Chute dans un magasin : La responsabilité du fait des choses

Notez ce point juridique

1. Attention à bien rapporter la preuve de tous les éléments nécessaires pour engager la responsabilité d’une personne ou d’une entreprise, notamment le dommage, la chose, le fait actif de la chose et le gardien.

2. Il est recommandé de démontrer de manière précise et circonstanciée le rôle actif de la chose dans la survenance du dommage, en fournissant des éléments concrets et probants pour étayer vos allégations.

3. Veillez à apporter des preuves tangibles et vérifiables pour étayer vos demandes, en évitant les affirmations non étayées par des éléments factuels solides.


Mme [R] a chuté dans un magasin exploité par la SARL JF2, affirmant que son pied avait buté contre un tapis. Son assureur, la SA Allianz IARD, a nié sa garantie. Le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande de responsabilité de la SARL JF2, de demande d’expertise et de dommages et intérêts. Mme [R] a interjeté appel et demande une expertise médicale pour prouver les préjudices subis. La CPAM a également formé un appel incident pour être indemnisée des soins réglés pour le compte de Mme [R]. La SARL JF2 et Allianz IARD demandent la confirmation du jugement initial. Les parties attendent la décision de la cour.

Responsabilité du fait des choses

L’article 1242 du code civil établit la responsabilité du fait des choses, qui implique un dommage, une chose, un fait actif de cette chose, et un gardien. La victime doit prouver ces éléments, ainsi que le caractère direct, certain et légitime du dommage.

Les faits de l’affaire

Mme [R] a chuté dans le magasin [12] et a subi des dommages corporels. Elle affirme que sa chute a été causée par un tapis mal positionné dans une allée étroite du magasin.

Preuve du rôle actif du tapis

Pour engager la responsabilité de la société JF2, Mme [R] doit prouver que le tapis a joué un rôle actif dans sa chute. Malgré les témoignages et les documents fournis, la preuve du positionnement anormal du tapis n’est pas établie.

Décision du tribunal

La responsabilité de la société JF2 n’est pas retenue, car le rôle actif du tapis dans la chute de Mme [R] n’a pas été prouvé. Les demandes d’expertise judiciaire et de provision sont rejetées, et Mme [R] est condamnée aux dépens. Une indemnité de 2.000 euros est fixée pour les frais irrépétibles.

– SARL JF2 et la société Allianz IARD : 2.000 euros
– Mme [R] : frais d’appel


Réglementation applicable

– Article 1242 du Code civil

Article 1242 du Code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. »

– Article 1243 du Code civil

Article 1243 du Code civil : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

– Article 1244 du Code civil

Article 1244 du Code civil : « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »

– Article 1245 du Code civil

Article 1245 du Code civil : « Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par négligence. »

– Article 1246 du Code civil

Article 1246 du Code civil : « Le maître, le commettant et le père et la mère, sont responsables du dommage causé par leurs domestiques, préposés, ou enfants mineurs, dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. »

– Article 1247 du Code civil

Article 1247 du Code civil : « Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés, dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. »

– Article 1248 du Code civil

Article 1248 du Code civil : « Les père et mère, du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »

– Article 1249 du Code civil

Article 1249 du Code civil : « Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance. »

– Article 1250 du Code civil

Article 1250 du Code civil : « Les hôteliers, du dommage causé aux voyageurs par les domestiques de la maison. »

– Article 1251 du Code civil

Article 1251 du Code civil : « Les aubergistes et les autres logeurs, du dommage causé aux voyageurs par les personnes qu’ils logent. »

– Article 1252 du Code civil

Article 1252 du Code civil : « Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance. »

– Article 1253 du Code civil

Article 1253 du Code civil : « Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés, dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. »

– Article 1254 du Code civil

Article 1254 du Code civil : « Les père et mère, du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Franck BOYER
– Me Philippe BOISSIER
– Me Sophie VIGNANCOUR-DE-BARRUEL

Mots clefs associés

– Responsabilité
– Article 1242 du code civil
– Principe général de responsabilité du fait des choses
– Conditions de responsabilité : dommage, chose, fait actif de la chose, gardien
– Preuve du dommage
– Dommage matériel, moral, corporel
– Chute dans un magasin
– Dommages corporels
– Tapis comme chose objet du dommage
– Rôle actif de la chose
– Preuve du rôle actif du tapis dans la chute
– Témoignages et attestations
– Travaux dans le magasin
– Positionnement anormal du tapis
– Demande d’expertise judiciaire et de provision
– Dépens
– Indemnité de 2.000 euros

