Fausses factures aux assurances : la déchéance des garanties

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Nos Conseils:

– Veillez à fournir des documents traduits en français pour faciliter la compréhension et l’analyse des pièces produites par les parties, conformément aux règles de procédure civile.
– Assurez-vous de justifier de manière claire et précise la réalité des prestations ou des biens facturés, en apportant des éléments probants tels que des inventaires, des actes de cession ou des relevés de compte pour étayer vos demandes.
– Respectez les clauses du contrat d’assurance et veillez à agir de bonne foi dans toutes vos déclarations pour éviter toute déchéance de garantie, en particulier en cas de fausses déclarations intentionnelles sur les circonstances d’un sinistre.

Résumé de l’affaire

Monsieur H a souscrit un contrat d’assurance pour son immeuble, qui a été sinistré par un incendie en novembre 2018. Suite à une déclaration de sinistre, l’assureur Groupama Grand Est a avancé des frais pour sécuriser l’immeuble et versé une provision à l’assuré. Cependant, en mai 2019, l’assureur a déchu Monsieur H de ses garanties pour fausses déclarations intentionnelles. En novembre 2020, Monsieur H a assigné Groupama en justice pour indemnisation de son préjudice. Le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc a rejeté la demande d’indemnisation de Monsieur H, l’a condamné à rembourser la provision et les frais avancés par l’assureur, et lui a infligé des frais et une amende. Monsieur H a fait appel de ce jugement, demandant une indemnisation plus importante, tandis que Groupama demande la confirmation du jugement initial. L’affaire est en attente de délibéré après une audience de plaidoirie fixée en mars 2024.

Les points essentiels

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

Avocats

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Mots clefs associés & définitions

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 mai 2024
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/01766
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 21 MAI 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01766 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FAUD

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de BAR LE DUC,

R.G.n° 20/000524, en date du 23 juin 2022,

APPELANT :

Monsieur [N] [H]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 10] (BELGIQUE)

domicilié [Adresse 6] (ALLEMAGNE)

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Xavier NODEE, avocat au barreau de la MEUSE

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DU GRAND EST – GROUPAMA GRAND EST, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social sis [Adresse 1]

Représentée par Me Michèle SCHAEFER, avocat au barreau de NANCY

Plaidant par Me Elisa PIERRÉ, substituant Me Valérie DAVIDSON, avocats au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente, chargée du rapport, et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2024, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 21 Mai 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat d’assurance en date du 30 août 2018, Monsieur [N] [H] a souscrit un contrat d’assurance propriétaire portant sur son immeuble situé [Adresse 9] à [Localité 8] auprès de la Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles du Grand-Est (ci-après dénommée « la société Groupama Grand Est »).

Le 26 novembre 2018, l’immeuble appartenant à Monsieur [H] et faisant l’objet du contrat d’assurance susvisé, a été sinistré par un incendie.

Monsieur [H] a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société Groupama Grand Est.

La S.A.R.L. Foissy Frères est intervenue pour sécuriser l’immeuble objet du sinistre aux frais avancés de la société Groupama Grand Est pour un montant de 5640 euros. L’assureur a par ailleurs versé une provision de 10000 euros à son assuré et organisé une expertise amiable confiée au cabinet Galtier qui a déposé son rapport préparatoire le 5 janvier 2019.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 mai 2019, la société Groupama Grand Est a notifié à Monsieur [N] [H] qu’il était déchu de ses garanties contractuelles, pour cause de fausse déclarations intentionnelles.

Le 2 novembre 2020, Monsieur [H] a fait assigner la société Groupama Grand Est devant le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Par jugement contradictoire du 23 juin 2022, le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc a :

– rejeté la demande d’indemnisation de Monsieur [H] à l’encontre de la société Groupama Grand Est,

– condamné Monsieur [H] à verser à la société Groupama Grand Est la somme de 15640 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2019,

– condamné Monsieur [H] aux dépens de l’instance,

– condamné Monsieur [H] à verser à la société Groupama Grand Est une somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande de la société Groupama Grand Est au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour le surplus,

– rejeté la demande de Monsieur [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que les factures présentées par Monsieur [H], établies le 16 septembre 2018, le 3 octobre 2018, le 16 octobre 2018 et le 2 novembre 2018 par la société allemande Burghaüs Kronenburg GmbH et portant le logo « Burghaus Kronenburg Das Schlosshotel » étaient fausses, dès lors que cette société avait indiqué ne jamais les avoir établies et qu’elles ont été émises postérieurement à l’acte de cession du fonds de commerce.

