L’indemnité prévue par la Convention collective applicable prime toujours lorsqu’elle est plus avantageuse pour le salarié que l’indemnité légale de licenciement puisque l’article L. 1234-2 du code du travail dispose que dans le cas d’un licenciement pour motif personnel, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un dixième de mois de salaire par année d’ancienneté et à partir de dix ans d’ancienneté, cette indemnité minimum s’élève à un dixième de mois de salaire plus un quinzième de mois par année d’ancienneté au-delà de dix ans.
La solution juridique apportée à cette affaire est la suivante :
1. Sur le licenciement :
– Le licenciement pour faute grave est écarté, seule la cause réelle et sérieuse est retenue.
– Le salarié est condamné à recevoir une indemnité de congés payés.
– Les demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont rejetées.
2. Sur les demandes financières :
– Le salarié est condamné à recevoir une indemnité de congés payés, un rappel de salaire au titre de la mise à pied, un préavis et une indemnité de licenciement conformément à la convention collective de la mutualité.
– Les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales et indemnitaires à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation.
– La M.I.E. est condamnée à payer à M. [T] [O] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
En conclusion, le licenciement pour faute grave est écarté, et le salarié est indemnisé pour les différents préjudices subis.
M. [T] [O] a été engagé par l’UNIMIE en 2004 en tant que responsable comptabilité et contrôleur de gestion, puis a été promu Directeur général de la MIE en 2011. Il a été licencié pour faute grave en 2018, ce qu’il conteste devant le conseil de prud’hommes de Créteil. Ses demandes ont été rejetées en première instance et il a interjeté appel. Les parties ont chacune des prétentions financières et demandent des dommages et intérêts. L’affaire est en attente d’audience devant la cour.
Dans cette affaire, le salarié a été licencié pour avoir émis une critique de la gestion de la M.I.E., revêtant les allures d’une alerte ou d’un plaidoyer, mais non d’un refus de suivre loyalement les décisions de la mutuelle ou d’y faire obstruction.
Les parties sont contraires en ce que M. [T] [O] prend en compte à juste titre la prime d’ancienneté et la prime conventionnelle trimestrielle, de sorte qu’il sera fait droit à sa demande.
S’agissant de l’indemnité de licenciement, aux termes de l’article 16-2 de la convention collective de la mutualité, sauf dans le cas d’un licenciement pour faute grave ou d’un licenciement pour faute lourde, tout salarié licencié bénéficie outre le délai congé, d’une indemnité de licenciement représentant autant de fois la moitié du dernier salaire mensuel brut moyen des 12 derniers mois que ce salarié compte d’années de présence dans l’organisme, cette indemnité ne pouvant dépasser la valeur de quinze jours.
Cette indemnité est plus avantageuse pour le salarié que l’indemnité légale de licenciement puisque l’article L. 1234-2 du code du travail dispose que dans le cas d’un licenciement pour motif personnel, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un dixième de mois de salaire par année d’ancienneté et à partir de dix ans d’ancienneté, cette indemnité minimum s’élève à un dixième de mois de salaire plus un quinzième de mois par année d’ancienneté au-delà de dix ans.
Dés lors il n’y a pas lieu d’appliquer l’article L. 1234-9 du Code du travail et par suite de retenir comme le fait M. [T] [O] pour le calcul de l’indemnité de licenciement la moyenne des trois ou des douze derniers mois, selon ce qui est le plus avantageux pour le salarié en application.
Le salarié avait à la fin du préavis une ancienneté de 13 ans, 11 mois et 28 jours d’ancienneté, soit 13 ans accomplis et son salaire brut moyen des douze derniers mois, seul à retenir selon le mode de calcul prévu par la convention collective, était de 9 148,50 euros.
Ainsi le premier grief tiré du prétendu refus de la politique de gestion souhaitée par le conseil d’administration est écarté.
Cette correspondance manifeste en revanche bien un désaccord avec la présidence du conseil.
Toutefois, un désaccord n’est pas à lui seul, une faute disciplinaire, le devoir d’un cadre dirigeant étant précisément d’alerter son employeur s’il estime les décisions prises inadéquates, quitte à se plier en définitive à la décision prise par sa hiérarchie.
Sur le licenciement
La M.I.E. reproche au salarié d’avoir critiqué la politique commerciale et le marketing de l’entreprise dans un courriel, en dénigrant l’action de la présidente et en violant le secret professionnel. Le salarié se défend en affirmant avoir simplement informé le conseil d’administration de la situation de la mutuelle. La faute grave est écartée et seule la cause réelle et sérieuse du licenciement est retenue.
