Blog au nom d’un débiteur
Les juges font parfois preuve d’audace en matière de liberté d’expression. Dans cette affaire, un créancier mécontent a crée un Blog (nom de domaine du nom de son débiteur) afin de dénoncer son débiteur mauvais payeur. Aucun abus au titre de la liberté d’expression (et en particulier la diffamation) n’a été retenu.
L’article 29, alinéa 1”, de la loi sur la liberté de la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé» ledit fait devant être suffisamment précis pour pouvoir faire, sans difficulté, l’objet du débat sur la preuve de sa vérité organisé par les articles 35, 55 et 56 de la loi ; ce délit, qui est caractérisé même si l’imputation est formulée sous une forme déguisée, dubitative ou par voie d’insinuations, se distingue ainsi de l’expression d’appréciations subjectives et de l’injure, que l’alinéa deux du même article 29 définit comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».
Ni l’inexactitude des propos ni leur caractère désobligeant ne suffisent à caractériser la diffamation et l’appréciation de l’atteinte portée à l’honneur ou à la considération de la personne visée doit s’apprécier indépendamment du mobile de son auteur comme de la sensibilité de la personne visée ou de sa conception subjective de l’honneur et de la considération, mais au regard de considérations objectives d’où s’évincerait une réprobation générale, que le fait soit prohibé par la loi ou considéré comme d’évidence contraire à la morale commune.
Mauvais payeur n’est pas une diffamation
Le créancier reprochait à son débiteur de n’avoir pas payé la somme convenue dans un contrat en rémunération du service prévu par ce même contrat. Cette imputation visait bien une personne identifiable (nom et prénom cité ainsi que reproduction de photographies du débiteur). Cependant, le Tribunal a considéré que s’il s’agissait effectivement de l’imputation d’un fait précis susceptible de faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité, le fait d’avoir manqué à une obligation purement civile n’est pas considéré, aujourd’hui, comme contraire à la représentation commune de l’honneur au sens de l’article 29 alinéa 1” de la
loi sur la liberté de la presse.
Ainsi, et malgré le caractère incontestablement désagréable, voire préjudiciable de ces propos, ils ne peuvent être considérés comme diffamatoires et le débiteur a été débouté de ses demandes.
Droit à l’image du mauvais payeur
Attention toutefois au respect du droit à l’image : le créancier avait publié deux clichés photographiques représentant le débiteur. Or, en vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection, que toute personne dispose également en vertu du même texte, d’un droit exclusif sur son image, attribut de la personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite. Ce droit lui permet, en principe, de s’opposer à la diffusion de celle-ci sans son autorisation et d’obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait.
Mots clés : Diffamation – Internet
Thème : Diffamation – Internet
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 29 mai 2013 | Pays : France