Déchéance de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’

Notez ce point juridique

Dans son arrêt du 19 décembre 2012 (affaire C-149/11), la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a précisé que « L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque ».

Selon la CJUE, il convient d’apprécier « si l’étendue et la fréquence de l’usage de ladite marque » sont « de nature à démontrer sa présence sur le marché d’une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe » (CJUE, arrêt du 13 septembre 2007, C-234/06).

1. Attention à prouver un usage sérieux de votre marque pour éviter la déchéance de vos droits. Il est recommandé de démontrer que la marque a été utilisée de manière effective et constante sur le marché pour les produits ou services concernés.

2. Il est recommandé de fournir des preuves tangibles de l’exploitation commerciale de votre marque, telles que des factures, des photographies de produits portant la marque, des documents de communication, etc. Ces éléments peuvent renforcer votre argumentation en cas de litige.

3. Il est conseillé de respecter les conditions légales relatives à l’usage de votre marque, notamment en ce qui concerne les produits ou services visés, la durée de l’usage et la conformité à la fonction essentielle de la marque. Veillez à ce que l’utilisation de votre marque soit en accord avec les dispositions légales pour éviter tout risque de déchéance de vos droits.


La SAS Scan Import est spécialisée dans le commerce de gros de produits des pays scandinaves et est titulaire de la marque verbale française ‘Comptoir de l’apéritif’. La société Delabli, désormais [Localité 5] Fine Foods, a tenté de racheter la marque en raison de l’absence d’exploitation sérieuse de celle-ci par Scan Import. Suite à un litige, le tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé la déchéance de la marque de Scan Import, mais cette décision a été partiellement infirmée par la cour d’appel de Versailles. La Cour de cassation a ensuite cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant l’affaire devant celle-ci. Les parties ont formulé des prétentions contradictoires, demandant respectivement la déchéance de la marque et la condamnation pour contrefaçon. La cour d’appel de Versailles devra statuer sur ces demandes.

Sur la portée de la cassation

La Cour de cassation a limité la censure attachée à un arrêt de cassation à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf en cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Dans cette affaire, l’arrêt du 19 novembre 2020 a été cassé sauf en ce qu’il prononce la déchéance de la marque verbale française « Comptoir de l’apéritif » pour certains produits.

Il revient à la cour d’appel de statuer

La cour d’appel doit statuer sur la demande de déchéance des droits de la société Scan Import sur la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ pour certains produits, puis sur la demande reconventionnelle en contrefaçon de la société Scan Import.

Sur la déchéance de la marque verbale française ‘Comptoir de l’apéritif’

La société Scan Import doit prouver qu’elle a fait un usage sérieux de sa marque pour éviter la déchéance de ses droits. Cependant, les éléments présentés ne démontrent pas un usage sérieux de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ pour les produits concernés.

Sur la contrefaçon

La déchéance des droits de la société Scan Import sur sa marque ‘Comptoir de l’apéritif’ la rend irrecevable à agir en contrefaçon. La société [Localité 5] est donc protégée contre toute action en contrefaçon de la part de la société Scan Import.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Scan Import est condamnée aux dépens d’appel et doit également verser une somme à la société [Localité 5] Fine Foods au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– La société Scan Import est condamnée aux dépens d’appel, dont distraction au bénéfice de Me Oriane Dontot
– La société Scan Import est condamnée à verser à la société [Localité 5] Fine Foods la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

– Article 624 du code de procédure civile
– Article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle

Article 624 du code de procédure civile:
La censure qui s’attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle:
Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Est assimilé à un tel usage :
a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ;
b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ;
c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation.
La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’aux produits ou aux services concernés.
L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.
La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Chantal DE CARFORT
– Me Oriane DONTOT
– Me Claire DE CHASSEY
– Me Marion AÏTELLI
– Me Muriel ANTOINE LALANCE

Mots clefs associés

– Cassation
– Portée
– Code de procédure civile
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– Usage sérieux
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– Contrefaçon
– Propriété intellectuelle
– Preuve de l’exploitation
– CJUE
– Produits apéritifs
– Enregistrement
– Marque ‘Cruscana’
– Marque ‘Nordland’
– Chiffre d’affaires
– Géants du circuit de la grande distribution
– Dépens
– Frais irrépétibles

