M. [S] [X] a été engagé par l’association Oeuvre Normande des mères en tant que chef de service éducatif. Après avoir été élu délégué du personnel, il a été licencié pour inaptitude, mais la Ministre du travail a annulé cette décision. Le conseil de prud’hommes de Rouen a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l’association à verser diverses sommes à M. [S] [X]. Ce dernier a interjeté appel et demande à la cour de confirmer le jugement sur certains points et d’augmenter les dommages et intérêts pour préjudice moral. L’association demande quant à elle la confirmation du jugement initial. L’affaire est en attente de jugement après l’ordonnance de clôture de la procédure rendue le 11 janvier 2024.
1. En cas de demande de rappel de salaire suite à l’annulation d’une décision d’autorisation de licenciement, il est important de se référer à l’article L.2422-4 du code du travail pour déterminer les droits du salarié. Il est essentiel de demander le montant total du préjudice subi pendant la période concernée et de s’assurer que les cotisations afférentes à cette indemnité sont également versées.
2. En cas de harcèlement moral au travail, il est déterminant de rassembler des preuves tangibles pour étayer les allégations. Les témoignages, les écrits et les documents officiels peuvent être des éléments clés pour prouver l’existence du harcèlement. Il est également important de se référer à l’article L.1152-1 du code du travail pour comprendre les obligations de l’employeur en matière de prévention du harcèlement moral.
3. En cas de nullité du licenciement en raison du harcèlement moral subi par le salarié, il est important de se référer à l’article L.1152-3 du code du travail pour comprendre les conséquences juridiques de cette situation. Il est également essentiel de demander une indemnité adéquate en fonction de l’ancienneté, de l’âge et du salaire du salarié, conformément à l’article L.1235-1 du code du travail.
Sur la demande de rappel de salaire
Le salarié a droit à un rappel de salaire pour la période allant du 29 octobre 2019 au 12 juillet 2020, après l’annulation de son licenciement. Le montant net réclamé est de 22 953,01 euros, après déduction des revenus perçus pendant cette période.
Sur le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité
Le salarié a été victime de harcèlement moral de la part du directeur de l’association, ce qui a entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé mentale. L’employeur n’a pas réussi à prouver que ces agissements n’étaient pas constitutifs de harcèlement. Le salarié se voit accorder une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur le manquement à l’obligation de prévention du harcèlement moral
L’association a manqué à son obligation de prévention des risques psychosociaux en ne réagissant pas aux alertes concernant le comportement du directeur. Le salarié se voit accorder une somme de 700 euros à titre de réparation.
Sur la nullité du licenciement
Le licenciement du salarié est déclaré nul en raison du harcèlement moral subi. Le salarié se voit accorder une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que d’autres indemnités conformément à la loi.
Sur les dépens et frais irrépétibles
L’association est condamnée aux entiers dépens et doit payer des frais irrépétibles à M. [S] [X].
Réglementation applicable
– Article L.2422-4 du code du travail
– Article L.2422-1 du code du travail
– Article L.1152-1 du code du travail
– Article L. 1154-1 du code du travail
– Article L. 4121-1 du code du travail
– Article L.1152-4 du code du travail
– Article L.1235-1 du code du travail
– Article L.1235-4 du code du travail
– Article 700 du code de procédure civile
Avocats
– Me Karim BERBRA de la SELARL LE CAAB
– Me Emmanuelle BOURDON de la SELARL SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS
Mots clefs
– Motifs de la décision
– Rappel de salaire
– Indemnité correspondant au préjudice subi
– Allocations chômage et salaires perçus
– Montant du rappel de salaire
– Article L.2422-4 du code du travail
– Période du rappel de salaire
– Montant net à percevoir
– Engagement par la société Multimailles
– Sommes nettes perçues
– Indemnités de rupture
– Indemnité de préavis
– Harcèlement moral
– Obligation de sécurité
– Article L.1152-1 du code du travail
– Agissements de harcèlement moral
– Preuve du harcèlement moral
– Attestations et écrits
– Manquement à l’obligation de sécurité
– Préjudice subi
– Dommages et intérêts
– Obligation de prévention du harcèlement moral
– Article L.4121-1 du code du travail
– Article L.1152-4 du code du travail
– Alertes et mesures prises
– Nullité du licenciement
– Article L.1152-3 du code du travail
– Indemnité de licenciement
– Conditions de l’article L.1235-4 du code du travail
– Remboursement des indemnités chômage
– Dépens et frais irrépétibles
