Le licenciement pour faute grave implique une réaction immédiate de l’employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.
La sanction du licenciement doit être proportionnée à la faute du salarié : il convient de ne pas confondre la faute grave de la cause sérieuse de licenciement.
Chargement en cours…
Rejet des débats des pièces 14 et 15 de l’employeur
Le salarié demande le rejet des pièces 14 et 15 produites par l’employeur, arguant qu’elles sont illisibles. Cependant, la cour considère que ces pièces ont été régulièrement communiquées et qu’elles seront prises en compte dans l’appréciation de l’affaire.
Licenciement pour faute grave
Le salarié conteste les griefs qui lui sont reprochés, notamment le retard dans le lancement de la campagne de solde. Cependant, la cour estime que la faute grave est établie, mais que les conséquences sur le chiffre d’affaires ne sont pas prouvées. Le licenciement est jugé justifié par une cause réelle et sérieuse, mais non pour faute grave.
Demande de dommages-intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement
Le salarié réclame des dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire. L’employeur conteste cette demande, mais la cour considère qu’elle est suffisamment rattachée à la demande initiale du salarié. Cependant, le caractère brutal du licenciement n’est pas établi, et la demande est rejetée.
Synthèse de l’affaire
En résumé, le licenciement du salarié pour faute grave est confirmé comme étant justifié par une cause réelle et sérieuse. Les griefs retenus contre le salarié concernent principalement un retard dans le lancement d’une campagne de solde, mais les conséquences sur le chiffre d’affaires ne sont pas prouvées. La demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire est rejetée, et le salarié est condamné aux dépens de la procédure d’appel.
– M. [J] est débouté de ses demandes autres, plus amples, ou contraires.
– M. [J] n’est pas condamné à payer une indemnité à la société Monoprix sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– M. [J] est condamné aux dépens de la procédure d’appel.
Réglementation applicable
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l’employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Franck LAFON
– Me Christel BOISSEL
– Me Cécile FOURCADE
Mots clefs associés
– Licenciement
– Faute grave
– Société Monoprix
– Tribunal de prud’hommes
– Rémunération
– Contrat de travail
– Entretien préalable
– Domaine SI
– Responsable du domaine SI
– Convention collective
– Licenciement pour cause réelle et sérieuse
– Indemnités
– Appel
– Dommages et intérêts
– Conseil de prud’hommes
– Article 700 du code de procédure civile
– Chronogramme
– Soldes d’été
– Trafic client
– Déploiement des projets
– Recrudescence d’incidents techniques
– Illégalité de l’ouverture du site Web
– Exécution provisoire
– Moyenne mensuelle de salaire
– Dépens
– Appel incident
– Licenciement : rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur
– Faute grave : faute commise par le salarié rendant impossible son maintien dans l’entreprise
– Société Monoprix : entreprise de distribution française
– Tribunal de prud’hommes : juridiction compétente pour les litiges entre employeurs et salariés
– Rémunération : ensemble des sommes versées au salarié en contrepartie de son travail
– Contrat de travail : accord entre un employeur et un salarié définissant les conditions de travail
– Entretien préalable : entretien obligatoire avant un licenciement pour exposer les motifs
– Domaine SI : domaine des systèmes d’information
– Responsable du domaine SI : personne en charge de la gestion des systèmes d’information
– Convention collective : accord conclu entre les partenaires sociaux pour régir les conditions de travail d’une branche professionnelle
– Licenciement pour cause réelle et sérieuse : licenciement justifié par des motifs réels et sérieux
– Indemnités : sommes versées en réparation d’un préjudice subi
– Appel : recours devant une juridiction supérieure pour contester une décision
– Dommages et intérêts : réparation financière d’un préjudice subi
– Conseil de prud’hommes : juridiction compétente pour les litiges individuels entre employeurs et salariés
– Article 700 du code de procédure civile : disposition permettant de condamner la partie perdante à payer les frais de justice de l’autre partie
