Des stagiaires d’une agence ont concouru à la conception intellectuelle d »expériences’ virtuelles qui ont été intégrées dans l’oeuvre scénographique et ludique ‘Futur l’Expo’, comprenant 12 expériences, à laquelle les visiteurs du parc d’attraction du Futuroscope ont eu accès pendant deux ans et demi, exposition commandée et dirigée par la société du parc du Futuroscope et fruit de la fusion des multiples contributions.
Les stagiaires concepteurs ont revendiqué sans succès des droits d’auteurs sur leur contribution. La qualification d’oeuvre commune été retenue. Pour le reste de leurs apports, l’originalité n’a pas été retenue. La spécificité de l’interface graphique, qui se caractérise par un bandeau en haut composé d’un titre et d’une mascotte à gauche, un titre ferré à gauche à droite de la mascotte, un carrousel de sélection, dont l’image centrale est agrandie et les deux latérales sont entrecoupées, la présence d’une ombre portée sur les éléments du carrousel, une aide à la navigation en bas de l’écran, la présence d’un bouton pour passer d’un mode à l’autre en bas à droite, la présence d’un plan vu de dessus de la chambre, la présence de points interactifs sur le plan ou encore les éléments illustrés et titrés en colonage sur la droite pour sélectionner une ambiance prédéfinie n’a rien d’original. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre M. [G] et M. [Y], anciens stagiaires de la société Bosa, et la société du parc du Futuroscope. Les deux étudiants ont contribué à la conception d’une exposition interactive appelée ‘Futur l’Expo’ pendant leur stage, puis ont fondé leur propre société qui a sous-traité des travaux pour le compte de Bosa. Ils ont ensuite revendiqué leurs droits d’auteur sur les créations exposées au Futuroscope, accusant la société du parc de contrefaçon. Le tribunal de grande instance de Rennes a déclaré leurs demandes irrecevables, considérant que les travaux étaient une œuvre collective et que la société du parc avait conservé la maîtrise artistique. Les étudiants ont interjeté appel et demandent des dommages et intérêts ainsi que la reconnaissance de leurs droits d’auteur. La société du parc du Futuroscope conteste ces revendications, affirmant que les étudiants ont consenti à l’exploitation des créations en participant à l’installation de l’exposition. L’affaire est en attente de jugement de la cour d’appel de Rennes.
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→ Les points essentielsMOTIFS DE LA DÉCISIONSur l’originalité de l’oeuvreLa table d’accueil sensorielle24. Il s’agit d’une table, installée à l’entrée du pavillon, qui permet aux visiteurs de se repérer dans le parcours en pressant des numéros et des images tactiles sur un grand tableau de bord interactif, chaque manipulation déclenchant une animation projetée sur le mur. 25. Selon les appelants, ‘elle peut être qualifiée de création originale sans conteste’, sans dire en quoi. 26. M. [G] et M. [Y] précisent qu’ils auraient réalisé eux-mêmes la structure, le scénario de la table, l’oeuvre numérique et l’agencement des écrans. 27. M. [Y] se prétend à l’origine de la création de la structure et du scénario de la table d’accueil, qu’il a envoyée pour la première fois par e-mail à M. [O] le 28 avril 2015, ainsi qu’en atteste un procès-verbal de constat d’huissier établi les 24 et 25 novembre 2020. Il doit être observé que les constatations faites par l’huissier ont pu l’être à partir de ‘divers fichiers adressés par courriel du 16 novembre 2020″ et non à partir des ordinateurs des intéressés directement, ce qui constitue un premier point de fragilité dans l’offre de preuve d’une création originale. 28. Quoi qu’il en soit, le scénario n’étant pas développé plus avant dans la démonstration faite par les appelants, il ne peut receler aucune originalité. Si l’on retrouve, en partie, au sein de l’exposition exploitée par la société du parc du Futuroscope, l’une des trois propositions de disposition murale des 10 écrans faite par M. [Y] (telles qu’elles figurent dans son rapport de stage, dans lequel il reconnaît qu’ ‘[OR] apporte un dernier regard, équilibre le positionnement et l’écartement’), ce seul agencement ne dote pas la ‘création’ revendiquée d’une quelconque originalité. Quant à l’interface graphique, elle ne fait que reconstituer le plan des lieux de l’attraction en trois dimensions, l’élément numérique n’apportant rien de particulier sur ce point et l’utilisation d’un code couleur pour identifier chaque pièce n’étant pas une nouveauté. 