La Cour de cassation a suivi l’avis de l’avocate générale et a décidé de soumettre à avis de la CJUE la légalité de l’utilisation de date fantaisiste au sein d’une marque.
La solution retenue par le TUE suscite des interrogations au regard des incidences que peut avoir la référence faite par une marque à l’ancienneté de l’entreprise. Elle évoque ainsi une étude relative à la perception de l’ancienneté de l’entreprise véhiculée par la marque d’où il résulte que, dans certains secteurs, l’ancienneté confère un avantage concurrentiel au fournisseur des produits ou des services et une survaleur à la marque pouvant revendiquer une telle ancienneté, en raison du savoir-faire et de la qualité attendus d’une continuité de l’entreprise par le consommateur des produits ou services concernés. Il conviendra, d’abord, de déterminer si le fait qu’une marque communique une information erronée concernant son titulaire de nature à influencer le consommateur moyen des produits et services couverts par cette marque suffit pour conclure à son caractère trompeur, ou si l’erreur provoquée doit porter sur des caractéristiques desdits produits ou services. Ensuite, à supposer qu’une marque ne soit trompeuse que si elle porte sur des caractéristiques des produits ou services couverts par cette marque, le constat de sa déceptivité suppose-t-il que la marque constitue une désignation suffisamment spécifique des caractéristiques potentielles des produits ou des services couverts par la marque ? Enfin, s’il est répondu à cette question par l’affirmative, il y a lieu de se demander si, notamment dans le domaine des produits de luxe, où l’histoire associée à la marque est un élément important d’attractivité des produits qui en sont revêtus, le fait que la marque attribue à son titulaire une importante ancienneté, et donc un savoir-faire éprouvé, dans la fabrication des produits couverts par la marque, constitue une désignation suffisamment spécifique des caractéristiques potentielles des produits couverts par la marque, que ceux-ci ne posséderaient pas. Selon l’article L. 711-3, c), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au litige, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. Ce texte a successivement assuré la transposition des dispositions de l’article 3, paragraphe 1, sous g), de la directive 89/104/CEE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, de l’article 3, paragraphe 1, sous g), de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, puis de l’article 20, sous b), de la directive (UE) 2015/2436, en substance identiques. Interprétant, dans son arrêt du 30 mars 2006, Emanuel (C-259/04), la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, la Cour de justice de l’Union européenne, après avoir rappelé que les cas de refus d’enregistrement visés par l’article 3, paragraphe 1, sous g), de la directive 89/104 supposent que l’on puisse retenir l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur, a jugé que, quand bien même un consommateur moyen pourrait être influencé dans son acte d’achat en imaginant que la personne physique dont le nom est enregistré en tant que marque a participé à la création du produit revêtu de la marque, cette circonstance ne peut être, à elle seule, de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la provenance dudit produit. L’ancienneté de l’entreprise revendiquée par une marque influence la décision d’achat du consommateur desdits produits, en particulier dans le secteur économique de la maroquinerie de luxe, de sorte que l’ancienneté de l’entreprise est une donnée importante pour le consommateur, dont la décision d’achat se trouve ainsi influencée par cette information. La mention de l’ancienneté de l’entreprise constitue par conséquent un facteur de ralliement de la clientèle et, partant, confère un avantage concurrentiel. Or, il résulte des constatations souveraines de l’arrêt qu’en déposant les marques « Fauré Le Page » contenant la date 1717, les sociétés Fauré Le Page se présentent de manière mensongère comme étant les « successeurs » de l’ancienne maison Fauré Le Page. La Cour de cassation considère en effet que le caractère déceptif d’une marque ne se limite pas à un message trompeur sur les seules caractéristiques du produit ou du service ou certains d’entre eux, mais peut concerner les caractéristiques de l’entreprise titulaire de la marque elle-même, et en particulier son ancienneté, dès lors que le consommateur est susceptible de déduire de l’information fausse ainsi communiquée par la marque que le produit qui en est revêtu possède certaines qualités ou jouit d’un certain prestige, qualités et prestige pouvant influencer sa décision d’acquérir le produit. Dans son arrêt du 23 avril 2009, Copad (C-59/08), la Cour de justice de l’Union européenne a retenu, s’agissant de l’atteinte à la qualité des produits susceptible d’être reprochée à un licencié par le titulaire de la marque, que la qualité des produits de prestige ne résulte pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles mais également de l’allure et de l’image de prestige que leur confère une sensation de luxe (points 24 à 26). On peut dès lors se demander si, à tout le moins dans le domaine des produits de luxe, lorsque la marque ou l’un de ses éléments confère aux produits qu’elle désigne une image de prestige influant sur la décision d’achat du consommateur de ces produits, il n’y a pas lieu à annulation de la marque si cet élément est faux. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne la société Maison Fauré Le Page, qui a été dissoute en 1992 avec transfert de son patrimoine à sa société mère, la société Saillard. En 1989, la société Saillard a déposé la marque « Fauré Le Page » pour désigner des produits liés aux armes et au cuir. En 2009, cette marque a été cédée à une nouvelle société Fauré Le Page. En 2011, cette nouvelle société a déposé les marques « Fauré Le Page [Localité 3] 1717 » pour des produits en cuir. En 2012, la société Goyard ST-Honoré a assigné les sociétés Fauré Le Page pour obtenir l’annulation de ces marques pour caractère trompeur. Après plusieurs décisions judiciaires, la cour d’appel de Paris a prononcé la nullité des marques en raison de leur caractère trompeur, notamment en raison de l’évocation d’une continuité d’exploitation depuis 1717 alors que l’ancienne Maison Fauré Le Page avait cessé son activité en 1992. Les sociétés Fauré Le Page ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision.
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→ Les points essentielsExamen des moyensSur le premier moyen, pris en sa première brancheEnoncé du moyen8. Les sociétés Fauré Le Page font grief à l’arrêt de prononcer la nullité des marques « Fauré Le Page [Localité 3] 1717 » n° 3839809 et 3839811 en raison de leur caractère trompeur, alors « qu’encourt l’annulation la marque de nature à tromper le public, non sur les qualités de son titulaire, mais sur les caractéristiques des produits ou des services désignés ; qu’en énonçant, pour retenir que les marques « Fauré Le Page 1717 » étaient trompeuses, que la société Fauré Le Page [Localité 3], qui n’avait pas acquis l’activité de la maison Fauré Le Page fondée en 1717, ne pouvait se présenter comme son successeur, sans justifier d’une tromperie effective ou d’un risque de tromperie suffisamment grave, non sur les qualités de l’entreprise titulaire des marques litigieuses, mais sur les produits désignés par ces marques, la cour d’appel a violé l’article L. 711-3, c), du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 3, paragraphe 1, sous g), de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques. » Les montants alloués dans cette affaire: – La Cour de cassation a alloué une somme à la société Goyard ST-Honoré pour la production d’un sondage démontrant l’influence de l’ancienneté de l’entreprise sur la décision d’achat des consommateurs
– La Cour de cassation a également alloué une somme aux sociétés Fauré Le Page pour leurs arguments et leur défense dans l’affaire – La Cour de cassation n’a pas mentionné d’autres sommes allouées à d’autres parties dans sa réponse |
→ Réglementation applicable– Code de la propriété intellectuelle, article L. 711-3, c)
– Directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 Article L. 711-3, c) du Code de la propriété intellectuelle: Directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, article 3, paragraphe 1, sous g): |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Mme Sabotier
– SCP Piwnica et Molinié – SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier – Mme Texier |