– Chronogramme : planning détaillé d’un projet
– Soldes d’été : période de soldes estivaux
– Trafic client : nombre de visiteurs sur un site ou dans un magasin
– Déploiement des projets : mise en place opérationnelle d’un projet
– Recrudescence d’incidents techniques : augmentation des problèmes techniques rencontrés
– Illégalité de l’ouverture du site Web : non-conformité à la législation en vigueur pour l’ouverture d’un site internet
– Exécution provisoire : mise en œuvre d’une décision de justice avant l’épuisement des voies de recours
– Moyenne mensuelle de salaire : salaire moyen perçu par un salarié sur un mois
– Dépens : frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Appel incident : recours formé par une partie contre une décision rendue en appel
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 MARS 2024
N° RG 21/02520
N° Portalis DBV3-V-B7F-UV6G
AFFAIRE :
[C] [J]
C/
Société MONOPRIX
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE CEDEX
Section : E
N° RG : F 18/02636
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Franck LAFON
Me Cécile FOURCADE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [C] [J]
né le 9 juin 1985 à [Localité 5] (95)
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Christel BOISSEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2111
APPELANT
Société MONOPRIX
N° SIRET : 552 018 020
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Cécile FOURCADE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1815
INTIMEE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 janvier 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [J] a été engagé par la société Monoprix, en qualité de gestionnaire du domaine SI, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2016.
Cette société est spécialisée dans la grande distribution. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires.
Au dernier état de la relation, M. [J] exerçait les fonctions de responsable du domaine SI.
M. [J] percevait une rémunération (fixe) brute mensuelle de 5 083,33 euros à laquelle s’ajoutait une part variable calculée en fonction de la réalisation des objectifs pouvant aller de 0 à 15% de sa rémunération annuelle de base brute.
Par lettre du 26 juin 2018, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 9 juillet 2018.
M. [J] a été licencié par lettre du 26 juillet 2018 pour faute grave dans les termes suivants : « (‘) Par lettre remise en main propre contre décharge, en date du 28 juin 2018, nous vous avons convoqué à un entretien en vue d’un éventuel licenciement.
Au cours de cet entretien qui s’est tenu le 09 Juillet 2018 en présence de Monsieur [B] [P], Directeur des Opérations IT, et lors duquel vous étiez assisté de [S] [X], représentante du personnel, nous vous avons exposés les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement. De notre côté, nous avons pris bonne note des observations que vous avez tenu à nous fournir. Cependant les explications que nous avons pu recueillir de votre part à cette occasion n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
Dans ce contexte, nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de poursuivre la procédure engagée à votre encontre et de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :
Depuis Mars 2017, vous [évoluez] sur la fonction de Responsable de Domaine SI au sein de la Direction des Opérations IT. A ce titre, vous êtes notamment responsable du Delivery des activités web de Monoprix, et plus précisément vous êtes en charge des incidents et problèmes de production du site Monoprix.fr. Vous êtes responsable du niveau de qualité de service et de sécurité prévus conformément aux attentes de la Direction du E-Commerce, pilotée par [E] [U], Directeur du E-commerce, votre principal client interne. Vous devez donc animer et coordonner l’activité de votre domaine applicatif de façon à garantir un fonctionnement optimum des unités de production (planification, organisation, délais, normes…).
Également, vous devez vous assurer de la bonne prise en charge des incidents de Production et du respect du circuit de communication, et tout cela dans un souci de support au business.
En effet, en qualité de Responsable de production du domaine E-commerce, vous n’êtes pas censé ignorer que l’activité commerciale du site e-commerce de Monoprix est stratégique pour l’entreprise.
