Garantie des pertes d’exploitation : les délais pour agir devant l’assureur

Notez ce point juridique

Conseils juridiques:

1) Il est important de respecter les règles de procédure civile en matière de recevabilité des demandes. Assurez-vous que vos demandes sont clairement formulées et concentrées dans le cadre de la procédure à bref délai pour éviter toute fin de non-recevoir.

2) Veillez à ce que vos demandes en appel soient en lien avec celles formulées en première instance. Les demandes nouvelles doivent tendre aux mêmes fins que celles soumises au premier juge pour être recevables.

3) Lors de l’interprétation des termes d’un contrat d’assurance, assurez-vous de respecter les conditions de la garantie telles qu’elles sont stipulées. En cas de doute, la clause doit être interprétée en faveur du débiteur et en conformité avec le sens commun des termes utilisés.


L’affaire concerne la société Zen, exploitant un café-restaurant brasserie, qui a souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès de la société ACM iard. Suite à la fermeture de son établissement due à la pandémie, Zen a déclaré un sinistre pour perte d’exploitation, mais ACM iard a refusé de prendre en charge. Zen a alors assigné son assureur en justice. En première instance, Zen a été déboutée de ses demandes et condamnée à payer des frais. En appel, Zen demande l’indemnisation de son préjudice pour les périodes de fermeture, conteste la clause d’exclusion de l’assureur et réclame des dommages et intérêts. ACM iard demande le rejet des demandes de Zen, arguant notamment du retard dans la déclaration du sinistre et de l’absence de preuves des pertes d’exploitation. La cour devra statuer sur ces différents points.

Sur la recevabilité des demandes de la société Zen

La société ACM objecte différentes fins de non-recevoir aux prétentions de la société Zen, qu’il convient d’examiner successivement. Il sera noté par ailleurs, que sous le vocable de « nouveau », la société ACM rassemble deux argumentations distinctes, l’une sur la violation des dispositions de l’article 564 et suivants du code de procédure civile, l’autre sur les spécificités de la procédure à bref délai menée devant le tribunal de commerce.

1) Sur la demande formulée en première instance et les spécificités de la procédure d’assignation à bref délai

Après avoir développé tout un argumentaire sur l’irrecevabilité des prétentions au visa des dispositions de l’article 564 et suivants du code de procédure civile, la société ACM iard, dans ce même paragraphe intitulé l’irrecevabilité des demandes, « not[e] d’ailleurs que le dispositif de l’assignation à bref délai ne contenait aucune demande chiffrée de condamnation mais uniquement une demande de condamnation à titre provisionnelle. Aucune demande autre qu’à titre provisionnelle ne peut donc être sollicitée ».

L’appelante ne s’exprime pas sur ces points.

Réponse de la cour

Conformément aux dispositions de l’article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, la cour n’est tenue de répondre qu’aux prétentions énoncées au dispositif des écritures.

Or la société ACM iard se borne expressément, dans le dispositif de ses écritures devant la cour d’appel à conclure à l’irrecevabilité des demandes sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile ( et non 554 comme indiqué par erreur) et sur le fondement de la prescription. Dès lors, la cour n’est saisie d’aucune fin de non-recevoir tiré d’un défaut de concentration des prétentions et moyens dans le cadre de la procédure à bref délai ni d’un défaut de détermination de la demande formulée.

Il sera en outre observé, que même aux termes de ses motifs, la société ACM iard ne tire pas les conséquences juridiques qui s’imposeraient de ces constatations, puisque au lieu d’envisager une irrecevabilité pour indétermination de la demande ou pour demande excédant celle contenue dans l’assignation à bref délai, elle conclut seulement au fait que les demandes formulées ne peuvent l’être qu’à titre provisionnel.

La cour n’est donc pas saisie d’une fin de non-recevoir de ces chefs.

2) La demande d’indemnisation du préjudice pour la « période intercalaire »

Sous cette dénomination, la cour envisage la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020, la société Zen ayant sollicité en première instance une demande de garantie pour les périodes du 15 mars au 15 juin 2020, du 23 au 29 octobre 2020 et du 29 octobre au 20 juin 2021, tandis qu’en appel elle sollicite désormais une garantie du 15 mars au 30 octobre 2020 et du 31 octobre 2020 au 30 juin 2021.

Aux termes de ses écritures, la société Zen estime sa demande d’indemnisation pour la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020 recevable, sur le fondement de l’article 565 du code de procédure civile, puisque les périodes dont il est demandé en appel l’indemnisation tendent aux mêmes fins que celles demandées en première instance, à savoir obtenir une prise en charge des pertes d’exploitation subies en vertu de son contrat d’assurance.

La société Zen conteste la prescription opposée pour cette même période, précisant avoir subi une mesure d’interdiction d’accès qui doit être indemnisée pour une période de 12 mois, comme le prévoit le contrat d’assurance.

La société ACM iard conclut à l’irrecevabilité de la demande concernant l’indemnisation du préjudice pour la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020, qui ne figurait pas dans les prétentions de première instance, et est donc nouvelle.