– Article 700 du code de procédure civile
Définitions juridiques
– Motifs de la décision: Raisons justifiant une décision prise
– Rappel de salaire: Montant d’argent dû à un employé pour des périodes antérieures
– Indemnité correspondant au préjudice subi: Somme d’argent versée en compensation des dommages subis
– Allocations chômage et salaires perçus: Montants reçus par un individu au titre du chômage et des salaires
– Montant du rappel de salaire: Somme totale à payer pour un rappel de salaire
– Article L.2422-4 du code du travail: Article du code du travail concernant les obligations des employeurs en matière de rémunération
– Période du rappel de salaire: Période pour laquelle le rappel de salaire est dû
– Montant net à percevoir: Somme finale à recevoir après déductions
– Engagement par la société Multimailles: Promesse ou engagement pris par la société Multimailles
– Sommes nettes perçues: Montants reçus après déductions
– Indemnités de rupture: Sommes versées lors de la rupture d’un contrat de travail
– Indemnité de préavis: Somme versée en compensation du préavis non effectué
– Harcèlement moral: Comportements répétés visant à dégrader les conditions de travail d’un individu
– Obligation de sécurité: Devoir de l’employeur de garantir la sécurité et la santé de ses employés
– Article L.1152-1 du code du travail: Article du code du travail concernant la prévention du harcèlement moral
– Agissements de harcèlement moral: Comportements constituant du harcèlement moral
– Preuve du harcèlement moral: Éléments permettant de démontrer l’existence du harcèlement moral
– Attestations et écrits: Documents écrits attestant de faits ou de déclarations
– Manquement à l’obligation de sécurité: Non-respect de l’obligation de sécurité de l’employeur
– Préjudice subi: Dommages ou pertes subis par un individu
– Dommages et intérêts: Somme versée en compensation d’un préjudice subi
– Obligation de prévention du harcèlement moral: Devoir de l’employeur de prévenir le harcèlement moral au travail
– Article L.4121-1 du code du travail: Article du code du travail concernant les obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail
– Article L.1152-4 du code du travail: Article du code du travail concernant les sanctions en cas de harcèlement moral
– Alertes et mesures prises: Signalements et actions prises en réponse à des situations de harcèlement moral
– Nullité du licenciement: Annulation d’un licenciement pour non-respect de la procédure légale
– Article L.1152-3 du code du travail: Article du code du travail concernant la protection des salariés contre le harcèlement moral
– Indemnité de licenciement: Somme versée lors d’un licenciement
– Conditions de l’article L.1235-4 du code du travail: Conditions à respecter pour le versement d’une indemnité de licenciement
– Remboursement des indemnités chômage: Restitution des allocations chômage perçues en cas d’erreur ou de fraude
– Dépens et frais irrépétibles: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire et non récupérables
– Article 700 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant l’octroi de dommages et intérêts pour frais de justice
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/01838 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JC67
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 21 MARS 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 26 Avril 2022
APPELANT :
Monsieur [S] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Karim BERBRA de la SELARL LE CAAB, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
Association OEUVRE NORMANDE DES MERES
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Emmanuelle BOURDON de la SELARL SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Février 2024 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame ROYAL, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 06 février 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 mars 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 21 Mars 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [S] [X] a été engagé par l’association Oeuvre Normande des mères en qualité de chef de service éducatif par contrat de travail à durée indéterminée du 30 mai 2011.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective FEHAP du 31 octobre 1971.
Elu délégué du personnel le 9 avril 2015, son mandat a été prorogé le 1er avril 2019.
Après autorisation de procéder au licenciement donnée par l’inspection du travail le 8 octobre 2019, le licenciement pour inaptitude a été notifié au salarié le 29 octobre 2019.
Par décision du 12 mai 2020, la Ministre du travail a annulé la décision d’autorisation de licencier.
Par requête du 12 octobre 2020, M. [S] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en contestation de son licenciement et paiement de rappels de salaire et d’indemnités.