– Responsabilité : obligation de répondre des conséquences de ses actes ou de ses négligences
– Article 1242 du code civil : disposition légale qui établit la responsabilité du fait des choses
– Principe général de responsabilité du fait des choses : principe selon lequel le propriétaire ou le gardien d’une chose est responsable des dommages qu’elle cause
– Conditions de responsabilité : dommage, chose, fait actif de la chose, gardien
– Preuve du dommage : élément nécessaire pour établir la responsabilité
– Dommage matériel, moral, corporel : différents types de dommages pouvant être indemnisés
– Chute dans un magasin : exemple de situation pouvant entraîner des dommages corporels
– Dommages corporels : préjudices physiques subis par une personne
– Tapis comme chose objet du dommage : exemple de chose pouvant causer un dommage
– Rôle actif de la chose : participation de la chose dans la survenance du dommage
– Preuve du rôle actif du tapis dans la chute : élément à démontrer pour établir la responsabilité du propriétaire ou du gardien du tapis
– Témoignages et attestations : moyens de preuve pouvant être utilisés pour établir les faits
– Travaux dans le magasin : élément pouvant influencer la responsabilité en cas d’accident
– Positionnement anormal du tapis : facteur pouvant jouer un rôle dans la survenance du dommage
– Demande d’expertise judiciaire et de provision : démarches à entreprendre pour évaluer les dommages et obtenir une indemnisation
– Dépens : frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Indemnité de 2.000 euros : montant alloué à titre de réparation pour le préjudice subi

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°149

DU : 20 Mars 2024

N° RG 23/00546 – N° Portalis DBVU-V-B7H-F7IH

Arrêt rendu le vingt mars deux mille vingt quatre

Sur APPEL d’une décision rendue le 7 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Clermont Ferrand n°22/03272 Ch1c2

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Rémédios GLUCK, Greffier, lors de l’appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononcé

ENTRE :

Mme [U] [J] épouse [R]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Franck BOYER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

CPAM DU PUY-DE-DÔME

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Philippe BOISSIER de la SCP BOISSIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

S.A.R.L. JF2

immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le numéro 513 010 843

[Adresse 3]

[Localité 6]

et

S.A. ALLIANZ IARD

immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 542 110 291

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Sophie VIGNANCOUR-DE-BARRUEL de la SCP VIGNANCOUR ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIMÉES

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Décembre 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats en s’y étant pas opposés, devant Madame THEUIL-DIF et Monsieur KHEITMI,rapporteurs.

ARRET :

Prononcé publiquement le 20 mars 2024, après prorogé du délibéré initialement prévu le 14 février 2024 puis le 21 février 2024 puis le 28 février 2024 puis le 13 mars 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Le 18 décembre 2020, Mme [U] [R] a chuté alors qu’elle circulait dans un magasin exploité sous l’enseigne [12] par la SARL JF2. Elle a affirmé que son pied gauche avait buté contre un tapis et qu’elle n’avait eu aucune possibilité de se rattraper. Gravement blessée, elle a été hospitalisée et a subi de nombreux soins. La SA Allianz IARD, assureur de la SARL JF2 a dénié sa garantie, estimant que la preuve d’un sinistre imputable à son assurée n’était pas rapportée.

Mme [R] a alors fait assigner, par exploits d’huissier des 9 et 10 août 2022, la SARL JF2, la SA Allianz IARD et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Puy-de-Dôme (ci-après CPAM).

Par un jugement du 7 mars 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

-rejeté la demande de Mme [R] tendant à déclarer la SARL JF2 responsable des conséquences dommageables de la chute survenue le 18 décembre 2020 dans le magasin exploité sous l’enseigne [12],

-rejeté la demande d’expertise,

-dit que Mme [R] conserve la charge de ses dépens,

-rejeté la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré qu’il ne disposait d’aucun élément permettant de prouver que la perte d’équilibre de Mme [R] et les dommages subséquents aient été causés, de façon directe et certaine, par le placement du tapis.