Elle souligne que la société Zen ne se contente pas de majorer le montant de ses demandes, mais sollicite en réalité la mise en jeu de la garantie pour une période nouvelle du 15 juin 2020 au 23 octobre

– La société Zen est condamnée à payer la société ACM iard la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– La société Zen est condamnée aux dépens d’appel


Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code civil
– Code des assurances

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai
– Me Guillaume Aksil, avocat au barreau de Paris
– Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai
– Me Serge Paulus, avocat au barreau de Strasbourg
– Me Thomas Paulus, avocats au barreau de Strasbourg

Mots clefs associés

– Recevabilité
– Demande d’indemnisation
– Prescription
Expertise
– Dommages et intérêts
– Conditions de la garantie
– Mesures administratives
– Interdiction d’accès
– Réduction de l’activité
– Contrat d’assurance
– Mesures gouvernementales
– Pandémie de Covid-19
– Dépens
– Frais irrépétibles
– Indemnité procédurale

– Recevabilité : caractère de ce qui est admissible, qui peut être pris en compte
– Demande d’indemnisation : requête formulée par une personne pour obtenir une compensation financière suite à un préjudice subi
– Prescription : délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Expertise : évaluation technique réalisée par un expert dans un domaine spécifique
– Dommages et intérêts : compensation financière versée à une personne pour réparer un préjudice subi
– Conditions de la garantie : ensemble des obligations à respecter pour bénéficier de la garantie prévue dans un contrat
– Mesures administratives : décisions prises par une autorité administrative pour réguler une situation
– Interdiction d’accès : restriction empêchant l’accès à un lieu ou à une ressource
– Réduction de l’activité : diminution de l’activité économique ou professionnelle
– Contrat d’assurance : accord entre un assureur et un assuré définissant les conditions de couverture en cas de sinistre
– Mesures gouvernementales : actions prises par le gouvernement pour réguler une situation ou répondre à une crise
– Pandémie de Covid-19 : propagation mondiale d’une maladie infectieuse, en l’occurrence le Covid-19
– Dépens : frais engagés lors d’une procédure judiciaire et qui peuvent être remboursés par la partie perdante
– Frais irrépétibles : frais non compris dans les dépens et qui ne peuvent être remboursés par la partie perdante
– Indemnité procédurale : somme versée à une partie pour compenser les frais engagés dans une procédure judiciaire

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 25/01/2024

N° de MINUTE :

N° RG 22/02333 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UIWL

Jugement (N° 21/03337) rendu le 12 avril 2022 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer

APPELANTE

SARL Zen, exerçant sous l’enseigne ‘[4]’, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Guillaume Aksil, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉE

SA Assurances du Crédit Mutuel – Iard prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué,

assistée de Me Serge Paulus, avocat plaidant substitué par Me Thomas Paulus, avocats au barreau de Strasbourg

DÉBATS à l’audience publique du 19 octobre 2023 tenue en double rapporteur par Stéphanie Barbot et Nadia Cordier,après accord des parties et après rapport oral de l’affaire par Nadia Cordier

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 octobre 2023

FAITS ET PROCEDURE

Depuis 2013, la société Zen exploite un café-restaurant brasserie sous l’enseigne « [4] » à [Localité 3]

Le 23 mai 2019, cette société a souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès de la société Assurances du Crédit mutuel (la société ACM iard).

En raison du contexte pandémique, la société Zen a été amenée à fermer son établissement au public et a déclaré auprès de la société ACM iard un sinistre pour perte d’exploitation.

Le 14 janvier 2021, la société ACM iard a opposé un refus de prise en charge et a maintenu ultérieurement cette position, malgré la proposition faite par la société Zen de transiger .

Cette dernière société, autorisée par le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer, a assigné à bref délai son assureur.

Par jugement contradictoire et en premier ressort du 12 avril 2022, la société Zen « [4] » a été débouté de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration du 11 mai 2022, la société Zen a interjeté appel en critiquant l’ensemble des chefs de la décision entreprise.

PRETENTIONS

Par conclusions signifiées le 8 août 2023, la société Zen demande à la cour, au visa des articles 6, 1103 et 1104, 1189, 1190, 1231-1, 1231-6 et 1344-1 du code civil, des articles L.112-4 et L.113-1 du code des assurances, des articles 143, 144, 565 et 566 du code de procédure civile, de l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, de l’arrêté ministériel du 14 mars 2020, des décrets n°2020-260 du 16 mars 2020, n°2020-1294 du 23 octobre 2020, n°2020-1310 du 29 octobre 2020, de :

– in limine litis,

– déclarer recevables ses demandes d’indemnisation de son préjudice pour les périodes du 15 mars au 30 octobre 2020 et du 30 octobre 2020 au 31 mai 2021, de prise en charge des frais d’expert-technique et de dommages et intérêts consistant dans l’intérêt au taux légal ;

– rejeter la demande de la société ACM iard tendant à déclarer la période d’indemnisation allant du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020 prescrite, en ce qu’elle est mal fondée ;

– en tout état de cause,

– infirmer le jugement [..] en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes au motif que les conditions de la garantie pertes d’exploitation « interdiction des accès » ne sont pas remplies.

– infirmer le jugement […] en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes au motif que la clause d’exclusion relative aux micro-organismes serait opposable conformément aux articles L.112-4 et L.113-1 du code des assurances et applicable.

– infirmer le jugement […] en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société ACM iard la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux entiers frais et dépens de l’instance.