Par jugement du 26 avril 2022, le conseil de prud’hommes a :
– dit que la demande de rappel de salaire demandée par M. [S] [X] est justifiée et condamné l’Oeuvre Normande des mères à verser M. [S] [X] la somme de 12 166,70 euros à titre de rappel de salaire,
– dit que M. [S] [X] n’a pas fait l’objet de harcèlement moral, que l’Oeuvre Normande des mères n’a pas manqué à son obligation de prévention du harcèlement et débouté M. [S] [X] de ses demandes de réparation de préjudice moral au titre du harcèlement et de l’obligation de prévention du harcèlement moral,
– débouté M. [S] [X] de sa demande de déclarer nul le licenciement,
– dit que le licenciement est sans cause et sérieuse,
– condamné l’association Oeuvre Normande des mères à verser à M. [S] [X] les sommes suivantes :
rappel d’indemnité compensatrice de préavis : 7 012,63 euros,
rappel d’indemnité spéciale de licenciement : 2 362,99 euros,
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12 435 euros,
indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros
– dit n’y avoir pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire autre que celle de droit,
– débouté l’association Oeuvre Normande de l’ensemble de ses demandes,
– condamné l’association Oeuvre Normande aux entiers dépens.
M. [S] [X] a interjeté appel le 2 juin 2022.
Par conclusions remises le 19 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [S] [X] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a dit que la demande de rappel de salaire est justifiée et condamné l’oeuvre Normande des Mères à lui payer la somme de 12 166,70 euros à titre de rappel de salaire,
– l’infirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’il n’a pas fait l’objet de harcèlement moral, que l’oeuvre Normande des Mères n’a pas manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral, l’a débouté de ses demandes de réparation du préjudice moral au titre du harcèlement, et de l’obligation de prévention du harcèlement moral, de sa demande principale de déclarer nul le licenciement et condamné l’association l’oeuvre Normande des Mères à lui payer la somme de 12 435 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
statuant à nouveau sur ces points,
– condamner l’oeuvre Normande des mères à lui verser les sommes suivantes :
20 000 euros en réparation de son préjudice moral en raison des faits de harcèlement dont il a été victime,
20 000 euros en réparation de son préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
sur la rupture :
à titre principal, déclarer le licenciement nul et lui allouer la somme de 39 270 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse mais allouer la somme de 29 452 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
– condamner l’oeuvre Normande des Mères à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 30 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, l’association Oeuvre Normande des mères demande à la cour de :
– recevoir M. [S] [X] en son appel,
– au fond l’en débouter,
– confirmer le jugement ayant dit qu’il n’avait pas fait l’objet de harcèlement moral, qu’elle n’avait pas manqué à son obligation de prévention, débouté M. [S] [X] de ses demandes de au titre du harcèlement, de l’obligation de prévention du harcèlement moral, de déclarer nul le licenciement et l’a condamnée au paiement de la somme de 12.435 euros à titre de dommages et intérêts,
– recevoir l’Association ONM en son appel incident,
– réformer /infirmer le jugement en ce qu’il a :
dit que la demande de rappel de salaire formée par M. [S] [X] était fondée et condamné à payer la somme de 12.166,70 euros, dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, l’a condamnée au paiement d’un rappel d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité spéciale de licenciement, à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déclarer que le licenciement de M. [S] [X] revêt une cause réelle et sérieuse,
– subsidiairement, ramener le montant des dommages intérêts au minima prévu, compte tenu des sommes perçues à la rupture du contrat,
– condamner M. [S] [X] au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 11 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la demande de rappel de salaire
Le salarié sollicite un rappel de salaire du 29 octobre 2019, date du licenciement au 12 juillet 2020, soit deux mois après l’annulation de l’autorisation de licenciement, après déduction des revenus qu’il a perçus au cours de la même période, à savoir les allocations chômage et des salaires.
Si l’employeur ne s’oppose au principe du rappel de salaire, il en discute le montant, estimant que le montant réclamé ne saurait excéder 5 564,41 euros nets.
Selon l’article L.2422-4 du code du travail, lorsque l’annulation d’une décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié investi d’un des mandats mentionnés à l’article L. 2422-1 a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s’il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
L’indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois s’il n’a pas demandé sa réintégration.
Ce paiement s’accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.
En l’espèce, en application de ces dispositions, le salarié est fondé à obtenir un rappel de salaire pour la période allant du 29 octobre 2019 au 12 juillet 2020.
