Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 01 FÉVRIER 2023
(n° 2023/ , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06716 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCP2C
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° 15/02390
APPELANTE
S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168
INTIMÉE
Madame [G], [P] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 décembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Crédit foncier de France (S.A.) a employé Mme [G] [P] [K], née en 1988, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mars 2014 en qualité de conseillère clientèle réseau fidélisation.
Sa rémunération mensuelle brute de base s’élevait en dernier lieu à la somme de 2 470 €.
Par lettre notifiée le 12 juin 2015, Mme [K] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable fixé au 19 juin 2015.
Elle a sollicité à l’issue de l’entretien préalable la saisine de la commission paritaire d’appel qui s’est réunie le 17 juillet 2015.
Mme [K] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre notifiée le 31 juillet 2015 ; la lettre de licenciement mentionne en substance la production de documents falsifiés et frauduleux dans les dossiers de prêts qu’elle a instruits, pour MM. [A], [HI], [T] [E], [L], [M] [SW], [F], [B] [O], [S], [B] [Z], [Y], [H], [W] et [V] et pour Mme [U].
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [K] avait une ancienneté de 1 an et 4 mois.
La société Crédit foncier de France occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Mme [K] a saisi le 1er octobre 2015 le conseil de prud’hommes de Créteil pour former in fine les demandes suivantes :
« Déclarer le licenciement pour faute grave infondé.
Dire et juger les circonstances de la rupture brutales et vexatoires.
Fixer le salaire brut mensuel à la somme de 3386.07 €
Condamner le Crédit Foncier de France au versement de :
– 1128.69 € à titre d’indemnité légale de licenciement.
– 40 632.84 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 6772.14 € à titre d’indemnité de préavis.
– 677.21 € à titre de congés payés y afférents.
– 5417.60 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied du 12 juin au 3 juillet 2015.
– 541.76 € à titre de congés payés y afférents.
– 2000.00 € au titre du préjudice causé par les conditions vexatoires de la rupture -.
– 3000.00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– les Intérêts légaux à compter de la saisine.
– les entiers dépens.
– ordonner l’exécution provisoire.
– ordonner la communication aux organismes de sécurité sociale, assurance vieillesse et d’assurance chômage.
– ordonner la communication des bulletins de paie modifiés et de I’attestation pôle emploi. »
Par jugement du 15 septembre 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :
« Dit que le Licenciement de Madame [K] [P] ne repose, ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, revêt un caractère abusif et est imputable à la société CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal.
Fixe la moyenne des salaires de Madame [K] à la somme de 3.386,07 € (trois mille trois cent quatre-vingt-six euros et zéro sept centimes) correspondant aux 12 derniers mois d’activité.
Condamne la société CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame [G] [P] [K] les sommes de :
– 1.128,69 € (mille cent vingt-huit euros et soixante-neuf centimes) à titre d’indemnité légale de licenciement.
– 20.000,00 € (vingt mille euros) à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.417,60 € (cinq mille quatre cent dix-sept euros et soixante centimes) au titre de rappel de salaires sur la mise à pied du 12 juin au 31 juillet 2015.
– 541,76 € (cinq cent quarante et un euros et soixante-seize centimes) au titre des congés payés afférents au rappel de salaires sur la mise à pied conservatoire.
– 6.772,14 € (six mille sept cent soixante-douze euros et quatorze centimes) à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
– 677,21 € (six cent soixante-dix-sept euros et vingt et un centimes) à titre de congés payés afférents à l’Indemnité compensatrice de préavis.
– 1.300,00 € (mille trois cents euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
DIT que les intérêts au taux légal, porteront sur l’ensemble des sommes allouées, à compter de la saisine auprès du Conseil des Prudhommes de Créteil.
Ordonne à la société CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal de délivrer à Madame [G] [P] [K] des bulletins de paie et attestation Pôle emploi, dûment rectifiés et en conformité avec le présent jugement.
Ordonne à la société CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal de communiquer le jugement aux organismes de sécurité sociale, assurance vieillesse et assurance chômage,
Rappelle l’exécution provisoire de droit selon les dispositions de l’article R1454-28 du code du travail,
Rejette le surplus des demandes de Madame [K].