– statuant à nouveau

– condamner la société ACM iard à l’indemniser de son préjudice de pertes d’exploitation sur les périodes du 15 mars 2020 au 30 octobre 2020 et du 30 octobre 2020 au 31 mai 2021 pour un montant de 685.269,42 € en ce que :

– la déclaration tardive de l’assuré n’a causé aucun préjudice à la société ACM iard et ne peut donc entraîner une quelconque déchéance de garantie ;

– la garantie « interdiction d’accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d’un événement extérieur à votre activité et aux locaux dans lesquels vous l’exercez » lui est due dès lors que l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 visant directement les restaurants et débits de boissons leur interdisant d’accueillir du public ainsi que les décrets n°2020-1294 et n°2020-1310 respectivement des 23 et 29 octobre 2020 correspondent bien à des interdictions d’accès émanant des autorités administratives ou judiciaires prises à la suite d’un événement extérieur à son activité ;

– l’exclusion de garantie « les dommages causés par les insectes, rongeurs, champignons, moisissures et autres parasites, ainsi que par les micro-organismes » visée par la société ACM iard est nulle et en tout état de cause, inapplicable dès lors qu’elle :

– n’est pas mentionnée en des caractères très apparents en application de l’article L.112-4 du code des assurances ;

– n’est ni formelle ni limitée en application de l’article L.113-1 du Code des assurances ;

– que les pertes subies par l’appelante n’ont pas été causées directement par le virus Covid-19.

– condamner la société ACM iard l’à indemniser de ses frais d’expert-technique pour un montant de 31.602,26 € ;

– au cas où la cour devait ordonner une expertise judiciaire, condamner la société ACM iard au versement d’une somme provisionnelle de 513.952,39 €  ;

– au cas où la cour devait ordonner une expertise judiciaire, ordonner à l’expert judiciaire de chiffrer les pertes subies sur les périodes du 15 mars 2020 au 30 octobre 2020 et du 30 octobre 2020 au 31 mai 2021 et de ne pas prendre en compte dans le calcul de l’indemnité les aides perçues au titre du fonds de solidarité ainsi que la prime de relance mutualiste et de ne pas considérer l’épidémie de Covid-19 comme un facteur externe ;

– condamner la société ACM iard au paiement de dommages et intérêts consistant en l’intérêt au taux légal à compter du 29 janvier 2021 ;

– condamner la société ACM iard aux entiers dépens de l’instance, lesquels seront directement recouvrés par Maître Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– condamner la société ACM iard au versement de la somme de 15.000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 22 septembre 2023, la société ACM iard, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104,1192 et 1353 du code civil, des articles L.112-4, L113-1, alinéa 1 et L.113-8 du code des assurances, de l’article 1240 du code civil, des articles 146 du code de procédure civile, de :

A titre liminaire,

Vu l’article 554 du CPC

– juger que les demandes suivantes de la société Zen à son encontre :

– l’indemnisation de son prétendu préjudice pour la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020

– la prise en charge des honoraires d’expert

– l’octroi de dommages et intérêts au taux légal

sont nouvelles,

– en conséquence, les déclarer irrecevables,

– juger nouvelles et donc prescrites les demandes d’indemnisation au titre de la période du 2 juin 2020 au 24 octobre 2020 ;

– en conséquence, la déclarer irrecevable,

– si par extraordinaire la cour les juger recevables, [..] débouter la société Zen de ses nouvelles demandes présentées en cause d’appel

– A titre principal,

– confirmer le jugement [‘] en toutes ses dispositions.

– débouter la société Zen de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– A titre subsidiaire,

– si la Cour estimait que la garantie « pertes d’exploitation » est due et la clause d’exclusion non mobilisable, par substitution de moyen,

Vu le retard dans la déclaration du sinistre par l’assuré

– juger que la société Zen n’a pas déclaré le sinistre dans les délais prévus par la loi et le contrat et que sa carence a causé un préjudice aux ACM.

– déchoir la société Zen de son droit à garantie.

– Vu l’absence de démonstration de la réalité des pertes d’exploitation et l’absence de déclaration de l’augmentation du chiffre d’affaires de référence

– juger la société Zen ne démontre pas l’existence du préjudice dont elle demande réparation,

– en conséquence, débouter la société Zen de ses demandes indemnitaires

– Vu la demande d’expertise de la société ZEN

– juger que la cour n’a pas à suppléer la carence probatoire de la société Zen

– en conséquence, débouter la société ZEN de sa demande d’expertise

– A titre infiniment subsidiaire, si la cour décidait néanmoins de désigner un expert, fixer sa mission comme suit :

– se faire communiquer tous documents utiles,

– réunir les parties et leurs conseils,

– entendre tous sachants,

– évaluer et délimiter la seule perte de chiffre d’affaires directement en lien avec le sinistre allégué à savoir « l’interdiction d’accès », en remplaçant l’assuré dans la même situation qui aurait été la sienne en l’absence de ce sinistre.

– à cet effet, évaluer et déduire du chiffre d’affaires escomptable l’impact qu’aurait eu le Covid 19 sur l’activité de l’assuré en l’absence de mesures de restriction d’accueil du public durant cette période de pandémie, en se référant le cas échéant aux statistiques disponibles en France et à l’étranger,

– identifier, chiffrer et prendre en compte les charges supplémentaires et les charges économisées en les détaillant par nature,

– prendre en compte les subventions, primes et indemnités reçues ou à recevoir au titre de cette période de confinement, ayant pour objet d’atténuer ou de compenser la perte d’exploitation,

– évaluer le préjudice financier effectivement subi par la société Zen et imputable aux seules mesures de restriction d’accueil du public dans les bars et restaurants d’une part du 15 mars au 2 juin 2020, d’autre part du 30 octobre au 30 mai 2021.

– établir un pré-rapport et recueillir les dires des parties,

– conclure après avoir fait part de ses observations sur les dires des parties.

– mettre les frais à la charge de l’appelante, la société Zen « [4] ».

– en tout état de cause,

– débouter la société Zen de l’ensemble de ses demandes, appels, fins et conclusions ;

– condamner la société Zen au paiement d’une indemnité de 15 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.