Par déclaration du 24 mars 2023, Mme [R] a interjeté appel de cette décision.

La CPAM a formé un appel incident par voie de conclusions.

Par conclusions déposées et notifiées le 7 août 2023, Mme [R] demande à la cour :

-de dire qu’elle est recevable et bien fondée en son appel,

-d’infirmer le jugement prononcé du 7 mars 2023,

En conséquence :

-de la dire recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes,

-de juger la SARL JF2 entièrement responsable de l’incident dont elle a été victime le 18 décembre 2020 à l’intérieur du magasin [12] situé à [Localité 10],

-de juger que la SARL JF2 est responsable de l’ensemble des préjudices et conséquences de l’accident,

-de juger que la décision sera opposable à la compagnie d’assurances Allianz IARD ès qualités d’assureur de la SARL JF2,

En conséquence :

-de condamner solidairement de la SARL JF2, prise en la personne de son représentant légal, ainsi que la compagnie d’assurances Allianz IARD, prise en personne de son représentant légal, à l’indemniser de l’ensemble des préjudices qu’elle a subis du fait de l’accident survenu le 18 décembre 2020 au sein du magasin [12], à [Localité 10],

Avant dire droit :

-qu’elle est recevable et bien fondée à solliciter une mesure d’expertise judiciaire médicale aux fins de voir évaluer l’ensemble des postes de préjudices induit de l’accident en date du 18 décembre 2020,

En conséquence :

-de désigner tel expert médical, spécialisé dans le domaine de chirurgie réparatoire des membres et articulations supérieurs et inférieurs, qui plaira à la juridiction, avec notamment pour mission :

-de se faire communiquer le dossier médical complet de la victime avec l’accord de celle-ci ;

-en tant que de besoin, de se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l’expertise, avec l’accord susvisé ;

– de déterminer l’état de la victime avant l’accident (anomalie, maladie, séquelles d’accident antérieur), relater les constatations médicales faites après l’accident ainsi que l’ensemble des interventions et soins ;

-de décrire les lésions de la victime et déterminer leur origine.

-dans l’affirmative, en décrire l’origine, les causes et les conséquences.

-de noter les doléances de la victime ;

-d’examiner la victime dans le respect de l’intimité de la vie privée de manière contradictoire et décrire les constations ainsi faites ;

-de déterminer compte tenu de l’état de victime ainsi que des lésions initiales et de leur évolution la période pendant laquelle celle-ci a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l’incapacité :

– d’une part d’exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle,

-d’autre part de poursuivre ses activités personnelles habituelles ;

-de proposer la date de consolidation des lésions.

-si la consolidation n’est pas acquise, indiquer le délai à l’issu duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l’être en l’état, et rédiger un rapport en l’état.

-dire si chacune des séquelles constatées est la conséquence de l’accident ou/et d’un état ou d’un accident antérieur ou postérieur ;

-dans l’affirmative,

-d’estimer le taux d’incapacité alors existant,

-si en l’absence d’accident, il aurait entrainé un déficit fonctionnel, dans l’affirmative, dire dans quel délai et à concurrence de quel taux.

-de décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l’accident et donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel imputable à l’accident.

-de se prononcer sur la nécessité par la victime d’être assisté par une tierce personne avant et / ou après la consolidation (quand bien même elle serait assurée par la famille), dans l’affirmative, préciser si cette tierce personne a dû et / ou doit ou non être spécialisé, ces attributions exactes, ainsi que, le cas échéant, les durées respectives d’intervention de l’assistant spécialisé et de l’assistant non spécialisé.

-de donner un avis détaillé sur la difficulté ou l’impossibilité temporaire ou définitive, pour la victime de :

-poursuivre l’exercice de son activité professionnelle,

-opérer une conversion,

-de donner un avis sur l’importance des souffrances (physiques et/ou morales) sur une échelle de 1/7.

-de donner un avis sur les atteintes esthétiques avant et/ou après la consolidation sur une échelle de 1/7 ;

-de dire s’il existe un préjudice sexuel.

-dans l’affirmative préciser de quel ordre.

-de fournir d’une manière générale tout autre renseignement d’ordre médical qui paraitrait utile pour liquider le préjudice corporel subi par la victime.

