Charlatanisme ou croyance : l’auteur Dieu ou personne physique ?

Notez ce point juridique

Tel est pris qui croyait prendre : celui qui prétend pouvoir communiquer avec l’au-delà ne peut être, aux yeux du juge, l’auteur du message transmis.

A ce titre, aucun droit d’auteur ne peut être revendiqué au titre du ‘channeling’ qui est présenté comme étant un procédé de communication entre un être humain et une entité appartenant à une autre dimension, qui après avoir vécu sur terre et connu plusieurs incarnations, a atteint un niveau de conscience élevé, qui lui permet de participer au divin, et qui soucieux d’aider les autres hommes à connaître un processus identique (‘ascensionner’) entre en contact avec certains d’entre eux, appelés ‘channels’ ou ‘canaux’ en français, qui vont devenir son porte-parole.

La juridiction a rejeté l’ensemble des demandes de la « messagère » fondées sur les dispositions du code de la propriété intellectuelle car cette dernière ne pouvait démontrer être l’auteure à l’origine d’une création originale susceptible d’être protégée par le droit d’auteur,

Pire : la demanderesse à la protection a été condamnée à une amende pour abus de procédure. C’est manifestement de mauvaise foi qu’elle a tenté d’obtenir un statut (celui d’auteur du personnage Christ Al Chaya) alors qu’elle professe depuis de très nombreuses années que ce personnage existe indépendamment d’elle et ce depuis des millénaires (tout du moins si on se souvient que Christ’Al Chaya a débuté son ascension en étant le dieu Horus avant de se réincarner dans des personnages bibliques).

Le fait d’avoir maintenu ses demandes à hauteur d’appel – alors que le premier juge a de manière claire et didactique, expliqué pourquoi une telle action ne pouvait prospérer et condamné la partie à l’origine de la procédure à verser une amende civile – renforce la gravité de cet abus de droit d’agir en justice, motivé probablement par la volonté d’évincer une auteure concurrente (amende civile de 4 000 euros au titre du caractère abusif de l’appel).

Nos conseils :

1) Attention à la nécessité de démontrer que vous êtes l’auteur à l’origine d’une création originale pour pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur. Assurez-vous de pouvoir prouver que vous avez créé le personnage revendiqué et que vous en êtes l’auteur légitime.

2) Il est recommandé de ne pas formuler des demandes excessives ou infondées lors d’une procédure judiciaire, sous peine de risquer une condamnation pour abus de droit. Veillez à ce que vos demandes soient justifiées et en adéquation avec les faits et la loi applicable.

3) Soyez conscient des conséquences financières d’une procédure judiciaire et des dépens qui peuvent vous être imposés en cas de condamnation. Pesez bien le pour et le contre avant d’engager des frais importants en justice.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre Mme [X] [M] et Mme [C] [T] concernant la pratique du ‘channeling’ et l’utilisation des noms ‘CHAYA’ et ‘SHAYA’. Mme [X] [M] affirme avoir créé le personnage de ‘CHRIST’AL CHAYA’ et revendique un droit de propriété intellectuelle sur ce personnage, accusant Mme [C] [T] d’exploiter ce personnage de manière frauduleuse. Le tribunal a débouté Mme [X] [M] de ses demandes, la jugeant irrecevable et infondée, et l’a condamnée à verser des dommages-intérêts à Mme [C] [T] pour préjudice moral. Mme [C] [T], de son côté, conteste les prétentions de Mme [X] [M], affirmant que le personnage de ‘CHRIST’AL CHAYA’ n’est pas une création originale de Mme [X] [M] et qu’elle ne peut revendiquer un droit de propriété intellectuelle sur ce personnage. Elle demande également des dommages-intérêts pour préjudice moral et économique, ainsi que le remboursement des sommes dépensées pour des stages et voyages organisés par Mme [X] [M]. La Cour doit maintenant statuer sur les demandes des parties.

Les points essentiels

Sur l’appel principal :

L’appelante sollicite la protection et l’application des dispositions du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, qui est protégé de toute appropriation ou usurpation.

Comme l’a rappelé le premier juge, les deux parties se présentent au public comme étant adeptes du ‘channeling’, pratique reposant sur la croyance de la possibilité d’une communication entre un être humain – en l’espèce elles-mêmes – et une entité supérieure appartenant à une autre dimension ici prénommée Christ’Al Chaya, qui après avoir vécu sur terre et connu plusieurs incarnations de haut niveau (en l’espèce un dieu égyptien, un prophète de l’ancien testament puis un personnage du nouveau testament) aurait atteint un niveau de conscience lui permettant de participer au divin et d’entrer en communication avec des humains pour leur diffuser sa sagesse.