Sur les demandes financières
L’indemnité de congés payés
Le salarié réclame le paiement d’une indemnité de congés payés non versée. La cour condamne l’employeur à lui verser la somme demandée.
Sur les indemnités de rupture
Le salarié réclame des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des rappels de salaire au titre de la mise à pied et du préavis. La cour accorde les sommes demandées en prenant en compte les primes conventionnelles.
Sur les intérêts, l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les intérêts légaux courent sur les créances salariales et indemnitaires à partir de certaines dates. La M.I.E. est condamnée à verser des frais irrépétibles à M. [T] [O]. Chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens.
– 2155,20 euros de rappel de salaire sur mise à pied au titre du mois de mai 2018
– 215,52 euros d’indemnité de congés payés y afférents
– 11 363,23 euros de rappel de salaire sur la mise à pied au titre du mois de juin 2018
– 1 136,32 euros d’indemnité de congés payés y afférents
– 27 742,68 euros d’indemnité de préavis
– 2774,26 euros d’indemnité de congés payés y afférents
– 59 465,25 euros d’indemnité de licenciement
– 1 206,49 euros d’indemnité de congés payés
– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
Réglementation applicable
– Article L. 1235-2 du Code du travail
– Article L. 1232-6 du Code du travail
– Article L. 1233-16 du Code du travail
– Article L. 1233-42 du Code du travail
– Article L. 1234-1 du Code du travail
– Article L. 1234-9 du Code du travail
– Article 16-2 de la convention collective de la mutualité
– Article L. 1234-2 du Code du travail
– Article L. 1234-9 du Code du travail
– Article 700 du code de procédure civile
– Article 1231-7 du code civil
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Frédérique BAULIEU, avocat au barreau de PARIS
– Me Mehdi CAUSSANEL HAJI, avocat au barreau de PARIS
Mots clefs associés
– Licenciement
– Courriel
– Critiques
– Politique commerciale
– Marketing
– Secret professionnel
– Obligation de discrétion
– Faute grave
– Preavis
– Indemnité de licenciement
– Congés payés
– Dommages-intérêts
– Rupture
– Prime trimestrielle
– Prime d’ancienneté
– Indemnité légale de licenciement
– Intérêts
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens
– Licenciement : rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur
– Courriel : message électronique envoyé par voie informatique
– Critiques : jugements négatifs ou observations défavorables
– Politique commerciale : ensemble des décisions prises par une entreprise pour promouvoir ses produits ou services
– Marketing : ensemble des techniques visant à promouvoir la vente de produits ou services
– Secret professionnel : obligation de ne pas divulguer des informations confidentielles
– Obligation de discrétion : devoir de garder confidentielles certaines informations
– Faute grave : manquement grave aux obligations contractuelles pouvant justifier un licenciement immédiat
– Préavis : période de temps pendant laquelle l’employeur ou le salarié doit informer de la fin du contrat de travail
– Indemnité de licenciement : somme versée au salarié en cas de licenciement
– Congés payés : période de repos rémunérée accordée au salarié
– Dommages-intérêts : réparation financière versée à la victime d’un préjudice
– Rupture : fin du contrat de travail
– Prime trimestrielle : prime versée chaque trimestre
– Prime d’ancienneté : prime versée en fonction de la durée de service du salarié
– Indemnité légale de licenciement : indemnité minimale prévue par la loi en cas de licenciement
– Intérêts : somme due en réparation d’un préjudice subi
– Article 700 du code de procédure civile : disposition permettant au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour ses frais de justice
– Dépens : frais de justice supportés par les parties au procès
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 03 AVRIL 2024
(n° /2024, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03624 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5A6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRÉTEIL – RG n° F18/01592
APPELANT
Monsieur [T] [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Frédérique BAULIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0110
INTIMEE
MUTUELLE INTERGROUPES D’ENTRAIDE Prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Mehdi CAUSSANEL HAJI, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. DE CHANVILLE Jean-François, président de chambre rédacteur
Mme. BLANC Anne-Gaël, conseillère
Mme. MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [T] [O], né en 1965, a été engagé par l’Union nationale informatique de mutuelles interprofessionnelles et d’entreprises désignée sous le sigle ‘UNIMIE’, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2004, en qualité de responsable comptabilité et contrôleur de gestion.
Son contrat de travail a été transféré à la MIE le 1er janvier 2006.
La Mutuelle intergroupes d’entraides désignée sous sigle ‘MIE’ est une société mutualiste.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la mutualité.
