Est seul compétent pour ordonner, sur le fondement de l’article 145, une mesure d’instruction liée de façon indissociable à des actes de contrefaçon de marque le président du TJ, dont le juge a compétence exclusive pour connaitre au fond de l’affaire mettant en cause tant des actes de concurrence déloyale que de contrefaçon de marque » (Com. 20 nov. 2012, n°11-23.216).
L’article L716-5 II. du Code de la propriété industrielle précise que, « les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques, autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. » L’article 145 du code de procédure civile dispose, enfin, que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ». En l’espèce, l’éventualité d’actes de contrefaçons et la question connexe de concurrence déloyale sont évoquées par la requérante, de sorte qu’il convient de retenir la compétence matérielle du Tribunal judiciaire de Rennes pour connaître du présent litige sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société [Localité 5] INTERNATIONAL à la société SNESV, suite à sa liquidation judiciaire. La SNESV a mis en demeure la société GROUPE COMPTOIR de justifier la licéité de ses approvisionnements en vaisselle, suspectant une contrefaçon des articles vendus. Une mesure d’instruction a été ordonnée pour vérifier les faits. La société GROUPE COMPTOIR a contesté cette demande et a demandé la rétractation de l’ordonnance sur requête. Les deux affaires ont été jointes et sont en attente de délibéré.
|
→ Les points essentielsAnnulation de l’assignation délivrée par PROCYCLINGMAPSLe Juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire et en premier ressort, a décidé d’annuler l’assignation délivrée le 31 janvier 2023 par la société PROCYCLINGMAPS à Monsieur [J] [I]. Cette décision met fin à l’instance initiée par cette assignation. Support des dépens par la société PROCYCLINGMAPSLe tribunal a également statué que la société PROCYCLINGMAPS devra supporter les dépens de l’instance éteinte. Cela signifie que tous les frais de justice engagés dans le cadre de cette procédure seront à la charge de PROCYCLINGMAPS. Condamnation de PROCYCLINGMAPS à verser 3 000 € à Monsieur [J] [I]En application de l’article 700 du Code de procédure civile, le tribunal a condamné la société PROCYCLINGMAPS à verser à Monsieur [J] [I] la somme de 3 000 €. Cette somme est destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens, tels que les honoraires d’avocat. Signature de l’ordonnance par le Juge et le GreffierLa présente ordonnance a été signée par le Juge de la mise en état, Cécile WOESSNER, et le Greffier, Jessica BOSCO BUFFART, attestant de la validité et de l’authenticité de la décision rendue. Les montants alloués dans cette affaire:
|
→ Réglementation applicable– Article 700 du Code de procédure civile :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » Note : Seul l’article 700 du Code de procédure civile est cité dans le texte fourni. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Stéphane BOURDAIS
– Me Stéphanie PRENEUX |
→ Mots clefs associés & définitions– Compétence du président du Tribunal judiciaire
– Actes de contrefaçon – Marque de produits ou de services – Atteinte aux droits du titulaire de la marque – Interdictions d’usage dans la vie des affaires – Renommée de la marque – Actes et usages interdits – Introduction de produits sur le territoire national – Risque d’atteinte aux droits du titulaire de la marque – Acquisition de la propriété de la marque par l’enregistrement – Justification des droits de propriété intellectuelle – Compétence du Tribunal judiciaire – Mesures d’instruction – Saisie-contrefaçon déguisée – Motif légitime de conserver ou d’établir la preuve – Litige potentiel entre les parties – Mesure d’instruction non contradictoire – Proportion des mesures au but poursuivi – Demande de désignation d’un expert judiciaire et de mise sous séquestre – Modification de la requête de la SNESV – Dépens de l’instance – Indemnité de 1500 euros conformément à l’article 700 du Code de procédure civile – Compétence du président du Tribunal judiciaire: autorité du président du Tribunal judiciaire pour traiter certaines affaires liées à la contrefaçon de marques
– Actes de contrefaçon: actions qui portent atteinte aux droits du titulaire d’une marque en reproduisant ou imitant celle-ci sans autorisation – Marque de produits ou de services: signe distinctif permettant d’identifier des produits ou services sur le marché – Atteinte aux droits du titulaire de la marque: violation des droits de propriété intellectuelle d’une personne sur sa marque – Interdictions d’usage dans la vie des affaires: restrictions sur l’utilisation d’une marque dans le cadre des activités commerciales – Renommée de la marque: notoriété et réputation d’une marque sur le marché – Actes et usages interdits: actions et pratiques prohibées en matière de marques – Introduction de produits sur le territoire national: mise en circulation de produits sur le marché national – Risque d’atteinte aux droits du titulaire de la marque: possibilité de porter préjudice aux droits de propriété intellectuelle d’une personne sur sa marque – Acquisition de la propriété de la marque par l’enregistrement: obtention des droits de propriété sur une marque par le biais de son enregistrement – Justification des droits de propriété intellectuelle: démonstration de la légitimité des droits de propriété intellectuelle sur une marque – Compétence du Tribunal judiciaire: autorité du Tribunal