Diffamation ou opinion satirique ?

Notez ce point juridique

Attention à la distinction entre diffamation et expression d’une opinion : seule l’expression contenant l’imputation d’un fait précis, susceptible d’être prouvé et portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation. En revanche, les propos exprimant une opinion ou un jugement de valeur, notamment sur un mode satirique, ne relèvent pas de la diffamation.

En l’espèce, les propos litigieux, qui se limitent à des jugements de valeur et à une critique sarcastique de l’action politique de M. [L], aux motifs qu’il fait la promotion de matériel sécuritaire et soutient par ailleurs un projet immobilier contesté, sans jamais prétendre ou suggérer qu’il ait reçu en retour une quelconque rétribution ou un avantage personnel de la part des entreprises concernées, ou faire état d’une quelconque illégalité du recours à ces entreprises, ne peuvent être qualifiés de diffamatoires.

Il est recommandé de prendre en compte le contexte et la nature des propos incriminés : les jugements de valeur sur l’intérêt des décisions litigieuses et les raisons ayant conduit à leur adoption ne constituent pas nécessairement des faits précis imputés à une personne. Il est important de contextualiser les propos pour déterminer s’ils relèvent de la diffamation ou de l’expression d’une opinion.

Il est recommandé de se référer à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et à l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour évaluer si les propos en question remplissent les critères légaux de diffamation. Une analyse approfondie de ces textes juridiques peut aider à déterminer la licéité des propos litigieux.


Mme [Z] a été renvoyée devant le tribunal correctionnel suite à une plainte déposée par le maire de la commune de [Localité 5] pour diffamation sur son blog. Dans un article, elle avait critiqué le maire en le qualifiant de camelot et en dénonçant la vente de gadgets pour la police municipale. Le tribunal correctionnel a finalement relaxé Mme [Z] et a statué sur les intérêts civils. Monsieur [L] a fait appel de cette décision.

Introduction de l’affaire

Cette affaire concerne un jugement rendu contre Mme [Z], qui a été condamnée pour avoir publié des propos diffamatoires sur son blog à l’encontre de M. [L]. La cour d’appel a infirmé le jugement initial et a ordonné à Mme [Z] de supprimer les propos incriminés et de payer un euro symbolique à titre de dommages et intérêts.

Contexte des propos incriminés

Les propos publiés par Mme [Z] sur son blog accusaient M. [L], maire et vice-président sécurité de la Région, de se servir de ses fonctions pour promouvoir des intérêts privés. Elle l’a qualifié de « maire-racoleur » et a insinué qu’il utilisait sa position pour favoriser des opérations immobilières contestables.

Arguments de la défense

Mme [Z] a soutenu que ses propos relevaient de l’expression d’une opinion ou d’un jugement de valeur, et non de l’imputation de faits précis susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la considération de M. [L]. Elle a également fait valoir que ses propos étaient satiriques et ne constituaient pas une diffamation au sens de la loi.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a jugé que les propos de Mme [Z] imputaient des faits précis à M. [L], à savoir qu’il se serait fait nommer vice-président de la région pour vendre des produits d’une société et qu’il aurait utilisé sa fonction de maire pour favoriser une opération immobilière. La cour a estimé que ces propos allaient au-delà d’un simple jugement de valeur.

Violation des articles de loi

La cour d’appel a conclu que les propos de Mme [Z] violaient l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ainsi que l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui protège la liberté d’expression mais impose des limites en cas de diffamation.

Condamnation et astreinte

En conséquence, Mme [Z] a été condamnée à payer un euro symbolique à M. [L] à titre de dommages et intérêts. De plus, la cour a ordonné à Mme [Z] de supprimer les propos diffamatoires de son blog sous peine d’une astreinte financière.

Implications pour la liberté d’expression

Cette affaire soulève des questions importantes sur les limites de la liberté d’expression, notamment en ce qui concerne la diffamation. Elle illustre la difficulté de tracer la ligne entre l’expression d’une opinion et l’imputation de faits précis susceptibles de nuire à la réputation d’une personne.

Réactions et débats

L’affaire a suscité des réactions diverses, certains soutenant que la décision de la cour d’appel protège les individus contre les attaques diffamatoires, tandis que d’autres estiment qu’elle pourrait avoir un effet dissuasif sur la liberté d’expression et la critique publique.

Conclusion de l’affaire

En conclusion, cette affaire met en lumière les tensions entre la protection de la réputation des individus et la liberté d’expression. La décision de la cour d’appel rappelle que la diffamation, même sous forme satirique, peut entraîner des sanctions légales.

Perspectives futures

À l’avenir, cette affaire pourrait servir de référence pour d’autres cas similaires, influençant la manière dont les tribunaux interprètent et appliquent les lois sur la diffamation et la liberté d’expression. Elle pourrait également inciter les blogueurs et les journalistes à faire preuve de prudence dans leurs publications.