29. C’est donc vainement que M. [Y] et M. [G] affirment que ‘cette oeuvre intègre des créations visuelles nouvelles, des animations déterminées qui lui confèrent une identité propre, ainsi qu’un fil conducteur’. La chambre à la déco personnalisable30. À partir d’une simple tablette, l’utilisateur peut changer à volonté la décoration de la chambre, murs, tableaux, en choisissant parmi une sélection de décors et prend ainsi le contrôle du dispositif avec une tablette fixée à un socle au centre de la pièce. 31. Pour cette attraction, M. [Y] affirme avoir réalisé les missions suivantes : – étude fonctionnelle et visuelle 32. M. [Y] justifie avoir adressé à M. [O] au moins quelques visuels par mail du 24 avril 2015. 33. Selon les appelants, l’oeuvre comporterait ‘des environnements décoratifs originaux pour la projection sous forme de mapping et une interface de contrôle travaillée pour l’écran de la tablette’. 34. Or, la spécificité de l’interface graphique, qui se caractérise par un bandeau en haut composé d’un titre et d’une mascotte à gauche, un titre ferré à gauche à droite de la mascotte, un carrousel de sélection, dont l’image centrale est agrandie et les deux latérales sont entrecoupées, la présence d’une ombre portée sur les éléments du carrousel, une aide à la navigation en bas de l’écran, la présence d’un bouton pour passer d’un mode à l’autre en bas à droite, la présence d’un plan vu de dessus de la chambre, la présence de points interactifs sur le plan ou encore les éléments illustrés et titrés en colonage sur la droite pour sélectionner une ambiance prédéfinie n’a, en réalité, rien d’original. 35. Par ailleurs, la mascotte et la charte graphique, qui sont les éléments les plus originaux de l’attraction, ont été réalisées par M. [K] qui a facturé sa prestation à l’agence ByVolta le 19 juin 2015. M. [Y] le reconnaît lui-même dans son rapport de stage : ‘la première version de la charte graphique proposée par [UM] [K] comportait une mascotte issue d’une banque d’image (…). [UM] a rééquilibré le code couleur et proposé de nouvelles formes. Cette nouvelle proposition est validée’. 36. De son côté, l’apport de M. [G] aurait été le suivant : – spécifications techniques La régie38. Cette interface, accessible depuis tout smartphone, tablette ou poste informatique connecté au réseau de l’attraction ‘Futur l’Expo’, permet au personnel, en tout lieu de l’exposition, de consulter et agir sur les expériences (savoir si les dispositifs sont connectés au réseau, ordonner le redémarrage d’un poste informatique ou de tout un dispositif), ce qui facilite l’exploitation technique du parc, le personnel restant ainsi en lien avec les visiteurs tout en pouvant effectuer des opérations en restant à proximité des expériences. 39. Voici ce qu’en dit M. [Y] dans son rapport de stage : ‘j’ai conçu une interface Intranet pour monitorer la mise en réseau des installations et forcer le redémarrage en cas d’anomalie. [L] s’est ensuite occupé de la liaison avec des routines en .bat pour l’exécution des commandes, le paramétrage des comptes utilisateurs et intervention sur le registre Windows. L’outil permet de rapidement relancer les installations’. 39. M. [G] en parle, dans son propre rapport de stage, de la façon suivante : ‘[E] a pensé à une interface Intranet simple à prendre en main afin de répondre (aux problématiques de pannes), présentée sous forme de logiciel de gestion des installations. L’objectif de cette application est de permettre aux équipes sur place d’avoir une vision globale de l’état de chaque expérience et de pouvoir les redémarrer. Nous avons analysé les demandes exprimées. Afin d’y répondre rapidement et de façon accessible, une solution HTML via le réseau local paraissait être la solution la plus adaptée. (…) Développer pour le Web plutôt que de mettre en place un programme Unity nous permet d’avoir une maintenance plus simple. Le projet est plus flexible et facilite l’ajout de nouvelles fonctionnalités ou la correction de bugs. De plus, les mises à jour sont immédiates. (…) L’objectif a rapidement été défini et nous avons souhaité produire une solution au plus vite. Le service Web a pu être réalisé en 3 jours puis a été optimisé sur place. (…) La solution trouvée (non sans mal) a été d’ajouter une clef de registre et de spécifier au script un compte administrateur présent sur chacun des ordinateurs, dans le but de valider la connexion à l’ordinateur et l’ordre de redémarrage. 