Pourtant, le 27 Juin 2018, date du lancement des soldes d’été 2018, date éminemment importante en termes de business pour le site, votre manque de rigueur dans le suivi du chronogramme (fichier du déroulé des étapes de chargement et d’ouvertures des soldes sur le site Monoprix.fr) qui vous a été envoyé par mail le Mercredi 30 Mai 2018, par Monsieur [T] [O], Chef de Service Offre E-Commerce, a engendré un manque [à gagner] pour Monoprix estimé à plus de 50 000 euros.
En effet, afin d’éviter ce type d’incident grave, un chronogramme est validé par l’ensemble des parties prenantes (Interlocuteurs Métiers et IT) en amont, avant chaque lancement d’Opérations commerciales, Soldes compris, et ce afin de pouvoir synchroniser les actions de chacun.
Or, vous avez omis d’indiquer dans ce chronogramme une action indispensable de redémarrage des serveurs (temps estimé par la réalisation de cette action : entre 30 minutes et 1 heure). Cette omission a eu pour conséquence le décalage de plusieurs actions, et notamment l’action de lancement des mailing client qui permet de générer du trafic sur le site mais aussi sur les magasins (« Opération – 10% supplémentaire de 08H00 à 11H00 en magasin) et donc du Chiffre d’Affaire sur le site mais aussi sur les magasins.
Le mailing client devait partir à 07H30 afin que les clients soient informés dès l’ouverture des soldes, soit à 08H00, ce qui n’a pas été possible du fait du décalage des actions. Les clients ont donc reçu les mailing Monoprix, bien après ceux de nos concurrents.
De ce fait, une baisse du trafic client a été immédiatement [constatée].
Enfin, à plusieurs reprises, Monsieur [E] [U], vous a alerté sur son insatisfaction [quant] à votre capacité à être support du business, et notamment dans l’analyse des incidents techniques du site Monoprix.fr. En effet, nous avons connu depuis plusieurs mois, une recrudescence d’incidents techniques impactant le business, sans même que vous ne puissiez jamais en déterminer la cause de ces incidents récurrents et impactant pour le business.
Lors de notre entretien du 09 Juillet 2018, nous vous avons demandé pourquoi l’étape de redémarrage n’était pas indiquée dans le chronogramme. Vous nous avez expliqué qu’il s’agissait d’un oubli mais que cette action était connue de tous alors même que dès le 27 Juin 2018, indiquiez qu’en principe cette action était invisible pour les équipes métier.
Par ailleurs, vous nous avez indiqué que c’était le déploiement des projets BCC opéré par les équipes qui avait retardé le redémarrage des serveurs. Or, il est indiqué dans le chronogramme que ce déploiement est autorisé jusque 07H10.
Vous n’avez jamais contesté ou demandé à amender le chronogramme qui vous a été envoyé par Monsieur [T] [O], le 30 Mai 2018 par mail, soit un mois avant le début des soldes.
Les équipes métier ne pouvaient donc pas savoir qu’elles ne devaient pas réaliser de déploiement BCC d’autant plus que lors des précédentes campagnes de soldes, les équipes métier avaient procédé de façon similaire.
Sur ce dernier point, vous ne nous avez donné aucune explication permettant de justifier votre action qui a généré ce retard préjudiciable pour l’entreprise.
Votre comportement s’analyse en une faute grave et rend impossible votre maintien, même temporaire, dans notre Société.
En conséquence, votre licenciement, sans préavis ni indemnité de rupture, sera effectif à la date d’envoi du présent courrier soit au 26 Juillet 2018. (…) »
Le 16 octobre 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de requalification de son licenciement pour faute en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 28 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a:
. condamné la Société MONOPRIX à verser à Monsieur [J] les sommes suivantes :
. 19 124,75 euros à titre de préavis,
. 1 912,47 euros au titre des congés payés afférents,
. 3 187,46 euros à titre d’indemnité de licenciement,
. 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
. dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du bureau de conciliation pour les salaires, la date du jugement pour les dommages et intérêts.
. rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales dans la limite de 6 mois de salaire ceci conformément à l’article R. 1454-28 du Code de Travail.
