délais ?

L’expert a plusieurs obligations en matière de délais, notamment :

– Il doit communiquer un état prévisionnel détaillé de ses frais et honoraires lors de la deuxième réunion.
– Il doit déposer son rapport au greffe dans un délai de huit mois à compter de l’avis de consignation.

Ces délais sont cruciaux pour assurer une bonne gestion de la procédure d’expertise et pour éviter des retards injustifiés dans la résolution du litige.

Le respect de ces délais est également essentiel pour garantir la satisfaction des parties et la bonne marche de la justice.

9. Quelles sont les conséquences d’une absence de réserves lors de la réception des travaux ?

Si la réception des travaux a été prononcée sans réserves, cela peut avoir des conséquences sur la responsabilité des parties.

L’expert doit préciser si la réception a été accompagnée de réserves et, le cas échéant, indiquer si des travaux de reprise ont été effectués.

L’absence de réserves peut signifier que les travaux ont été acceptés tels quels, ce qui pourrait limiter les recours des demandeurs en cas de désordres ultérieurs.

Cela souligne l’importance de la réception des travaux dans le cadre des litiges liés à la construction.

10. Quelles sont les implications de la désignation d’un magistrat pour contrôler les opérations d’expertise ?

La désignation d’un magistrat en charge du service des expertises a pour but de garantir le bon déroulement des opérations d’expertise.

Ce magistrat a le pouvoir de contrôler les opérations et, en cas d’empêchement de l’expert, de procéder à son remplacement.

Cela assure une continuité dans la procédure et protège les droits des parties en cas de problème avec l’expert désigné.

Cette mesure vise à renforcer la confiance dans le processus d’expertise et à garantir que les décisions prises sont justes et équitables.