Contrat d’édition sans versement à l’auteur : la provision est possible

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L’absence de versements de droits à l’auteur depuis plusieurs mois justifient l’allocation d’une provision en référé.

Aux termes de l’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Selon l’article 835, alinéa 2, de ce code, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Résumé de l’affaire

M. [X] [V], auteur d’ouvrages, a cédé ses droits patrimoniaux à la société Nouveau Monde Éditions (NME) sur trois de ses œuvres. Il reproche à la société de ne pas lui avoir fourni d’informations ni de rémunération pour la vente de ses livres depuis une certaine date. Après plusieurs mises en demeure restées sans réponse, M. [V] a assigné la société en justice pour obtenir le paiement de 35.204 euros. En réponse, la société NME conteste la compétence du juge des référés et accuse M. [V] de contrefaçon pour avoir exploité ses ouvrages en format audio sans autorisation. Les deux parties ont des demandes contradictoires et la société NME propose une provision de 12.000 euros en attendant une décision au fond. L’affaire a été plaidée devant le juge des référés le 9 février 2024.

Les points essentiels

MOTIFS

Sur l’existence d’une contestation sérieuse
Aux termes de l’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Selon l’article 835, alinéa 2, de ce code, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. Pour s’opposer à la demande de provision formée par M. [V], la société NME oppose l’incompétence du juge des référés pour connaître du litige aux motifs que le demandeur se serait rendu coupable de contrefaçon des droits de son éditeur en exploitant les ouvrages « Dealer du tout-Paris » et « Le prince de la coke » en format audio sur son site internet sans autorisation de celui-ci, qui détient l’ensemble des droits patrimoniaux, incluant l’exploitation du livre en audio. Cependant, la société NME verse aux débats des pièces qui ne permettent pas d’établir de manière suffisamment évidente la réalisation par M. [V], sur son site internet, de ventes au format audio des ouvrages dont elle revendique détenir les droits d’exploitation, mais pour lesquels elle se borne à faire état d’un projet de contrat qui n’a pas été signé, cependant que M. [V] justifie par des captures d’écran que le site internet www.[05].com ne contient aucun livre audio disponible. En outre, et conformément aux dispositions de l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. », il résulte de l’article 4 « Etendue de la cession » de chacun des contrats d’éditions conclus par M. [V] avec la société NME qui stipule en des termes identiques : « En considération du risque pris par l’éditeur en assurant, ainsi qu’il s’y engage, la publication de l’ouvrage en édition courante dans les conditions prévues au présent contrat, estimant qu’une telle publication est susceptible d’apporter à l’ouvrage un champ d’exploitation plus étendu, et en vue des avantages que peut offrir l’unité de gestion, l’auteur cède expressément à l’éditeur, outre le droit d’édition, tous les droits patrimoniaux d’adaptation, de reproduction et de représentation afférents à l’oeuvre décrits au présent article. La présente cession comporte pour l’éditeur le droit d’exploiter directement ou de céder notamment les droits suivants : Pour les droits d’adaptation et de reproduction : – le droit de reproduire l’oeuvre en langue frangaise sous toutes formes d’édition : ordinaire, de luxe (à tirage limité ou non), de demi-luxe, reliée, illustrée, populaire, de poche (dite aussi de grande diffusion), en clubs, en gros caracteres, scolaire, critique ou dans une anthologie ; – le droit de reproduire l’oeuvre en tout ou en partie, avant ou apres l’édition en volume, dans les journaux et périodiques, en épisodes ou fascicules, de l’adapter et de la reproduire en digests ou en condensés ; – le droit de reproduire l’oeuvre par photocopie, microcarte, microfiche ou microfilm ou tout autre procédé analogue existant ou à venir qu’il soit électronique, analogique, magnétique ou numérique ; – le droit de reproduire l’oeuvre et de l’adapter sous forme d’édition électronique, en particulier en EBook, cédérom, DVD, dans l’ensemble des formats de livre électronique a télécharger, existants ou a venir, et sur les réseaux numériques, en particulier Internet, ou par tout autre procédé analogue existant ou à venir ; – le droit de diffuser à titre promotionnel un extrait ou un chapitre de l’oeuvre librement choisi par l’éditeur sur tous supports qu’il jugera utile, en particulier web, courrier électronique, lettre d‘information, etc. – le droit d’adapter l’oeuvre sous forme audiovisuelle, en fiction ou documentaire Pour le droit de représentation : – le droit de faire lire ou réciter l’oeuvre en public ; » que cette clause ne stipule manifestement aucune cession, par une mention distincte, à l’éditeur, du droit d’adapter l’œuvre sous forme de livre audio. Enfin, les conditions de rémunération de M. [V] ont été prévues à l’article 14 de chaque contrat, par fixation d’un pourcentage sur le prix de vente au public en fonction du nombre des exemplaires vendus, cependant que l’article 16 de ces contrats stipule une obligation pour l’éditeur d’adresser à l’auteur chaque année, outre un relevé de comptes, un état des stocks, des exemplaires vendus et de ceux retirés du circuit commercial, détruits ou disparus. Par une lettre en date du 17 mai 2023, la société NME admet être redevable d’un décompte provisoire de 35.204 € pour l’année 2021 au titre de la rémunération due à M. [V] et indique qu’elle procédera à un premier virement du tiers du décompte provisoire, dès juin 2023. En l’état de ces éléments, l’obligation de paiement de la défenderesse n’apparaît pas sérieusement contestable. Dès lors, le moyen soulevé par la société NME tiré de l’existence d’une contestation sérieuse de son obligation de paiement, est infondé et il entre dans les pouvoirs du juge des référés de connaître du litige.

Sur la demande de provision
Il est constant et non contesté que depuis les 31 décembre 2020 pour les deux premiers tomes et le 31 mars 2021 pour le troisième tome, la société défenderesse n’a effectué aucun versement de rémunération à M. [V]. Le demandeur évalue sa créance à la somme de 36.562,65 euros du fait de l’inexécution des trois contrats d’édition et de l’exploitation jugée contrefaisante de son ouvrage Dealer du Tout-Paris au format audio par la société NME en violation des droits d’auteurs dont il revendique être le seul titulaire pour cette forme d’exploitation. La société défenderesse, qui a reconnu un décompte de 35.204 euros dû à M. [V], propose le versement d’une somme de 12.000 euros sous réserve de connaître les conditions d’exploitation des ouvrages sur le site internet de M. [V]. La créance de M. [V] n’apparaît pas sérieusement contestable à concurrence de la somme de 35.204 euros issue du relevé de ventes rédigé et envoyé par la défenderesse elle-même et à laquelle celle-ci sera condamnée à titre provisionnel.

Sur les autres demandes
Partie succombante, la société NME sera condamnée aux dépens de l’instance. Supportant les dépens, elle sera également condamnée à payer à M. [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La société NME sera déboutée de sa demande de ce chef et de sa demande de condamnation de M.[V] aux dépens. L’exécution provisoire est de droit.

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme provisionnelle de 35.204 euros à M. [V]
– Somme de 3.000 euros à M. [V] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Dépens à la société Nouveau monde éditions
– Déboute la société Nouveau monde éditions de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de sa demande de condamnation de M. [V] aux dépens

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle

Article 835 du code de procédure civile:
Le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle:
La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Chloé BELLOY de la SELASU CABINET BELLOY, avocat au barreau de PARIS – #A0801
– Maître Marie-christine DELUC de la SELARL Cabinet AUBER, avocat au barreau de PARIS – #R0281

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