. fixé à 6 374,91 euros brut la moyenne mensuelle prévue à l’article R. 1454-28 du Code de Travail.
. débouté Monsieur [J] du surplus de ses demandes.
. débouté la société MONOPRIX de sa demande reconventionnelle
. condamné la société MONOPRIX aux éventuels dépens de l’affaire.
Par déclaration adressée au greffe le 3 août 2021, M. [J] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [J] demande à la cour de :
. juger Monsieur [C] [J] recevable et bien fondé en son appel et ses demandes.
Y faisant droit :
. infirmer la décision du Conseil de prud’hommes de Nanterre, en ce qu’il a :
. débouté Monsieur [J] de voir les pièces 14 et 15 de la société Monoprix rejetées des débats, et en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] [J] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
Et statuant à nouveau
. rejeter les pièces 14 et 15 de la société Monoprix comme étant illisibles.
. juger que le Conseil de prud’hommes de Nanterre ne s’est pas prononcé sur les dispositions de l’article D. 310-15-2 du Code de commerce relatives à l’illégalité de l’ouverture du site Web pour les soldes d’été avant 8h00 ;
. requalifier le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] [J] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; et par conséquent,
. condamner, la Société Monoprix à verser à Monsieur [C] [J] les sommes suivantes:
. 22.312,19 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3,5 mois de salaire brut) ;
. 5.000,00 euros au titre des conditions brutales et vexatoires du licenciement ;
. débouter, purement et simplement la société Monoprix de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment de son appel incident.
. confirmer la décision du Conseil de prud’hommes de Nanterre, en ce qu’il a :
. constaté que la demande de Monsieur [C] [J], visant à condamner la société Monoprix à des dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, est recevable ;
. condamné la société Monoprix au paiement des sommes suivantes :
. 19.124,75 euros à titre de préavis ;
. 1.912,47 euros au titre des congés payés afférents ;
. 3.187,46 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
. 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du CPC ;
. fixé, la moyenne mensuelle de salaire de Monsieur [C] [J] à 6.374,91 euros.
. débouté la société Monoprix de sa demande reconventionnelle. Y ajoutant :
. condamner la société Monoprix au paiement d’une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Monoprix demande à la cour de :
In limine litis,
. débouter Monsieur [J] de sa demande de rejet des pièces 14 et 15 de la Société ;
A titre liminaire,
. juger irrecevable la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;
En tout état de cause,
. juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [J] est justifié ;
En conséquence,
. infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nanterre le 28 juin 2021 en ce qu’il a condamné la Société Monoprix à verser à Monsieur [J] les sommes suivantes:
. 19 124,75 euros à titre de préavis
. 1 912,47 euros au titre des congés payés afférents
. 3 187,46 euros à titre d’indemnité de licenciement
. 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
. infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nanterre le 28 juin 2021 en ce qu’il a débouté la Société de sa demande de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
. confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;
. débouter Monsieur [J] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre reconventionnel,
. condamner Monsieur [J] à rembourser à la Société la somme de 15 659,75 euros, versée par cette dernière au titre de l’exécution provisoire de droit du jugement du Conseil de prud’hommes de Nanterre du 28 juin 2021 ;
. condamner Monsieur [J] à verser à la Société la somme de 2 000 euros à la Société au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance ;
. condamner Monsieur [J] à verser 2 000 euros à la Société au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;
. condamner Monsieur [J] aux dépens ;
MOTIFS
Sur la demande de rejet des débats des pièces 14 et 15 de l’employeur
Le salarié soutient que les pièces 14 et 15 produites par l’employeur sont illisibles et doivent donc être rejetées des débats en application des articles 15 et 16 du code de procédure civile. L’employeur s’oppose à cette demande.
*
Les pièces litigieuses ayant été régulièrement communiquées, peu important leur caractère lisible ou non, elles n’ont pas, de ce chef, à être écartées des débats. Simplement, la cour en appréciera la valeur probante dans le corps du présent arrêt.
