Condamnation pour atteinte à la vie privée
On se souvient que l’ancien président de la Fédération internationale d’automobile (FIA), Max MOSLEY, avait porté plainte contre un journal britannique au titre de la publication d’images extraites d’une vidéo le présentant, à son insu dans, dans un lieu privé et dans des scènes d’intimité sexuelle (pratiques Sado Masochistes). La société éditrice du journal avait été pénalement condamnée (y compris par la High Court of Justice), par jugement rendu le 8 novembre 2011 par le tribunal correctionnel de Paris, pour avoir commis le délit prévu par l’article 226-2 du Code pénal, soit d’avoir porté à la connaissance du public un enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel et d’images d’une personne captées, à son insu, dans un lieu privé.
Responsabilité de Google images
Dans cette affaire, Max MOSLEY a obtenu la condamnation de Google à faire retirer et à cesser l’affichage sur les moteurs de recherche Google de toutes les images fixes et animées, extraites des enregistrements portant atteinte à sa vie privée. Sans convaincre les juges, la société Google a essayé de faire valoir qu’elle n’exerçait qu’un rôle d’indexation automatique et n’avait pas d’obligation de «surveillance a priori des contenus qu’elle indexe» et que, pour mettre fin au référencement des images litigieuses, le demandeur devait contacter directement les éditeurs ou à défaut les hébergeurs des images en cause.
Le Tribunal a considéré que la publication des images en cause portait atteinte au droit de Max MOSLEY au respect de sa vie privée. Or, le droit français prévoit, notamment dans l’article 9 du Code civil, la possibilité pour les juges de «prescrire toutes mesures, (..) propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée». Ce texte, très général quant aux mesures qui peuvent être prises, inclut celles de nature à «empêcher» une telle atteinte et permet donc de prendre des mesures pour l’avenir avant que l’atteinte ne soit réalisée. En outre, et à supposer que l’activité de moteur de recherche permette à la société Google, d’être rangée dans la catégorie des prestataires intermédiaires techniques, au sens de la Directive n° 2000/31, cette qualité ne fait pas obstacle à ce que lui soient imposées des obligations de retrait ou d’interdiction d’accès dès lors que, ainsi que le prévoient les considérants 45, 46 et 47 de cette Directive, il peut être imposé à ces prestataires de retirer des informations ou de rendre leur accès impossible.
En application de la Directive n° 2000/31, l’article 6-1-8° de la loi du 21 juin 2004 dite LCEN, prévoit que l’autorité judiciaire peut prescrire à ces prestataires intermédiaires «toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne», y compris comme le prévoit le 7° «des activités de surveillance ciblées et temporaires»; que l’article L32- 3-4 du Code des postes et des communications électroniques prévoit également la possibilité pour les autorités judiciaires d’ordonner le retrait du réseau des contenus transmis initialement ou d’en rendre l’accès impossible.
Prise de mesures proportionnées et limitées
Les mesures ordonnées par le juge doivent néanmoins être proportionnées et limitées dans le temps. S’agissant du caractère proportionné de la demande visant au retrait et à l’interdiction de publication sur le moteur de recherche exploité par la demanderesse de neuf images issues de la vidéo litigieuse, cette condition était en l’occurrence remplie au regard, d’une part, de l’obligation positive qui pèse sur la France en vertu l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de faire respecter le droit subjectif de Max MOSELEY au respect de sa vie privée, et d’autre part, de l’impossibilité où se trouvait M. MOSELEY de faire respecter ce droit en n’usant que des seules procédures mises à sa disposition, soit une demande réitérée à chaque nouvelle mise en ligne d’une de ces images avec l’indication de son URL, procédures qu’il avait suivies pendant près de deux ans en vain, ces images, compte tenu de leur nature, réapparaissant sur les pages de résultats du moteur de recherche de la société GOOGLE Inc, systématiquement après une suppression. Ainsi, il était établi que les exigences de la société GOOGLE étaient inappropriées pour que le droit de Max MOSLEY soit respecté. La mesure de suppression des images, poursuit bien un but légitime et que celle-ci, selon la formule consacrée, est «nécessaire dans une société démocratique» au sens de l’article 10§2 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’illicéité de ces images étant manifeste et ayant été judiciairement constatée par des juridictions de deux États européens.
Responsabilité de Google
La société Google ne se bornait pas à réaliser un stockage automatique intermédiaire des images dans le but de rendre plus efficace leur transmission ultérieure, au sens des articles L 32-3-3 et L32-3-4 du Code des postes et des communications électroniques (article 13 de la Directive 2000/31), dès lors que ce dernier texte ne vise que le stockage particulier dit «caching» tendant exclusivement à rendre plus efficace la transmission au sens du transport purement technique. La modification des images pour les transformer en vignettes, l’analyse des textes les accompagnant et la réalisation d’un classement de présentation sur la page de résultats excluent une telle qualification.
Par ailleurs, la qualité d’hébergeur, régie par l’article 6 de la LCEN, transposant l’article 14 de la Directive 2000/31, ne peut être reconnue qu’au prestataire dont l’activité revêt un caractère «purement technique, automatique et passif», impliquant que ledit prestataire «n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées». L’hébergeur bénéficie d’une limitation de sa responsabilité laquelle ne peut être engagée du fait des activités et stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons, que si, aux termes de l’article 6-1-2° de la LCEN, il n’avait «pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où [il en a] eu cette connaissance, [il a] agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible» ; que l’article 6-1-5° précise que «la connaissance des faits litigieux est présumée acquise» lorsque sont notifiées certaines informations et notamment «la description des faits litigieux et leur localisation précise».
En toute hypothèse, qu’à supposer néanmoins, qu’un moteur de recherche puisse être dans certains cas, assimilé, du point de vue de la responsabilité de son exploitant, à un hébergeur, son refus de supprimer les images litigieuses, lesquelles figuraient sur son moteur de recherche ainsi que cela résulte du procès-verbal de constat d’huissier, alors que Google avait connaissance de l’atteinte que ces images portaient à la vie privée de Max MOSELEY, a engagé sa responsabilité.
Mots clés : Responsabilité des moteurs de recherche
Thème : Responsabilité des moteurs de recherche
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de grande instance de Paris | Date : 6 novembre 2013 | Pays : France