– Cassation: Annulation d’une décision judiciaire par une juridiction supérieure
– Portée: Étendue, importance
– Code de procédure civile: Ensemble des règles régissant la procédure civile
– Marque verbale: Marque composée uniquement de mots
– Déchéance: Perte d’un droit en raison d’un manquement à une obligation
– Cour de cassation: Juridiction suprême chargée de contrôler l’application du droit par les juridictions inférieures
– Usage sérieux: Utilisation effective et continue d’une marque sur le marché
– Marque ‘Comptoir de l’apéritif’: Nom commercial protégé par le droit des marques
– Marque ombrelle: Marque regroupant plusieurs produits ou services sous un même nom
– Contrefaçon: Utilisation non autorisée d’une marque protégée
– Propriété intellectuelle: Ensemble des droits protégeant les créations intellectuelles
– Preuve de l’exploitation: Élément démontrant l’utilisation effective d’une marque sur le marché
– CJUE: Cour de justice de l’Union européenne
– Produits apéritifs: Aliments ou boissons consommés avant le repas principal
– Enregistrement: Formalité permettant de protéger une marque
– Marque ‘Cruscana’: Nom commercial protégé par le droit des marques
– Marque ‘Nordland’: Nom commercial protégé par le droit des marques
– Chiffre d’affaires: Montant des ventes réalisées par une entreprise sur une période donnée
– Géants du circuit de la grande distribution: Grandes enseignes de distribution alimentaire
– Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Frais irrépétibles: Frais non remboursables par la partie perdante dans un procès

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 3CD

Chambre commerciale 3-1

(Ex-12e chambre)

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 22/07783 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VS7J

AFFAIRE :

S.A.S. SCAN IMPORT

C/

S.A.S. [Localité 5] FINE FOODS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Janvier 2019 par le tribunal de grande instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 16/08296

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Chantal DE CARFORT

Me Oriane DONTOT

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 16 novembre 2022 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la 12ème chambre de la cour d’appel de Versailles le 19 novembre 2020

S.A.S. SCAN IMPORT

RCS Pontoise n° 732 048 723

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Claire DE CHASSEY de l’AARPI TWELVE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1212

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. [Localité 5] FINE FOODS FRANCE venant aux droits de la société DELABLI

RCS Dax n° 414 816 967

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Marion AÏTELLI & Me Muriel ANTOINE LALANCE de la SELARL AL AVOCATS, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C1831

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON- AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DES FAITS

La SAS Scan Import est spécialisée dans le commerce de gros et assure l’achat, la distribution, l’importation et l’exportation de produits des pays scandinaves.

Elle est titulaire de la marque verbale française ‘Comptoir de l’apéritif’ n°063450674 déposée le 15 septembre 2006 et dûment renouvelée pour désigner en classes 29 et 30 les produits suivants:

‘viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conserves séchés et cuits; gelées, confitures, compotes, oeufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; graisses alimentaires ; beurre ; crustacés (non vivants) ; conserves et semi-conserves à base de viande, de poisson, d’oeufs de poisson, de volaille ou de gibier ; pâtes à tartiner à base de viande, de poisson, d’oeufs de poisson, de volaille ou de gibier ; fromages, pâtes à tartiner à base de fromage ; caviar de légumes ; tapenade ; charcuterie ; coquillages (non vivants) ; salade de légumes ; plats cuisinés à base de viande, de poisson, de mollusques, de crustacés, de volaille, de gibier ou d’algues ; plats cuisinés à base de légumes ; fruits secs, notamment cacahuètes, pistaches, noix de cajou ; olives conservées ; olives aromatisées ; anchois ; purée d’anchois; café, thé, cacao, sucre, tapioca, sagou, succédanés du café, farines et préparations faites de céréales; pain, patisserie et confiserie ; glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments) ; épices, glaces à rafraîchir ; sandwiches, pizzas ; biscuiterie, gâteaux, biscottes ; petits-fours (pâtisserie) salés ou sucrés ; piments (assaisonnement) ; quiche ; sauce à salade ; sushi ; taboulé ; tartes ; biscuits salés ou sucrés pour l’apéritif ; chips à base de céréales, chips à base de riz, chips’.

La société Delabli, aux droits de laquelle vient la SAS [Localité 5] Fine Foods (ci-après [Localité 5]) à la suite d’une fusion intervenue le 1er juillet 2021, avait notamment pour objet la fabrication de confiture, confiseries et alimentation générale, le commerce de la marée, la salaison.

Intéressée par l’exploitation du signe ‘Comptoir de l’apéritif’ dans le domaine agro-alimentaire et les services de restauration, elle expose avoir constaté que la société Scan Import était titulaire de la marque précitée, mais qu’il résultait de ses recherches une absence d’exploitation sérieuse de cette marque depuis son dépôt.

Elle a déposé le 31 mars 2016 une demande de marque verbale française ‘Comptoir de l’apéritif’ (n°4261073) en classes 29, 30, 31, 35, 43 pour les produits suivants :