Déboute la société CREDIT FONCIER DE France prise en la personne de son représentant légal de ses demandes.
Met les dépens de l’instance à la charge de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal. »
La société Crédit foncier de France a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 15 octobre 2020.
La constitution d’intimée de Mme [K] a été transmise par voie électronique le 20 novembre 2020.
L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 18 octobre 2022.
L’affaire a été appelée à l’audience du 5 décembre 2022.
Moyens
Motivation
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le licenciement
Mme [K] soutient que :
– elle ne peut pas être tenue comme responsable des fraudes supposées ou avérées dans les dossiers dans lesquels des relevés de compte frauduleux ont été produits et dans lesquels apparaît la mention « dossier inexistant » au FIBEN alors que MM. [A], [HI], [T], [B] et [S] avait des fonctions de direction de société au moment de l’interrogation du fichier ;
– on ne peut lui reprocher la non détection du caractère frauduleux des documents remis par les clients compte tenu du nombre de dossiers qu’elle traite, soit 75 dossiers traités de janvier à juin 2015 ;
– elle n’est pas impliquée dans l’édition des documents internes FIBEN ; ce sont ses assistantes qui éditaient les documents internes ;
– elle était en réalité conseillère clientèle réseau conquête et ses assistantes, conseillères clientèle réseau fidélisation ;
– le rôle des conseillers clientèle réseau fidélisation consiste principalement à aider les conseillers conquête à saisir leurs dossiers et à faire des recherches pour leur « faire gagner du temps » dans leur travail ; ce sont exclusivement eux qui ont la charge de consulter les fichiers d’incidents, donc d’éditer le FIBEN ;
– c’est pourquoi elle a demandé que des enquêtes soient entreprises vis-à-vis de Mmes [X] [J] et [N] [I], ses assistantes, seules salariées à matériellement pouvoir éditer les documents FIBEN, et de M. [R], chargé de vérifier les dossiers qu’elle lui transmettait ;
– elle n’a signé aucun document contenu dans les dossiers ; elle n’a pas la certification prévue au contrat de travail, de sorte qu’elle est sous la responsabilité du directeur d’agence (M. [R]) qui valide et signe toutes ses demandes, comme le contrat de travail le prévoit ((pièce salarié n° 1) ;
– elle ne faisait que communiquer l’ensemble des documents à son responsable, M. [R],
– elle n’était pas tenue de vérifier l’authenticité des documents internes édités par ses assistantes ;
– elle a été condamnée par le tribunal correctionnel de Bobigny mais elle a immédiatement interjeté appel de cette condamnation de sorte qu’elle est et reste présumée innocente ;
– le tribunal Correctionnel de Bobigny a relevé la légèreté de la société Crédit foncier de France dans la mise en ‘uvre des procédures d’octroi de prêt ;
– il lui est aussi reproché de ne pas avoir apporté d’explication concernant l’absence de rendez-vous dans son agenda commercial concernant certains clients parmi les quatorze mentionnés ; c’est inexact, car plusieurs rendez-vous client figurent dans son agenda commercial qui n’ont pas été relevés par l’employeur : le 08 oct. 2015 – 10:00 ‘ 11:00 signature [HI] ‘ p. 6, le 13 oct. 2015 – 16:00 ‘ 16:30 signature [F] ‘ p.7, le 17 oct. 2015 – 17:30 ‘ 18:00 rdv diffu [W] ‘ p.7, le 21 oct. 2015 – 16:00 ‘ 17:00 signature [W] ‘ p.8, le 16 déc. 2015 – 14:00 ‘ 15:00 rdv diffu [B] ‘ p.16, le 05 févr. 2015 – 11:00 ‘ 12:00 signature [A] ‘ p.23, le 09 févr. 2015 – 14:00 ‘ 15:00 signature [T] ‘ p.24, le 19 févr. 2015 – 15:30 ‘ 16:00 signature [A] ‘ p.25, le 18 mars 2015 – 15:30 ‘ 16:30 rdv diffu [B] ‘ p.29, le 23 avr. 2015 – 10:30 ‘ 11:30 signature [B] ‘ p.34, et le 06 mai 2015 – 16:00 ‘ 17:00 rdv diffu [M] [SW] ‘ p.36 (pièce salarié n° 8).