-de dire que les parties remettront à l’expert toutes pièces médicales ou paramédicales utiles à l’accomplissement de sa mission, en particulier les certificats médicaux, le certificat de la consolidation, et documents d’imageries médicales qui paraitraient utiles pour liquider le préjudice corporel subi par la victime.

-dit qu’à défaut d’obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l’expert pourra être autorisé par la juge chargé du contrôle des expertises, à déposer son rapport en l’état ;

-dit que l’expert s’assurera dans chaque réunion d’expertise de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises permettant à leur étude conformément au principe de la contradiction ;

-que les documents d’imageries médicales pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d’expertise ;

-dit que l’expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée AR et leurs avocats par lettre simple, les avisant de la faculté qu’elles ont de se faire assister par le médecin conseil de leur choix ;

-dit que l’expert devra adresser aux parties son pré-rapport et fixer la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur son pré-rapport, au minimum 3 semaines à compter de la transmission du rapport, répondre de manière précise et circonstanciée aux observations et réclamations qui devront être annexées au rapport définitif.

A titre provisionnel :

-de la juger recevable et fondée à solliciter de voir condamner la SARL JF2, prise en la personne de son représentant légal, ainsi que la compagnie d’assurances Allianz IARD ès qualités d’assureur à payer et porter à titre de provision à avoir sur l’indemnisation de ces différents postes de préjudices les sommes suivantes :

-au titre provisionnel sur son préjudice personnel : 15.000 euros

-au titre du préjudice financier à titre provisionnel : 929,97 euros

-de juger qu’elle est recevable et bien fondée de voir condamner solidairement la SARL JF2, prise en la personne de son représentant légal, ainsi que la compagnie d’assurances Allianz IARD, à lui payer et porter la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-de juger qu’elle est recevable et bien fondée à solliciter de voir condamner solidairement la SARL JF2 prise en la personne de son représentant légal ainsi que la compagnie d’assurances Allianz IARD, prise en la personne de son représentant légal, à supporter les entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, elle se réfère aux clichés photographiques qu’elle produit et qui sont contemporains de l’accident pour soutenir que la chute dont elle a été victime procède de la présence anormale du tapis. Le fait que le tapis soit éventuellement collé au sol par du double-face lui semble indifférent dès lors que, selon ce qu’elle rapporte, c’est son positionnement anormal sur un passage étroit réservé à la clientèle qui a provoqué sa chute. Il est, selon elle, indifférent que les normes d’accessibilités des EPR soient respectées et n’interdisent pas les tapis dans les magasins.

Elle fait observer que le compte-rendu opératoire atteste que les blessures subies correspondent à la description de la chute ; que ses déclarations sont confirmées par l’attestation de M. [R] ; qu’un constat d’huissier de justice en date du 5 janvier 2022 fait état, postérieurement à l’accident, d’une absence totale de tapis sur les emplacements de passage dédiés à la clientèle et ce, sur l’intégralité de la surface du magasin.

Elle souligne enfin la nécessité d’une indemnité provisionnelle en raison du caractère aléatoire de la consolidation médico-légale et de l’éventuelle future reprise de son activité professionnelle.

Par conclusions déposées et notifiées le 2 octobre 2023, la CPAM forme un appel incident et demande à la cour :

-d’infirmer le jugement du 7 mars 2023, en ce qu’il a rejeté la responsabilité de la SARL JF2 et la garantie de son assureur Allianz IARD au titre des préjudices subis par elle et Mme [R],

-de condamner in solidum la SARL JF2 et son assureur Allianz IARD, à l’indemniser ainsi que Mme [R], de leurs préjudices respectifs,

-de rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la SA Allianz IARD et de la SARL JF2, notamment fondées sur l’article 700 du code de procédure civile eu égard à son obligation d’exercer son recours subrogatoire,

-de surseoir à statuer jusqu’au dépôt du rapport d’expertise judiciaire à intervenir sur sa créance au titre des soins réglés pour le compte de Mme [R], de l’indemnité forfaitaire de gestion, des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

-de réserver tous ses droits et moyens,

-de condamner in solidum la SARL JF2 et son assureur Allianz IARD au paiement des dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au règlement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La CPAM précise qu’elle ne pourra fixer le montant de sa créance qu’après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire.