‘Lait et autres produits laitiers, préparations culinaires à base de produits laitiers et/ou de lait, préparations culinaires à base de fleurs, plats préparés ou cuisinés à base de gelées, de confitures et/ou de compotes, légumes conservés, séchés, cuits et surgelés, préparations à base de légumes conservés, séchés, cuits et surgelés, produits à base de pomme de terre, poissons, poissons conservés, poissons saumurés, anchois, crevettes (non vivantes), caviar, coquillages (non vivants), crustacés (non vivants), écrevisses (non vivantes), farine de poisson pour l’alimentation humaine, filets de poisson, hareng, cabillaud, lieu, julienne, homard (non vivant), huîtres (non vivantes), langoustes (non vivantes), mets à base de poisson, plats préparés à base de poisson en particulier soupe et salade, mollusques comestibles non vivants, morue, sardine, saumons, thons, maquereaux, haddock, roll mops, brandade de morue, plats semi-préparés et préparés, plats à mijoter, plats préparés lyophilisés ou non à base d’un ou plusieurs des articles suivants : poisson, légumes dont pommes de terre, fruit préparé, fromage, pâtes, riz, foie gras, viande, volaille et plats préparés à base de ces produits ; sushis, sashimis, makis ;

Sushi ; riz ; pâtes alimentaires ; vermicelles ; couscous (semoule); blé ; soja ; infusions ; café, thé, cacao, chocolat, chocolats, sucre et succédanés du café ; tapioca et sagou ; farines et préparations faites de céréales ; pizzas, quiches, blinis, galettes, crêpes, pitas, muffins, scones, brioches ; pain, pâtisseries et confiseries ; glaces et crèmes glacées ; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices, glaces à rafraîchir ; plats préparés ou cuisinés à base de pâtes alimentaires et/ou de riz ; desserts préparés à base de pâtisserie ; glaces et crèmes glacées ; en-cas à base de riz ; en-cas à base de céréales ; nouilles japonaises ; sauces à salade ; sauce soja ; vinaigres ; sauce d’huîtres ; wasabi en pate ; sauce wasabi ; wasabi en poudre ; pâte à gâteaux ; céréales en poudre ; herbes séchées ; herbes traitées ; gingembre (condiment) ; graines de sésame ; entremets ; tourtes et petits pâtés ; préparation aromatique à usage alimentaire, farine de pomme de terre à usage alimentaire, mets à base de farine, condiments ; tous ces produits pouvant être en conserves ou semi-conserves, surgelés, congelés/frais ;

Fruits et légumes frais, champignons frais, truffes fraîches, oeufs de poisson ; préparations à base d’oeufs de poisson, produits agricoles (ni préparés, ni transformés) ;

Services de vente au détail de produits alimentaires, à savoir de préparations à base de légumes conservés, séchés, cuits et surgelés, de produits à base de pomme de terre, de poissons, de poissons conservés, de poissons saumurés, d’anchois, de crevettes (non vivantes), de caviar, de coquillages (non vivants), crustacés (non vivants), écrevisses (non vivantes), de farine de poisson pour l’alimentation humaine, de filets de poisson, hareng, cabillaud, lieu, julienne, homard (non vivant), huîtres (non vivantes), langoustes (non vivantes), de mets à base de poisson, de plats préparés à base de poisson en particulier soupe et salade, mollusques comestibles non vivants, morue, sardine, saumons, thons, maquereaux, haddock, roll mops, brandade de morue, de plats semi-préparés et préparés, plats à mijoter, plats préparés lyophilisés ou non à base d’un ou plusieurs des articles suivants : poisson, légumes dont pommes de terre, fruit préparé, fromage, pâtes, riz, foie gras, viande, volaille et de plats préparés à base de ces produits ; sushis, sashimis et makis ; Services de publicité, distribution de matériel publicitaire à savoir prospectus, tracts, brochures, imprimés, diffusion d’annonces publicitaires, publicité télévisée et radiophonique, distribution d’échantillons, démonstration de produits, publicité par correspondance, études de marché, sondage d’opinion, organisation d’expositions et de foires à buts commerciaux ou de publicité, organisation d’opérations promotionnelles en vue de fidéliser la clientèle, gestion des affaires commerciales, consultation et aide pour la direction des affaires, gestion de fichiers informatiques, promotion des ventes, services de diffusion d’information commerciale et/ou publicitaire par voie radiophonique, télévisée, électronique, notamment par réseaux de communication mondiale (internet) ou à accès privé (intranet), informations et conseils commerciaux aux consommateurs, exploitation de base de données commerciales, publicitaires ;

Services de restaurants, cafés, cafétérias, snack-bars ; services de vente de plats à emporter ; services de traiteur ; fourniture de préparations à base de poissons et de plats préparés à base de poissons pour les bureaux ; contrats de services de fourniture de repas ; préparation d’aliments ; préparation de plats et boissons à emporter’.

Le 20 avril 2016, la société Delabli a envoyé une lettre recommandée à la société Scan Import, lui indiquant que, sa marque n’étant pas exploitée, elle lui en proposait le rachat.

La société Scan Import a répondu le 2 mai 2016 en se prévalant d’un usage sérieux et continu de sa marque depuis son dépôt, et en annexant une photographie de ses produits. Elle a refusé toute cession de sa marque et a demandé à la société Delabli de procéder au retrait de sa demande d’enregistrement de marque et de s’engager à cesser tout usage du signe en cause.