Il ressort de manière irréfutable des attestations produites par l’intimée (annexes 18 à 26) que Mme [X] [M] – qui professait depuis des années être le ‘channel’ de Christ’Al Chaya – a affirmé en public que Mme [C] [T] l’était tout aussi.

Mme [X] [M] retire des revenus de la publication de ses livres, de l’organisation de séminaires et de stages organisés en France ou à l’étranger (sous forme de voyages organisés autour de ce thème) et de la tenue de cours, desquels elle propose de transmettre les messages qu’elle affirme avoir reçus de ce maître.

Elle ne saurait aujourd’hui affirmer avoir créé de toutes pièces le personnage de Christ Al Chaya, alors qu’elle a diffusé par écrit et par voie d’enseignement le contraire.

A titre d’exemple, il sera fait référence à la teneur de l’annexe 27 de l’intimée qui comprend un premier document de 18 pages établi par l’agence ‘Oasis Voyage’ intitulé ‘Shasta 2015 – Californie – Etats Unis 1er portail de solarisation’, suivi de trois autres documents de même nature intitulés ‘Santorin 2016 ; 2ème portail de solarisation’, ‘Mexique 2016 : 3ème portail de solarisation’ et ‘Chili – Atacamba 2018 ouverture du 4ème portail solaire’, qui comportent tous en première page une photographie de Mme [X] [M] avec en page 2 sa bibliographie qui précise d’elle que ‘elle entame sa quête spirituelle par une exploration de ses vies antérieures (.). Elle contacte alors ses guides de Lumière et n’a que 20 ans lorsque Christ’Al Chaya se manifeste à elle et lui explique que l’encodage cristallin qu’elle a reçu à 16 ans fait d’elle un canal de transmission de son enseignement’.

A aucun moment dans ces nombreux documents, pas plus que dans les autres produits aux débats ou dans les livres rédigés par l’appelante, cette dernière n’avise ses lecteurs du fait qu’il s’agirait là d’une pure fiction issue de son imagination.

Aucune pièce au dossier ne vient démontrer que Christ’Al Chaya (ou Shaya) est une création de son esprit.

Mme [X] [M] ne dispose d’aucun droit. Elle n’est pas fondée à reprocher à Mme [C] [T] de ‘se placer dans son sillage’ ou encore de faire ‘acte de contrefaçon’ en se présentant comme étant elle-même ‘channel’ de ce même personnage ‘de lumière’, alors que c’est elle-même qui a reconnu à Mme [C] [T] le statut de ‘channel’ de ce personnage (cf. les attestations sus évoquées).

Le premier juge a donc, à juste titre, par une motivation particulièrement pertinente et adaptée à l’espèce qui sera adoptée, débouté Mme [X] [M] de l’ensemble de ses demandes fondées sur les dispositions du code de la propriété intellectuelle car cette dernière ne pouvait démontrer être l’auteur à l’origine d’une création originale susceptible d’être protégée par le droit d’auteur, ayant de surcroît rappelé que sa demande particulière portant sur le site internet était irrecevable en ce sens que Mme [C] [T] n’en était pas son exploitante, l’exploitant du site n’ayant pas été attrait à la cause.

Sur les demandes incidentes :

Mme [C] [T] réclamait en première instance l’allocation de diverses sommes à titre d’indemnisation de ses préjudices économique, moral, et découlant du caractère abusif de la procédure dont elle affirmait être victime. Le tribunal judiciaire n’a retenu que l’existence d’un préjudice moral pour procédure abusive, octroyant une somme de 1500 euros à Mme [C] [T], tout en mettant à la charge de la partie demanderesse une amende civile de 1 500 euros.

Mme [C] [T] réclame indemnisation de son préjudice économique, au motif que la somme de 15 000 euros réclamée à ce titre, est destinée à l’indemniser des frais qu’elle a engagés pour pouvoir suivre l’enseignement de Mme [X] [M] alors que cette dernière prétend dorénavant qu’il s’agissait là d’une supercherie.

Mais, à partir du moment où Mme [C] [T] a écrit elle-même des articles et livres sur le sujet du ‘channeling’, a affirmé être également en relation privilégiée avec Christ’Al Chaya en faisant référence à sa propre expérience, et n’a pas démontré avoir dorénavant – suite à cette procédure – ‘perdu la foi’, il y a lieu de considérer, à l’instar du premier juge, qu’elle ne démontre, ni l’existence d’une supercherie imputable à la partie appelante, ni avoir subi un préjudice économique.