Les parties s’accordent sur le montant net que le salarié aurait dû percevoir sur la période en cause, soit 22 953,01 euros.
Le montant net des allocations chômage est admis par les parties pour 3 084,48 euros.
M. [S] [X] a été engagé par la société Multimailles du 12 mars 2020 au 23 juin 2020.
Il a perçu les sommes nettes de :
– 1 269,38 euros en mars
– 1 896,18 euros en avril
– 1 945,08 euros en mai
– 2 591,19 euros en juin, soit un total de 7 701,83 euros.
Alors que le salarié dont l’autorisation de licenciement a été annulée a droit non seulement à l’indemnisation de son préjudice depuis le licenciement et jusqu’à l’expiration du délai de deux mois qui suit la notification de la décision annulant l’autorisation de licenciement, mais aussi au paiement des indemnités de rupture, s’il n’en a pas bénéficié au moment du licenciement et s’il remplit les conditions pour y prétendre, il n’y a pas lieu de déduire de cette indemnisation au titre de l’article L.2422-4 l’indemnité de préavis versée au moment de la rupture, comme le soutient l’employeur, cette somme ne pouvant être soustraite que de la réclamation au titre de l’indemnité de préavis, étant observé qu’il y a été procédé par le juridiction de première instance lorsqu’elle a statué sur les indemnités de rupture.
Aussi, le préjudice de M. [S] [X] doit être réparé par l’octroi de la somme nette de 12 166,70 euros, la cour confirmant sur ce point le jugement entrepris.
II – Sur le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité
Rappelant qu’il a été engagé en qualité de responsable de service éducatif et assurait à ce titre un rôle d’organisation, de coordination, d’animation et de formation, et a travaillé en lien avec le Directeur, que ses qualités professionnelles étaient unanimement reconnues, M. [S] [X] explique qu’à compter du 31 juillet 2016, à l’arrivée de M. [R] en qualité de directeur, ses conditions de travail se sont dramatiquement dégradées, en ce que celui-ci a par son comportement a conduit à une dégradation des conditions de travail généralisée à tout le service, ce qui l’a affecté particulièrement, comme étant victime d’une attitude dévalorisante, déstabilisante, ce qui a eu un impact sur son état de santé justifiant son arrêt de travail à compter du 19 juin 2017, pris en charge au titre d’une maladie professionnelle.
L’association Oeuvre Normande des mères soutient qu’il n’est démontré ni l’existence d’une situation de harcèlement moral, ni un manquement à l’obligation de sécurité, faisant valoir que, confrontée à une organisation dépendant de ses donneurs d’ordre, elle doit de manière régulière faire face à des organisations changeantes, induisant une nécessaire adaptabilité des conditions de travail et que malgré ce contexte, elle a toujours tout mis en oeuvre pour permettre à ses salariés de travailler dans des conditions exemptes de tout harcèlement.
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, à l’appui de ses affirmations, M. [S] [X] produit notamment :
– le procès-verbal de la réunion ‘droit d’expression’ du 20 décembre 2016 au cours de laquelle certains professionnels ont mis en avant des difficultés relationnelles avec la direction et un discours différent d’un lieu à un autre ou d’une équipe à une autre ; certains salariés se plaignent de devoir recueillir de la part du directeur des doléances sur d’autres personnes qui ne s’expriment pas quand la personne en question est présente, mais aussi d’avoir été dévalorisés ou méprisés,
– un écrit du 22 mars 2017 duquel il résulte que les membres du chsct ont été interpelés au niveau du centre parental, concernant des dysfonctionnements institutionnels en raison de l’insuffisance des moyens, des conditions d’accompagnement des usagers insatisfaisantes, des échanges insuffisants avec le directeur, des difficultés de management pointés lors des audits avec une équipe prise en otage dans les tensions entre le directeur et le chef de service qui ne dispose d’aucune marge de manoeuvre et est dénigré par la direction devant l’équipe, la décrédibilisation des professionnels auprès des usagers, une direction peu réactive.
Il est constaté que les salariés expriment venir travailler avec une certaine appréhension de rencontrer la direction, que le directeur critique ouvertement une personne en son absence, sans jamais ensuite le dire à la personne concernée.