M. [T] [O] a été promu Directeur général adjoint le 1er avril 2011, puis Directeur général le 1er juillet 2011.
Le 24 mai 2018, il a été mis à pied à titre conservatoire et a été convoqué par lettre du 7 juin 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 juin 2018.
La rupture lui a été notifiée pour faute grave par lettre datée du 28 juin 2018, dans les termes suivants :
«’Cette décision est motivée par le message électronique que vous avez adressé le samedi 19 mai 2018 aux administrateurs de la MIE ainsi qu’à d’autres destinataires.
Le contenu de votre message montre, à l’évidence, votre refus de la politique de gestion souhaitée par le Conseil d’administration et votre total désaccord avec la présidence du conseil, chargée de mettre en ‘uvre les orientations. Mais, surtout, ce message contenant des pièces jointes concernant des éléments confidentiels sur la politique commerciale et marketing de la MIE a été transmis à des tiers non habilités à les recevoir».
A la date du licenciement, la MIE occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant son licenciement, M. [T] [O] a saisi le 6 novembre 2018 le conseil de prud’hommes de Créteil, aux fins de voir condamner la MIE à lui verser les sommes suivantes :
– 2.155,20 euros de rappel de salaires pour la mise à pied et pour la période de mai 2018 et 215,52 euros d’indemnité de congés payés afférents ;
– 11.363,23 euros de rappel de salaires pour la mise à pied et pour la période de juin 2018 et 1.136,32 euros d’indemnité de congés payés afférents ;
– 27.742,68 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 2.774,26 euros d’indemnité de congés payés afférents ;
– 65.868,62 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 110.180,23 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il entendait également voir ordonner la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie et d’une attestation pour Pôle emploi conformes à la décision à intervenir, juger que les dites sommes porteraient intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et condamner la MIE à supporter les entiers dépens.
La MIE s’est opposée à ces prétentions, a sollicité l’allocation de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civil et a demandé la condamnation du demandeur aux entiers dépens.
Par jugement du 16 mars 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, M. [T] [O] a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens ainsi qu’au versement de la somme de 1.300 euros à la défenderesse en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 17 juin 2020, le demandeur a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 2 juin 2020.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 octobre 2022, l’appelant demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
S’agissant de la contestation du décompte de l’indemnité de congés payés à la date du 24 mai 2018, M. [T] [O] demande à la cour de lui allouer la somme de 1 206,49 euros compte tenu des sommes de 4.467,12 euros puis 9.687,39 euros versées par l’intimée à ce titre.
Pour le surplus, M. [T] [O] réitère l’intégralité de ses demandes de première instance à l’exception de l’élévation de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 4.000 euros.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 octobre 2022, l’intimée demande la confirmation et sollicite la condamnation de l’appelant à lui verser, en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de 1.300 euros au titre de la première instance et 4.000 euros au titre de l’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 21 novembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
1 : Sur le licenciement
La M.I.E. reproche au salarié de s’être livré dans un courriel destiné aux membres du conseil d’administration et à d’autres personnes à des critiques de la politique commerciale et du marketing de l’entreprise en dénigrant l’action de la présidente en manifestant son refus de la politique de gestion, sur un ton condescendant ou virulent, à partir de suppositions hasardeuses, noircissant toutes les actions de la mutuelle. Elle impute également au salarié une violation du secret professionnel et de l’obligation de discrétion visés à son contrat de travail en communiquant à des personnes non-membres du conseil d’administration les critiques précitées et 43 pages de tableaux, chiffres, propositions d’orientation commerciales et analyses du cabinet d’actuariat.
S’agissant de la divulgation d’informations à des personnes extérieures au conseil d’administration, M. [T] [O] rappelle qu’un courrier de la M.I.E. a précisé en réponse à la demande du salarié formulée en application de l’article L. 1235-2 du Code du travail, qu’il s’agissait de la mise en copie du courriel litigieux à M. [N] lié par un PACS à M. [O] et qui a été administrateur de la M.I.E. du 9 juillet 2010 à octobre 2017. Le salarié prétend que les renseignements fournis par le courriel litigieux postérieurs au départ de M. [N] ne contiennent aucune information confidentielle. Il souligne que les deux autres adresses mail de personnes mises en copie sont son adresse personnelle ou celle de l’assistante de la présidente ou du directeur opérationnel totalement associée au fonctionnement de l’entreprise. Quant au contenu du message reproché, le salarié estime n’avoir fait qu’apporter au conseil d’administration une information écrite sur la situation de la mutuelle et le déficit engendré par l’offre de la gamme horizon, sur les dangers courus par la M.I.E. du fait de la présidente et sur les risques pour M. [T] [O] de se voir mis en cause. Il allègue que le ton de sa correspondance était adapté au regard de l’enjeu et des comportements grossiers de la présidente vis à vis de salariés de la mutuelle.