En réplique, la société Crédit foncier de France soutient que :
– Mme [K] était conseillère de clientèle réseau conquête depuis le 1er mai 2015 ;
– avant le 1er mai 2015, elle était conseillère clientèle réseau fidélisation ;
– elle avait alors pour mission d’instruire les demandes de prêt et donc, à ce titre, de collecter tous les éléments nécessaires à la constitution du dossier ;
– parmi les pièces figurant aux termes des dossiers de demande de prêt, doivent notamment apparaître les résultats des diligences de renseignements économiques réalisées par le salarié en charge de l’instruction des demandes de prêt ;
– chaque conseiller de clientèle réseau fidélisation doit, dans le cadre de l’instruction d’un dossier de demande de prêt, interroger des fichiers et notament pour les emprunteurs dirigeants de société, la banque de données FIBEN (fichier bancaire des entreprises) qui centralise les informations sur les entreprises et leurs dirigeants et permet de vérifier leur capacité à honorer leurs engagements financiers ;
– Mme [K] a instruit le dossier de demande de prêt de M. [H] dont plusieurs pièces étaient falsifiées (pièce employeur n° 18) ; en effet, la promesse de vente communiquée dans le cadre de la demande de prêt, et datée du 17 janvier 2014, fait état d’un bien situé à [Localité 5], appartenant à l’EURL New acquisition d’une superficie de 28,76m2 et d’une valeur de 106.500 euros (pièce employeur n° 14) ; une offre de prêt correspondant au bien figurant aux termes de ce compromis de vente a donc été émise par la société Crédit foncier de France et acceptée par M. [H] en mars 2014 (pièces employeur n° 15 et 16) ; or, la copie exécutoire relative à l’acte de vente reçu le 20 juin 2014 par Maître [D], et fait état de l’acquisition par M. [H] d’un bien immobilier d’une superficie de 8,76m2 et d’un montant de 64.800 euros, soit d’un montant nettement inférieur au prêt immobilier consenti (pièce employeur n° 17) ; la communication de faux a donc permis à M. [H] de bénéficier d’un prêt immobilier nettement supérieur à la valeur du bien pour lequel il a été pourtant consenti ;
– il en est de même pour le dossier de M. [Y] (pièces employeur n° 19 à 22) : grâce au prêt consenti sur la base du compromis de vente portant sur un bien de 29,15 m², d’une valeur de 105.000 euros auprès de l’EURL New acquisition, il a en réalité acquis un bien immobilier de 9,41 m2 pour un montant de 93.500 euros ;
– il en est de même dans le dossier [W] : son dossier de demande de prêt faisait état d’un bien financé à hauteur de 250.000 euros et la demande de déblocage des fonds adressée à hauteur de 144.000 euros (pièces employeur n° 41 et 42) ;
– dans le dossier [U] instruit par Mme [K], les mentions renseignées sont fausses : Mme [U] est sans emploi (pièce employeur n° 36) mais il est mentionné qu’elle est ingénieure depuis 13 ans et 7 mois (pièce employeur n° 35) ;
– dans le dossier de M. [B], instruit par Mme [K], les relevés bancaires communiqués pour sa demande de prêt immobilier sont frauduleux (pièce employeur n° 23) ;
– dans le dossier de M. [F], instruit par Mme [K], les relevés bancaires communiqués pour sa demande de prêt immobilier sont frauduleux (pièces employeur n° 24 et 25) ;
– dans le dossier de M. [S], instruit par Mme [K], les relevés bancaires communiqués pour sa demande de prêt immobilier sont frauduleux (pièces employeur n° 26 et 27) ;
– dans le dossier de M. et Mme [C], instruit par Mme [K], les relevés bancaires communiqués pour sa demande de prêt immobilier étaient frauduleux (pièces employeur n° 28 et 29) ;
– dans le dossier de M. [T], instruit par Mme [K], les relevés bancaires communiqués pour sa demande de prêt immobilier sont frauduleux (pièces employeur n° 30 et 31) ;
– dans le dossier de M. [HI], instruit par Mme [K], les relevés bancaires communiqués pour sa demande de prêt immobilier sont frauduleux (pièces employeur n° 32 et 33) ;