Réglementation applicable

– Code civil
– Code de procédure civile
– Code pénal
– Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
– Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Texte de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse:
« Article 29 : Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »

Texte de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:
« Article 10 : 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. »

Ces articles sont pertinents pour l’analyse du moyen soulevé dans l’affaire mentionnée.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– M. Hill
– SCP Lyon-Caen et Thiriez
– SCP Foussard et Froger
– M. Aubert

Mots clefs associés

– Examen du moyen
– Enoncé du moyen
– Arrêt attaqué
– Faute civile
– Dommages et intérênts
– Diffamation
– Opinion
– Jugement de valeur
– Satirique
– Atteinte à l’honneur
– Considération
– Imputation de faits précis
– Article 29 de la loi du 29 juillet 1881
– Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° C 22-87.421 F-D

N° 00033

SL2
16 JANVIER 2024

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 JANVIER 2024

Mme [G] [Z] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 9 novembre 2022, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de diffamation publique envers une personne chargée d’un mandat public, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [G] [Z], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [W] [L], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du juge d’instruction, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [W] [L], maire de la commune de [Localité 5], Mme [G] [Z] a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef susvisé, en raison de la diffusion, sur son blog internet, d’un article intitulé « Les LBD de [Localité 5] : un manque d’intelligence qui inquiète les Haÿssiens » contenant les propos suivants : « [V] [U] a de la chance. Il a trouvé le maire camelot [W] [L], Son catalogue d'[4] avec tous ses derniers gadgets pour maires-cowboys sont présentés dans la boutique appelée le « Poste de police municipale [Adresse 1] de [Localité 5] » : les LBD Redcore bien-sûr, le drone pour la police (avec formation de télé pilote), les gants détecteurs de métaux, les boucliers invincibles etc…» « [W] [L] s’est installé en bateleur de foire du marché des maires, battant l’estrade tous les jours pour vendre tous les gadgets possibles » « Le maire-racoleur a pris le piédestal de vice-président sécurité de la Région pour vendre les gadgets pour la police municipale du catalogue [4], [.], et puis bien-sûr, le piédestal de maire pour faire accepter la promotion immobilière [3] sur [Adresse 6], plus que contestable, sous prétexte d’opération Coeur de Ville (avec l’aménageur [2], le préféré des LR du 92), à grand renfort de réunions publiques, plaquettes luxueuses dans toutes les boites aux lettres, grandes affiches permanentes et racoleuses sur les palissades des chantiers (tout ça bien évidemment payé par le contribuable) ».

3. Le tribunal correctionnel a relaxé Mme [Z] et a prononcé sur les intérêts civils.

4. Monsieur [L] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a, infirmant le jugement entrepris, dit que Mme [Z] avait commis une faute civile, condamné Mme [Z] à payer M. [L] la somme de un euros à titre de dommages et intérêts, et a ordonné sous astreinte à Mme [Z] de supprimer de son Blog les propos suivants : « le maire-racoleur a pris le piédestal de vice-président sécurité de la Région pour vendre les gadgets pour la police municipale du catalogue [4], […] et puis bien-sûr, le piédestal de maire pour faire accepter la promotion immobilière [3] sur [Adresse 6], plus que contestable, sous prétexte d’opération Coeur de Ville (avec l’aménageur [2], le préféré des LR du 92), à grand renfort de réunions publiques, plaquettes luxueuses dans toutes les boites aux lettres, grandes affiches permanentes et racoleuses sur les palissades des chantiers (tout ça bien évidemment payé par le contribuable) », alors :

« 1°/ que seule l’expression qui contient l’imputation d’un fait précis, susceptible d’être prouvé, et de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation ; que tel n’est pas le cas lorsque les propos incriminés ne sont que l’expression d’une opinion ou d’un jugement de valeur, a fortiori exprimé sur un mode satirique ; qu’en décidant que les propos « le maire-racoleur a pris le piédestal de vice-président sécurité de la Région pour vendre les gadgets pour la police municipale du catalogue [4], [.], et puis bien-sûr, le piédestal de maire pour faire accepter la promotion immobilière [3] sur [Adresse 6], plus que contestable, sous prétexte d’opération Coeur de Ville » imputaient des faits précis à la partie civile, à savoir « d’une part, de s’être fait nommer vice-président de la région Ile de France, afin de vendre les produits commercialisés par la société [4], la présentant comme un « camelot » de celle-ci et, d’autre part, d’avoir « pris » la fonction de maire afin de confier à une société privée, en lien avec les élus Les Républicains des Hauts-de-Seine, une opération immobilière en centre-ville », quand ces propos ne constituaient qu’un jugement de valeur sur l’intérêt des décisions litigieuses et les raisons ayant conduit à leur adoption, la cour d’appel a violé l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Réponse de la Cour

Vu l’article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

6. Selon ce texte, est diffamatoire l’allégation ou l’imputation d’un fait précis et déterminé qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée.

7. Pour dire que Mme [Z] a commis une faute civile, susceptible d’être réparée sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, l’arrêt attaqué énonce notamment que les propos litigieux imputent à la partie civile, d’une part, de s’être fait nommer vice-président de la région Ile-de-France, afin de vendre les produits commercialisés par la société [4], la présentant comme un « camelot » de celle-ci et, d’autre part, d’avoir « pris » la fonction de maire afin de confier à une société privée, en lien avec les élus Les Républicains des Hauts-de-Seine, une opération immobilière.

8. Les juges indiquent qu’il s’agit d’imputations précises, susceptibles de faire l’objet d’un débat probatoire, qui portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la partie civile en ce qu’il lui est reproché, à tout le moins, un comportement manifestement contraire aux obligations déontologiques d’un maire, si ce n’est la commission d’infractions pénales.

9. En statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

10. En effet, les propos litigieux, qui se limitent à des jugements de valeur et à une critique sarcastique de l’action politique de M. [L], aux motifs qu’il fait la promotion de matériel sécuritaire et soutient par ailleurs un projet immobilier contesté, sans jamais prétendre ou suggérer qu’il ait reçu en retour une quelconque rétribution ou un avantage personnel de la part des entreprises concernées, ou faire état d’une quelconque illégalité du recours à ces entreprises, ne peuvent être qualifiés de diffamatoires.

11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.

 

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