Sur ce
Aux termes de l’article L. 1235-2 du Code du travail, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’Etat. La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception 20 juillet 2018, la M.I.E. a précisé que le grief tiré de l’envoi du message à des tiers non habilités à les recevoir contenant des pièces confidentielles sur la politique commerciale et marketing de la mutuelle concernait l’envoi à M. [N].
Par conséquent, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, tient dans les reproches suivants :
– Refus de la politique de gestion souhaitée par le conseil d’administration ;
– Désaccord manifesté avec la présidence du conseil ;
– Envoi d’éléments confidentiels sur la politique commerciale et marketing de la M.I.E. à M. [N].
Il résulte des articles L. 1234 – 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié d’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Le document litigieux contient en substance un exposé de la cause des déficits de la mutuelle du point de vue du salarié, qui impute la situation à l’absence de décisions suffisamment rapides quant à l’offre du contrat Horizon structurellement déficitaire qui aurait compromis de plus en plus la situation financière de la mutuelle du fait que le succès de ce produit serait accéléré auprès des adhérents accéléré par sa mise en ligne sur le site ‘Que choisir ».
Ce document tend à mettre en valeur toutes les précautions et mises en garde de son auteur qui rappelle les propositions qu’il a faites pour mettre fin à ce qu’il appelle le ‘train fou’, en mettant en valeur de manière très directe l’absence d’écoute, de sérieux et d’esprit fédératif de la directrice. L’intéressé s’appuie dans le courriel en question sur des échanges de messages, des rapports d’audit, des documents comptables, des tableaux financiers et autres pièces confidentielles qui sont tous reproduits.
Ce courriel par lequel M. [T] [O] entendait se défendre de toute mise en cause de sa responsabilité alors qu’il avait de mauvaises relations avec la directrice caractérisées par un courriel qu’il a envoyé à celle-ci peu de temps auparavant, le 6 mars 2018 pour lui reprocher son attitude injurieuse ou dénigrante vis à vis de ses subordonnés.
Ceci caractérise une critique de la gestion de la M.I.E., revêtant les allures d’une alerte ou d’un plaidoyer, mais non d’un refus de suivre loyalement les décisions de la mutuelle ou d’y faire obstruction.
Ainsi le premier grief tiré du prétendu refus de la politique de gestion souhaitée par le conseil d’administration est écarté.
Cette correspondance manifeste en revanche bien un désaccord avec la présidence du conseil.
Toutefois, un désaccord n’est pas à lui seul, une faute disciplinaire, le devoir d’un cadre dirigeant étant précisément d’alerter son employeur s’il estime les décisions prises inadéquates, quitte à se plier en définitive à la décision prise par sa hiérarchie.
Comme le relève M. [T] [O], M. [N] a été administrateur de la mutuelle du 9 juin 2010 jusqu’à sa démission en octobre 2017, de sorte qu’il connaissait les documents reproduits par le courriel, à l’exception du tableau de bord 2017, arrêté au 31 octobre 2017, du tableau de bord 2017 arrêté au 31 décembre 2017 et du tableau de suivi des marges actuarielles arrêté au 30 novembre 2017.
Cependant, ces éléments récents accompagnés de commentaires sévères de M. [T] [O] étant de nature à diffuser à la concurrence notamment une information précise et dévalorisante n’avaient pas lieu d’être entre les mains de tiers, pas plus que les pièces plus anciennes, dont il fallait éviter de favoriser la propagation.
Les qualités de conjoint lié par un PACS à M. [N] ou d’ancien administrateur de celui-ci ne rendaient pas le procédé admissible.
Cependant au regard du caractère ostensible de la communication dont le conseil d’administration a été informé intentionnellement par M. [T] [O], cette divulgation se trouvait moins déloyale, de sorte que le maintien du salarié dans l’entreprise demeurait possible.
La faute grave est donc écartée et seule la cause réelle et sérieuse sera retenue.
2 : Sur les demandes financières
2.1 : L’indemnité de congés payés
M. [T] [O] sollicite le paiement de la somme de 1 206,49 euros d’indemnité de congés payés au motif qu’il n’a reçu que les sommes de 9 687,39 euros et 4 467,12 euros au lieu de la somme totale de 15 361 euros en rémunération de 40,083 jours, compte tenu notamment des droits acquis au titre de la mise à pied conservatoire.