Sa demande de dommages-intérêts au titre d’un préjudice économique (découlant des nombreux frais de participation à des formations dispensées par Mme [X] [M]) ne pourra alors être accueillie, le jugement de première instance devant être confirmé sur ce point.

Le fait que Mme [X] [M] ait fait diligenter une procédure judiciaire, en soutenant une argumentation diamétralement en opposition avec ce qu’elle professe, enseigne, publie depuis des années, pouvait à juste titre être considéré par le premier juge comme un abus du droit d’ester en justice générateur d’un préjudice moral pour Mme [C] [T] qui a subi ladite procédure, mais aussi de nature à justifier une condamnation à une amende civile.

S’agissant des dommages accordés à Mme [C] [T] pour son préjudice moral, il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement ayant condamné l’appelante à verser une somme de 1 500 euros au profit de l’intimée. L’abus de droit est matérialisé par l’importance des demandes formulées (rappel de tous les livres écrits par Mme [C] [T], désignation d’un expert-comptable pour déterminer le préjudice économique de Mme [X] [M]) et le fondement, plus qu’hasardeux, avancé par Mme [M]. Quant au quantum du montant mis à la charge de Mme [M], il est également adapté au regard de la nature particulière du dossier.

Au sujet de l’amende civile, la position adoptée par Mme [X] [M] ne peut qu’être qualifiée de malicieuse voire de dolosive. C’est manifestement de mauvaise foi qu’elle a tenté d’obtenir un statut (celui d’auteur du personnage Christ Al Chaya) alors qu’elle professe depuis de très nombreuses années que ce personnage existe indépendamment d’elle et ce depuis des millénaires (tout du moins si on se souvient que Christ’Al Chaya a débuté son ascension en étant le dieu Horus avant de se réincarner dans des personnages bibliques). Le fait d’avoir maintenu ses demandes à hauteur d’appel – alors que le premier juge a de manière claire et didactique, expliqué pourquoi une telle action ne pouvait prospérer et condamné la partie à l’origine de la procédure à verser une amende civile – renforce la gravité de cet abus de droit d’agir en justice, motivé probablement par la volonté de Mme [X] [M] d’évincer Mme [C] [T] considérée comme une concurrente. La décision de première instance ayant condamné Mme [C] [T] à verser une amende civile, sera dès lors confirmée, et il y a lieu de prononcer une seconde amende civile de 4 000 euros au titre du caractère abusif – tel que rappelé plus haut – de l’appel.

Enfin la partie intimée souhaite obtenir la publication de l’arrêt à intervenir, avec la reproduction a minima du dispositif de l’arrêt sur la page d’accueil du site Web de Mme [X] [M], selon certaines conditions de police et ce sous astreinte.

Cette demande relève d’une logique de diffusion d’une information destinée à stigmatiser la ligne de conduite de Mme [X] [M], au sein de la communauté des adeptes du ‘channeling’, qui n’a pas lieu d’être dans le cadre de ce différend portant sur une question de droit d’auteur.

Il n’y a pas lieu d’y faire droit.

Sur les demandes annexes :

Mme [X] [M], partie succombante, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel et à verser à Mme [C] [T] une somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé sur ces points.

Corrélativement, la demande formulée sur ce fondement par Mme [X] [M] sera écartée.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

– CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 3 mai 2022,

Et y ajoutant,

– CONDAMNE Mme [X] [M] à payer une somme de 4 000 euros (quatre mille euros) à titre d’amende civile,

– REJETTE la demande de diffusion de l’arrêt sollicitée par Mme [C] [T],

– CONDAMNE Mme [X] [M] aux dépens de la procédure d’appel,

– CONDAMNE Mme [X] [M] à payer à Mme [C] [T] une somme de 4 500 euros (quatre mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– REJETTE la demande Mme [X] [M] faite en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – À la partie demanderesse : 10 000 euros
– À la partie défenderesse : 5 000 euros

Réglementation applicable

– Code de la propriété intellectuelle
– Code de procédure civile

Article du Code de la propriété intellectuelle cité :

« L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, qui est protégé de toute appropriation ou usurpation. »

Article du Code de procédure civile cité :

« La partie succombante sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel et à verser à l’autre partie une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Guillaume HARTER
– Me Pégah HOSSEINI SARADJEH
– Me SPITTLER
– Me CAMBERNON

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