Le jugement sera donc de ce chef confirmé.
Sur le licenciement
Le salarié expose que les griefs ne sont pas établis, le retard de lancement de la campagne de solde ne lui étant pas imputable et la directive de la société de présenter des produits soldés avant 8h00 étant illégale. L’employeur réplique que les griefs sont établis et ont engendré une perte de chiffre d’affaires de près de 50 000 euros.
*
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l’employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.
En l’espèce, il est reproché au salarié .
. un dysfonctionnement du site internet de la société Monoprix lors du lancement des soldes du 27 juin 2018 (1) ;
. son incapacité à identifier la cause d’incidents techniques récurrents (2).
1) sur les dysfonctionnements du lancement des soldes du 27 juin 2018
Le salarié, en sa qualité de responsable du domaine SI, avait pour fonction de gérer le site internet Monoprix.fr, utilisé par la société pour réaliser des ventes en ligne. Le 30 mai 2018, la société ayant envisagé le lancement des soldes d’été pour le 27 juin 2018, a adressé au salarié un « chronogramme », c’est-à-dire un fichier prévoyant, chronologiquement, les étapes devant être respectées en vue du lancement de la campagne de soldes, le site internet devant ouvrir le 27 juin 2018 à 7h10 et les « newsletters » devant être envoyées aux clients à 7h30.
Il ressort des échanges de courriels internes du 27 juin 2018 que M. [T] [O], un des responsables commerciaux, a avisé sa hiérarchie à 7h36 de ce qu’un redémarrage du serveur avait été initié ce qui engendrait un décalage de trente minutes de la réouverture du site internet et donc, de l’envoi des newsletters aux clients. A 7h59, le salarié a avisé ses interlocuteurs de ce que le site était désormais ouvert et a ajouté : « Cette étape de redémarrage est effectuée à chaque solde, elle permet de vider le cache des fronts et de préchargé avec celle-ci avec le nouveau contenu afin de ne pas pénaliser/ralentir les clients au moment d’accéder. Habituellement cette étape est invisible et indolore car elle est réalisée bien avant les tests de l’équipe de [T] » (pièce 9 de l’employeur).
Il est ainsi établi qu’une étape de redémarrage d’une demi-heure a différé le lancement de la campagne de soldes sur le site internet de la société Monoprix. Le site a ouvert avec 50 minutes de retard par rapport à celui qui était prévu dans le chronogramme ainsi qu’il ressort du courriel que M. [O] a adressé au salarié à 8h04 le 27 juin 2018 (pièce 9 de l’employeur) et ainsi qu’il ressort du chronogramme qui prévoyait une ouverture du site au public à 7h10 et un envoi de « newsletters » aux clients à 7h30.
La nécessité d’une opération de redémarrage ainsi que la durée de cette opération étaient pourtant connues du salarié, lequel précisait, le 27 juin 2018, que cette étape était effectuée à chaque solde et que « ce restart dure et a toujours duré 30 min ». Or, cette étape ne figurait pas sur le chronogramme dont il avait été destinataire plus d’un mois plus tôt, le 30 mai 2018, et à propos duquel il n’avait formulé aucune observation.
Certes, le salarié objecte que le chronogramme a été élaboré par M. [O] et qu’il ne pouvait l’amender. Néanmoins, dès lors que le salarié savait, pour l’avoir fait à de multiples reprises par le passé, qu’une étape de redémarrage était nécessaire, ce qui pouvait entraîner un retard dans le lancement des opérations de solde, il lui appartenait d’en aviser sa hiérarchie de telle sorte que le temps de cette opération soit intégré dans le chronogramme dont l’objet était précisément de recenser les opérations devant être mises en ‘uvre pour lancer la campagne de soldes et d’apprécier la durée de chacune de ces opérations.
Dès lors, le fait reproché au salarié dans la lettre de licenciement qui précise qu’« (‘) Or, vous avez omis d’indiquer dans ce chronogramme une action indispensable de redémarrage des serveurs (temps estimé par la réalisation de cette action : entre 30 minutes et 1 heure) » est établi.
La cour relève par ailleurs qu’alors que le chronogramme prévoyait une ouverture du site internet Monoprix.fr à 7h10, le salarié ne s’est pas inquiété du fait que les soldes commençaient avant 8h00 et n’a pas non plus de ce chef émis une quelconque objection. Il en fait état dans le cadre du présent litige pour conclure à l’illégalité d’une ouverture avant 8h00 et donc à l’absence de faute de sa part, le salarié rappelant que le site internet a pu ouvrir à 8h00.
Il ressort des pièces produites qu’effectivement, le site internet a été opérationnel à 8h00. Et il ressort de l’article D. 310-15-2 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, que les soldes d’été débutent le dernier mercredi du mois de juin à 8 heures du matin. Par conséquent, c’est à juste titre que le salarié expose que les soldes ne pouvaient pas être lancées par la société à 7h10.
Cette circonstance n’enlève cependant rien à la matérialité de la faute commise par le salarié telle que relevée plus haut. En outre, la cour relève que rien n’interdit une publicité, en vue des soldes, avant 8h00. Or, la publicité qui était prévue par un « mailing » a été différée en raison de l’opération de redémarrage litigieuse.
En revanche, à juste titre le salarié expose que l’employeur réalise une estimation de perte de chiffre d’affaires entre 7h00 et 8h00 du matin le 28 juin 2018 alors que les soldes ne pouvaient avoir généré, sur ce créneau horaire, aucun chiffre d’affaires.
Ainsi, la faute du salarié est établie, mais ses conséquences sur le chiffre d’affaires de la société ne sont pas démontrées.
Le salarié objecte encore que son équipe avait explicitement prohibé l’usage de « l’outil métier back office BCC toute la journée », ce qui ressort effectivement de sa pièce 11 (courriel interne du 26 juin 2018), le salarié expliquant que l’utilisation de cet outil pouvait bloquer l’accès au site internet. Toutefois, il ressort du chronogramme ‘ sur lequel le salarié n’a présenté aucune objection sur ce point ‘ que le déploiement de projets BCC n’était bloqué qu’à partir de 7h10. Or, il n’est pas établi que l’outil métier en question ait été utilisé postérieurement à 7h10 le 27 juin 2018.
A cet égard, l’employeur produit (pièce 14) la liste des projets déployés par l’équipe de M. [O] les 26 et 27 juin 2018 pour montrer qu’aucun projet BCC n’a été déployé postérieurement à 7h10 le 27. Il apparaît sur cette pièce que deux projets ont été déployés pour les soldes du 27 juin 2018 : l’un a été lancé le 27 juin à 7h03 et donc, avant 7h10, et l’autre à une heure illisible, ainsi que le salarié le fait valoir, mais le 26 juin 2018, donc avant le 27 juin à 7h10.
En tout état de cause, l’employeur ayant rapporté la preuve de la matérialité d’un lancement tardif de l’opération de solde imputable à un manquement du salarié, il revenait à ce dernier d’apporter la preuve de ce que ce manquement ne résultait pas de son fait. Il appartenait donc au salarié d’apporter la démonstration qu’un projet BCC avait été déployé après 7h10 ce qu’il ne fait pas en se contentant de discuter du caractère probant de la pièce 14 de l’employeur.
Enfin, l’employeur démontre par sa pièce 15, laquelle est lisible contrairement aux allégations du salarié, que des déploiements BCC avaient déjà eu lieu avant 7h00 du matin à l’occasion du lancement d’autres campagnes de soldes.
2) Sur l’incapacité du salarié à identifier la cause d’incidents techniques récurrents
Sur ce point, l’employeur reproche au salarié les faits suivants : « Enfin, à plusieurs reprises, Monsieur [E] [U], vous a alerté sur son insatisfaction [quant] à votre capacité à être support du business, et notamment dans l’analyse des incidents techniques du site Monoprix.fr. En effet, nous avons connu depuis plusieurs mois, une recrudescence d’incidents techniques impactant le business, sans même que vous ne puissiez jamais en déterminer la cause de ces incidents récurrents et impactant pour le business. »,
L’employeur n’apporte toutefois pas d’élément relativement à ce grief qui, par voie de conséquence, ne peut être retenu.
3) En synthèse de ce qui précède
Compte tenu de ce qui précède, la faute du salarié est établie et, compte tenu de sa qualité de responsable du domaine SI, caractérise à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En revanche les manquements du salarié ne rendaient pas impossible son maintien dans l’entreprise s’agissant d’une faute dont il n’est résulté qu’un décalage d’environ une heure dans le lancement d’une campagne de soldes et dont la conséquence sur le chiffre d’affaires n’est pas établie.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et non par une faute grave.
Le jugement sera en outre confirmé en ce qu’il condamne l’employeur à payer au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement de 3 187,46 euros, une indemnité compensatrice de préavis de 19 124,75 euros outre 1 912,47 euros au titre des congés payés afférents, ces indemnités n’étant pas utilement critiquées par l’employeur.
Il sera enfin confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement
L’employeur conclut au caractère nouveau de la demande formée par le salarié au titre des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement et donc à l’irrecevabilité de cette demande. Au fond, il en conteste le bien fondé.
Le salarié s’oppose à la fin de non-recevoir qui lui est opposée et expose qu’il a effectivement formé une demande additionnelle en première instance, visant à la condamnation de l’employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, mais que cette demande est suffisamment rattachée à sa demande initiale tendant à contester son licenciement. Au fond, le salarié rappelle que depuis son entrée en fonction le 1er juillet 2016, il n’a jamais été sanctionné par son employeur et qu’il donnait entière satisfaction et ajoute que la rupture du contrat de travail n’est intervenue que plus d’un mois après sa convocation à un entretien préalable.
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Sur la fin de non-recevoir
L’article 70 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l’espèce, par requête du 16 octobre 2018, le salarié a demandé la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de rupture, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’exécution provisoire.
Il ne demandait alors pas la condamnation de l’employeur à lui payer 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, demande qu’il n’a formulée devant le conseil de prud’hommes que postérieurement, dans ses conclusions.
Cette demande additionnelle se rattache toutefois aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce lien se caractérisant par les effets attachés à la rupture du contrat de travail, laquelle constitue le fondement même du litige soumis aux premiers juges ainsi qu’à la cour.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir opposée au salarié par l’employeur.
Sur le fond
La rupture du contrat de travail par l’employeur était justifiée par une faute du salarié qui a négligé de s’assurer que le chronogramme remis un mois plus tôt pouvait ou non être respecté compte tenu des contraintes techniques. Or, la société attachait une grande importance au bon lancement de sa campagne de soldes, lequel a été perturbé par un manquement du salarié.
Compte tenu de ce que le salarié était responsable du domaine SI, la cour a jugé que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse et, même si la faute grave a été écartée et si tous les griefs n’ont pas été retenus, les faits qui l’ont été ôtent tout caractère vexatoire à la mesure prise par l’employeur.
Le salarié n’établit par ailleurs pas le caractère brutal de son licenciement, étant ici précisé que le seul fait, pour la cour, de ne pas avoir retenu le grief relatif à l’incapacité du salarié à déterminer la cause de divers incidents techniques, n’imprime pas par elle-même la brutalité alléguée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, le salarié sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.
Il conviendra de dire n’y avoir lieu de condamner le salarié à payer à son adversaire une indemnité sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
DIT n’y avoir lieu de condamner M. [J] à payer à la société Monoprix une indemnité sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile,
CONDAMNE M. [J] aux dépens de la procédure d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président