– chacun des dossiers susvisés, tous instruits par Mme [K], comportent des documents frauduleux permettant aux emprunteurs, soit de bénéficier tout simplement d’un prêt immobilier, soit de bénéficier d’un prêt immobilier d’un montant supérieur au bien acheté ;
– dans six dossiers, les résultats des diligences de renseignements économiques réalisées dans le cadre de l’instruction de la demande de prêt sont également frauduleux et ont même été falsifiés :
– concernant M. [A], l’interrogation FIBEN réalisée par la salariée le 22 janvier 2015 et communiquée dans le cadre de son dossier de demande de prêt, fait état d’un dossier inexistant (pièce employeur n° 44) ; en réalité, M. [A] occupe des fonctions de direction depuis le 20 juin 2014, soit antérieurement à l’interrogation du fichier par Mme [K] (pièce employeur n° 45) ;
– concernant M. [HI], l’interrogation FIBEN réalisée par Mme [K] le 13 octobre 2014 et communiquée dans le cadre du dossier de demande de prêt fait une fois de plus état d’un dossier inexistant (pièce employeur n° 46) ; l’interrogation FIBEN réalisée par la sécurité financière le 10 juin 2015 fait également état de fonctions de direction depuis de nombreuses années (pièce employeur n° 47) ;
– il en est de même de MM. [T], [B] et [S] (pièces employeur n° 48 à 53) ;
– la falsification des résultats d’interrogation du fichier FIBEN ne peut qu’avoir été mise en ‘uvre par le collaborateur en charge de l’instruction des dossiers, responsable de la production de ces éléments, soit Mme [K] ;
– elle a été condamnée à une peine d’emprisonnement avec sursis d’une année ainsi qu’à une amende de 10.000 euros pour complicité d’escroquerie (pièce employeur n° 57) ;
– elle tente de démontrer son absence de responsabilité notamment en minimisant la gravité des fraudes subies par la société Crédit foncier de France, en rejetant la faute sur ses collègues de travail et en se retranchant derrière la responsabilité de son supérieur hiérarchique qui a autorisé les dossiers de demande de prêt sur la base de documents falsifiés qu’elle avait édités ; aucun de ces arguments n’est fondé.
Il ressort de l’article L. 1235-1 du Code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.
Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.
Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.
Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Mme [K] a été licenciée pour avoir instruit des dossiers de prêts consentis à MM. [A], [HI], [T] [E], [L], [M] [SW], [F], [B] [O], [S], [B] [Z], [Y], [H], [W] et [V] et à Mme [U], dans lesquels étaient présents des relevés bancaires ou des documents falsifiés ou dans lesquels étaient produits de faux relevés d’interrogation au FIBEN.
Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Crédit foncier de France apporte suffisamment d’éléments de preuve pour établir que Mme [K] a instruit des dossiers de prêts consentis à M. [B] (pièce employeur n° 23), à M. [F] (pièces employeur n° 24 et 25), à M. [S] (pièces employeur n° 26 et 27), à M. et Mme [C] (pièces employeur n° 28 et 29), à M. [T] (pièces employeur n° 30 et 31) et à M. [HI] (pièces employeur n° 32 et 33) dans lesquels étaient présents des relevés bancaires falsifiés, qu’elle aurait pourtant dû détecter ces falsifications récurrentes du fait que leur détection pouvait résulter des diligences et vérifications élémentaires inhérentes à ses fonctions et qui sont habituelles pour les conseillers chargés de l’instruction de dossiers de prêt en sorte que le nombre de dossiers instruits qui comportent des relevés bancaires falsifiés révèlent de graves manquements dans l’exécution de la mission de vérification des pièces produites qui s’analysent en une abstention fautive, qu’en outre Mme [K] a instruit des dossiers de prêts consentis à
MM. [HI], [T], [B] et [S] (pièces employeur n° 46 à 53) dans lesquels étaient produits de faux relevés d’interrogation au FIBEN qui n’ont pu être produits que par le conseiller chargé de l’instruction des dossiers de prêts litigieux, savoir Mme [K], ce qui constitue cette fois-ci, plus qu’une abstention fautive.
