Faire interdire l’usage de sa marque par un tiers : les 4 conditions

Notez ce point juridique

Le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire l’usage par un tiers d’un signe identique à sa marque, que si les quatre conditions suivantes sont réunies :

– cet usage doit avoir lieu dans la vie des affaires ;

– il doit être fait sans le consentement du titulaire de la marque ;

– il doit être fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée, et

– il doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services (CJCE, 11 septembre 2007, Céline SARL c. Céline SA, C-17/06, point 16).

Interprétant les dispositions similaires du précédent règlement, la CJCE a dit pour droit que l’existence d’un risque de confusion, lequel comprend un risque d’association dans l’esprit du public concerné, s’apprécie de manière globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au regard de l’impression d’ensemble produite par les signes en cause, mais également de l’identité et de la similarité des produits et services couverts, un faible degré de similitude entre les marques opposées pouvant être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts et inversement (CJCE, Sabel BV c. Puma, 11 novembre 1997, C-251/95).

Le règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire a été codifié à droit constant par le règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, puis par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne qui, aux termes de l’article 9 paragraphe 2, dispose que sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée ;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque (…).

Ces dispositions sont équivalentes à celles de l’article 5 paragraphe 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, qui a codifié la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, et dont le titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition en droit interne.

Selon l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Selon l’article L.716-4 du même code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.

Aux termes de l’article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne.

L’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (CJCE, Bimbo c. OHMI, 8 mai 2014, C-591/12, points 21-23, 33 et 34).

En l’absence de reproduction à l’identique de la marque opposée, l’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI c. Shaker, C-334/05).

Résumé de l’affaire

La société [X] & Valentin, spécialisée dans la boulangerie et la pâtisserie, détient des marques et un nom de domaine portant son nom. Elle a constaté que la SAS DFS France et la SAS Sels utilisaient la dénomination « [X] » pour un point de vente de boulangerie et restauration, ce qui a conduit à un litige. [X] & Valentin a assigné les deux sociétés en contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Les parties ont formulé des demandes de réparation et de condamnation. La SAS [X] & Valentin demande l’interdiction d’usage du nom « [X] » et des dommages et intérêts, tandis que la SAS DFS France et la SAS Sels contestent les accusations et demandent le rejet des demandes.

Les points essentiels

Sur la demande d’écarter les pièces des débats

La société [X] & Valentin soutient que les pièces n°3.1, 3.2, 3.3, 7.1 et 9 produites par la société DFS France doivent être écartées des débats dans la mesure où elles sont constituées de photographies ou d’impressions d’écran dont l’origine et la date ne sont pas établies et sont insuffisantes à établir la réalité des faits soutenus en défense. La société DFS France répond qu’elle a produit un constat établi par un commissaire de justice reprenant les constatations tirées des pièces contestées. La société Sels n’a pas conclu à ce titre.

En application de l’article L.716-4-7 du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon de marque peut être prouvée par tous moyens. Il en résulte que la contrefaçon de marque peut notamment l’être par des captures d’écran de sites internet, lesquelles ne sont pas dépourvues par nature de force probante. Au cas présent, la société [X] & Valentin se contente d’invoquer de manière générale que les pièces n°3.1, 3.2, 3.3, 7.1 et 9 produites par la société DFS France ne sont pas datées et ne détaillent pas leur origine. Ce faisant, elle n’articule aucun moyen permettant de considérer que ces pièces sont par nature dépourvues de force probante, l’argument ne portant que sur leur contenu. Dès lors, dans la mesure où il appartient au tribunal d’apprécier la valeur probante des pièces qui lui sont soumises, cela ne rend pas pour autant ces pièces irrecevables de sorte que la demande de la société [X] & Valentin visant à ce qu’elles soient écartées des débats doit être rejetée.

Sur la demande en contrefaçon de marques

Le règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire a été codifié à droit constant par le règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, puis par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne. Selon l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services d’un signe identique ou similaire à la marque enregistrée. En l’occurrence, les marques verbales française “[X] & Valentin” n°4345867 et européenne “[X] & Valentin” n°016462921 sont composées des mêmes mots issus des prénoms français éponymes séparés par une esperluette. Le signe critiqué “[X]” reproduit le premier mot des marques invoquées, mais la similitude visuelle, auditive et conceptuelle est faible. Il résulte de l’ensemble une absence de risque de confusion pour le public pertinent, consommateur raisonnablement informé et moyennement attentif et avisé de produits de boulangerie, entre le signe “[X]” critiqué et les marques invoquées.

Les demandes de la société [X] & Valentin fondées sur la contrefaçon de ces marques seront rejetées.

Sur la demande en concurrence déloyale

La société [X] & Valentin reproche aux défenderesses l’utilisation du même code couleur bleu associé au signe “[X]” pour exploiter leurs produits, y compris sur internet, et pour décorer leur boutique. Cependant, la société DFS France démontre que l’usage d’un bleu proche de celui utilisé par la demanderesse est banal, et que la proximité géographique alléguée est inopérante. Les faits critiqués par la société [X] & Valentin ne relèvent ni de la concurrence déloyale, à défaut de risque de confusion, ni du parasitisme.

Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive

La société DFS France considère que la demanderesse a agi avec une légèreté blâmable dans le seul but de l’intimider. Cependant, la seule circonstance que la société [X] & Valentin soit déboutée de ses demandes n’est pas de nature à faire dégénérer son action en abus. La demande de la société DFS France à ce titre sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société [X] & Valentin sera condamnée aux dépens, avec distraction au profit des avocats des sociétés DFS France et Sels. Elle sera également condamnée à payer des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.

Les montants alloués dans cette affaire: – La société [X] & Valentin [Adresse 14] est condamnée à payer 10 000 euros à la société DFS France
– La société [X] & Valentin [Adresse 14] est condamnée à payer 2000 euros à la société Sels

Réglementation applicable

– Code de la propriété intellectuelle
– Code civil
– Code de procédure civile

Article L.716-4-7 du code de la propriété intellectuelle:
En application de l’article L.716-4-7 du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon de marque peut être prouvée par tous moyens. Il en résulte que la contrefaçon de marque peut notamment l’être par des captures d’écran de sites internet, lesquelles ne sont pas dépourvues par nature de force probante.

Article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle:
Selon l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle:
Selon l’article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.

Article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle:
Selon l’article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne.

Article 1240 du code civil:
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Article 32-1 du code de procédure civile:
En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître François-Xavier BOULIN
– Maître Sophie HAVARD DUCLOS
– Maître Nicolas SIDIER

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