En conclusion, les compétences de la direction sont vivement questionnées, ce qui ne permet pas de travailler en confiance. Les salariés expriment un malaise par rapport à la façon de communiquer de la nouvelle direction qui génère de l’incohérence, de la suspicion, de la peur, de l’agressivité.
– un écrit du 17 juin 2018 de Mme [O], intervenante en analyse des pratiques depuis 2003 au sein de l’association, adressé aux Président, membres du conseil d’administration et directeur général, dans lequel elle explique que, depuis deux ans, elle accompagne des équipes de plus en plus déstabilisées et en souffrance réelle de ne pouvoir accompagner les personnes accueillies comme elles le souhaiteraient, qui interpellent aussi sur un grave dysfonctionnement de leur nouvelle direction qui entrave une lisibilité des questions réelles de travail à traiter et la reconstruction d’un projet de service cohérent. Elle précise qu’il lui est rapporté que cette direction dénigre certains membres de l’équipe absents devant d’autres, insufflant un climat malsain, toxique, considérant que les témoignages en ce sens sont massifs et concordants. Elle ajoute que l’attitude de la direction fait planer un climat d’intimidation, de ciblage négatif injustifié répété envers certains membres de l’équipe et un climat de désorganisation lié à beaucoup de directives qui ne prennent pas de sens en terme de cohérence du travail, destiné à asseoir une domination personnelle par l’intimidation et une posture arrogante. Elle indique que ‘Cet ensemble n’a pas été étranger à mon sens à l’arrêt maladie en 2017 du chef de service qui a subi cette attitude en première ligne’,
– l’attestation de Mme [Y] [U], éducatrice spécialisée, qui, après avoir précisé que M. [S] [X] n’était pas son chef de service direct, M.[R] l’étant sur l’unité 3 du Centre parental, mais que M. [X] était leur interlocuteur privilégié pour toutes les questions éducatives au quotidien, relate qu’à l’arrivée du nouveau directeur, l’ambiance est devenue rapidement délétère, qu’au cours de leurs réunions, il évoquait ses difficultés à travailler avec M. [X], disant notamment qu’il ne savait pas comment il allait travailler avec un chef de service en vacances tous les 15 jours, remettant en question les décisions prises par l’autre unité, disant qu’il ne savait pas mener une réunion ou levant les yeux au ciel lors de ses prises de parole ; au fil des mois, elle a remarqué un changement de comportement de M. [X] qui devenait fuyant, moins présent,
– un écrit commun de Mmes [P] [E], aide maternelle, et [T] [M], auxiliaire de puériculture, dans lequel elles expliquent qu’en réunion, le directeur a pu mettre M. [S] [X] mal à l’aise, le dénigrant, lui coupant la parole, le rabaissant en critiquant sa manière de manager. Lorsqu’il était absent aux réunions, il envoyait à M. [S] [X] un message sur son portable pour lui demander de venir dans son bureau pendant la pause et alors il le retenait jusqu’à la fin de la réunion, bien que l’ordre du jour n’ait pas été épuisé,
– la déclaration de Mme [C] [G], psychologue, qui relate avoir été témoin à plusieurs reprises de la souffrance au travail de M. [S] [X] principalement en lien avec ses relations avec M. [R], évoquant des remarques dévalorisantes, le discrédit par la remise en cause au cours des réunions hebdomadaires des positionnements et orientations de M. [X], lequel lui a fait part de sa souffrance et de sa difficulté à faire respecter son travail. Elle a constaté son état de stress et la dégradation de son état émotionnel, allant jusqu’à pleurer en sa présence.
Il résulte de ces éléments concordants que, depuis son arrivée au poste de directeur, M. [R] a adopté un comportement source de déstabilisation et de difficultés relationnelles au sein des services dirigées, et que M. [S] [X], en sa qualité de responsable de service, chargé à ce titre d’adapter et maintenir en oeuvre la politique définie par le conseil d’administration sous le contrôle du Directeur de service dont il est le collaborateur et assure un rôle de coordination entre le Directeur et les équipes éducatives, et qui, à ce titre, faisait l’interface entre le directeur et les équipes, et dont les qualités professionnelles étaient reconnues, a été particulièrement impacté et concerné, par son attitude dévalorisante et dénigrante, ce qui, couplé à l’arrêt de travail de manière continue à compter du 19 juin 2017, la prise en charge de sa situation au titre d’une maladie professionnelle par décision du 25 septembre 2018 et l’avis du 10 mai 2019, le déclarant inapte au poste de chef de service du Centre parental sans possibilité d’aménagement de poste ou de reclassement, son état de santé étant incompatible avec tout travail dans l’établissement, laisse supposer l’existence d’un harcèlement moral.
L’employeur qui n’apporte aucun élément permettant de justifier objectivement le comportement de son directeur, ne peut se contenter d’évoquer son organisation particulière en lien avec ses missions et la nécessaire adaptation des salariés pour expliquer la situation.
L’employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement présentés par M. [S] [X] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le harcèlement moral est établi.
La cour infirme ainsi le jugement entrepris.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, un an, et les conséquences dommageables qu’il a eu pour M. [S] [X] telles qu’elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment des attestations de proches qui décrivent le changement observé chez leur mari, fils, frère beau-frère, gendre, ou ami, du suivi médical et psycho-thérapeutique nécessité par la survenue d’un syndrome anxio-dépressif, le préjudice en résultant pour M. [S] [X] justifie de lui accorder la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
II – Sur le manquement à l’obligation de prévention du harcèlement moral
M. [S] [X] soutient que l’association Oeuvre Normande des mères a été alertée à plusieurs reprises des difficultés générées par M. [R], sans réagir, manquant ainsi à son obligation de prévention des risques psychosociaux, ce qui lui cause un préjudice dont il sollicite réparation à hauteur de 20 000 euros.
Il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Par ailleurs, l’article L.1152-4 du même code impose à l’employeur de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Cette obligation de prévention est distincte de celle résultant de l’article L.1152-1. Aussi, la méconnaissance de chacune des obligations, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents pour le salarié, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.
En l’espèce, alors que l’association Oeuvre Normande des mères a été destinataire de plusieurs alertes dans le cadre de l’exercice du droit d’expression, ou par les membres du chsct, ou encore par le signalement fait par Mme [O], intervenante en analyse des pratiques depuis 2003 dans un écrit du 17 juin 2018, il n’est pas justifié de leur prise en compte pour non seulement vérifier les informations transmises, mais aussi pour mettre en oeuvre des actions correctives de nature à protéger ses salariés, ce qui cause un dommage distinct devant être réparé par l’ortroi de la somme de 700 euros.
III – Sur la nullité du licenciement
Alors qu’il résulte des développements qui précèdent que le harcèlement moral subi par M. [S] [X] est au moins partiellement à l’origine de son inaptitude, en application de l’article L. 1152-3 du code du travail, le licenciement intervenu dans ce contexte est nul. La cour infirme en ce sens le jugement entrepris.
En application des dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
En considération de son ancienneté de 8 ans, de son âge au moment de la rupture, comme étant né le 23 juin 1982, de son salaire brut moyen de 3 272,58 euros, de l’ouverture de ses droits à l’allocation de retour à l’emploi justifiés jusqu’en septembre 2020, de son recrutement en contrat à durée déterminée par la société Multimailles de mars 2020 à juin 2020, la cour condamne l’association Oeuvre Normande des mères à payer à M. [S] [X] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les sommes allouées en première instance au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et le rappel de l’indemnité spéciale de licenciement, non remises en cause dans leur montant, sont confirmées.
Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
IV – Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, l’association Oeuvre Normande des mères est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [S] [X] la somme de 1 500 euros en cause d’appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l’instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a statué sur le préjudice alloué en application de l’article L.2422-4 du code du travail, sur l’indemnité compensatrice de préavis, le rappel de l’indemnité spéciale de licenciement, les dépens et les frais irrépétibles ;
L’infirme en ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit nul le licenciement de M. [S] [X] ;
Condamne l’association Oeuvre Normande des mères à payer à M. [S] [X] les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour harcèlement moral : 3 000,00 euros
dommages et intérêts pour manquement à
l’obligation de sécurité : 700,00 euros
dommages et intérêts pour licenciement nul : 20 000,00 euros
Ordonne le remboursement par l’association Oeuvre Normande des mères aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M. [S] [X] dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision ;
Y ajoutant,
Condamne l’association Oeuvre Normande des mères aux entiers dépens d’appel ;
Condamne l’association Oeuvre Normande des mères à payer à M. [S] [X] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
Déboute l’association Oeuvre Normande des mères de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel.
La greffière La présidente