Pour emporter la compétence du juge français, un logiciel argué de contrefaçon doit pouvoir être téléchargeable directement sur un site accessible depuis la France par un public français.
En la cause, il n’est pas démontré que le public français est en mesure d’installer en France le logiciel argué de contrefaçon par l’intermédiaire du site rédigé en français et d’utiliser ledit logiciel, gratuitement ou moyennant rémunération, si bien que la preuve de ce que le dommage invoqué par les sociétés Communigate Inc, Mailspec et Communigate Software Development and Licensing est situé sur le territoire français n’est pas rapportée. Les constatations ainsi opérées par l’huissier de justice établissent simplement qu’un site internet décliné lui-même en plusieurs sous-sites, décrivant les caractéristiques et les fonctionnalités du système Communigate Pro, est accessible à l’internaute français et que le site contient la marche à suivre pour télécharger une version gratuite du logiciel, permettant de le tester. Néanmoins, l’huissier de justice n’indique pas dans son constat qu’il a pu télécharger le logiciel argué de contrefaçon, ni même sa version gratuite. Pour mémoire, aux termes de l’article 46 du code de procédure civile, en matière délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. Le règlement (UE) n° 1215 /2012 du parlement européen et du conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable au sein de l’Union européenne depuis le 10 janvier 2015, énonce que : article 7 : une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre : (…) 2) en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. En matière de contrefaçon, la victime peut donc exercer son action, soit devant la juridiction de l’Etat du lieu d’établissement de l’auteur de la contrefaçon, compétente pour réparer l’intégralité du préjudice qui en résulte, soit devant la juridiction de l’Etat contractant dans lequel l’objet de la contrefaçon se trouve diffusé, apte à connaître seulement des dommages subis dans cet Etat. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire oppose les sociétés Communigate Inc, Mailspec et Communigate Software Development and Lincensing à Stalker Software GmbH et Stalkersoft AO pour contrefaçon de logiciel et concurrence déloyale. Les demanderesses affirment que les sociétés défenderesses ont reproduit et commercialisé illicitement les logiciels Communigate Pro après la résiliation d’un contrat de distribution. Le juge de la mise en état a rejeté les exceptions des sociétés défenderesses et les a condamnées aux dépens. Les sociétés défenderesses ont interjeté appel et demandent l’incompétence du tribunal judiciaire de Lyon, le sursis à statuer et le rejet de l’action pour défaut de droit, d’intérêt et de qualité à agir. Les demanderesses demandent la confirmation de l’ordonnance et la condamnation des sociétés défenderesses aux dépens.
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→ Les points essentielsCompétence matérielleLes sociétés Stalker Software GmbH et Stalkersoft AO soutiennent que le tribunal judiciaire de Lyon est matériellement incompétent pour connaître des demandes présentées devant lui en raison de l’existence d’une clause compromissoire insérée au contrat de distribution conclu le 1er septembre 2013 stipulant qu’en cas de désaccord entre les parties, un arbitrage interviendra en Allemagne selon le code arbitral d’Allemagne. Les sociétés Communigate Inc, Mailspec et Communigate Software Development and Licensing font valoir que le litige ne porte pas sur des contestations nées de l’interprétation ou de l’exécution du contrat de distribution auquel, en tout état de cause, elles ne sont pas partie, mais sur des agissements de contrefaçon commis par les sociétés Stalker Software GmbH et Stalkersoft AO. Compétence territorialeLes sociétés Stalker Software GmbH et Stalkersoft AO font valoir que la compétence des juridictions françaises ne peut être acquise que s’il existe un lien de rattachement suffisant, substantiel ou significatif entre l’acte dommageable et le marché national. Les sociétés Communigate Inc, Mailspec et Communigate Software Development and Licensing soutiennent que la Cour de cassation retient la compétence du juge national lorsque l’étude du site dans son contenu démontre que le public français est délibérément visé et que les sociétés Stalker ont mis à la disposition du marché français sur un site accessible aux internautes français des clefs de téléchargement permettant au public français d’accéder aux logiciels contrefaisants. ConclusionAu vu des éléments présentés, il est décidé que le tribunal judiciaire de Lyon est compétent pour connaître des demandes autres que la demande de transfert de propriété du nom de domaine www.communigate.ru. Les sociétés Stalker Software GmbH et Stalkersoft AO obtiennent gain de cause en leur incident de procédure et sont condamnées aux dépens. Les sociétés Communigate Inc, Mailspec et Communigate Software Development and Licensing sont condamnées aux dépens d’appel et leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées. Une indemnité de procédure est accordée aux sociétés Stalker Software GmbH et Stalkersoft AO. Les montants alloués dans cette affaire: – Le tribunal judiciaire de Lyon est incompétent pour la demande de transfert de propriété du nom de domaine www.communigate.ru
– Le tribunal judiciaire de Lyon est incompétent territorialement pour la contrefaçon du logiciel Communigate Pro – Les sociétés Communigate Inc, Mailspec et Communigate Software Development and Licensing sont condamnées aux dépens de première instance et d’appel – Les demandes des sociétés Communigate Inc, Mailspec et Communigate Software Development and Licensing fondées sur l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées – Les sociétés Communigate Inc, Mailspec et Communigate Software Development and Licensing sont condamnées à payer aux sociétés Stalker Software GmbH et Stalkersoft AO la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel |
→ Réglementation applicable– Code de procédure civile
Article 46 : En matière délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. – Règlement (UE) n° 1215/2012 Article 7 : Une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre en matière délictuelle ou quasi-délictuelle devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. – Code de procédure civile Article 700 : Les dépens d’appel ne peuvent être recouvrés par un avocat qui n’est pas l’avocat postulant dans l’affaire. Une indemnité de procédure peut être accordée en cas de frais irrépétibles exposés en première instance et en appel. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Sandrine VARA de la SELARL CINETIC AVOCATS
– Me Gilles RINGEISEN de la SELARL PLASSERAUD AVOCATS – Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON |