La copie servile de fonctionnalités de jeu vidéo

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En matière de copie servile de jeux vidéo, si la caractérisation d’un risque de confusion n’est pas une condition pour établir le parasitisme, la preuve de l’existence d’une valeur économique individualisée est nécessaire pour établir le préjudice en matière de concurrence déloyale.

En la cause, la
société Voodoo établit qu’un certain nombre de caractéristiques de son jeu, dépassant les éléments constituant de manière récurrente un jeu hyper casual “relier et conquérir”, se retrouve dans le jeu Tower war. Outre les éléments d’apparence précédemment invoqués sur le fondement de la contrefaçon, se retrouvent dans le jeu des sociétés Saygames, des caractéristiques tenant à la configuration, aux interactions ou encore aux étapes de progression du jeu. Il s’agit notamment des modalités de liaison de deux bâtiments avec le doigt, du nombre de liaisons disponibles par bâtiment, de la façon dont “meurt” un personnage, du fait que les bâtiments grandissent et changent de couleur, des scores “MAX” de 65 à certains niveaux, du gain d’argent virtuel à l’issue des parties, de la faculté de faire doubler le nombre de soldats en échange du visionnage d’une publicité

Toutefois, si les reprises de caractéristiques sont nombreuses, ces différences font néanmoins obstacle à ce que la qualification de copie servile puisse être admise.

Si la preuve du caractère servile d’une copie peut suffire à démontrer la concurrence déloyale, la démonstration d’une confusion dans l’esprit du public est nécessaire lorsque l’imitation n’est pas parfaite, ce qui est le cas en l’espèce. Or, la société Voodoo n’invoque ni ne caractérise le risque de confusion, se concentrant sur le fondement du parasitisme.

Constitue un acte de concurrence déloyale la copie servile d’un produit commercialisé par une entreprise susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle (Civ. 1ère, 9 avril 2015, n°14-11.853). La démonstration de ce que le produit concurrent est une copie pure et simple permet d’établir la concurrence déloyale.

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.

De fait, il est constant qu’en application du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, le simple acte de copie n’est pas en soi fautif (Cass. com., 18 juin 2002, n° 00-18.436).

La copie ou l’imitation ne devient fautive que si elle s’accompagne de circonstances déloyales, ce qui est le cas notamment, lorsque le tiers crée un risque de confusion dans l’esprit du public, ou encore lorsqu’il se place dans le sillage de l’entreprise qui commercialise le produit copié en tirant indûment profit de ses investissements ou de sa notoriété.

Le parasitisme n’exige pas de risque de confusion. Il consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, n°16-23.694).

L’action en concurrence déloyale n’est pas un succédané de l’action en contrefaçon et exige la preuve d’une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (Cass. com., 18 sept. 2019, n° 17-23.253).

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Résumé de l’affaire

L’affaire oppose la société Voodoo, spécialisée dans les jeux vidéo pour téléphones mobiles, aux sociétés SayGames LLC et SayGames LTD, qui éditent des jeux dans le même segment. Voodoo accuse SayGames de contrefaçon de dessins et modèles communautaires avec leur jeu Tower War, qui serait une copie de City Takeover et Town Takeover. Voodoo demande des dommages-intérêts, le retrait du jeu incriminé et des mesures de publication du jugement. SayGames conteste les accusations et demande à être mis hors de cause, affirmant qu’il n’y a pas eu de contrefaçon ni de concurrence déloyale. L’affaire est en attente de jugement.

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