judiciaire pour juger les litiges liés aux marques – Mesures d’instruction: actions prises pour recueillir des preuves ou des informations dans le cadre d’une affaire – Saisie-contrefaçon déguisée: mesure permettant de saisir des produits contrefaits sans en informer préalablement le contrevenant – Motif légitime de conserver ou d’établir la preuve: raison valable de conserver ou d’établir des preuves dans le cadre d’un litige – Litige potentiel entre les parties: conflit éventuel entre les parties concernant les droits sur une marque – Mesure d’instruction non contradictoire: mesure prise sans consultation préalable des parties concernées – Proportion des mesures au but poursuivi: adéquation des mesures prises par rapport à l’objectif recherché – Demande de désignation d’un expert judiciaire et de mise sous séquestre: requête visant à nommer un expert et à placer des biens sous séquestre dans le cadre d’une affaire – Modification de la requête de la SNESV: changement apporté à la demande de la SNESV – Dépens de l’instance: frais engagés lors d’une procédure judiciaire – Indemnité de 1500 euros conformément à l’article 700 du Code de procédure civile: compensation financière accordée selon les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Rennes
RG n° 23/00542
N°
Du 31 mai 2024
N° RG 23/00542 – N° Portalis DBYC-W-B7H-KO3Q
79B
c par le RPVA
le
à
Me Stéphane BOURDAIS, Me Stéphanie PRENEUX
– copie dossier
Expédition et copie executoire délivrée le:
à
Me Stéphane BOURDAIS,
Expédition délivrée le:
à
Me Stéphanie PRENEUX
Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
OR D O N N A N C E
DEMANDEUR AU REFERE:
S.A.S.U. GROUPE COMPTOIR, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie PRENEUX, avocat au barreau de RENNES
DEFENDEUR AU REFERE:
S.A.S.U. SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION SNESV VAISSELLE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Stéphane BOURDAIS, avocat au barreau de RENNES
LE PRESIDENT: Béatrice RIVAIL, Présidente du tribunal judiciaire
LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.
DEBATS: à l’audience publique du 20 Mars 2024,
ORDONNANCE: contradictoire , prononcée par mise à disposition au Greffe des référés le 31 mai 2024, date prorogée à celle indiquée à l’issue des débats
VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.
Par jugement en date du 27 mai 2022, le Tribunal de commerce de Macon a ordonné la liquidation judiciaire de la SAS [Localité 5] INTERNATIONAL.
Par ordonnance du Juge commissaire du Tribunal de commerce de Macon en date du 22 juillet 2022, saisi par requête de la SAS JEAN-JACQUES DESLORIEUX agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 5] INTERNATIONAL, a été autorisée la cession de gré à gré du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de la société [Localité 5] INTERNATIONAL et de tous les droits y attachés, au profit de la société SAS AVL DEVELOPPEMENT agissant elle-même pour le compte de la société alors encore à constituer dénommée SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION [Localité 5] VAISSELLE (SNESV) (pièces n°2).
La cession de gré à gré du fonds de commerce portait sur (pièce n°2) :
– les actifs incorporels suivants :
* le nom commercial « [Localité 5] VAISSELLE ›› ;
* la clientèle, y compris les données commerciales et les correspondances disponibles sur le site de [Localité 3], aussi bien sur support papier que sous forme électronique ;
* le référencement chez les clients et les fournisseurs ;
* les numéros de téléphone, le nom de domaine sarregueminesvaisselle.com et le site internet associé ;
* les licences des logiciels informatiques ;
* le droit d’auteur sur les documents commerciaux et techniques de l’entreprise comprenant aussi :
• la récupération des plaques en cuivre et les anciens dessins de décoration ;
• le droit d’utilisation de toutes les anciennes archives (notamment les photos et documents très anciens) pour faire de la communication et du marketing autour de la marque ;
* l’ensemble des droits de propriété intellectuelle et/ou commerciale de la société [Localité 5] INTERNATIONAL dont, notamment, les marques, les dessins et modèles (notamment l’ensemble des modèles de poterie), les dénominations que la société aurait pu acquérir par dépôt ou par usage et notamment ceux relatifs aux marques SARREGUEMINES, SARREGUEMINES VAISSELLE, DV SARREGUEMINES, FAYENCERIE DE DIGOIN, FAYENCERIE DE SARREGUEMINES, PYROBLAN, S DE SARREGUEMINES, PYROBLAN, OSLO (telle que figurant dans la liste des marques à reprendre annexée à l’offre de cession de gré à gré, entérinée par le Juge commissaire du Tribunal de commerce de Macon) ;
* le droit au bail des locaux du magasin d’usine situé [Adresse 2] ;
* et plus généralement, tous droits incorporels dont la société [Localité 5] INTERNATIONAL en liquidation judiciaire était propriétaire ou titulaire incluant l’ensemble des modèles de toutes les collections produites et les moules mères des modèles historiques.
– l’intégralité du stock de produits finis présent dans le magasin d’usine et ses annexes.
Consécutivement, par acte de cession d’éléments d’actifs conclu le 20 octobre 2022, la SAS JEAN-JACQUES DESLORIEUX agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 5] INTERNATIONAL, a cédé au profit de la SNESV les actifs incorporels dépendant du fonds de commerce de fabrication de production de marchandises en porcelaine et faïence, fabrication et production de marchandises en céramique de la société [Localité 5] INTERNATIONAL (Pièce n°4).
Par courrier en date du 30 mars 2023 (pièce n°2 défendeur), la SNESV a mis en demeure la société GROUPE COMPTOIR, spécialisée dans la vente et service après-vente, en qualité de distributeur, de matériels pour la restauration et les collectivités (pièce n°1 défendeur), de justifier :
– de la réalité et la licéité des approvisionnements et stocks relatifs à l’ensemble des articles de vaisselle commercialisés par la société GROUPE COMPTOIR sous les formes, reliefs, noms et/ou marques créés par la société [Localité 5] INTERNATIONAL et dont les droits incorporels ont été rachetés par la SNESV ;
– le fait que ces mêmes articles de vaisselle correspondraient en réalité à des unités mises sur le marché de L’Union Européenne par la société [Localité 5] INTERNATIONAL elle-même ou par la société SNESV ;
– à défaut d’en justifier,
– de cesser tout usage illégitime de ces articles de vaisselle, ainsi que toute promotion sous une désignation identique ou différente ;
– de consigner l’intégralité des stocks des produits portant atteinte aux droits de la SNESV ;
– de communiquer les éléments commerciaux et comptables permettant à la SNESV d’évaluer et de calculer son préjudice.
Par courrier en date du 04 mai 2023, la société GROUPE COMPTPOIR (pièce n°3 défendeur) a contesté cette demande, soutenant ne pas avoir commis de faute.
Par ordonnance sur requête de la Présidente du Tribunal judiciaire de Rennes du 09 juin 2023, saisie à la demande de la SNESV, la SNESV a obtenu le bénéfice d’une mesure d’instruction à l’endroit de la société GROUPE COMPTOIR.
L’ordonnance sur requête dispose que :
1/ La SNESV est autorisée à faire procéder à un ou plusieurs procès-verbal(aux) de constat par tous huissiers de son choix, lesquels auront pour mission de :
– Se rendre, dans la limite de ressort de leur compétence territoriale :
* dans les locaux de la société GROUPE COMPTOIR situés [Adresse 1],
* ainsi que dans tous autres locaux de la société GROUPE COMPTOIR utiles à l’accomplissement de leur mission,
* aux jours d’ouverture,
– Faire dans les lieux susvisés toutes recherches et constatations utiles afin de mettre en évidence :
* la source, la volumétrie (en nombre et en montant d’achats) et la réalité des approvisionnements par la société GROUPE COMPTOIR depuis le 27 mai 2022 en ce qui concerne les articles de vaisselle que cette dernière commercialise sous une désignation commune avec les collections de la SNESV, à savoir : les articles CAFETERIA, OSLO, BOURRELET, ELEGANCE, EUROPA, HORIZON, PYRO, SPACE, TAO,
* la source, la volumétrie (en nombre et en montant d’achats) et la réalité des approvisionnements par la société GROUPE COMPTOIR depuis le 27 mai 2022 en ce qui concerne les articles de vaisselle que cette dernière commercialise en association avec la désignation « [Localité 5] »,
* la volumétrie (en nombre et en chiffre d’affaires) et la réalité des ventes réalisées par la société GROUPE COMPTOIR, depuis le 27 mai 2022, en ce qui concerne les articles de vaisselle que cette dernière commercialise sous une désignation commune avec les collections de la SNESV, à savoir : les articles CAFETERIA, OSLO, BOURRELET, ELEGANCE, EUROPA, HORIZON, PYRO, SPACE, TAO, et plus généralement, avec la désignation « [Localité 5] »,
* la volumétrie (en nombre et en chiffre d’affaires) et la réalité des ventes réalisées par la société GROUPE COMPTOIR, depuis le 27 mai 2022, en ce qui concerne les articles de vaisselle que cette dernière commercialise en association avec la désignation « [Localité 5] »,
* la description et la réalité des articles de vaisselle que la société GROUPE COMPTOIR commercialise depuis le 27 mai 2022 sous une désignation commune avec les collections de la SNESV et/ou en association avec la désignation « [Localité 5] ›› ;
* les conditions et l’étendue de l’usage par la société GROUPE COMPTOIR depuis le 27 mai 2022 des désignations suivantes : CAFETERIA, OSLO, BOURRELET, ELEGANCE, EUROPA, HORIZON, PYRO, SPACE, TAO, [Localité 5],
– Faire dans les lieux susvisés toutes recherches et constatations utiles relatives à la description des articles de vaisselle commercialisés par la société GROUPE COMPTOIR tels que visés précédemment ;
– A ces fins, rechercher et constater tous exemplaires de produits, échantillons, éléments, dossiers, fichiers, documents, éléments comptables et correspondances (y compris sur la messagerie des dirigeants et des salariés de la société GROUPE COMPTOIR), situés dans lesdits locaux, quel qu’en soit le support, informatique ou autre, en rapport avec :
* L’approvisionnement et/ou la commercialisation par la société GROUPE COMPTOIR depuis le 27 mai 2022 des articles de vaisselle visés précédemment,
* Les conditions et l’étendue de l’usage par la société GROUPE COMPTOIR depuis le 27 mai 2022 des désignations suivantes : CAFETERIA, OSLO, BOURRELET, ELEGANCE, EUROPA, HORIZON, PYRO, SPACE, TAO, [Localité 5],
* L’historique et la réalité des relations commerciales entre la société GROUPE COMPTOIR et la société SARL EFFICIENCE,
* Les faits litigieux précédemment exposés,
* Tous documents comptables ; toutes correspondances (y compris sur la messagerie des dirigeants et des salariés de la société GROUPE COMPTOIR) ; toutes factures ; tous bons de commande ; tout état des stocks ; tout reliquat de stocks non expédiés ; tous manuels techniques ; tous devis ; tous prospectus ; tous magazines ; tous documents publicitaires ; tous communiqués de presse ; toutes brochures ; tous catalogues ; toutes photographies ; tous emballages ; toutes correspondance commerciale,
* en s’abstenant toutefois de toute extraction raisonnablement contournable de l’identité des clients de la société GROUPE COMPTOIR notamment à partir de son fichier clients,
* viser et parapher, sous le contrôle du commissaire de justice, « ne varietur », les livres et registres, carnets de commande et d’expédition, lettres, factures, courriels et en général tous documents comptables ou autres relatifs aux agissements incriminés,
* prendre copie, à ses frais, sous tout support, des éléments ainsi identifiés et constatés,
* Consigner les déclarations de la société GROUPE COMPTOIR, de ses dirigeants ainsi que des personnes sous sa subordination, et toute déclaration ou parole faite au cours des opérations, en s’abstenant de toute interpellation non nécessaire à l’accomplissement de sa mission et/ou n’ayant manifestement aucun lien avec les recherches et constatations sollicitées,
2/ Le ou les commissaires de justice instrumentaire(s) est/sont autorisés à :
– à se faire assister, pour l’aider dans sa mission, d’un ou plusieurs experts informatiques indépendants de la partie requérante ;
– à interroger les dirigeants de la société GROUPE COMPTOIR, ses salariés et toute personne physique se trouvant dans les locaux de la société GROUPE COMPTOIR, notamment sur :
* L’approvisionnement et/ou la commercialisation par la société GROUPE COMPTOIR des articles de vaisselle visés précédemment,
* les relations commerciales entre la société GROUPE COMPTOIR et la société SARL EFFICIENCE,
* les faits litigieux précédemment exposés,
* en s’abstenant de toute interpellation, spontanément,
– à accéder à l’ensemble des serveurs et postes informatiques des dirigeants et salariés de la société GROUPE COMPTOIR, locaux ou distants,
– à accéder à tous autres supports utiles (externes et internes) de données informatiques,
– à se faire communiquer par la société GROUPE COMPTOIR, ses dirigeants, tout salarié et/ou toute personne présente, les chemins d’accès ainsi que les identifiants et mots de passe permettant d’effectuer les recherches sur le réseau informatique et/ou serveur de la société GROUPE COMPTOIR et leurs postes informatiques,
– à installer tout logiciel ou brancher tout périphérique uniquement pour les besoins des recherches et constations susvisées, avec l’aide du ou des experts informatiques,
– à procéder à toute recherche sur tout support l’archivage informatique et sur tout support numérique,
– à procéder à l’extraction des disques durs des unités centrales et ordinateurs, à leur examen à l’aide des outils d’investigation de son choix, puis à la remise en place de ces disques dans leur unité centrale ou ordinateurs respectifs,
– à prendre des photographie et/ou des copies sur support papier ou informatique des éléments trouvés en rapport direct avec la mission confiée,
– à utiliser tous moyens de reproduction se trouvant sur place et à défaut, ou en cas de difficulté, emporter des originaux des documents et/ou copies de supports numériques afin de permettre leur reproduction, à charge pour eux de les restituer sous 72 heures,
– à emporter le matériel informatique et/ou ses supports de stockage de données, en cas d’impossibilité d’accéder aux données correspondantes ou de difficulté à procéder à leur extraction, à charge pour eux de les restituer sous 72 heures,
– à se faire assister de la force publique et/ou d’un serrurier si nécessaire en cas de mauvaise coopération de la société GROUPE COMPTOIR,
– à prendre une copie en deux exemplaires, l’une destinée à la partie requérante afin d’utilisation dans le cadre d’une éventuelle expertise judiciaire ou procédure au fond, et l’autre qui restera annexée au procès-verbal, de tous fichiers ou éléments identifiés en rapport avec la mission, sous forme numérique et sur tout support (clefs « USB ››, CD, DVD et autres disques durs externes), ou sur support papier,
3/ la société GROUPE COMPTOIR, ses dirigeants, ses salariés ainsi que toute personne physique se trouvant dans les locaux de la société GROUPE COMPTOIR devront faciliter les opérations du ou des commissaires de justice instrumentaires, et s’abstenir de les entraver de quelque manière que ce soit, notamment en verrouillant l’accès physique ou logistique à leurs ordinateurs,
4/ la société GROUPE COMPTOIR, ses dirigeants, ses salariés ainsi que toute personne physique se trouvant dans les locaux de la société GROUPE COMPTOIR auront l’obligation de communiquer à ou aux commissaires de justice instrumentaires les chemins d’accès ainsi que les identifiants et mots de passe permettant d’effectuer les recherches sur le réseau informatique et/ou serveur de la société GROUPE COMPTOIR et leurs postes informatiques ;
5/ le ou les commissaires de justice instrumentaires devront dresser un procès-verbal des constatations qui servira de droit ;
6/ le ou les commissaires de justice instrumentaires procèderons à leur mission dans le mois qui suivra l’ordonnance et qu’en cas de difficultés, il en sera référé au président du Tribunal compétent ou le juge désigné par lui, mais seulement après accomplissement des opérations conformément à l’article 496 du Code de procédure civile,
7/ Ordonnons au commissaire de justice de remettre avant le déroulement de ses opérations ou saisi une copie de la présente ordonnance.
La mesure aurait été exécutée le 15 juin 2023 et le 10 juillet 2023 (aucun document en ce sens n’ayant été transmis par les parties).
Par acte de commissaire de justice délivré le 12 juillet 2023 (RG 23/542), la société GROUPE COMPTOIR à fait assigner la SNESV aux fins de voir :
– modifier l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023, avec toutes conséquences de fait et de droit,
– ordonner que tous les éléments appréhendés ou copiés de quelque nature qu’ils soient au cours des opérations soient mis sous séquestre chez le commissaire de justice,
– ordonner que cette mise sous scellé soit maintenue jusqu’à l’obtention d’une décision définitive quant à l’assignation en référé rétractation introduite par la société GROUPE COMPTOIR,
– ordonner que toutes précautions soient prises afin qu’aucun élément ne soit remis à la société SNESV dans cette attente,
– condamner la SNESV à payer à la société GROUPE COMPTOIR la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamner la SNESV aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 30 octobre 2023, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Rennes s’est déclaré compétent pour connaître de la demande de séquestre de la société GROUPE COMPTOIR.
Par acte de commissaire de justice délivré le 31 août 2023 (RG 23/680), la société GROUPE COMPTOIR à fait assigner la SNESV aux fins de rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023, et demande au juge de bien vouloir :
– à titre liminaire,
– se déclarer incompétent ratione materiae profit de Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Rennes,
– rétracter l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023, avec toutes conséquences de droit et de fait,
– à titre principal,
– rétracter l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023, avec toutes conséquences de droit et de fait,
– ordonner la restitution de l’intégralité des documents et autres pièces saisies dans les locaux de la société GROUPE COMPTOIR,
– à titre subsidiaire,
– désigner tel expert ayant pour mission dans le cadre du respect des droits de chaque partie et en présence de leurs conseils mais en dehors de la présence des parties de rechercher parmi les documents saisis :
* ceux qui sont nécessaires et utiles à la preuve d’une prétendue contrefaçon et d’actes de concurrence déloyale ;
* ceux qui ne le sont pas ;
* d’écarter les documents qui relèvent du secret des affaires et qui ne sont pas utiles à prouver les prétendus actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ;
* à tout le moins, masquer les informations confidentielles non utiles à la preuve et ce, avant toute remise de documents à la société SNESV, notamment les faits antérieurs à la mise en demeure adressée le 30 mars 2023 à la société GROUPE COMPTOIR ;
* seuls seront remis à cette dernière et uniquement à son conseil les documents à l’issue des opérations de tri qui seront actées comme nécessaires à la preuve de la prétendue concurrence déloyale et au besoin masquées pour certaines mentions ;
* les documents considérés comme non nécessaires à l’établissement de la preuve de prétendues contrefaçons et de concurrence déloyale seront restitués à la société GROUPE COMPTOIR,
– en tout état de cause,
– condamner la société SNESV à payer à la société GROUPE COMPTOIR la somme de 10.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamner la société la société SNESV aux entiers dépens.
A l’audience du 29 novembre 2023, le juge a ordonné la jonction des affaires RG 23/680 et RG 23/542 sous le numéro commun RG 23/542.
Par conclusions transmises et soutenues oralement à l’audience utile du 20 mars 2024, la société GROUPE COMPTOIR, représentée par son conseil, demande au juge de bien vouloir :
– à titre liminaire,
– se déclarer incompétent ratione materiae au profit de Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Rennes,
– rétracter l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023,
– à titre principal,
– rétracter l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023, avec toutes conséquences de droit et de fait,
– ordonner la restitution de l’intégralité des documents et autres pièces saisies dans les locaux de la société GROUPE COMPTOIR,
– à titre subsidiaire,
– désigner tel expert ayant pour mission dans le cadre du respect des droits de chaque partie et en présence de leurs conseils mais en dehors de la présence des parties de rechercher parmi les documents saisis :
* ceux qui sont nécessaires et utiles à la preuve d’une prétendue contrefaçon et d’actes de concurrence déloyale ;
* ceux qui ne le sont pas ;
* d’écarter les documents qui relèvent du secret des affaires et qui ne sont pas utiles à prouver les prétendus actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ;
* à tout le moins, masquer les informations confidentielles non utiles à la preuve et ce, avant toute remise de documents à la société SNESV, notamment les faits antérieurs à la mise en demeure adressée le 30 mars 2023 à la société GROUPE COMPTOIR ;
* seuls seront remis à cette dernière et uniquement à son conseil les documents à l’issue des opérations de tri qui seront actées comme nécessaires à la preuve de la prétendue concurrence déloyale et au besoin masquées pour certaines mentions ;
* les documents considérés comme non nécessaires à l’établissement de la preuve de prétendues contrefaçons et de concurrence déloyale seront restitués à la société GROUPE COMPTOIR,
– en tout état de cause,
– modifier l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023, avec toutes conséquences de fait et de droit,
– ordonner que tous les éléments appréhendés ou copiés de quelque nature qu’ils soient au cours des opérations soient mis sous séquestre chez le commissaire de justice,
– ordonner que cette mise sous scellé soit maintenue jusqu’à l’obtention d’une décision définitive quant à l’assignation en référé rétractation introduite par la société GROUPE COMPTOIR,
– ordonner que toutes précautions soient prises afin qu’aucun élément ne soit remis à la société SNESV dans cette attente,
– condamner la SNESV à payer à la société GROUPE COMPTOIR la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamner la SNVES aux entiers dépens.