En conséquence de ces fausses déclarations, conformément à l’article 7.4 du contrat d’assurance, il a relevé que Monsieur [H] était déchu de la garantie de la société Groupama Grand Est.

Ce faisant, la société n’ayant aucune obligation de prise en charge du sinistre, il a estimé que Monsieur [H] devait lui rembourser la provision de 10000 euros qu’il a perçue ainsi que la somme de 5640 euros payée à la S.A.R.L. Foissy Frères.

oOo

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 26 juillet 2022, Monsieur [H] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 3 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [H] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc du 23 juin 2022 en son intégralité,

Et, statuant à nouveau,

– condamner la société Groupama Grand Est à l’indemniser de la somme de 1043447 euros au titre de sa garantie,

– appliquer l’intérêt légal à cette somme à compter 2 novembre 2020,

– débouter la société Groupama Grand Est de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

– condamner la société Groupama Grand Est à lui verser à la somme de 8340 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Groupama Grand Est aux entiers dépens à hauteur d’appel et de première instance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 16 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Groupama Grand Est demande à la cour, sur le fondement des articles 1104, 1188, 1193 et suivants du code civil, de :

– confirmer le jugement n°20/00524 rendu le 23 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de Monsieur [H] et en ce qu’il l’a condamné à restituer la somme de 15640 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2019 ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

En conséquence,

– débouter Monsieur [H] de toutes ses demandes,

– condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 15640 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2019 ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Y ajoutant,

– condamner Monsieur [H] en tous les frais et dépens d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

En tout cas,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2024.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 18 mars 2024 et le délibéré au 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [H] le 3 novembre 2023 et par la société Groupama Grand Est le 16 octobre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 16 janvier 2024 ;

Sur le bien fondé de l’appel

A l’appui de son recours Monsieur [N] [H] fait valoir qu’il exploitait avec son fils [F] [H], un fonds de commerce d’hôtel-restaurant dans l’arrondissement de [Localité 7] en Allemagne ; la société Burghaüs Kronenburg GmbH, à l’enseigne ‘Das Schlosshotel’ dont il est le dirigeant, a vendu le 25 juin 2018 son fonds de commerce à la société Eifel Stiftung ; il indique que sa société n’a pas vendu tous ses actifs et a perduré ;

Il affirme avoir rénové sa maison achetée en Meuse, lieu dit [Adresse 9], de septembre à novembre 2018 avec les matériaux qui appartenaient à la société allemande Burghaüs Kronenburg GmbH, à qui il les a rachetés et qui les lui a facturés, tout comme le temps de son industrie pour faire les travaux.

Il conteste les assertions du jugement déféré concernant la fausseté des factures qu’il a produites à l’appui de sa demande de prise en charge du sinistre, relatives à la rénovation de son immeuble ainsi qu’au mobilier acquis et présent dans les lieux ; il rappelle qu’il appartient à la société Groupama Grand Est qui qualifie les factures de fausses, de l’établir ce qu’elle ne fait pas ;

En effet s’agissant de leur émetteur, il conteste l’existence d’une ambiguïté portant sur le logo des factures en litige, dès lors que l’auteur et le destinataire de la facture peuvent être clairement déterminés ce qui exclut tout faux ;

le logo correspond à celui de son ancienne activité, ce qui ne constitue pas un faux dès lors qu’y figure son numéro de RCS notamment ainsi que son nom comme dirigeant ; aucun confusion n’est possible avec la société qui a repris son activité qui a changé de nom (Burghaus & Villa Kronenburg) ;

Il ajoute que la société qui a émis ces factures est la société Burghaüs Kronenburg GmbH devenue à son initiative, depuis le 8 mai 2019, la société Burkron GmbH dont le siège a été transféré à [Localité 3] ; il précise que si les numéros des factures ne sont pas consécutifs, c’est ‘pour préserver le secret des affaires’ ; il justifie au demeurant que six factures ont été comptabilisées par une attestation de son avocat en Allemagne (pièce 25) ; il reconnaît que ces factures comportent un taux de TVA inexact correspondant à celui applicable au bâtiment en France mais affirme que cela n’affecte en rien la réalité de celles-ci ; si elles sont établies en français c’est qu’elles concernaient des travaux réalisés en France et là encore, cela n’a aucune incidence sur leur effectivité ;

S’agissant de l’objet des factures, il affirme qu’il s’agit de prestations réelles et effectives ; la société Burghaus Kronenburg lui a vendu des matériaux de construction et d’entretien de l’hôtel cédé dont elle disposait dans ses actifs ; il en justifie par la production de factures en pièces 20 et 26 ;

Il affirme que son immeuble a été rénové avec ces matériaux contrairement aux affirmations contraires de la société Groupama Grand Est qui n’apporte aucun élément de preuve à leur soutien ; il considère qu’ainsi la société d’assurance reconnaît que des travaux ont été effectués dans son immeuble avant le sinistre, par ses soins (il produit des photographies ainsi qu’une attestation de l’agent immobilier qui a concouru à la vente Madame [I] [U] -pièce 16 et du maire de la commune – pièce 23) ;

Il affirme enfin que ces factures ont été payées, par débit de son compte courant d’associé créditeur, dans sa société allemande ;

S’agissant du mobilier, il indique que la société Burghaüs Kronenburg-Das Schlosshotel possédait des meubles qui lui ont été rachetés et qu’il a payés toujours par compensation avec son compte-courant d’associé ; il produit des photographies du mobilier et conteste les extrapolations de l’assureur sur la copie de photos de son ancien établissement hôtelier ;

Enfin il considère que la société Groupama Grand Est n’est pas en mesure d’établir subir un sinistre imputable à ces documents, dès lors qu’elle est contractuellement tenue à une reconstruction à neuf de l’immeuble, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des rénovations antérieurement effectuées ce qui justifie l’infirmation du jugement déféré et l’indemnisation de son préjudice tel que détaillé dans ses écritures ;

En réponse la société Groupama Grand Est indique en premier lieu, que nombre de pièces produites par l’appelant sont en langue allemande et non traduites, ce qui justifie de les écarter des débats ;

Elle précise qu’un état estimatif des dommages a été établi par le cabinet Galtier ; les causes de l’incendie dans l’immeuble de Monsieur [N] [H] n’ont pas été élucidées ;

Monsieur [N] [H] a réclamé l’indemnisation de meubles, antiquités ainsi que de travaux de rénovation de l’habitation ;

Les factures produites à l’appui de sa demande paraissant particulières, la société Groupama Grand Est a fait diligenter une enquête avant de notifier à son assuré le 9 mai 2019, la déchéance de ses garanties pour déclarations mensongères intentionnelles ; la déchéance est fondée sur une augmentation artificielle de son préjudice (matériel et main d’oeuvre) ;

Ainsi Monsieur [H] a produit plusieurs factures établies au nom de l’hôtel que sa société allemande gérait (Das Schlosshotel) ; elles concernent des travaux et des matériaux que la société facture à Monsieur [H], sans cependant les détailler ; elles sont rédigées en français et y applique une TVA impropre de 5,5% ; les vérifications sur place en Allemagne, ont permis d’exclure l’émission de ces factures par la société gérant à présent cet hôtel ;

L’intimée relève que les développements de l’appelant portant sur la définition pénale du faux sont sans emport sur le présent litige ; en revanche les erreurs concédées par l’appelant dans ces écritures, démontrent amplement la fausseté des factures émises par une société allemande 6 mois après la cession de son fonds de commerce ; elles ont été produites par Monsieur [N] [H] pour justifier d’un préjudice matériel qui n’est pas réel ; l’appelant n’a au demeurant jamais établi s’en être acquitté ; en ce qui concerne l’achat de meubles provenant de la société Burghaüs Kronenburg Das Schlosshotel, les captures d’écrans produites sont celles qui servaient de publicité à l’établissement hôtel, ce qui ne démontre aucunement qu’ils se trouvaient dans l’immeuble sinistré ;

Enfin l’appelante rappelle que la déchéance de garantie n’est pas conditionnée par l’existence d’un préjudice pour l’assureur, mais résulte de l’application des clauses du contrat liant les parties (article 7.4 des conditions générales) ; l’inexactitude volontaire des déclarations de l’assuré établissent sa mauvaise foi et fondent la déchéance des garanties souscrites dans leur entièreté ;

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil ‘ les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’ ; ‘les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public’ ;

L’article 7.4 du contrat conclu le 26 août 2018 entre les parties prévoit qu’ ‘en cas de fausses déclarations faites sciemment sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences d’un sinistre, vous perdez pour ce sinistre le bénéfice des garanties du contrat’ ;

Monsieur [H] a souscrit une garantie incendie, à hauteur de la ‘valeur de reconstruction’ des dommages immobiliers, sous réserve d’une franchise de 144 euros par événement (pièce 2 intimée) ;

le contenu de l’habitation hors objets de valeur est garanti à hauteur de 115212 euros ;

Consécutivement au sinistre d’incendie déclaré le 28 novembre 2018, le cabinet Galtier à établi une première évaluation des dommages consécutifs au sinistre ;

le document est intitulé ‘état préparatoire à l’évaluation des dommages’ daté du 5 janvier 2019 (pièce 3 appelant) ; il met en compte une somme de 946096 euros au titre de la reconstruction du bâtiment à neuf, des frais de démolition et des déblais ainsi que des mesures conservatoires (S.A.R.L. Foissy Frères) ; au titre du mobilier, il retient une somme totale de 124240 euros constituée notamment par des tables et chaises, lits, armoires ainsi que certaines antiquités et des rideaux ;

Le cabinet Elex missionné par la société Groupama Grand Est a déposé son rapport le 3 décembre 2018 indiquant que ‘l’intérieur des locaux est entièrement détruit, tant dans le corps d’habitation que dans les locaux annexes (…) L’accès aux locaux d’habitation est totalement impossible’ ; la cause du sinistre n’a pu être déterminée (pièce 3 intimée) ;

Il est établi par la production de la pièce 13 de l’appelant, que ce dernier a remis en janvier 2019 au cabinet Galtier, un inventaire du contenu de la maison, une estimation des tableaux, mobiliers, et contenus divers émanant de la société Eiffel Antik, une facture d’achat du mobilier ainsi que des factures de rénovation du bâtiment à l’attention de l’expert d’Elex, Monsieur [C] ;

Monsieur [C] a dans son courrier à Groupama le 1er février 2019 relevé des difficultés quant aux factures produites par Monsieur [H] pour un montant cumulé de 139000 euros, dont 85400 euros au titre du mobilier et le reste des travaux (pièces 4) ; cela a conduit la société Groupama Grand Est a décliner sa garantie par courrier du 9 mai 2019 au motif que ‘les factures émanant de l’entreprise allemande BK Burghaüs Kronenburg, -Das Schlosshotel, ne trouvent aucune correspondance chez cette dernière’ (pièce 4 appelant) ;

Les factures en litige sont numérotées respectivement 2018/1788, 2018/1856, 2019/05, 2018/2063, 2018/2125 ; elles sont à présent produites en pièces 25 par l’appelant, avec un courrier en allemand à l’en-tête Kanzlei Müller, Eicks & Winand sans aucune traduction, ce qui ne permet pas de la prendre en compte ; un autre courrier de la même provenance du 13 avril 2023, indique que ces factures ont été reprises dans la comptabilité de la société Burghaüs Kronenburg GmbH pour une somme globale de 250360,31 euros ; la signature est celle d’un avocat ;

Il n’est aucunement justifié à quel titre ce juriste peut attester de la comptabilité de la société Burghaüs Kronenburg GmbH ;

La première facture datée du 26 octobre 2018 (n°18/4866) est en allemand et ne comporte aucune traduction ; elle semble correspondre à du mobilier pour un montant ttc de 85400 (TVA de 19%) ; elle est établie au nom de [N] [H] à [Localité 8] ;

Elle a été émise par la société allemande Burghaüs Kronenburg- Das Schlosshotel sise à [Localité 5] et mentionne comme dirigeant [N] [H] ;

Il est constant que ce papier à en-tête était celui de la société dirigée par Monsieur [H] en Allemagne avant la cession de son fonds de commerce réalisée le 25 juin 2018 ; il ne correspond plus à la réalité lors de son émission, l’hôtel Das Schlosseberg n’étant plus en sa possession ;

La réalité de la vente de ce mobilier supposerait que l’acquéreur du fonds de commerce n’ait pas acquis tout le mobilier de l’hôtel, dès lors qu’une partie des meubles serait restée en possession du cédant, la société Burghaüs Kronenburg GmbH dans des conditions de stockage non énoncées et qu’elle aurait décidé d’en céder pour une valeur non négligeable de 85400 euros à Monsieur [H] son dirigeant pour l’utiliser dans sa maison en France ;

Les factures produites en pièces 20 et 26 n’ont aucune force probante à cet égard, dès lors qu’il s’agit de diverses factures pour lesquelles il n’est pas justifié de la présence des biens dans l’hôtel géré par Burghaüs Kronenburg GmbH lors de sa cession ; en effet ni l’acte de cession ni l’inventaire de biens cédés ne sont produits, ce qui aurait permis d’accréditer les affirmations de l’appelant quant à l’existence d’un stock de matériaux et de meubles conservés par la société Burghaüs Kronenburg GmbH après la cessation de son activité commerciale le 25 juin 2018 ;

Il en est de même pour les cinq factures de travaux, émises sur le même papier commercial, les 16 septembre, 3 octobre, 16 octobre, 6 et 16 novembre 2018 au nom de [N] [H] à son adresse en France ;