MOTIVATION

I- Sur la recevabilité des demandes de la société Zen

La société ACM objecte différentes fins de non-recevoir aux prétentions de la société Zen, qu’il convient d’examiner successivement. Il sera noté par ailleurs, que sous le vocable de « nouveau », la société ACM rassemble deux argumentations distinctes, l’une sur la violation des dispositions de l’article 564 et suivants du code de procédure civile, l’autre sur les spécificités de la procédure à bref délai menée devant le tribunal de commerce.

1) sur la demande formulée en première instance et les spécificités de la procédure d’assignation à bref délai

Après avoir développé tout un argumentaire sur l’irrecevabilité des prétentions au visa des dispositions de l’article 564 et suivants du code de procédure civile, la société ACM iard, dans ce même paragraphe intitulé l’irrecevabilité des demandes, « not[e] d’ailleurs que le dispositif de l’assignation à bref délai ne contenait aucune demande chiffrée de condamnation mais uniquement une demande de condamnation à titre provisionnelle. Aucune demande autre qu’à titre provisionnelle ne peut donc être sollicitée ».

L’appelante ne s’exprime pas sur ces points.

Réponse de la cour

Conformément aux dispositions de l’article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, la cour n’est tenue de répondre qu’aux prétentions énoncées au dispositif des écritures.

Or la société ACM iard se borne expressément, dans le dispositif de ses écritures devant la cour d’appel à conclure à l’irrecevabilité des demandes sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile ( et non 554 comme indiqué par erreur) et sur le fondement de la prescription. Dès lors, la cour n’est saisie d’aucune fin de non-recevoir tiré d’un défaut de concentration des prétentions et moyens dans le cadre de la procédure à bref délai ni d’un défaut de détermination de la demande formulée.

Il sera en outre observé, que même aux termes de ses motifs, la société ACM iard ne tire pas les conséquences juridiques qui s’imposeraient de ces constatations, puisque au lieu d’envisager une irrecevabilité pour indétermination de la demande ou pour demande excédant celle contenue dans l’assignation à bref délai, elle conclut seulement au fait que les demandes formulées ne peuvent l’être qu’à titre provisionnel.

La cour n’est donc pas saisie d’une fin de non-recevoir de ces chefs.

2) la demande d’indemnisation du préjudice pour la « période intercalaire »

Sous cette dénomination, la cour envisage la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020, la société Zen ayant sollicité en première instance une demande de garantie pour les périodes du 15 mars au 15 juin 2020, du 23 au 29 octobre 2020 et du 29 octobre au 20 juin 2021, tandis qu’en appel elle sollicite désormais une garantie du 15 mars au 30 octobre 2020 et du 31 octobre 2020 au 30 juin 2021.

Aux termes de ses écritures, la société Zen estime sa demande d’indemnisation pour la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020 recevable, sur le fondement de l’article 565 du code de procédure civile, puisque les périodes dont il est demandé en appel l’indemnisation tendent aux mêmes fins que celles demandées en première instance, à savoir obtenir une prise en charge des pertes d’exploitation subies en vertu de son contrat d’assurance.

La société Zen conteste la prescription opposée pour cette même période, précisant avoir subi une mesure d’interdiction d’accès qui doit être indemnisée pour une période de 12 mois, comme le prévoit le contrat d’assurance.

La société ACM iard conclut à l’irrecevabilité de la demande concernant l’indemnisation du préjudice pour la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020, qui ne figurait pas dans les prétentions de première instance, et est donc nouvelle.

Elle souligne que la société Zen ne se contente pas de majorer le montant de ses demandes, mais sollicite en réalité la mise en jeu de la garantie pour une période nouvelle du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020, sans qu’il y ait la moindre déclaration de sinistre pour cette période et sans qu’une lettre recommandée soit venue interrompre la prescription.

La société ACM excipe du délai biennal de prescription, la demande pour la période du 2 juin 2020 au 24 octobre 2020 résultant pour la première fois des écritures d’appel du 9 août 2022, soit plus de deux ans après la date où le dommage se serait manifesté. Elle fait remarquer que la stipulation d’une garantie sur une durée maximale de 12 mois n’entre pas en ligne de compte pour apprécier la prescription de cette demande nouvelle.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou la révélation d’un fait.

La prétention n’est pas nouvelle si elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, même si son fondement juridique est différent, selon l’article 565 du même code.

Seul le but recherché par la partie importe, la demande doit tendre aux mêmes fins et visée à obtenir un résultat qui ne soit pas différent de celui souhaité en première instance.

De même ne sont pas considérées comme nouvelles en application de l’article 566 du code de procédure civile, et sont donc recevables, les demandes qui sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles présentées en première instance.

Matériellement, dans l’assignation à bref délai, la société Zen avait limité sa demande d’indemnisation des préjudices subis au titre de la garantie perte d’exploitation suite aux mesures d’interdiction d’accès prises en raison de la pandémie pour les périodes du 15 mars au 15 juin 2020, du 23 au 29 octobre 2020 et du 30 octobre 2020 au 20 juin 2021, ne visant dès lors pas la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020.

En l’espèce, la société Zen se prévaut des dispositions de l’article 565 du code de procédure civile pour justifier la recevabilité de sa demande, notamment pour la période intermédiaire, non sollicitée initialement, estimant que chaque fermeture correspond à un sinistre en lien avec les mesures prises par les autorités compétentes pour lutter contre la propagation du virus de la Covid 19 et procède d’une même fin, à savoir la prise en charge des pertes d’exploitation subies en vertu de son contrat.

Cependant, la société Zen ne peut, en s’emparant de la jurisprudence selon laquelle les demandes ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent à la même fin d’indemnisation du préjudice subi, se livrer à une interprétation extensive de la notion d’action tendant aux mêmes fins dans le cadre d’un litige relatif à la mise en ‘uvre d’un contrat d’assurance. Poussé à l’extrême, son raisonnement permettrait, dès lors qu’une action a été diligentée en vertu d’un contrat d’y adjoindre toute réclamation ultérieure fondée sur le même contrat d’assurance, quand bien même elle relèverait d’un sinistre distinct.

Contrairement à ce que laisse entendre l’assurée, il ne s’agit, en l’espèce, nullement d’une actualisation d’un préjudice ou d’une majoration des demandes indemnitaires au titre d’un même sinistre, mais d’une demande visant à prendre en charge une période distincte de celles initialement dénoncées, chaque fermeture, liée aux mesures des autorités compétentes, que la société Zen dénombre au nombre de trois, entraînant et constituant une mesure interdiction d’accès à l’établissement et partant un sinistre différent selon ses propres termes.

Ainsi, cette demande d’indemnisation, si elle tend certes à obtenir la réparation d’un préjudice qu’aurait subi la société Zen, ne procède ni du même sinistre que celui fondant la demande initiale, ni n’est le complément nécessaire, l’accessoire ou la conséquence du sinistre initialement dénoncé.

Cette demande nouvelle, ne relevant pas des exceptions issues des articles 565 et suivants du code procédure civile, est irrecevable de ce chef.

En tout état de cause, et à supposer même que cette demande ne soit pas considérée comme nouvelle, l’article L 114-1 du code des assurances dispose que toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

S’agissant de cette période intercalaire du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020, et non du 2 juin 2020 au 24 octobre 2020 comme évoqué sans explication par la société ACM, au vu des dates initialement retenues dans l’assignation à bref délai, il n’est pas contesté que la demande de garantie a été formulée la première fois dans des écritures d’appel du 9 août 2022, soit plus de deux ans après la date où le dommage se serait manifesté, ce qui la rend irrecevable également de ce chef.

Il sera observé, en outre, que le fait que les stipulations contractuelles envisagent une durée maximale de la période d’indemnisation de 12 mois et qu’aucune des périodes dont il est sollicité la garantie par la société Zen ne dépasse la période maximale d’indemnisation prévue par le contrat, est radicalement étranger à la problématique de la prescription.

3) sur la demande de la prise en charge des honoraires d’expert

La société Zen estime que la recevabilité de la demande de prise en charge des frais techniques ne peut être critiquée, cette demande figurant bien dans son assignation. Par ailleurs, il ressort clairement des conditions particulières et des conditions générales que la demande d’indemnisation des honoraires d’expert d’assuré est une demande accessoire à la demande d’indemnisation du préjudice de pertes d’exploitation au titre de la garantie financière « interdiction des accès ».

La société ACM réplique que le caractère nouveau de la demande de frais d’expert est établi, puisque les prétentions initiales portaient non sur une demande au titre des frais d’expert technique, mais sur la prise en charge des frais d’une éventuelle expertise judiciaire. Ce n’était encore qu’également une demande de provision.

Réponse de la cour

C’est à tort que la société Zen conteste l’absence de caractère nouveau en appel de cette demande, en se référant à son assignation, laquelle n’envisageait qu’une demande de provision au titre d’une expertise judiciaire, et non de prise en charge des frais d’un expert technique.

Par contre, au vu des conditions particulières et générales du contrat d’assurance, et notamment l’article 13-1 qui prévoit la couverture des frais et honoraires de l’assuré à la suite d’un événement au titre des garanties financières, la demande de prise en charge des honoraires d’expert, certes nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile, ne peut qu’être qualifiée d’accessoire à la demande d’indemnisation du préjudice de pertes d’exploitation au titre de la garantie financière « interdiction des accès ». Elle est, de ce fait recevable sur le fondement des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile.

4) sur la demande de dommages et intérêts aux taux légal

La société Zen objecte que la demande des intérêts au taux légal ne peut être critiquée, s’agissant d’une demande accessoire à la demande principale, d’autant que l’article 1231-6 et 1344-1 du code civil prévoient l’application de l’intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure de droit.

La société ACM estime que la société Zen ne justifie pas que cette demande ne soit pas nouvelle.

Réponse de la cour

Cette demande, qui n’est que la mise en ‘uvre des dispositions de l’article 1231-6 du code civil, prévoyant l’application de l’intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure sur les sommes dues, n’avait certes pas été demandée en première instance, mais elle n’est que l’accessoire ou le complément nécessaire des demandes initiales dont la société Zen réclame le paiement.

Cette demande est donc recevable sur le fondement des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile.

II ‘ Sur les conditions de la garantie

La société Zen expose que les mesures prises par les autorités administratives pour lutter contre la pandémie ont entraîné une interdiction d’accès à l’établissement, engendrant une interruption de l’activité, à partir du 15 mars 2020 jusqu’au 2 juin 2020. Cette interdiction était totale sur cette période, puis partielle du 23 octobre au 29 octobre 2020, puis à nouveau totale du 30 octobre au 8 juin 2021, et enfin à nouveau partielle du 8 juin 2021 au 20 juin 2021, en raison des décisions administratives.

La société Zen conteste la définition restrictive des notions « interdiction » et accès par l’assureur et rappelle que le contrat d’assurance est un contrat d’adhésion, qui doit donc toujours s’interpréter en faveur de la partie la plus faible, à savoir l’assuré. Si l’interdiction d’accès devait être absolue pour obtenir le bénéfice de la garantie des pertes d’exploitation, alors l’assureur aurait dû le prévoir expressément, cette interprétation étant contredite par la rédaction même de la clause qui garantit les pertes d’exploitation résultant de l’interruption mais également de la réduction de l’activité. La société Zen ajoute que son activité est un restaurant de type « buffet à volonté », et non un commerce de vente à emporter, et pointe que les interdictions de déplacements et d’accueil du public, imposées à son établissement, et l’interdiction d’accès qui en résulte, sont bien la conséquence des mesures prises par les autorités pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 et donc d’un événement extérieur.

A l’argumentation de l’assureur selon laquelle la prise en charge des pertes d’exploitation suite aux mesures administratives prises dans le cadre de la lutte contre l’épidémie Covid-19 constitue un préjudice anormal, ne relevant pas de la commune intention des parties au moment de la signature du contrat, la société Zen oppose qu’il n’existe que deux limites à l’assurabilité d’un risque, à savoir l’ordre public et l’aléa, lequel est apprécié par rapport à l’assuré.

La société ACM iard excipe des conditions de la garantie des « pertes d’exploitation », lesquelles ne sont en l’espèce pas réunies. Le dommage garanti, à savoir les pertes d’exploitation résultant d’une interruption ou d’une réduction d’activité, ne peut être indemnisé, sauf dénaturation de la lettre du contrat, que s’il est justifié d’un des événements garantis à l’article 17.1, la police déterminant limitativement les dommages pris en charge. Ce sont surtout des sinistres matériels affectant les bâtiments qui permettent la mise en jeu de la garantie, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce.

L’assureur souligne que s’agissant d’une condition de la garantie, et non d’une exclusion, la charge de la preuve incombe non à l’assureur mais à l’assuré, lequel doit en l’espèce établir que son établissement faisait l’objet d’une mesure administrative ou judiciaire interdisant l’accès aux locaux et qu’une telle mesure est cause de son dommage.

La société ACM iard plaide que la notion d’interdiction d’accès au sens du contrat est claire et insusceptible d’interprétation. En effet, la clause du contrat distingue clairement l’ « interdiction d’accès » au locaux des « difficultés d’accès » ou des « difficultés d’exploitation ». L’interdiction d’accès, de manière littérale, ne peut se comprendre que comme une défense absolue de pénétrer dans les locaux assurés. Il convient donc, pour que la garantie soit mobilisable, qu’il soit justifié d’une interdiction d’accéder au local entraînant une interruption de l’activité. Les mesures administratives issues des arrêtés des 14 et 15 mars 2020 ou du décret du 29 octobre 2020 n’interdisaient l’accès de l’établissement ni à la direction, ni aux salariés, ni aux fournisseurs ou aux livreurs, ni même aux clients sous certaines conditions. Contrairement à la police Axa, la police Acajou n’étend pas sa garantie à une simple restriction d’accès.

L’assureur estime que la société Zen dénature le contrat en confondant accès et exploitation de l’établissement et qu’il n’est pas démontré que les mesures administratives empêchaient l’accès à l’établissement, la société Zen concédant d’ailleurs qu’il puisse s’agir que d’une restriction, puisque les clients demeuraient autorisés à pénétrer dans son local pour le « click and collect ».

La société ACM iard précise que seule la garantie de l’article 17. 3 « difficulté d’accès » ou « impossibilité d’exploiter » permet de garantir la réduction d’activité mais elle n’a vocation à jouer que si l’assuré rapporte la preuve d’«un événement accidentel ayant entraîné des dommages matériels survenant à moins de 500 mètres » du local assuré, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce.

La société ACM soutient par ailleurs que l’analyse des mesures gouvernementales ne met en lumière aucune interdiction d’accès aux locaux, puisque lors du premier confinement, il existait uniquement une restriction d’accueil du public. Elle souligne que si l’appelante a fermé son établissement, il s’agissait d’un choix de son dirigeant et non d’une contrainte imposée par la loi ou le règlement. De manière similaire, lors du second confinement, seule une restriction à l’accueil du public était subie. Les clients pouvaient parfaitement se déplacer pour retirer leurs commandes, la société Zen ayant pu réaliser un chiffre d’affaires durant les périodes affectées par les mesures gouvernementales. Conformément à son objet social, la société Zen pouvait maintenir l’activité de « vente à emporter » et de « traiteur ».

La société ACM iard ajoute que, si la cour devait estimer nécessaire d’interpréter le contrat et de rechercher la commune intention des parties dans les termes de l’article 1188 du code civil, il lui appartiendrait de relever que les ACM et la société ZEN ont conclu un contrat pour garantir cette dernière contre des risques d’exploitation pouvant survenir dans le cadre normal de son activité de restauration. Les mesures générales de police administrative prises par le gouvernement pour faire face à l’épidémie de covid ne correspondaient pas à l’aléa envisagé par les parties et constituent un risque qui ne saurait relever d’une garantie contractuelle prise pour couvrir un préjudice individuel pesant sur l’exploitation d’un assuré en particulier, à l’origine d’un préjudice anormal subi par plusieurs catégories d’établissements recevant du public. Seul l’Etat doit réparer les effets dommageables induits par ces mesures de police générale, conformément au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En raison de la force obligatoire attachée aux contrats légalement souscrits entre les parties, selon l’article 1192 du même code, le juge ne peut interpréter les clauses claires et précises sous peine de dénaturation.

L’article 1190 du code civil précise que dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé.