Par lettre du 17 mai 2016, la société Delabli estimant la photographie insuffisante pour établir l’usage de la marque, a demandé à la société Scan Import de lui transmettre d’autres éléments permettant d’apprécier l’usage sérieux et continu allégué.

Le 8 juin 2016, le conseil de la société Scan Import lui a adressé des exemples de brochures commerciales démontrant selon lui l’usage de la marque, tout en réitérant les termes du précédent courrier de sa cliente.

Le 22 juin 2016, la société Scan Import a formé opposition partielle à l’enregistrement de la demande de marque n°4261073.

Par acte du 18 juillet 2016, la société Delabli a fait assigner la société Scan Import devant le tribunal de grande instance de Nanterre, en déchéance de la marque n°063450674.

Le 5 août 2016, le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI) a suspendu la procédure d’opposition jusqu’à l’issue définitive du litige.

Par jugement du 30 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

– Prononcé la déchéance des droits de la société Scan Import sur la marque verbale française ‘Comptoir de l’apéritif’ enregistrée sous le numéro 3 450 674 pour l’ensemble des produits visés à l’enregistrement ;

– Dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 20 octobre 2011 ;

– Ordonné la transmission de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI aux fins d’inscription au registre national des marques, à l’initative de la partie la plus diligente et aux frais de la société Scan Import ;

– Déclaré la société Scan Import irrecevable en ses demandes reconventionnelles ;

– Rejeté la demande de la société Scan Import au titre des frais irrépétibles ;

– Condamné la société Scan Import à payer à la société Delabli une indemnité de 7.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la société Scan Import à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;

– Dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 18 février 2019, la société Scan Import a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 19 novembre 2020, la cour d’appel de Versailles a :

– Infirmé le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance totale de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n°3450674 pour l’ensemble des produits visés par l’enregistrement, et en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

– Prononcé la déchéance de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n°3450674, à la date du 20 octobre 2011, sauf s’agissant des produits suivants : ‘tapenade ; caviar de légumes ; salades de  légumes ; pâtes à tartiner à base de poisson ; biscuits salés pour l’apéritif ; olives conservées ; olives aromatisées ; pâte à tartiner à base de fromage ; anchois ; purée d’anchois’ ;

– Dit que la société Delabli a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque française ‘Comptoir de l’apéritif’ n°063450674 dont la société Scan Import est titulaire ;

– Interdit à la société Delabli de poursuivre de tels agissements ;

– Ordonné la transmission par le greffe de l’arrêt à l’INPI, aux fins de transcription sur le registre national des marques, dès qu’il sera devenu définitif ;

– Débouté les parties de leurs autres demandes ;

– Condamné la société Delabli à payer à la société Scan Import la somme de 4.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la société Delabli, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Véronique Buquet-Roussel, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société [Localité 5] Fine Foods France, venant aux droits de la société Delabli, a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 16 novembre 2022, la Cour de cassation a :

– Cassé et annulé, sauf en ce qu’il prononce la déchéance de la marque verbale française ‘Comptoir de l’apéritif’ n° 3 450 674 pour les produits autres que les produits suivants : « tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois », l’arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

– Remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;

– Condamné la société Scan Import aux dépens ;

– En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Scan Import et l’a condamnée à payer à la société [Localité 5] Fine Foods France la somme de 3.000 € ;

– Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, l’arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé.

Par déclaration du 27 décembre 2022, la société Scan Import a saisi la cour d’appel de Versailles.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 6 juillet 2023, la société Scan Import demande à la cour de :

– La déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

– Infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a prononcé la déchéance de la marque verbale française « Comptoir de l’apéritif » n° 06 3 450 674 pour les produits autres que les produits suivants : « tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois » ;

En conséquence, statuant de nouveau,

– Constater que la marque française n° 06 3 450 674 « Comptoir de l’apéritif » dont la société Scan Import est titulaire, a fait l’objet d’aucun usage sérieux (sic) pendant une période ininterrompue de cinq ans en France, de la part de son titulaire ou avec son consentement pour les produits suivants : « tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois ».

– Débouter en conséquence la société [Localité 5] Fine Foods France de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Et, reconventionnellement,

– Déclarer la société Scan Import recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle ;

– Dire et juger que la société [Localité 5] Fine Foods France a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque française « Comptoir de l’apéritif » n° 06 3 450 674 dont la société Scan Import est titulaire les produits suivants : « tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois ».

