Fermeture Covid 19 : les loyers commerciaux sont dus

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Une société, en sa qualité de locataire, et donc de créancière de l’obligation de délivrance de la chose louée, n’est pas fondée à invoquer à son profit la force majeure justifiant une exonération du paiement des loyers échus pendant les périodes d’interdiction de recevoir du public alléguées.

La mesure générale et temporaire de police administrative portant interdiction à certains établissements de recevoir du public pendant la période d’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, n’est pas imputable au bailleur et n’est donc pas constitutive d’une inexécution par celui-ci de son obligation de délivrance (Civ. 3, 30 juin 2022 : pourvois n°21-19889, n°21-20190 et n°21-20127 ; Civ. 3, 23 novembre 2022 : pourvoi n°21-21867).

D’une part, seul est constitutif de force majeure l’événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible lors de son exécution (Cass. Plén., 14 avril 2006 : pourvoi n°02-11168 ; Civ. 1, 30 octobre 2008 : pourvoi n°07-17134 ; Com., 19 octobre 2022 : pourvoi n°21-14880), que d’autre part le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de ce cette obligation en invoquant un cas de force majeure (Com., 16 septembre 2014 : pourvoi n°13-20306), et qu’enfin le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure (Civ. 3, 30 juin 2022 : pourvoi n°21-20190), de sorte que l’impossibilité d’exercer une activité du fait des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus covid-19 ne peut exonérer le preneur du paiement des loyers échus pendant les périodes de confinement (Civ. 3, 15 juin 2023 : pourvoi n°21-10119).

Résumé de l’affaire

La S.N.C. KC 10 SNC a donné à bail commercial à la S.A.R.L. JEGAP GEST, agissant pour le compte de la S.A.R.L. RENOUVEAU, un local pour une durée de dix ans. En raison de l’épidémie de covid-19, la S.N.C. KC 10 SNC a proposé un report de paiement des loyers, mais la S.A.R.L. RENOUVEAU n’a pas payé les loyers dus depuis avril 2020. La S.N.C. KC 10 SNC demande le paiement des loyers et charges impayés, tandis que la S.A.R.L. RENOUVEAU invoque l’exception d’inexécution et la force majeure liée à la fermeture administrative de ses locaux. L’affaire a été plaidée en janvier 2024 et la décision est attendue pour mars 2024.

Les points essentiels

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’action en paiement

Aux termes des dispositions de l’article 1709 du code civil, le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, moyennant un certain prix. En l’espèce, la S.A.R.L. RENOUVEAU est condamnée à payer à la S.N.C. KC 10 SNC la somme de 22.847,04 euros au titre des loyers, charges et taxes locatives impayés.

Sur le moyen de défense tiré de la perte de la chose louée

La S.A.R.L. RENOUVEAU ne peut invoquer la perte de la chose louée en raison des mesures gouvernementales liées à la pandémie de covid-19, car ces mesures n’ont pas entraîné de changement dans les locaux loués. Aucune perte des locaux n’est caractérisée.

Sur le moyen de défense tiré de l’exception d’inexécution en raison du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance

La S.A.R.L. RENOUVEAU ne peut opposer l’exception d’inexécution en raison du prétendu manquement de la S.N.C. KC 10 SNC à son obligation de délivrance, car l’impossibilité d’exploiter les lieux pendant les périodes de confinement résulte du législateur et non du bailleur.

Sur le moyen de défense tiré de la force majeure

La force majeure ne peut être invoquée pour exonérer la S.A.R.L. RENOUVEAU du paiement des loyers dus pendant les périodes d’interdiction de recevoir du public. Les mesures gouvernementales liées à la pandémie de covid-19 ne constituent pas un cas de force majeure dans ce contexte.

Conclusion sur la demande en paiement

La S.A.R.L. RENOUVEAU est condamnée à payer à la S.N.C. KC 10 SNC la somme de 22.847,04 euros au titre des loyers, charges et taxes locatives impayés.

Sur les intérêts moratoires

La condamnation prononcée emportera intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter de l’expiration du délai d’un mois postérieurement à la date d’exigibilité de chaque somme due.

Sur l’anatocisme

La capitalisation des intérêts prendra effet à compter du 4 mai 2022, date de signification de l’assignation introductive de la présente instance.

Sur les dommages et intérêts au titre de la clause pénale

La S.A.R.L. RENOUVEAU est condamnée à payer à la S.N.C. KC 10 SNC la somme de 2.284,70 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant de la clause pénale.

Sur la demande reconventionnelle de délais de paiement

La demande reconventionnelle de délais de paiement de la S.A.R.L. RENOUVEAU est rejetée.

Sur les mesures accessoires

La S.A.R.L. RENOUVEAU est condamnée aux dépens, à l’exclusion des droits proportionnels de recouvrement. Elle est également condamnée à payer à la S.N.C. KC 10 SNC une indemnité de 3.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Les montants alloués dans cette affaire: – 22.847,04 euros à la S.N.C. KC 10 SNC pour les loyers, charges et taxes locatives impayés
– 2.284,70 euros à la S.N.C. KC 10 SNC à titre de dommages et intérêts correspondant au montant de la clause pénale stipulée au contrat de bail commercial
– 3.000 euros à la S.N.C. KC 10 SNC sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Code civil
– Code de procédure civile
– Code de commerce
– Code des procédures civiles d’exécution
– Code de la consommation

Article 1709 du code civil:
Le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer.

Article 1728 du code civil:
Le preneur est tenu de deux obligations principales : 2°) de payer le prix du bail aux termes convenus.

Article 1217 du code civil:
La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation.

Article 1221 du code civil:
Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

Article 1353 du code civil:
Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Article 1722 du code civil:
Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail.

Article 1219 du code civil:
Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Article 1719 du code civil:
Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1°) de délivrer au preneur la chose louée.

Article 1218 du code civil:
Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Article 1231-6 du code civil:
Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.

Article 1343-2 du code civil:
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Article 1231-1 du code civil:
Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Arnaud DUFFOUR
– Maître Jean-Marc BORTOLOTTI

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