Ces 5 factures ne comportent aucun détail du matériel prétendument acheté auprès de la société Burghaüs Kronenburg GmbH, portant sur des matériaux de bâtiment ; qui plus est leur rédaction tend plutôt à démontrer que ce sont des prestations plutôt que des biens qui ont été facturées à Monsieur [H] (‘facturation de divers travaux de rénovation’) ; Monsieur [H] a ainsi établi une facture par quinzaine, pour la période de septembre, octobre 2018 ainsi que la première quinzaine de novembre 2018 pour un montant total de 139960,94 euros ;

La réalité des prestations facturées n’est aucunement justifiée par ces documents qui se rattachent prétendûment à des ventes de matériel de construction et à la rémunération de prestations de main-d’oeuvre réalisées par Monsieur [H], ès qualités de dirigeant de la société Burghaüs Kronenburg GmbH au profit de Monsieur [H], personne privée ;

En effet la réalité du stock des biens cédés ne résulte d’aucun document comptable, dont la production serait d’autant plus nécessaire que la société Burghaüs Kronenburg GmbH n’a plus d’activité commerciale depuis juin 2018 mais a cependant établi en Allemagne des factures en français, avec mention d’un taux de TVA applicable aux prestations dans le bâtiment en France et non à la vente de biens matériels ;

Madame [I] [U], agent immobilier à [Localité 4] qui a concouru à la vente de l’immeuble sinistré, atteste avoir vu les améliorations réalisées par Monsieur [H] dans sa maison et indique avoir constaté certains éléments de décoration comme des tentures en velours rouge ou en soie, des meubles massifs et de la vaisselle et de l’argenterie (pièce 16 appelant) ;

Monsieur [H] produit en effet une facture d’un antiquaire allemand, qui porte sur une valeur de 1428 euros, donc sans commune mesure avec celle produite par la société Burghaüs Kronenburg GmbH pour un montant de 85400 euros que Monsieur [H] a fourni à son assureur, en vue de l’indemnisation de son préjudice mobilier ;

Des photos ont été fournies par l’appelant, qui correspondent en tous points à celles qu’il utilisait au sein de la publicité de son hôtel repris par son successeur ; elles ne sont pas de nature à démontrer pas plus que les factures, que ces biens meubles se trouvaient dans sa maison lors de l’incendie ;

Enfin Monsieur [H] qui prétend avoir régulièrement acquis du mobilier ou des matériaux de construction auprès de la société allemande dont il est le dirigeant, ne justifie en aucune manière s’être acquitté du paiement de ces factures qu’il a émises pour son compte ;

Or en qualité de dirigeant, il lui était facile de produire sa comptabilité et plus particulièrement l’historique de son compte-courant créditeur, dont il affirme qu’il a servi pour honorer ses dettes privées si ces opérations étaient réelles et régulières ;

Il en résulte que la réalité des prestations contenues dans les factures dont Monsieur [H] se prévaut est infirmée tant par les éléments de forme, que les éléments de fait sus énoncés ;

Par ailleurs compte-tenu des garanties dont bénéficiait Monsieur [H] auprès de la société Groupama Grand Est, les seuls éléments sur lesquels l’indemnisation était conditionnée par la preuve de leur présence dans l’immeuble lors de l’incendie, étaient les biens meubles ;

En effet, il est constant que s’agissant du bâtiment, la police d’assurance prévoit une indemnisation ‘valeur de reconstruction’ c’est-à-dire, sans considération de l’état du bien antérieur ;

Dès lors la production par Monsieur [H] de 5 factures afférentes à des travaux ou la pose de matériel dans son domicile, n’apporte aucun élément nécessaire à l’indemnisation de l’immeuble ; En revanche elle permet d’éclairer de manière évidente, les manoeuvres de l’assuré pour obtenir l’indemnisation indûe de prestations fantaisistes, mais surtout d’éléments de mobilier ou de décoration dont la présence ne repose sur aucune réalité tangible ;

Pour ce motif, le jugement déféré sera confirmé en ce qui a considéré comme fondée la déchéance de garantie conventionnelle, opposée par la société Groupama Grand Est à Monsieur [N] [H] pour l’entier sinistre, eu égard aux fausses déclaration faites sciemment sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences de celui-ci ;

Il sera également confirmé s’agissant de la condamnation de Monsieur [H] à lui rembourser la somme indûment perçue de la part de son assureur du fait de la déchéance de sa garantie ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [N] [H] succombant dans ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Monsieur [N] [H], partie perdante, devra supporter les dépens d’appel ; en outre il sera condamné à payer à la société Groupama Grand Est la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche Monsieur [N] [H] sera débouté de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [N] [H] à payer à la société Groupama Grand Est la somme de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Monsieur [N] [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [N] [H] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

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