La cour retient que ces fautes, abstention fautive de vérification des relevés bancaires et production de faux relevés d’interrogation au FIBEN, sont telles qu’elles imposent le départ immédiat de Mme [K], le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
C’est donc en vain que Mme [K] soutient qu’elle ne peut pas être tenue comme responsable des fraudes supposées ou avérées dans les dossiers dans lesquels des relevés de compte frauduleux ont été produits et dans lesquels apparaît la mention « dossier inexistant » au FIBEN, qu’on ne peut lui reprocher la non détection du caractère frauduleux des documents remis par les clients compte tenu du nombre de dossiers qu’elle traite, soit 75 dossiers traités de janvier à juin 2015, qu’elle n’est pas impliquée dans l’édition des documents internes FIBEN ; ce sont ses assistantes qui éditaient les documents internes, qu’elle était en réalité conseillère clientèle réseau conquête et ses assistantes, conseillères clientèle réseau fidélisation, que le rôle des conseillers clientèle réseau fidélisation consiste principalement à aider les conseillers conquête à saisir leurs dossiers et à faire des recherches pour leur « faire gagner du temps » dans leur travail, que ce sont exclusivement eux qui ont la charge de consulter les fichiers d’incidents, et donc d’éditer le FIBEN, qu’elle a demandé que des enquêtes soient entreprises vis-à-vis de Mmes [X] [J] et [N] [I], ses assistantes, seules salariées à matériellement pouvoir éditer les documents FIBEN, et de M. [R], chargé de vérifier les dossiers qu’elle lui transmettait, qu’elle n’a signé aucun document contenu dans les dossiers, qu’elle n’a pas la certification prévue au contrat de travail de sorte qu’elle est sous la responsabilité du directeur d’agence (M. [R]) qui valide et signe toutes ses demandes, comme le contrat de travail le prévoit (pièce salarié n° 1), qu’elle ne faisait que communiquer l’ensemble des documents à son responsable, M. [R], qu’elle n’était pas tenue de vérifier l’authenticité des documents internes édités par ses assistantes, qu’elle a été condamnée par le tribunal correctionnel de Bobigny mais qu’elle a immédiatement interjeté appel de cette condamnation de sorte qu’elle est et reste présumée innocente et que le tribunal Correctionnel de Bobigny a relevé la légèreté de la société Crédit foncier de France dans la mise en ‘uvre des procédures d’octroi de prêt ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés pour certains comme cela ressort de ce que la cour a retenu plus haut s’agissant des abstentions fautives de vérification des relevés bancaires et de la production de faux relevés d’interrogation au FIBEN, et pour les autres, qu’ils ne sont pas de nature à l’exonérer des fautes retenues à son encontre étant précisé que la cour retient que Mme [K] a instruit les dossiers dans lesquels la cour a retenu des fautes à son encontre en qualité de conseillères clientèle réseau fidélisation comme cela ressort des pièces produites ; en effet ce n’est qu’à partir du 1er mai 2015 qu’elle est devenue conseillère clientèle réseau conquête et c’est donc à tort qu’elle désigne ses collègues pour échapper à ses responsabilités pour les fautes retenues à son encontre et qui ont été commises avant le 1er mai 2015.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [K] n’est pas justifié par une faute grave, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de Mme [K] est justifié par une faute grave.
Par voie de conséquence, le jugement déféré est infirmé en toutes ses autres dispositions, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute Mme [K] de toutes ses demandes.
Sur les autres demandes
La cour condamne Mme [K] aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société Crédit foncier de France les frais irrépétibles.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions :
Statuant à nouveau et ajoutant,
DIT que le licenciement de Mme [G] [P] [K] est justifié par une faute grave,
DÉBOUTE Mme [G] [P] [K] de toutes ses demandes,
DÉBOUTE la société Crédit foncier de France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [G] [P] [K] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT