Vente en ligne de supports vierges
Les juges ont ordonné à un site internet de vente de supports vierges basé en Allemagne, de communiquer à la société COPIE FRANCE l’ensemble des déclarations mensuelles de sorties de stocks comportant les quantités vendues chaque mois à des clients résidant en France depuis le début de son activité pour chacune des catégories de supports vierges d’enregistrement assujettis à la rémunération pour copie privée. La société COPIE FRANCE considère que le site allemand, dès lors qu’il vise, entre autres, le public français, doit s’acquitter en France de la taxe sur les supports vierges.
Risque réel de condamnation
La question devra donc de nouveau être tranchée : les sociétés de vente à distance domiciliées dans un autre Etat membre de l’Union Européenne mais visant un public français devront elles s’acquitter de la taxe sur les supports vierges en France (pour les ventes effectivement livrées en France) ?
La solution au fond devra être tranchée à la lumière des quatre principes posés par l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 16 juin 2011 :
1) En cas de contrat négocié à distance entre un acheteur et un vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction qui sont établis dans des Etats membres différents, la directive 2001/29 impose une interprétation du droit national permettant la perception de la compensation équitable auprès d’un débiteur agissant en qualité de commerçant ;
2) Le législateur a souhaité un haut niveau de protection du droit d’auteur et des droits voisins car ceux-ci sont essentiels à la création intellectuelle. Leur protection contribue au maintien et au développement de la créativité dans l’intérêt des auteurs, des interprètes ou exécutants, des producteurs, des consommateurs, de la culture, des entreprises et du public en général. Les auteurs, interprètes ou exécutants, pour pouvoir poursuivre leur travail créatif et artistique doivent obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres.
3) Dans les Etats membres ayant introduit l’exception de copie privée, les titulaires de droits doivent recevoir une compensation équitable afin de les indemniser de manière adéquate pour l’utilisation de leurs oeuvres faite sans consentement. Cette exception impose à l’Etat membre une obligation de résultat et celui-ci est tenu d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la perception effective de la compensation équitable.
4) Il incombe à l’Etat membre qui a institué un système de redevance pour copie privée à la charge du fabricant ou de l’importateur de supports de reproduction d’oeuvres protégées et sur le territoire duquel se produit le préjudice causé aux auteurs par l’utilisation à des fins privées de leurs oeuvres par les acheteurs qui y résident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser de ce préjudice. Le fait que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction soit établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obligation de résultat. Il appartient au juge français, en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, d’interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès d’un débiteur agissant en qualité de commerçant.
Article 145 du code de procédure civile
La société COPIE France a obtenu la communication des bordereaux de vente du site allemand sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile : s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Lorsqu’il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n’est pas soumis aux conditions imposées par l’article 808 du code de procédure civile, il n’a notamment pas à rechercher s’il y a urgence. L’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre de la mesure sollicitée, l’application de cet article n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.
L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès « en germe » possible, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. En l’espèce, l’action de la société COPIE FRANCE n’a pas été jugée comme manifestement vouée à l’échec.
Taxe sur les supports vierges
Pour rappel, aux termes de l’article L311-4 du code de la propriété intellectuelle, la rémunération pour copie privée est versée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires au sens du 3° de l’article 256 bis du code général des impôts, de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’oeuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports (cassettes audio, cassettes vidéo, minidiscs, disquettes trois pouce et demi, CD R et RW data, DVD Ram, DVD R et DVD RW Data, baladeurs Mp3 et Mp4, décodeurs enregistreurs ou box, clés USB non dédiées,cartes mémoire non dédiées, disques durs externes standard, disques durs externes dit multimédias, téléphones mobiles multimédias, disques durs intégrés à des systèmes de navigation ou à des autoradios destinés à des véhicules, tablettes tactiles multimédias).
Mots clés : Copie privée
Thème : Copie privée
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour d’appel de Paris | Date : 28 mai 2013 | Pays : France