La M.I.E. estime avoir rempli le salarié de ses droits à cet égard.
Sur ce
L’absence de report sur la feuille de paie de juin 2018 des congés acquis transcrits sur celle de mai, ainsi que des congés payés acquis encore antérieurement pendant la période de référence, aboutit à un solde de 40,043 jours.
Reprenant le calcul exact du salarié, la cour condamne l’employeur à lui verser la somme de 1 206,49 euros.
2.2 : Sur les indemnités de rupture
Au vu des motifs qui précèdent, la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut qu’être rejetée.
Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied, M. [T] [O] sollicite la somme de 14 870, 27 euros compte tenu de l’indemnité de congés payés y afférents, tandis que la M.I.E. offre à titre subsidiaire la somme de 9799 euros outre 979,90 euros d’indemnité de congés payés y afférents.
Les parties sont contraires en ce que le salarié prend en compte à juste titre la prime trimestrielle conventionnelle égale à 38,75 % de la rémunération mensuelle brute.
Par suite, il sera fait droit à la demande.
S’agissant du préavis, M. [T] [O] sollicite la somme de 27 742,68 euros en indemnisation des trois mois de préavis outre la somme de 2 774,26 euros d’indemnité de congés payés y afférents et la M.I.E. offre subsidiairement la somme de 24 746,49 euros outre 2 444,65 euros d’indemnité de congés payés y afférents.
Les parties sont contraires en ce que M. [T] [O] prend en compte à juste titre la prime d’ancienneté et la prime conventionnelle trimestrielle, de sorte qu’il sera fait droit à sa demande.
S’agissant de l’indemnité de licenciement, aux termes de l’article 16-2 de la convention collective de la mutualité, sauf dans le cas d’un licenciement pour faute grave ou d’un licenciement pour faute lourde, tout salarié licencié bénéficie outre le délai congé, d’une indemnité de licenciement représentant autant de fois la moitié du dernier salaire mensuel brut moyen des 12 derniers mois que ce salarié compte d’années de présence dans l’organisme, cette indemnité ne pouvant dépasser la valeur de quinze jours.
Cette indemnité est plus avantageuse pour le salarié que l’indemnité légale de licenciement puisque l’article L. 1234-2 du code du travail dispose que dans le cas d’un licenciement pour motif personnel, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un dixième de mois de salaire par année d’ancienneté et à partir de dix ans d’ancienneté, cette indemnité minimum s’élève à un dixième de mois de salaire plus un quinzième de mois par année d’ancienneté au-delà de dix ans.
Dés lors il n’y a pas lieu d’appliquer l’article L. 1234-9 du Code du travail et par suite de retenir comme le fait M. [T] [O] pour le calcul de l’indemnité de licenciement la moyenne des trois ou des douze derniers mois, selon ce qui est le plus avantageux pour le salarié en application.
Le salarié avait à la fin du préavis une ancienneté de 13 ans, 11 mois et 28 jours d’ancienneté, soit 13 ans accomplis et son salaire brut moyen des douze derniers mois, seul à retenir selon le mode de calcul prévu par la convention collective, était de 9 148,50 euros.
L’indemnité de licenciement se calcule comme suit :
(9 148,50 : 2) x 13 = 59 465,25 euros
Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné la délivrance des documents de fin de contrat sollicités dans les conditions prévues au dispositif, sans qu’il soit nécessaire de fixer une astreinte.
3 : Sur les intérêts, l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.
Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile de condamner la M.I.E. à payer à M. [T] [O] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d’appel.
Chacune des parties succombant partiellement conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;
INFIRME le jugement déféré, sauf sur la demande de M. [T] [O] en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur la demande de la M.I.E. en paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau ;
CONDAMNE la M.I.E. à payer à M. [T] [O] les sommes suivantes :
– 2155,20 euros de rappel de salaire sur mise à pied au titre du mois de mai 2018 ;
– 215,52 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;
– 11 363,23 euros de rappel de salaire sur la mise à pied au titre du mois de juin 2018 ;
– 1 136,32 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;
– 27 742,68 euros d’indemnité de préavis ;
– 2774,26 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;
– 59 465,25 euros d’indemnité de licenciement ;
– 1 206,49 euros d’indemnité de congés payés ;
– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;
ORDONNE la remise d’un certificat de travail, d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation pour France travail conformes au présent arrêt dans les deux mois de la signification du présent arrêt ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE la M.I.E. à payer à M. [T] [O] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel ;
Le greffier La présidente de chambre