Par conclusions déposées et notifiées le 27 septembre 2023, la compagnie d’assurances Allianz IARD et la SARL JF2 demandent à la cour :

-de confirmer le jugement rendu le 7 mars 2023,

-de débouter Mme [R] et la CPAM de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions présentées en cause d’appel,

-de condamner solidairement Mme [R] et la CPAM à leur payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-de condamner Mme [R] aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, elles font valoir :

-que les photographies produites par Mme [R] ne démontrent pas en quoi la position du tapis aurait été anormale et aurait produit un rôle actif dans sa chute,

-que le compte-rendu opératoire ne démontre pas que la chute aurait été provoquée par le rôle actif du tapis présent dans le magasin,

-que le constat d’huissier établi le 5 janvier 2022 ne démontre pas en quoi le tapis et la disposition des lieux auraient joué un rôle causal dans la chute de Mme [R].

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2023.

MOTIVATION :

L’article 1242 du code civil dispose que « l’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

La jurisprudence a consacré sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article 1242 du code civil, un principe général de responsabilité du fait des choses (Arrêt Teffaine), qui est une responsabilité de plein droit (Arrêt Jeand’heur).

L’engagement de cette responsabilité est subordonné à plusieurs conditions :

-un dommage,

-une chose,

-un fait actif de cette chose,

-un gardien.

Il appartient à la victime de rapporter la preuve de ces éléments.

Le dommage doit d’être de ceux que le droit répare, qu’il soit matériel, moral ou corporel. Il doit en outre être direct, certain et légitime.

En l’espèce, Mme [R] produit une attestation du SDIS 63 relatant l’intervention des sapeurs-pompiers de [Localité 9] et de [Localité 10] le 18 décembre 2020 au [Adresse 4] pour une chute dans le magasin [12] dont la victime (Mme [U] [R]) a été transportée à l’hôpital [11].

Le compte-rendu opératoire réalisé le 19 décembre 2020, soit le lendemain des faits, est rédigé ainsi :

« Patiente qui suite à une chute par maladresse a présenté une fracture articulaire de l’extrémité inférieure du radius droit, avec bascule postérieure, fermée sans déficit vasculo-nerveux et une entorse grave de cheville gauche avec fracture de la pointe de la malléole externe en traitement orthopédique » nécessitant un traitement chirurgical par ostéosynthèse du poignet droit et des soins post-opératoires pendant 45 jours puis une rééducation du poignet.

Il est ainsi établi sans conteste que Mme [R] a chuté au sein du magasin [12] et subi des dommages corporels lui ayant occasionné divers préjudices.

Le tapis installé dans le magasin est désigné comme la chose objet du dommage dont la société JF2 était la gardienne. Par principe, le propriétaire de la chose en est présumé être le gardien. Cependant, cette présomption peut être renversée lorsque les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle sont effectivement exercés par une autre personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Cependant, faut-il encore que la chose ait été l’instrument du dommage. En effet, la jurisprudence considère que la victime doit rapporter la preuve du rôle actif de la chose dans la survenance du dommage.

Sur ce point, le rôle actif est présumé quand la chose objet du dommage a été en contact avec le siège du dommage et qu’elle était en mouvement. Si au contraire la chose est inerte ou n’est pas entrée en contact avec le siège du dommage, c’est à la victime de rapporter la preuve de son rôle actif en démontrant son caractère anormal dans son fonctionnement, son état ou sa position.

En l’espèce, le tapis étant une chose inerte, Mme [R] doit démontrer le caractère anormal de la chose dans sa position, son état ou son fonctionnement.

Celle-ci rapporte qu’elle circulait de manière normale dans les allées du magasin, sur la partie réservée à la clientèle et qu’elle s’est retrouvée dans un passage relativement étroit, délimité à sa gauche par une enseigne à caractère publicitaire et à sa droite par un portant de vêtements. Au sol se trouvait un tapis de couleur marron. En abordant le passage étroit, elle s’est entravée dans le tapis et a chuté. Elle indique avoir le souvenir très précis que « le tapis s’est soulevé lorsque son pied gauche a buté sur celui-ci ». Elle conclut finalement que le tapis était anormalement positionné sur un passage étroit réservé à la clientèle et a eu comme conséquence d’opposer à son pied gauche par soulèvement une résistance qui a provoqué sa chute. L’espace de circulation réduit a masqué la présence du tapis au sol.

