L’employeur est en droit d’opérer un contrôle ponctuel sur l’outil professionnel utilisé par ses salariés (ordinateurs connecté à Internet). Toutefois, les courriels provenant de la messagerie personnelle du salarié sont couverts par le secret des correspondances, même si ces emails sont consultés depuis son ordinateur professionnel. L’usage ponctuel de l’internet à titre privé est toléré même pendant les heures de travail.
Internet au travail : licenciement abusif
Dans cette affaire, il ressort de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, qu’il est reproché à Mme [R] un usage abusif et répété de l’outil internet pendant les heures de travail consistant en des consultations de sites internet sans caractère professionnel.
La SARL IMAGINE SOFT produit des captures d’écran issues de la messagerie personnelle de Mme [R], une liste des connexions internet de Mme [R] du 26 octobre 2017 et plusieurs attestations de salariés.
Il ressort des éléments du dossier, et notamment de l’attestation de M. [H], que l’employeur n’a pas utilisé d’outil de contrôle, comme l’affirme la salarié, mais a réalisé un contrôle ponctuel sur l’outil professionnel utilisé par Mme [R].
Le secret des correspondances au travail
Il est de principe que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée. Celle-ci implique en particulier le secret des correspondances.
L’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur.
Si l’accès à un serveur de l’opérateur internet sur lequel étaient stockés les messages, s’effectue au moyen de l’ordinateur professionnel, cette circonstance est sans incidence sur le caractère privé de la boîte aux lettres électronique personnelle de la salariée.
Il en résulte que les courriels provenant de la messagerie personnelle de Mme [R] sont couverts par le secret des correspondances, même si elle les consulte depuis son ordinateur professionnel.
En l’espèce, dès lors que les messages provenaient de la messagerie personnelle de la salariée, distincte de la messagerie professionnelle, la SARL IMAGINE SOFT ne pouvait, par principe, les produire en justice dans le cadre d’un litige prud’homal.
Une preuve illicite n’est pas nécessairement écartée
Cependant, si une preuve illicite ou obtenue de manière déloyale n’est plus nécessairement écartée des débats dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.
En effet, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En l’espèce, la SARL IMAGINE SOFT est en mesure de produire d’autres éléments, à savoir un relevé des connexions internet de la salarié et des attestations de salariés, de sorte que la production de captures d’écran issues de la messagerie personnelle de la salariée n’était pas indispensable à l’exercice de son droit à la preuve.
Par ailleurs, alors que le droit à la vie privée et, celui qui en découle, au secret des correspondances, sont des droits d’une particulière importance, il doit être considéré que le fait de porter à la connaissance de la cour les contenus des messages qui n’ont pas d’intérêt direct sur le litige, dès lors que leur caractère personnel est établi, porte une atteinte disproportionnée au but poursuivi invoqué par l’employeur, à savoir la protection des intérêts de la société. En conséquence, la preuve illicite découlant d’une pièce a été écartée des débats.
Les connexions internet sont présumées professionnelles
D’autre part, alors que Mme [R] a été parfaitement informée par une note de service qu’elle a signée, que l’employeur pouvait vérifier l’état des connexions internet de chaque salarié, il est de principe que les connexions établies par un salarié sur des sites pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail, sont présumées avoir une caractère professionnel de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors la présence du salarié.
Il en résulte qu’un relevé de connexion est parfaitement recevable.
Une navigation internet sans abus
Toutefois, alors que le relevé des connexions ne concerne qu’une seul journée, l’examen de cette pièce permet d’établir que l’essentiel des connexions a eu lieu entre douze heures et quatorze heures, ce qui correspond au temps de la pause méridienne de la salariée.
Par ailleurs, les connexions à la messagerie personnelle de la salariée ont été réalisées sur de courtes durée (ainsi, par exemple, pour la plus longue, entre 16 heures 10 et 16 heures 16).
En conséquence, il ne ressort pas de cette pièce le grief d’un usage abusif de l’outil internet pendant les heures de travail.
Dans ces conditions, il s’ensuit que non seulement le licenciement de la salariée ne repose pas sur une faute grave mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse