Contrefaçon de montres Cluse : Amazon condamnée

Notez ce point juridique

Les usages de la marque d’un titulaire (montres et autres) ne peuvent être qualifiés de contrefaisants en cas d’épuisement du droit des marques au sens de l’article 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017. S’agissant des ventes réalisées par les sociétés amazon, en particulier la société Amazon Europe Core Sarl, il appartient à ces sociétés, qui s’en prévalent, de rapporter la preuve que les conditions de ce texte sont réunies. S’agissant des produits vendus par des vendeurs tiers sur Amazon, il appartient aux sociétés amazon, qui se prévalent de l’épuisement du droit des marques, d’établir de la même manière que les conditions de l’article 15 précité sont réunies.

A ce titre, des factures d’achat qui ne mentionnent aucune information sur l’origine des produits vendus par ces sociétés de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier que ces produits ont été mis sur le marché dans l’espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Il est relevé en particulier qu’aucun instrumentum des contrats dont seraient issues ces factures n’est produit, il n’est donc pas possible de vérifier l’existence d’une clause de garantie d’origine. La contrefaçon est donc établie.

Pour rappel, aux termes de l’article 9 « Droit conféré par la marque de l’Union européenne » du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 « 1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque:

a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque (…)

3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2: (…)

b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe; / c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe; (…) ».

Selon l’article 15 « Épuisement du droit conféré par la marque de l’Union européenne » du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 :

« 1. une marque de l’Union européenne ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis sur le marché dans l’espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2. Le paragraphe 1 n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce ».

Résumé de l’affaire

Les sociétés Europe Watch Group II BV et Europe Watch Group BV sont spécialisées dans la conception, la fabrication et la commercialisation de montres et bijoux. Elles ont constaté la présence de produits porteurs de leurs marques « CLUSE » sur les plateformes Amazon, ce qui a entraîné un litige. Après plusieurs procédures judiciaires, les sociétés Europe Watch ont assigné les sociétés Amazon en contrefaçon et concurrence déloyale. Les demandes des sociétés Europe Watch ont été rejetées par le tribunal de commerce de Paris. Les sociétés Europe Watch ont ensuite demandé au tribunal judiciaire de Paris de condamner les sociétés Amazon pour contrefaçon et concurrence déloyale, ainsi que de supprimer les offres de produits contrefaisants de leur plateforme. Les sociétés Amazon ont demandé le rejet des demandes des sociétés Europe Watch. L’affaire a été clôturée par une ordonnance en décembre 2022.

Les points essentiels

Sur les fins de non-recevoir

Les sociétés Amazon soulèvent trois fins de non-recevoir concernant leur qualité à défendre, l’illicéité du réseau de distribution sélective de Cluse, et la démonstration des faits de contrefaçon. Les sociétés Europe Watch répliquent à ces moyens mais ne présentent pas d’argumentation spécifique sous le qualificatif de fin de non-recevoir.

Sur ce

Selon l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. Les sociétés Amazon n’ont pas saisi le juge de la mise en état pour ces fins de non-recevoir, les rendant irrecevables.

Sur la régularité des procès-verbaux de constats d’huissier

Les sociétés Amazon soulèvent des moyens justifiant la nullité des procès-verbaux de constat. Les sociétés Europe Watch répliquent en affirmant que les constats d’huissier sont réguliers. Le tribunal conclut à l’annulation des procès-verbaux pour non-impartialité de l’huissier.

Sur la contrefaçon

Les sociétés Europe Watch fondent leur action sur des articles de loi concernant la contrefaçon. Les sociétés Amazon contestent le caractère contrefaisant des produits et soutiennent que les constats d’huissier sont nuls. Le tribunal conclut à l’établissement de la contrefaçon pour certaines sociétés Amazon.

Sur les mesures de réparation

Les sociétés Europe Watch demandent des réparations pour les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale. Les sociétés Amazon contestent les demandes de réparation. Le tribunal fixe les dommages et intérêts à payer par les sociétés Amazon pour les actes de contrefaçon.

Sur les demandes accessoires

Les sociétés Amazon sont condamnées aux dépens et à payer des frais supplémentaires aux sociétés Europe Watch. L’exécution provisoire du jugement est maintenue.

Les montants alloués dans cette affaire: – La société Europe Watch Group II BV : 290 754 euros
– La société Europe Watch Group BV : 15 000 euros
– Les sociétés Europe Watch Group II BV et Europe Watch Group BV : 30 000 euros (en solidum)
– Astreinte de 150 euros par infraction constatée pour non-suppression des offres de produits portant les marques « Cluse » sur les plateformes Amazon
– Frais d’envoi des produits à la société Europe Watch II aux fins de destruction par les sociétés Amazon EU, Amazon Europe Core, Amazon France Logistique

Réglementation applicable

– Article 14 du Code de procédure civile
– Article 15 du Code de procédure civile
– Article 789 du Code de procédure civile
– Article 791 du Code de procédure civile
– Article L. 716-4-7 du Code de la propriété intellectuelle
– Article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017
– Article 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017
– Article L. 716-4-10 du Code de la propriété intellectuelle
– Article L. 716-4-11 du Code de la propriété intellectuelle
– Article 1240 du Code civil
– Article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle
Article 700 du Code de procédure civile

Texte de l’article 14 du Code de procédure civile:
« Les sociétés Amazon soulèvent trois fins de non-recevoir : »

Texte de l’article 15 du Code de procédure civile:
« La première est tirée de l’absence de qualité à défendre des sociétés Amazon Europe Core SARL, Amazon France Logistique SAS et Amazon France Services SAS car elles sont respectivement chargées de détenir la propriété intellectuelle d’Amazon en Europe, de l’activité de support logistique, de prestataire de service marketing, administratif, juridique financière et technique. »

Texte de l’article 789 du Code de procédure civile:
« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (…) 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. »

Texte de l’article 791 du Code de procédure civile:
« Le juge de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées distinctes des conclusions au sens de l’article 768, sous réserve des dispositions de l’article 1117. »

Texte de l’article L. 716-4-7 du Code de la propriété intellectuelle:
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. »

Texte de l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017:
« L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. »

Texte de l’article 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017:
« Une marque de l’Union européenne ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis sur le marché dans l’espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. »

Texte de l’article L. 716-4-10 du Code de la propriété intellectuelle:
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. »

Texte de l’article L. 716-4-11 du Code de la propriété intellectuelle:
« En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. »

Texte de l’article 1240 du Code civil:
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Texte de l’article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle:
« L’exploitant d’une marque est fondé à obtenir la réparation de son préjudice propre, peu important que les éléments sur lesquels il fonde sa demande en concurrence déloyale soient matériellement les mêmes que ceux pour lesquels le titulaire de la marque a obtenu une condamnation pour actes de contrefaçon. »

Texte de l’article 700 du Code de procédure civile:
« Les sociétés Amazon EU, Amazon Europe Core, Amazon France Logistique, parties perdantes, sont condamnées aux dépens et à payer aux sociétés Europe Watch la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, somme appréciée en équité à défaut d’accord des parties sur son montant ou de justificatif. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Michèle MERGUI
– Me Diane RATTALINO
– Me François PONTHIEU
– Me Diego DE LAMMERVILLE
– Me Dan ROSKIS

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