En conséquence,

– Interdire à la société [Localité 5] Fine Foods France de reproduire ou imiter, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, la marque française ‘Comptoir de l’apéritif’ n° 06 3 450 674 ;

– Condamner la société [Localité 5] Fine Foods France à la somme de 1.000 € sur le fondement de la contrefaçon de marque par reproduction ;

– Dire et juger que la demande d’enregistrement de la marque française « Comptoir de l’apéritif » ne peut valablement être adoptée comme marque du fait de l’existence de la marque antérieure française « Comptoir de l’apéritif » n° 06 3 450 674 de la société Scan Import ;

– Ordonner la transmission par le greffe du présent arrêt à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), aux fins de transcription sur le registre national des marques, dès qu’il sera devenu définitif ;

– Condamner la société [Localité 5] Fine Foods France à payer à la société Scan Import la somme de 15.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société [Localité 5] Fine Foods France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Chantal de Carfort, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 28 août 2023, la société [Localité 5] Fine Foods France, venant aux droits de la société Delabli, demande à la cour de :

– Juger la société Scan Import mal fondée en son appel à toutes fins qu’il comporte et la débouter de ses demandes, fins et moyens ;

– Confirmer en conséquence, le jugement rendu le 30 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

– Prononcer la déchéance de la marque française « Comptoir de l’apéritif » n°3450674 à compter du 20 octobre 2011 pour désigner les produits « tapenade ; caviar de légumes ; salades de légumes ; pâtes à tartiner à base de poisson ; biscuits salés pour l’apéritif ; olives conservées ; olives aromatisées ; pâte à tartiner à base de fromage ; anchois ; purée d’anchois » ;

– Ordonner la transmission de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI, aux fins d’inscription au registre national des marques, à l’initiative de la partie la plus diligente et aux frais de la société Scan Import ;

– Débouter la société Scan Import de sa demande reconventionnelle au titre de la contrefaçon de marque ;

En toute hypothèse,

– Condamner la société Scan Import au paiement de la somme de 20.000 € au profit de la société [Localité 5] Fine Foods en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– Condamner la société Scan Import en tous les dépens dont distraction au profit de Me Oriane Dontot conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la portée de la cassation

L’article 624 du code de procédure civile indique que la censure qui s’attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

En l’espèce, l’arrêt du 19 novembre 2020 a été cassé sauf en ce qu’il prononce la déchéance de la marque verbale française « Comptoir de l’apéritif » n° 3 450 674 pour les produits autres que les produits suivants : « tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois ».

La chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que la cour d’appel avait privé sa décision de base légale en retenant l’usage sérieux de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ par des motifs impropres à caractériser l’exploitation du signe ‘Comptoir de l’apéritif’ à titre de marque auprès des consommateurs finals.

La chambre commerciale n’a pas statué sur le second moyen, relatif à la contrefaçon, invoqué par la société [Localité 5] dans son mémoire ampliatif mais elle a indiqué, au visa de l’article 624 précité, que la cassation prononcée sur le chef de dispositif ayant rejeté la demande en déchéance des droits de la société Scan Import sur la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n°3 450 674 pour les « tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois », entraînait, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif relatif à la contrefaçon de cette marque, ainsi que de ceux ayant prononcé une mesure d’interdiction et ordonné la transcription de l’arrêt au registre national des marques, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Il revient donc à la cour d’appel de statuer sur la demande de déchéance des droits de la société Scan Import sur la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n°3450674 pour désigner les produits suivants :

« tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois »,puis, pour le cas où la déchéance serait prononcée, de statuer sur la demande reconventionnelle en contrefaçon de la société Scan Import.

Sur la déchéance de la marque verbale française ‘Comptoir de l’apéritif’ enregistrée sous le n°3450674

A titre liminaire, la cour relève que dans le dispositif de ses conclusions, la société Scan Import demande de voir constater que « la marque française n°063450674 ‘Comptoir de l’apéritif’ dont [elle] est titulaire, a fait l’objet d’aucun usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans en France » de sa part. Ce point ne fait pas débat et, nonobstant le fait que la cour avait déjà relevé dans son arrêt du 19 novembre 2020 ce qui apparaît manifestement comme une erreur, il convient de comprendre que la société Scan Import tend à voir reconnu qu’elle a fait un usage sérieux de cette marque.