S’agissant des conditions mêmes de la garantie, la charge de la preuve de la réunion de ces dernières incombe à l’assuré

En l’espèce, il n’est pas discuté que le contrat souscrit le 23 mai 2019 entre la société ACM iard et la société Zen, intitulé contrat d’assurance Multirisque professionnelle « acajou signature », soit un contrat d’adhésion et que les conditions générales, produites aux débats et analysées par chacune des parties, bien que non datées, soient celles applicables à la relation contractuelle.

Les parties s’opposent plus particulièrement sur le sens à donner à l’article 17-1 des conditions générales contractuelles, lequel stipule que : Nous garantissons les pertes pécuniaires que vous pouvez subir du fait de l’interruption ou de la réduction de votre activité résultant soit :

– d’un dommage matériel* garanti ;

– d’une impossibilité ou d’une difficulté d’accès à vos locaux professionnels, et/ou d’une impossibilité de les exploiter consécutive à un événement accidentel* ayant entraîné des dommages matériels*à moins de 500 mètres de vos locaux, dès lors que ceux-ci auraient été garantis par le présent contrat s’ils avaient atteint les biens assurés ;

d’une mesure d’interdiction d’accès émanant des autorités administrative ou judiciaires, prises à la suite d’un événement extérieur à votre activité ou aux locaux dans lesquels vous l’exercez ;

d’une carence d’approvisionnement de vos fournisseurs ayant leur établissement situé dans le territoire de l’Union européenne résultant de dommages matériels* survenant dans leurs locaux, dès lors que ces dommages auraient été couverts au titre de votre contrat d’assurance si ces dommages étaient survenus dans les locaux assurés », l’astérisque * renvoyant à des définitions contenues aux pages 37 et 38 de la notice.

Cet article, qui constitue, selon son propre intitulé, la « garantie de base », dans une partie consacrée aux garanties financières, et plus spécifiquement dans un paragraphe 17 intitulé pertes d’exploitation, liste les événements susceptibles d’entraîner la garantie ACM et décrit l’enchaînement causal nécessaire pour obtenir une prise en charge.

Il convient donc d’en examiner plus précisément les termes, afin en premier lieu de déterminer si une quelconque ambiguïté ou un doute existe, nécessitant une interprétation, laquelle en présence d’un contrat d’adhésion se ferait en faveur de l’adhérent, la seule nature de contrat d’adhésion n’induisant pas de facto qu’il faille interpréter le contrat, contrairement à ce que laisse entendre la société Zen. Dans un second temps, il conviendra d’examiner si les conditions exigées, telles qu’envisagées par l’article précité ou le cas échéant interprétées par la cour, sont réunies.

De cette disposition, il s’extrait que 3 éléments sont nécessaires pour pouvoir prétendre à la mise en jeu de cette garantie, à savoir :

– la présence de pertes pécuniaires,

– l’origine des pertes, qui doit être en lien avec une interruption ou une réduction de l’activité,

– la circonstance nécessaire pour déclencher le jeu de la garantie, laquelle doit procéder de l’une des quatre circonstances décrites.

Parmi les circonstances listées, hormis l’éventualité d’une difficulté d’approvisionnement, les autres ont trait soit à un dommage matériel subi, soit, pour le cas deux et trois, un événement engendrant une inaccessibilité, les parties s’accordant sur le fait qu’est enjeu plus particulièrement dans le présent litige, la circonstance n° 3.

Plus précisément cette circonstance est définie comme « une mesure d’interdiction d’accès émanant des autorités administrative ou judiciaires, prises à la suite d’un événement extérieur à votre activité ou aux locaux dans lesquels vous l’exercez ».

En l’espèce, il n’est discuté ni que les mesures gouvernementales prises pour lutter contre la pandémie, telles qu’issues des arrêtés des 14 et 15 mars 2020 puis du décret du 29 octobre 2020, constituent « une mesure émanant des autorités administratives » au sens du présent texte, ni qu’elles aient été « prises à la suite d’un événement extérieur à votre activité ou aux locaux dans lesquels vous l’exercez », la pandémie de la Covid étant bien un événement extérieur à l’activité des assurés et/ ou à leurs locaux.

Le débat se cristallise sur la notion de « mesures d’interdiction d’accès » et sur la teneur des mesures imposées par l’autorité administrative dans le cadre de la lutte contre la pandémie.

La société Zen ne peut raisonnablement arguer du caractère obscur de cette expression du seul fait que, pour cette circonstance, à la différence des autres, il n’existerait pas de renvoi au glossaire pour en définir les termes.

En effet, le renvoi au lexique concerne des termes qui ont soit une connotation juridique, soit une technicité, soit une définition qui peut être dérogatoire ou plus circonscrite qu’en droit commun. Tel est le cas pour la notion d’accident ou encore de dommage matériel, usités dans la présente clause et faisant l’objet de définitions aux pages 37 et 38 des conditions générales du contrat.

En l’absence de tels renvois, l’expression précitée renvoie au sens du droit commun, lequel ne présente aucune ambiguïté, contrairement à ce que soutient la société Zen.

Suivant le langage commun, une mesure d’interdiction est une mesure qui défend formellement, prive ou empêche autoritairement de faire quelque chose ou d’user de quelque chose.

En l’espèce, la présente interdiction se réfère à l’accès, c’est-à-dire à l’entrée ou ou passage, qui se trouve, par cette mesure, interdit.

La mesure d’interdiction d’accès ne peut donc se comprendre que comme la défense ou l’impossibilité de pénétrer dans les locaux de l’assuré.

Aucune contrariété ou ambiguïté n’existe entre cette définition de la circonstance qui envisage une mesure défendant l’accès au local et celle de l’origine des pertes, qui doit procéder « de l’interruption ou de la réduction de votre activité ».