Au soutien de ces demandes, elle produit les pièces suivantes :

-l’attestation du SDIS 63 qui atteste de son intervention le 18 décembre 2020 pour la transporter à l’hôpital à la suite d’une chute à l’intérieur du magasin [12] à [Localité 10],

-le compte-rendu opératoire du 19 décembre 2020 qui selon elle permet d’attester que les blessures sont dues à sa chute donc en raison du positionnement anormal du tapis,

-un procès-verbal de constat produit par Me [X], commissaire de justice, dans lequel celui-ci constate le 5 janvier 2022 qu’il n’y a pas de tapis au sol dans les chemins de circulation de la boutique (sur l’intégralité de la surface du magasin). Mme [R] fait valoir que les travaux entrepris par le magasin [12] et le fait que les tapis aient été retirés témoignent de la prise en considération des circonstances de son accident ;

-une attestation de témoin réalisée par M. [D] [R] (mari de Mme [R]) le 13 mars 2023 :

« elle m’explique ce qui lui arrive ‘je me suis entravé dans le tapis en allant voir les vêtements et je me suis rétamé de tout mon long, ça a été violent’ ». Il est arrivé sur les lieux 10 minutes après sa chute.

Il convient de constater au vu de ces éléments que la production du courrier du SDIS ainsi que du compte-rendu opératoire rapportent la preuve de la matérialité de l’accident. Il n’est pas contesté que Mme [R] a chuté et a été victime de divers préjudices consécutifs. Cependant, l’engagement de la responsabilité de l’exploitant de ce magasin n’est pas un corollaire automatique de la survenance d’une chute à l’intérieur dudit magasin. Ces éléments sont insuffisants à établir le rôle actif de la chose inerte, le tapis.

Par ailleurs, M. [R] a établi une attestation plus d’un an après l’accident dont il n’est pas le témoin direct, sans précision permettant d’attester que le tapis était anormalement positionné.

S’agissant des travaux, la compagnie d’assurances Allianz IARD produit un courrier dans lequel elle explique que des travaux ont en fait été réalisés dans le but de refaire la boutique à neuf. Rien ne permet d’attester la véracité de ces dires. Néanmoins, il ne semble pas que la circonstance que des travaux aient été réalisés soit de nature à prouver le positionnement anormal du tapis. 

Pour retenir que le tapis inerte occupait une position anormale dans les allées d’un magasin, Mme [R] ne peut se contenter de constater sa présence mais doit démontrer l’existence de circonstances particulières telles que sa taille, son positionnement, les dimensions de l’allée, un déplacement récent. Or Mme [R] procède par voie d’affirmations et tire de sa chute le positionnement anormal du tapis alors que ce qui peut procéder d’une maladresse de sa part ne permet pas de conclure à un positionnement anormal de la chose incriminée.

Les pièces qu’elle produit ne permettent pas d’attester du positionnement anormal du tapis et donc de son rôle actif dans la survenance du dommage. Ainsi, il résulte des photographies produites par Mme [R] (pièce n°2) que le tapis est positionné au sol du magasin, qu’il n’apparaît pas trop épais, ses bords ne sont pas surélevés, le passage est certes étroit mais rendu possible, notamment pour se rendre de manière perpendiculaire devant le présentoir de vêtements.

Mme [R] échoue donc à rapporter la preuve que le tapis a eu un rôle actif dans la survenance du dommage.

Par conséquent, le tapis ne pouvant être considéré comme l’instrument du dommage, la responsabilité de la SARL JF2 ne peut être retenue.

II. Sur la demande d’expertise judiciaire et de provision :

La responsabilité de la SARL JF2 n’étant pas retenue, il ne pourra être fait droit aux demandes d’expertise judiciaire et de provision.

III. Sur les autres demandes :

Mme [R] succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens.

L’équité commande de fixer à la somme de 2.000 euros l’indemnité qu’elle devra verser à la SARL JF2 et à la société Allianz IARD au titre de leurs frais irrépétibles.

Par ces motifs

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition des parties au greffe de la cour ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne Mme [R] à verser à la SARL JF2 et à la société Allianz IARD, ensemble, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [R] aux dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente

 

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