Par conclusions transmises et soutenues oralement à l’audience utile du 20 mars 2024, la SNESV, représentée par son conseil, demande au juge de bien vouloir :
– à titre liminaire, se déclarer compétent rationae materiae pour prononcer l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023,
– à titre principal,
– déclarer que l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023 est justifiée et fondée,
– rejeter l’ensemble des moyens et prétentions de la société GROUPE COMPTOIR,
– modifier les termes de l’ordonnance sur requête rendue le 09 juin 2023, en retirant le terme « description » tel qu’extrapolé par la société GROUPE COMPTOIR, pour le remplacer par le terme « constatation »,
– en tout état de cause,
– condamner la société GROUPE COMPTOIR au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamner la société GROUPE COMPTOIR aux entiers dépens.
Conformément aux articles 446-1 et 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures, par elles déposées et développées oralement à l’audience utile précitée.
Par suite, l’affaire a été mise en délibéré finalement au 31 mai 2024, des pièces complémentaires ayant été transmises en cours de délibéré, sur demande du juge des référés.
Sur la compétence du président du Tribunal judiciaire
L’article L 721-3 du code de commerce prévoit que : « Les tribunaux de commerce connaissent:
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes (…) ».
* Sur le défaut d’actes de contrefaçon :
Selon l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle : « La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire. »
Selon l’article L716-4 du Code de la propriété intellectuelle : « L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L. 713-4. »
L’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle indique qu’ « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ».
L’article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle indique qu’ « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. »
L’article L713-3-1 du Code de la propriété intellectuelle indique que « Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :
1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe ;
3° L’importation ou l’exportation des produits sous le signe ;
4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ;
5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité ;
6° L’usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;
7° La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.
Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que : » formule, façon, système, imitation, genre, méthode « .
L’article L713-3-2 du Code de la propriété intellectuelle indique que « Sous réserve de l’application des dispositions de l’article L. 716-4-4, est également interdite l’introduction sur le territoire national, dans la vie des affaires, de produits, sans qu’ils y soient mis en libre pratique, lorsque ces produits, conditionnement inclus, proviennent de pays tiers et sont, sans autorisation du titulaire, revêtus d’un signe identique à la marque enregistrée pour ces produits ou d’un signe qui ne peut en être distingué dans ses aspects essentiels. »
L’article L713-3-3 du Code de la propriété intellectuelle indique que « Lorsqu’il existe un risque d’atteinte à ses droits, en application des articles L. 713-2 à L. 713-3-1, du fait de l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou services, de conditionnements, d’étiquettes, de marquages, de dispositifs de sécurité ou d’authentification ou de tout autre support sur lequel est apposée la marque, le titulaire d’une marque peut interdire :
1° L’apposition d’un signe identique ou similaire à la marque sur les supports mentionnés au premier alinéa ;
2° L’offre, la mise sur le marché ou la détention à ces fins, l’importation ou l’exportation des mêmes supports. »
En l’espèce, dans sa requête en date du 07 juin 2023, la SNESV expose que la société GROUPE COMPTOIR commercialise, sur son site internet et dans son catalogue, des produits issus de la gamme [Localité 5], tels que le ravier CAFETERIA, le compotier CAFETERIA, en association avec le logo [Localité 5].
Il ressort de la comparaison du procès-verbal du commissaire de justice dressé le 29 mars 2023 (pièce n°7) portant sur le catalogue et le site internet GROUPE COMPTOIR, et du catalogue SARREGUIMES (pièce n°5), que concernant le compotier CAFETERIA, les produits vendus par la société GROUPE COMPTOIR ont une désignation identique et une dimension identique, et ce dans les trois formats, à ceux commercialisés par la SNESV.
Concernant le ravier CAFETERIA, les produits vendus par la société GROUPE COMPTOIR et la SNESV ont également une désignation identique et une dimension identique.
En outre, il résulte des photographies versées aux débats par la SNESV, que sur les colis envoyés par la société GROUPE COMPTOIR, portant sur des commandes de raviers et de compotiers CAFETERIA, figure la mention suivante : « Fabriqué en Chine, importé par : [Adresse 4] (pièces n°12 à 15).
Or, il est soutenu par la SNESV que ni la société [Localité 5] INTERNATIONAL, ni la SNESV n’ont été en relation d’affaire avec la société EFFICIENCE.
Au surplus, la SNESV souligne la fourniture en masse par la société GROUPE COMPTOIR d’articles prétendument d’origine « [Localité 5] » et/ou imitant les produits « [Localité 5] », alors même que la société [Localité 5] INTERNATIONAL était placée en redressement judiciaire et avait cessé toute activité, et que la société GROUPE COMPTOIR n’avait pas contracté avec la SNESV pour la fourniture de nouveaux produits, corroborant ainsi l’hypothèse d’actes de contrefaçon.
* Sur le défaut de justification des droits de propriété intellectuelle de la SNESV :
L’article L712-2 du Code de la propriété intellectuelle indique que : « La propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement. »
En l’espèce, la SNEVS verse aux débats l’acte de cession de gré à gré entre [Localité 5] INTERNATIONAL et la SNESV en date du 20 octobre 2022, aux termes duquel il résulte que la SNESV détient l’ensemble des droits de propriété intellectuelle et/ou commerciales de la SAS [Localité 5] INTERNATIONAL, dont les marques, les dessins et modèles (pièce n°4).
Dès lors, la SNESV justifie ainsi de ses droits de propriété intellectuelle.
* Sur la compétence du Tribunal judiciaire :
L’article L716-5 II. du Code de la propriété industrielle précise que, « les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques, autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. »
L’article 145 du code de procédure civile dispose, enfin, que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».
A ce titre, la Cour de cassation a précisé qu’ « est seul compétent pour ordonner, sur le fondement de l’article 145, une mesure d’instruction liée de façon indissociable à des actes de contrefaçon de marque le président du TGI, dont le juge a compétence exclusive pour connaitre au fond de l’affaire mettant en cause tant des actes de concurrence déloyale que de contrefaçon de marque » (Com. 20 nov. 2012, n°11-23.216).
En l’espèce, l’éventualité d’actes de contrefaçons et la question connexe de concurrence déloyale sont évoquées par la requérante, de sorte qu’il convient de retenir la compétence matérielle du Tribunal judiciaire de Rennes pour connaître du présent litige sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Sur l’existence d’une “saisie-contrefaçon déguisée” :
Aux termes de l’article L615-5 du Code de propriété intellectuelle, « La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers.
La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en œuvre les procédés prétendus contrefaisants.
Elle peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.
A défaut pour le demandeur de s’être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire (article R615-3 CPI : 20 jours ouvrables ou 31 jours civils à compter de l’ordonnance), l’intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »
En outre, le grief tiré de l’exécution d’une saisie-contrefaçon déguisée ne peut être retenu qu’autant qu’il est établi que l’huissier s’est livré à des opérations relevant des pouvoirs exorbitants propres à la saisie contrefaçon (Cour d’appel de Paris, 30 septembre 2016, RG n°15-22.360).
En l’espèce, la société GROUPE COMPTOIR fait valoir que la requête de la SNESV est en réalité une saisie-contrefaçon qui ne porte pas son nom. En effet, elle indique que l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023, prévoit au titre des missions des commissaires de justice, la « description et la réalité des articles de vaisselle que cette dernière commercialise depuis le 27 mai 2022 sous une désignation commune avec les collections de la société « [Localité 5] ». », la description étant une des modalités d’exécution de la saisie-contrefaçon. Par ailleurs, la société GROUPE COMPTOIR indique qu’en présence d’un texte spécifique permettant l’obtention de preuve dans le cadre d’une saisie-contrefaçon, les dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile ne sauraient trouver à s’appliquer en l’espèce. Enfin, elle ajoute que la saisie doit être annulée en raison de l’absence, pour le demandeur, d’assignation au fond dans le délai légal.
La SNESV rétorque qu’il ne s’agit pas d’une description détaillée, comme prévu par le texte, mais que les constatations du commissaire de justice se sont inscrites dans un cadre plus large que la saisie-contrefaçon.
En l’espèce, nonbstant l’absence de versement aux débats par les parties du procès-verbal de saisie du commissaire de justice, il ressort des pièces communiquées, que si l’ordonnance sur requête du 09 juin 2023 prévoit bien la description des articles dans le cadre des missions du commissaire de justice, il n’en demeure pas moins que ce dernier indique, au terme d’un courrier en date du 28 novembre 2023, avoir orienté ses opérations « comme un constat sur ordonnance conforme à [sa] mission et non pas comme une saisie-contrefaçon »; il ajoute n’avoir « réalisé aucune description détaillée » (pièce n°6).
Dès lors, il y a lieu de constater, d’une part, que l’ordonnance sur requête du 09 juin 2023, ouvre la voie à une simple description, et non à une description détaillée, qui caractériserait la saisie-contrefaçon, et d’autre part, qu’aucun élément contraire de la société GROUPE COMPTOIR n’est versé aux débats, susceptible de mettre en cause les affirmations du commissaire de justice, auxiliaire de justice assermenté.
Par conséquent, la société GROUPE COMPTOIR sera déboutée de sa demande tendant à rétracter l’ordonnance sur requête au motif qu’il s’agit d’une saisie-contrefaçon irrégulière.
Sur l’absence de réunion des conditions de la mesure d’instruction in futurum :
L’article 145 du Code de procédure civile indique que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Sur le motif légitime :
Le motif légitime s’entend d’un rapprochement entre la vraisemblance d’un procès au fond et l’utilité, voire la pertinence, dans cette perspective, de la mesure d’instruction demandée à condition que le demandeur à la mesure d’instruction s’attache à justifier d’éléments rendant crédible ses craintes.
En l’espèce, la SNEVS soupçonne la société GROUPE COMPTOIR d’avoir commis à son égard des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale.
Il résulte de l’article L716-1 du Code de la propriété intellectuelle que « L’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. ». L’action en contrefaçon et en concurrence déloyale est fondée sur le droit de la responsabilité délictuelle.
En outre, pour ordonner une mesure d’instruction, le juge doit caractériser l’existence d’un litige potentiel susceptible d’opposer les parties; il est constant que le préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale.
En l’espèce, à l’examen des pièces versées aux débats, il apparaît que la société SAS AVL DEVELOPPEMENT agissant pour le compte de la SNESV a été autorisée, le 22 juillet 2022, par le Tribunal de commerce de MACON, à acquérir le fonds de commerce de la société [Localité 5] INTERNATIONAL, incluant les actifs incorporels listés, ainsi que tous les droits qui y sont attachés (pièce n°2).