Cette dernière proposition envisage certes une gradation dans l’atteinte portée à l’activité, qui s’explique par le caractère général de l’expression utilisée pour définir l’origine des pertes pécuniaires, permettant englober les conséquences tenant aux différents cas prévus dans les circonstances listées.

Contrairement à ce qu’affirme la société ACM iard, sans aucun fondement, rien n’empêche que la mesure d’interdiction puisse n’être que partielle et ne concerner qu’une catégorie précise, par exemple de personnes, dont l’accès au local serait empêché, dès lors qu’aucun adjectif, tel qu’ « absolu » ou « général », n’a été apposé au terme « interdiction ».

La mesure d’interdiction partielle d’accès aurait dès lors été susceptible d’engendrer des pertes pécuniaires liées à une réduction de l’activité, qui n’aurait pu que conduire à mettre en ‘uvre ladite garantie. En outre, la troisième circonstance, qui envisage tant la suppression que la simple restriction, laquelle peut s’appliquer à l’accès au locaux comme à l’exploitation de l’activité, peut engendrer une interruption ou une réduction de l’activité, étant observé toutefois que l’événement déclencheur de la garantie, plus strictement circonscrit, doit être « consécutif à un dommage matériel préalablement garanti ».

Au vu de cette recontextualisation de la stipulation litigieuse, dans la clause au sein de laquelle elle s’insère, et au vu du sens commun devant être attaché aux notions qui y sont employées, la société Zen évoque de manière infondée une ambiguïté des termes usités et une contradiction interne entre « une réduction et une diminution », envisagée par la première partie de la phrase et le sens à donner à la troisième circonstance.

Cette clause claire et précise ne saurait dès lors être interprétée par la cour, qui plus est en faveur de l’assuré conformément aux règles invoquées par la société Zen, sous peine de dénaturation, la mesure d’interdiction d’accès ne pouvant se comprendre que comme la défense ou l’impossibilité de pénétrer dans les locaux de l’assuré.

Cette définition de l’événement susceptible d’ouvrir droit à la garantie doit désormais être confrontée aux mesures gouvernementales imposées pour lutter contre la pandémie de Covid 19 et la propagation du virus.

Or, il ressort de leur examen, que ce soit pour les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 ou pour le décret du 29 octobre 2020, concernant les établissements recevant du public, et notamment les restaurants et débits de boissons, catégorie à laquelle la société Zen appartient, que ces mesures imposaient, dans des termes à peu près équivalents, de « ne plus pouvoir accueillir du public », l’ensemble des établissements de cette catégorie étant en « outre autorisés à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison ». Il était prévu par ailleurs des exceptions, notamment pour le service de restauration collective ou pour les repas des personnels dont l’activité est indispensable, ces exceptions étant plus nombreuses dans le décret d’octobre 2020 que dans les premiers arrêtés.

Il s’ensuit que, stricto sensu, ces mesures administratives n’ont pas interdit l’accès, et encore moins aux locaux, tant de la direction que des personnels, mais également des fournisseurs et livreurs, voire de la clientèle, dès lors qu’un service de click and collect et de vente à emporter était envisageable.

Dès lors, la société Zen ne peut utilement affirmer qu’interdire d’accueillir du public à un établissement revenait nécessairement à lui imposer une fermeture.

Elle ne peut pas plus, par une lecture a contrario et interprétative du courrier de relance mutualiste adressé le 22 avril 2020 par l’assureur à tous les souscripteurs d’un contrat d’assurance multirisque professionnel, affirmer que l’ACM a reconnu l’existence d’une fermeture administrative imposée par les textes précités.

Outre les termes généraux de ce courrier, lequel s’adresse à tous les assurés, tant de la société ACM que du CIC assurances, quels que soient les termes de leur police d’assurance, cette annonce souligne uniquement que le versement de la prime n’est pas conditionné à une fermeture administrative, laquelle ne concerne que certains assurés.

Il sera observé, enfin, que la société Zen, qui pointe que son activité de restauration traditionnelle était impactée par les mesures, faute de possibilité d’accueillir la clientèle à table, disposait de la possibilité de servir cette clientèle dans le cadre de la vente à emporter, activité qu’elle exerce, comme en atteste, la pièce versée par la société ACM iard mentionnant un référencement sur Uber eat.

Dès lors, la société Zen échoue à démontrer que la stipulation précitée permettait la mise en ‘uvre de la garantie pour perte d’exploitation en sa faveur, à raison des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la pandémie de covid. Cela justifie la confirmation de la décision entrepise, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres conditions et moyens développés par les parties.

III ‘ Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Zen, succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Zen, tenue aux dépens d’appel, sera condamnée au titre des frais irrépétibles à hauteur de la somme fixée au dispositif du présent arrêt, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

La demande de distraction au profit de Me Laurent ne peut qu’être rejetée.

Les chefs de la décision entreprises relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DECLARE irrecevable la demande formée par la société Zen et tendant à l’indemnisation des préjudices subis au titre de la garantie perte d’exploitation suite aux mesures d’interdiction d’accès prises en raison de la pandémie pour la période du 15 juin 2020 au 23 octobre 2020 ;

DECLARE recevable la demande de condamnation aux frais d’honoraire d’expert et la demande de dommages et intérêts tenant à l’intérêt légal sur les sommes réclamées ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

CONDAMNE la société Zen aux dépens d’appel ;

CONDAMNE la société Zen à payer la société ACM iard la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Zen de sa demande d’indemnité procédurale et de sa demande de distraction au profit de Me Laurent.

Le greffier La présidente

Marlène Tocco Stéphanie Barbot

 

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