Compromis de Vente : décision de justice du 3 octobre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/03846

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N° RG 20/03846 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KUJK

C1

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL CHASTEAU AVOCATS & ASSOCIES

la SELARL BSV

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 03 OCTOBRE 2023

Appel d’un jugement (N° RG 19/00675)

rendu par le Tribunal judiciaire de [Localité 5] JALLIEU

en date du 19 novembre 2020

suivant déclaration d’appel du 03 Décembre 2020

APPELANTE :

Mme [J] [K] épouse [D]

née le 18 novembre 1939 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe CHASTEAU de la SELARL CHASTEAU AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de [Localité 5]-JALLIEU

INTIMES :

M. [R] [I]

né le 17 Décembre 1987 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

Mme [T] [U] épouse [I]

née le 20 Novembre 1986 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentés par Me Laure BELLIN de la SELARL BSV, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 juin 2023, Mme Lamoine, conseiller chargé du rapport et Mme Blatry, faisant fonction de président, assistées de Madame Anne Burel, greffier, ont entendu seules les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

Rappel des faits et de la procédure

Suite à un compromis rédigé par notaire en date du 2 mars 2018, Mme [J] [K] épouse [D] a, par acte notarié du 18 octobre 2018, cédé aux époux [R] [I] et [T] [U] un tènement immobilier situé à [Localité 3] (38), [Adresse 6], cadastrée section A n° [Cadastre 4], d’une superficie de 1,6 ares, comprenant un bâtiment inachevé élevé sur rez-de-chaussée et un étage (murs élevés, plancher au premier étage coulé), raccordé uniquement au réseau électrique et à l’eau potable, pour le prix de 162 000 €.

Les époux [I] ont obtenu un permis de construire par arrêté du 8 juin 2018, et installé un mobil-home sur le terrain pour y vivre pendant la durée des travaux d’achèvement de l’immeuble, avec leurs deux enfants. Les travaux ont débuté le 1er janvier 2019 selon déclaration d’ouverture de chantier.

Le 21 juin 2019, les époux [I] ont fait établir un procès-verbal de constat mettant en évidence, dans le remblai situé sur le côté Ouest de la maison et en divers endroits du terrain, des débris et matériaux comprenant, notamment, des débris de plaques de fibrociment comportant de l’amiante.

Ils ont, par lettre recommandée reçue le 2 août 2019, mis Mme [D] en demeure de faire réaliser une dépollution du terrain par un professionnel.

En l’absence de réponse, les époux [I] ont, par acte du 31 octobre 2019, assigné Mme [D] devant le tribunal de grande instance de [Localité 5]-Jallieu pour la voir condamner, au principal sur le fondement d’un manquement à l’obligation d’information et à titre subsidiaire sur la garantie des vices cachés, à leur payer la somme principale de 161 136 € au titre des travaux d’évacuation des déchets et de remise en état de la parcelle, outre des dommages-intérêts pour trouble de jouissance, une indemnité de procédure et la prise en charge de frais.

Ils sollicitaient, subsidiairement, une mesure d’expertise aux frais avancés de Mme [D].

Par jugement du 19 novembre 2020, le tribunal judiciaire de [Localité 5]-Jallieu a, retenant un manquement de la venderesse à son obligation d’information au visa de l’article 1112-2 du code civil dans sa dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

* condamné Mme [D] aux dépens et à payer aux époux [I] les sommes de :

161 136 € au titre des travaux de dépollution,

4 000 € au titre du préjudice de jouissance et moral,

1 853,09 € au titre du coût du diagnostic amiante MEHU,

2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civi

* dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration au greffe en date du 3 décembre 2020, Mme [D] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance juridictionnelle du 11 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a, faisant droit à la demande de Mme [D] formée par voie d’incident, ordonné une expertise confiée à Mme [O], qui a déposé le rapport définitif de ses opérations le 12 octobre 2022.

Exposé du litige

L’instance a repris sur cette base, et, par dernières conclusions n° 4 notifiées le 1er juin 2023, Mme [D] demande à cette cour d’infirmer le jugement déféré, et de :

– déclarer irrecevable et mal fondée l’action en dommages-intérêts intentée par les époux [I] à son encontre,

– débouter ces derniers de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

– condamner les époux [I] aux dépens d’appel et de première instance comprenant les frais d’expertise judiciaire, et à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

* qu’elle ne peut être tenue d’aucune garantie des vices cachés en raison de la clause d’exclusion de cette garantie stipulée dans l’acte de vente du 18 octobre 2018 en page 17, cette clause d’exclusion visant expressément le sol et le sous-sol du bien vendu,

* qu’il n’est pas établi qu’elle aurait eu connaissance de la présence de déchets, a fortiori de déchets contenant de l’amiante, ni en surface ni en sous-sol du bien vendu,

* qu’il ne suffit pas, pour que la preuve en soit constituée, de tirer cette conclusion de la seule circonstance qu’elle était propriétaire du bien depuis 1973 pour l’avoir reçu en donation ainsi que l’a considéré à tort le tribunal,

* qu’au demeurant, l’expert chargé de procéder au diagnostic technique obligatoire du bien immobilier n’a mis en évidence aucun élément ou matériau contenant de l’amiante,

* que l’experte judiciaire elle-même n’a pas pu se convaincre que la venderesse avait connaissance des déchets enfouis en sous-sol, qu’elle a d’ailleurs noté que, vu leur aspect, ceux-ci avaient été apportés à des périodes différentes, ce qui n’exclut pas des dépôts sauvages,

* que vu l’emplacement des débris et leur enfouissement, ceux-ci ne peuvent résulter du démontage de l’abri et de l’enlèvement des plaques de fibrociment en 2017 par son fils, lequel les a soigneusement déposés et entreposés chez lui,

* qu’en toute hypothèse, les époux [I] ont eu tout le loisir de visiter le bien, y compris avant le compromis signé en mars 2018, à une période où la végétation n’avait pas encore poussé,

* qu’en conséquence, s’il doit être considéré que les débris étaient apparents pour elle, ils l’étaient tout autant pour les acquéreurs,

* que, dès lors, aucune mauvaise foi n’est établie à son encontre, étant souligné que la bonne foi est présumée et que la preuve contraire doit être rapportée par ceux qui s’en prévalent,

* que, dès lors, aucun manquement à son obligation d’information ne peut lui être reproché.

Les époux [I], par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2023, demandent la confirmation du jugement déféré, au besoin par substitution de motifs, en ce qu’il a condamné Mme [D] à leur payer le coût des travaux de dépollution, mais son infirmation sur le montant de la somme allouée à ce titre, ramenant leur demande de ce chef à la somme de 130 362,24 € telle que chiffrée par l’experte judiciaire, avec indexation sur l’indice BT 01 à la date de l’arrêt à intervenir, et intérêts au taux légal à compter de cette date.

Ils demandent encore :

* la confirmation des autres sommes allouées, à titre de dommages-intérêts et au titre des frais de diagnostic amiante,

* que soit ordonnée la capitalisation des intérêts,

* la condamnation de Mme [D] aux dépens d’appel comprenant les frais d’expertise judiciaire, et à leur payer la somme de 8 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils reprennent, en les développant, les motifs retenus par le tribunal pour considérer que Mme [D], qui ne pouvait ignorer la présence des débris de matériaux et déchets contenant de l’amiante, a manqué à son obligation légale d’information sur ce point, en soulignant encore :

– que la venderesse a expressément déclaré, en page 27 de l’acte authentique de vente, qu’à sa connaissance il n’existait pas de déchets sur la parcelle vendue,

– qu’en page 26 du même acte, il est rappelé l’obligation légale du vendeur, en application de la réglementation sur les déchets, de supporter le coût de l’élimination des déchets pouvant se trouver sur le bien vendu, qu’ils soient les siens, ceux de ses locataires ou de précédents propriétaires,

– qu’il est vain de prétendre qu’eux-mêmes auraient pu avoir connaissance de l’existence de ces déchets avant la vente, en raison de l’état de la parcelle au moment de celle-ci, laissée à l’abandon et envahie par une végétation ancienne,

– qu’ils n’ont effectivement pu s’en apercevoir qu’après qu’ils en sont devenus propriétaires, la parcelle une fois débroussaillée et les travaux de terrassement entrepris.

Il est renvoyé à leurs conclusions pour plus ample exposé.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 6 juin 2023.

Motivation

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné Mme [D] à payer aux époux [I] la somme de 161 136 € au titre des travaux de dépollution.

L’infirme sur ce dernier point et, statuant de nouveau et y ajoutant :

Condamne Mme [D] à payer aux époux [R] [I] et [T] [U] :

* la somme de 130 362,24 € au titre de la dépollution et remise en état du tènement immobilier, indexée à ce jour sur l’indice BT 01 selon ce dernier indice connu à la date du présent arrêt, en référence au dernier indice connu à la date du dépôt du rapport de l’experte [O], et avec intérêts au taux légal à compter du présent,

* la somme supplémentaire de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne Mme [D] aux dépens d’appel comprenant de droit les frais d’expertise judiciaire, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Clerc , président, et par Madame Burel, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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