Dans le corps de ses écritures, la société Scan Import soutient en effet, au visa de l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, qu’elle justifie, par les pièces qu’elle communique, d’un usage sérieux de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n°063450674 sur le territoire français, durant la période de référence s’étendant du 18 avril 2011 au 18 avril 2016, ce qui lui permet de maintenir ses droits sur cette marque pour les « tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois ». Elle fait état d’une gamme de quatre produits (poivrons farcis au thon, feuilles de vigne farcies, olives farcies au thon ainsi que tomates séchées, fromages & olives) commercialisée sous la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ entre le mois de juillet 2009 et le mois d’avril 2012. Elle considère que la commercialisation de ces produits, ajoutée à la commercialisation durant toute la période de référence de sa gamme de produits ‘apéritifs’ sous la marque ‘Cruscana’ « associée à la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ » attestent de l’usage sérieux de cette dernière. Elle fait valoir que l’intégralité des produits apéritifs de la marque Cruscana qu’elle distribue (hormis les produits de la mer vendus sous la marque Nordland) sont commercialisés au sein de différentes enseignes dans des présentoirs comportant de façon visible la marque ‘Comptoir de l’apéritif’, ce qui est conforme à la fonction d’identification des produits offerts à la vente et en tout état de cause aux différentes autres fonctions de la marque dont celles de communication ou de publicité. Elle prétend que l’utilisation du signe ‘Comptoir de l’apéritif’ résulte d’un choix de l’entreprise de distinguer et d’individualiser ses produits auprès du consommateur et non simplement d’assurer leur présentation et emballage ; qu’ainsi l’utilisation du signe ‘Comptoir de l’apéritif’ constitue bien un usage à titre de marque même lorsqu’il est apposé à côté du signe ‘Cruscana’ ; que l’exploitation qui en est faite remplit la fonction essentielle de la marque et permet de justifier d’un usage sérieux. Elle affirme que la qualification de marque ombrelle a vocation à s’appliquer à la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ et que le fait que celle-ci ne figure pas sur les produits aux côtés de la marque ‘Cruscana’ mais uniquement sur les présentoirs ne permet en rien d’écarter cette qualification. Elle rappelle qu’il est acquis en jurisprudence que l’usage sérieux s’apprécie au regard de l’ensemble des pièces considérées les unes au regard des autres ; que le caractère sérieux ne s’apprécie pas à la seule lumière des quantités de produits vendus et peut être compensé par la régularité dans le temps de l’usage. En réponse à l’argumentation adverse, elle souligne qu’en tant que société familiale de petite taille, elle répond à un schéma de production spécifique qui n’est en rien comparable à celui de la société Delabli et maintenant à celui de la société [Localité 5], acteurs dominants du secteur. Elle conclut que la société Scan Import justifie d’un usage de sa marque ‘Comptoir de l’apéritif’ régulier et conforme à sa taille ainsi qu’à sa force de frappe face aux acteurs du marché.

La société [Localité 5] répond que la société Scan Import n’est pas en mesure de justifier d’un usage sérieux de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ pour les produits « tapenade, caviar de légumes, salades de légumes, pâtes à tartiner à base de poisson, biscuits salés pour l’apéritif, olives conservées, olives aromatisées, pâte à tartiner à base de fromage, anchois, purée d’anchois » et que ledit signe a constitué tout au plus, de façon sporadique, un élément de signalétique utilisé pour les produits vendus dans les rayons des magasins. Elle critique l’intégralité des pièces produites par l’appelante pour démontrer l’usage sérieux de sa marque entre le 18 avril 2011 et le 18 avril 2016 et en conteste le caractère probant, soulignant que de nombreuses pièces ne sont pas datées et sont déconnectées de toute réalité commerciale objective. Elle observe que les produits auxquels la société Scan Import fait référence et dont la commercialisation a cessé en avril 2012 sont les seuls sur lesquels la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ aurait été apposée ; que seule la marque ‘Cruscana’ apparaît sur les autres produits et qu’il n’est pas démontré que ceux-ci ont été présentés de façon systématique dans les présentoirs en carton porteurs de la mention ‘Comptoir de l’apéritif’, invoqués par l’appelante. Elle indique que les factures communiquées par la société Scan Import ne peuvent permettre de justifier d’une exploitation du signe ‘Comptoir de l’apéritif’ à titre de marque auprès des consommateurs finals et qu’il n’est pas possible d’établir un lien entre ces factures et les photographies de présentoirs non datées. Elle fait valoir qu’en tout état de cause, tant les écritures de l’appelante que les pièces qu’elle communique démontrent que le seul signe qu’elle exploite à titre de marque est ‘Cruscana’, ce que confirme d’ailleurs le constat d’huissier que la société [Localité 5] a fait dresser sur le site internet exploité par la société Scan Import. Elle relève que les pièces adverses ne font que confirmer que l’unique usage du signe ‘Comptoir de l’apéritif’ par la société Scan Import a consisté en une apposition sur des présentoirs cartonnés et non sur des produits. Elle conteste que la qualification de marque ombrelle puisse être appliquée à la marque ‘Comptoir de l’apéritif’, qui ne dispose en elle-même d’aucune notoriété ou image dont pourraient bénéficier les produits commercialisés sous la seule marque ‘Cruscana’. Elle en conclut que l’exploitation faite du signe ‘Comptoir de l’apéritif’ ne remplit pas la fonction essentielle de la marque, ni même des fonctions de communication et de publicité, et que l’usage revendiqué ne peut être qualifié de sérieux, soulignant que l’appelante s’abstient une nouvelle fois de fournir la moindre information quant au chiffre d’affaires réalisé par elle pendant la période de référence, s’agissant de la marque en cause

******

L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, sans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, prévoit que :

« Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage :

a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ;

b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ;

c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation.

La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’aux produits ou aux services concernés.

L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.

La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. »

Il n’est pas contesté que la société [Localité 5], venant aux droits de la société Delabli qui a introduit l’action en déchéance de la marque n°063450674 ‘Comptoir de l’apéritif’, est une « personne intéressée » au sens des dispositions susvisées.

Pour échapper à la déchéance de sa marque, il incombe à la société Scan Import, qui en est titulaire, de prouver qu’elle en a fait un usage sérieux et qu’elle l’a utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée, ce qui suppose l’utilisation de celle-ci sur le marché pour désigner les produits ou services protégés.

Il n’est pas discuté qu’au regard de l’assignation introductive d’instance délivrée le 18 juillet 2016, la preuve de l’usage sérieux doit porter sur la période du 18 avril 2011 au 18 avril 2016.

Dans son arrêt du 19 décembre 2012 (affaire C-149/11), la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a précisé que « L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque ».

Selon la CJUE, il convient d’apprécier « si l’étendue et la fréquence de l’usage de ladite marque » sont « de nature à démontrer sa présence sur le marché d’une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe » (CJUE, arrêt du 13 septembre 2007, C-234/06).

La société Scan Import expose qu’elle distribue notamment, dans plusieurs enseignes de la grande distribution (Carrefour, Auchan, Cora, Espace Primeur, Système U), des produits tartinables pour l’apéritif vendus sous la marque ‘Cruscana’ et que ces dernières années, elle a également lancé plusieurs gammes de produits dont la gamme ‘Comptoir de l’apéritif’ pour les produits apéritifs.

Elle verse aux débats :

– 2 photographies de produits ‘tomates séchées, fromage & olives’ et ‘olives farcies au thon’ (sa pièce n°8) porteurs de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ : outre que ces photographies ne sont pas datées et ne permettent pas de retenir une période précise de commercialisation, l’appelante indique elle-même qu’elle a retiré de la vente en avril 2012 cette gamme de produits qui en comportait seulement quatre ;

– une pièce n°9 intitulée ‘Photographies des présentoirs Comptoir de l’apéritif’ composée d’une page sur laquelle figurent des produits différents de ceux visés en pièce n°8, disposés dans des présentoirs porteurs de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’, outre une photo d’un rayonnage de supermarché : la cour note que ce document, qui annonce la ‘Création d’un Univers Apéritif au rayon Traiteur – Traiteur de la mer’ (sans toutefois être en mesure de savoir s’il a été diffusé à l’extérieur de l’entreprise) n’est pas daté, que la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n’est pas directement apposée sur les produits et que le rayonnage pris en photo ne contient manifestement pas de présentoirs ‘Comptoir de l’apéritif’ ;

– le modèle original de présentoir ‘Comptoir de l’apéritif’ en carton de couleur verte (sa pièce n°18) ;

– une douzaine de photographies de rayonnages de supermarchés contenant les produits figurant en pièce n°9 installés dans des présentoirs ‘Comptoir de l’apéritif’ (sa pièce n°10) : ces photographies ne sont pas non plus datées et il n’est pas possible de savoir dans quel magasin elles ont été prises, la cour observant que sur l’une d’elles figurent les produits dont la société Scan Import indique avoir cessé la commercialisation en avril 2012 ;

– une copie-écran de la page Facebook ‘Cruscana’ affichant des produits dans des présentoirs ‘Comptoir de l’apéritif’ (sa pièce n°11) : la date du 21 novembre 2015 figure en haut à droite de la copie-écran sans qu’il soit possible d’établir avec certitude qu’il s’agit bien de la date de publication de cette page sur les réseaux sociaux ;

– une pièce n°16 intitulée ‘Photographie comparative d’un étalage’ sur laquelle on distingue difficilement des produits installés dans des présentoirs de couleur verte sans qu’il soit possible d’identifier l’inscription ‘Comptoir de l’apéritif’ : cette photographie n’est une fois de plus pas datée et on ignore le lieu où elle a été prise ;

– une pièce n°13 intitulée ‘Brochures commerciales’ composée de trois documents (mention THN-2012, THN-2014, THN-2016 en bas de page) présentant les produits distribués par la société Scan Import : les marques mises en avant dans ces présentations sont les marques ‘Cruscana’ et ‘Nordland’, une seule page est consacrée dans le premier des trois documents aux spécialités grecques ‘Comptoir de l’apéritif’ (poivrons farcis au thon, feuilles de vigne farcies, olives farcies au thon, tomates séchées, fromages & olives) que l’appelante a retirées de la vente en avril 2012 et la même page que celle communiquée en pièce n°9 (‘Création d’un Univers Apéritif au rayon Traiteur – Traiteur de la mer’) clôture chacun des trois documents ; en outre et comme l’ont justement souligné les premiers juges, la preuve n’est pas rapportée d’une quelconque diffusion de ces brochures au public ou aux partenaires de la société Scan Import ;

– 27 factures émises par la société Scan Import entre le 3 février 2011 et le 12 mai 2016 (pièces n°12 et 12 bis) comportant pour certains des produits facturés la double mention des marques ‘Cruscana’ et ‘Comptoir de l’apéritif’ : si ces factures attestent de la vente de produits apéritifs de la société Scan Import à différentes enseignes situées dans plusieurs départements français, elles ne permettent pas d’établir la vente au consommateur final de produits sous la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ ;

– 5 factures émises par la société Saicapack entre le 29 février 2012 et le 30 juin 2016 à l’attention de la société Jouanneau, filiale de la société Scan Import, portant notamment pour seulement 3 d’entre elles (29 février 2012, 17 décembre 2013 et 26 juin 2014) sur des commandes de présentoirs en carton ‘Comptoir de l’apéritif’ ; les factures les plus récentes mentionnent uniquement des ‘barquettes Cruscana vert’, ‘barquettes Cruscana blanc’, ‘barquettes Carrefour bleu’ ; ainsi il n’est en tout état de cause pas démontré l’utilisation de présentoirs ‘Comptoir de l’apéritif’ après 2014.

Il ressort de ces pièces, qui sont à l’évidence les mêmes que celles soumises en première instance, que la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ a été apposée sur seulement quatre produits (poivrons farcis au thon, feuilles de vigne farcies, olives farcies au thon, tomates séchées, fromages & olives) commercialisés de juillet 2009 à avril 2012, selon les propres indications de la société Scan Import. Les autres produits distribués par la société Delabli l’ont été soit sous la marque ‘Cruscana’, soit sous la marque ‘Nordland’, l’appelante reconnaissant que la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n’est pas apposée sur ces produits mais uniquement sur des présentoirs dans lesquels peuvent être installés les produits de marque ‘Cruscana’, sans qu’il soit avéré que cette présentation l’a été de façon continue et suffisante pendant la période de référence.

A supposer même que les produits de la marque ‘Cruscana’ aient effectivement été proposés à la vente, entre le 18 avril 2011 et le 18 avril 2016, dans des présentoirs comportant l’inscription ‘Comptoir de l’apéritif’, ce qui n’est pas établi par les pièces versées aux débats, la société Scan Import fait justement observer que la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n’a pas été déposée pour désigner des supports promotionnels mais des produits alimentaires relevant des classes 29 et 30.

Au surplus, et comme l’ont noté les premiers juges, le constat du 24 juin 2016 auquel a procédé Me [Y] [M], huissier de justice à [Localité 6], sur le site internet ‘www.cruscana.fr’ établit qu’aucun usage de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’ n’a pu être relevé sur ce site.

La société Scan Import verse aux débats en pièce n°15 une attestation de son expert-comptable faisant état du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé au titre des exercices 2015 et 2016, sans aucune précision sur le chiffre d’affaires se rapportant à la vente de produits de la marque ‘Comptoir de l’apéritif’, et elle s’abstient de communiquer la moindre information sur l’évolution de sa gamme de produits ‘Comptoir de l’apéritif’, sur son positionnement sur le marché et sur la progression de ses ventes, se limitant à faire valoir que compte tenu de sa petite taille, elle ne peut être comparée aux géants du circuit de la grande distribution tels que [Localité 5].

Au vu de ces éléments, il n’est pas établi que la marque n°063450674 ‘Comptoir de l’apéritif’ a rempli sa fonction essentielle de marque, à savoir sa fonction d’identification des produits offerts à la vente aux consommateurs.

C’est en conséquence à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que la société Scan Import ne démontrait pas un usage sérieux de sa marque n°063450674 ‘Comptoir de l’apéritif’ pendant la période de référence et qu’ils ont prononcé la déchéance des droits de la société Scan Import sur ladite marque, et ce à compter du 20 octobre 2011, compte tenu de la date de publication de son enregistrement le 20 octobre 2006.

Le jugement sera confirmé.

Sur la contrefaçon

La déchéance des droits de la société Scan Import sur la marque verbale française n°063450674 ‘Comptoir de l’apéritif’ étant prononcée à compter du 20 octobre 2011, c’est à bon droit que le tribunal a dit cette société irrecevable à agir en contrefaçon à l’encontre de la société Delabli, aux droits de laquelle vient désormais la société [Localité 5], dès lors que la société Scan Import, qui ne dispose plus de droits de propriété intellectuelle sur ce signe, n’a pas d’intérêt ni qualité à agir sur ce fondement.

Le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Selon l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Au regard de la décision, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

La société Scan Import, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel, comprenant ceux afférents à la décision cassée ainsi que ceux se rapportant à la présente décision, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile étant accordé à Me Dontot.

La société Scan Import sera en outre condamnée à payer à la société [Localité 5] Fine Foods la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine,

CONFIRME le jugement rendu le 30 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre ;

Y ajoutant,

ORDONNE la transmission par le greffe du présent arrêt à l’INPI, aux fins de transcription sur le registre national des marques, dès qu’il sera devenu définitif ;

CONDAMNE la société Scan Import aux dépens d’appel, dont distraction au bénéfice de Me Oriane Dontot ;

CONDAMNE la société Scan Import à verser à la société [Localité 5] Fine Foods, venant aux droits de la société Delabli, la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; 

REJETTE toute autre demande.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le CONSEILLER,

 

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