40. Les appelants considèrent avoir conçu l’identité visuelle de l’interface, développé les programmes informatiques et mis en place une interface graphique dans l’espace de régie en conférant à cette interface graphique une identité propre reconnaissable pour les exploitants, mais aussi pour le contexte ergonomique imaginé. Ils estiment avoir institué une codification graphique, pour signifier l’état des installations, avec une hiérarchisation visuelle des informations prédéfinie, ainsi que des formes graphiques évocatrices car coordonnées pour la thématique du lieu et des formes visuelles propres au lieu d’exploitation. 41. La seule originalité de la ‘codification graphique’ alléguée réside dans le logo ‘Futur l’Expo’ dont il a été vu plus haut qu’il n’est pas l’oeuvre des appelants. Pour le reste, ‘l’idée’ d’externaliser la maintenance pour être opérationnelle avec plus de souplesse et de rapidité, notamment en ajoutant une clef de registre ou en spécifiant un compte administrateur sur chaque ordinateur dédié, n’est pas protégée par les droits d’auteur. Le Socibot42. Dans cette attraction, le robot, fourni par un prestataire, est mis en avant sur un piédestal. L’utilisateur peut, sur le groupe de 3 écrans, ‘voir ce que voit’ le robot et peut être pris en photo lorsqu’il s’adonne à un concours de grimace avec l’androïde. 43. M. [Y] affirme avoir, seul, conçu et modélisé cette installation. Il considère notamment être à l’origine du design graphique original qu’il réalise et transmet par mail du 24 juin 2015 à M. [O] et Illegal Factory, ainsi qu’il en justifie. 44. Il l’évoque ainsi dans son rapport de stage : ‘plusieurs questionnements m’interpellent, notamment savoir s’il faut ou non laisser le public entrer en contact avec lui. Comment donner un retour technologique sans qu’il soit possible de tourner autour du robot et comment pourrions-nous jouer avec les visiteurs. Se dessinent de premières idées pour théâtraliser l’installation. Je commence à monter le scénario : le public jouerait avec le robot répliquant nos expériences et grimaces. Le visiteur se verrait en retour à travers de grands écrans qui diffuseraient aussi des informations technologiques et historiques. L’installation prend forme, s’orientant vers une configuration triple écran incurvés (plus adaptée aux retours de caméras et accentuant la courbure de l’ensemble). Je dispose aussi les interfaces pour qu’elles apportent une lecture logique des contenus. La mascotte se joint à l’interface comme conseiller, un détail qui se déclinera au fil des installations dès lors qu’il sera utile de contextualiser des informations. Début juin, Hanson Robotics nous annonce que son robot n’est plus disponible. Le profil (proposé à la place) est moins attrayant et la scénarisation pensée pour Einstein ne tient plus. [OR] recherche un autre robot dans le cadre du scénario écrit auparavant, un androïde pouvant répliquer des expressions et des grimaces qui pourrait éventuellement être personnalisé. Il découvre ainsi Socibot, un robot programmable et muni d’un pico-projecteur permettant de mapper des visages sur sa face. (…) On part sur cette solution, de concert, je repense la structure permettant de théâtraliser le robot’. 45. Concernant la présentation sur des écrans incurvés, il ressort d’un mail du 17 avril 2015 à destination de Illegal Factory que le projet d’expérience qui est alors appelé ‘Robot Einstein’ prévoit déjà l’intégration d’un ‘écran curve’, ainsi qu’un scénario très proche de celui que M. [Y] dit avoir imaginé (pièce Les montants alloués dans cette affaire: – M. [E] [Y] et M. [L] [G] sont condamnés aux dépens d’appel
– Les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Code de la propriété intellectuelle
– Code de procédure civile Article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle: Article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle: Article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle: Article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle: Article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle: Article L. 113-4 du Code de la propriété intellectuelle: Article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Agathe COATANEA
– Me Amina KHALED TAMANI – Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN – Me Frédéric SARDAIN |