Il ressort également des pièces communiquées que par acte de cession d’éléments d’actifs conclu le 20 octobre 2022, la SAS JEAN-JACQUES DESLORIEUX agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 5] INTERNATIONAL, a cédé au profit de la SNESV les actifs incorporels dépendants du fonds de commerce de fabrication de production de marchandises en porcelaine et faïence, fabrication et production de marchandises en céramique de la société [Localité 5] INTERNATIONAL (Pièce n°4).
Or, il a précédemment été établi que des actes de contrefaçon ont pu être réalisés par la société GROUPE COMPTOIR, en violation des droits intellectuels détenus par la SNESV, et que dès lors, la société SNESV serait fondée à demander réparation du préjudice subi.
Ainsi, au vu de l’examen de ces différents éléments, tout procès au fond sur le fondement de la responsabilité civile de la société GROUPE COMPTOIR, n’est pas irrémédiablement voué à l’échec.
Par conséquent, la mesure d’instruction demandée, qui a vocation à établir la réalité et l’étendue des actes de concurrence déloyale et de contrefaçon allégués, qui auraient été commis par la société GROUPE COMPTOIR, dans la perspective d’une action en réparation au fond, est fondée sur un motif légitime.
Sur la nécessité de recourir à une mesure non contradictoire :
En l’espèce, il a été précédemment établi que la requête comporte une motivation circonstanciée s’agissant de la dérogation au principe du contradictoire.
Pour rappel, il était légitime de procéder par voie de requête afin d’éviter le risque de dissimulation des éléments démontrant la réalité et l’ampleur des faits incriminés.
Par conséquent, la mesure d’instruction demandée devait nécessairement déroger au principe du contradictoire.
Sur la proportion des mesures au but poursuivi :
Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.
Ainsi, une ordonnance ne saurait être rétractée dès lors qu’elle « cible de façon précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, tous en rapport avec les faits litigieux et que ladite ordonnance ne se rapporte qu’à des mots-clés précisément énumérés et en rapport avec l’activité de concurrence déloyale dénoncée. »
En l’espèce, à l’examen de l’ordonnance sur requête, il en ressort que les recherches sont limitées à 10 mots clés : OSLO, CAFETERIA qui sont des collections de [Localité 5] INTERNATIONAL, et BOURRELET, EUROPA, ELEGANCE, HORIZON, PYRO, SPACE et TAO, qui sont des articles phares de [Localité 5] INTERNATIONAL, ainsi que [Localité 5].
Par ailleurs, il apparaît que les recherches ont pour point de départ le 27 mai 2022, date du placement en liquidation judiciaire de la société [Localité 5] INTERNATIONAL, et date à laquelle elle ne pouvait nécessairement plus commercialiser des articles [Localité 5].
Dès lors, il apparaît que la mesure est circonscrite, tant dans le temps que dans son objet, et que telle qu’elle est encadrée par les différents mots clés, elle ne saurait porter sur des données extérieures aux faits objets du litige.
Par conséquent, il est démontré que la mesure est proportionnée au but poursuivi et ne porte pas atteinte au secret des affaires.
Ainsi, la société GROUPE COMPTOIR sera déboutée de sa demande tendant à rétracter l’ordonnance que requête au motif que les conditions de la mesure d’instruction in futurum ne sont pas réunies.
Sur la demande de désignation d’un expert judiciaire et de mise sous séquestre
Faute pour les parties de produire le procès-verbal de saisie du commissaire de justice ayant exécuté la mesure le 15 juin 2023, permettant au juge d’apprécier la nature des éléments recueillis, la juridiction n’est pas en mesure de se prononcer sur l’opportunité de procéder à la désignation d’un expert judiciaire et à la mise sous séquestre.
Dès lors, la société GROUPE COMPTOIR sera déboutée des demandes formulées à ce titre.
Sur la demande de modification de la requête de la SNESV
En l’espèce, rien ne justifie la modification des termes de la requête en date du 09 juin 2023, qui, selon les affirmations des parties, a déjà été exécutée. Dès lors, la SNESV sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
Succombant, au sens de l’article 696 du Code de procédure civile, la société GROUPE COMPTOIR supportera la charge des entiers dépens de la présente instance.
La société GROUPE COMPTOIR qui succombe, sera condamnée à verser à la société SNESV la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Statuant en référé, par remise de la décision au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Rappelons que les deux instances pendantes devant la juridiction sous les numéros de Rôle RG 23/542 et RG 23/680 ont fait l’objet d’une jonction et que l’instance se poursuit sous le numéro de répertoire général RG 23/542 ;
Déclarons le Tribunal judiciaire de Rennes compétent pour en connaitre,
Déboutons la société GROUPE COMPTOIR de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 09 juin 2023;
Déboutons la société GROUPE COMPTOIR de sa demande de désignation d’un expert judiciaire ;
Déboutons la société GROUPE COMPTOIR de sa demande de mise sous séquestre ;
Déboutons la SNESV de sa demande de modification des termes de la requête ;
Condamnons la société GROUPE COMPTOIR à verser à la SNESV la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la société GROUPE COMPTOIR aux entiers dépens de l’instance;
Déboutons la SNESV de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Rejetons toutes les autres demandes, plus amples ou contraires des parties.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE