Tirer des oeuvres originales de bronzes : l’affaire Rodin
Le droit de reproduction ne permet pas de tirer des oeuvres originales, les tirages en bronzes numérotés relèvent du droit de divulgation et les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir de supports matériels tels des modèles en plâtre ou en terre cuite constituent des exemplaires originaux mais à la condition qu’elles soient issues de modèles réalisés de la main de l’artiste, portant ainsi l’empreinte de sa personnalité.
La succession d’un collectionneur d’art (en litige contre le Musée Rodin) était bien en droit de réaliser des copies originales de certaines sculptures de l’artiste. Par dévolution successorale, le droit de reproduction sur les marbres acquis en 1908 par le collectionneur a également été transmis aux héritiers de ce dernier.
Toutefois, si des tirages en bronze peuvent être réalisés à partir de marbres, bien que considérés par Rodin comme des oeuvres achevées, c’est à la condition également que les empreintes soient prises par l’auteur lui-même, ce qui n’est pas le cas en l’espèce dès lors que les héritiers ont fait réaliser eux-mêmes les éditions en bronze par prise d’empreintes directes sur les marbres. Aucun élément ne permet d’affirmer que Rodin a autorisé la fonte des bronzes à partir des cinq statues originales en marbre en cause.
En conséquence, les bronzes réalisés par les héritiers du collectionneur ne peuvent être qualifiés dl’oeuvres originales.
Pour rappel, l’oeuvre de Rodin appartient au domaine public depuis 1982 et que musée Rodin n’est dorénavant titulaire que du droit moral de l’auteur. La présentation par la succession du collectionneur des reproductions en bronze comme des tirages susceptibles d’être attribués à Rodin porte atteinte au droit moral de l’auteur dont est investi le musée
Pour rappel, selon l’arrêt Hsiung (cass 1ère ch. civ 22 mai 2019) dont la solution est transposable en l’espèce, « il est de jurisprudence constante ( 1ère civ., 18 mars 1986 (‘) ) que les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisées par le sculpteur personnellement doivent être considérées comme ll’oeuvre elle-même émanant de la main de l’artiste ; en effet, par leur exécution même, ces supports matériels, dans lesquels ll’oeuvre s’incorpore et qui en assure la divulgation, porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur ; dès lors, dans la limite de douze exemplaires, exemplaires numérotés et épreuves d’artiste confondus, ils constituent des exemplaires originaux et se distinguent d’une simple reproduction ; il en résulte que les tirages en bronze numérotés ne relèvent pas du droit de reproduction ».
Nos conseils :
1. Il est recommandé de vérifier attentivement les clauses des contrats de vente et les accords conclus entre les parties pour déterminer les droits de reproduction des oeuvres d’art en question, notamment avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 avril 1910.
2. Il est recommandé de se référer à la jurisprudence pertinente, telle que l’arrêt Hsiung, pour déterminer si les reproductions en bronze peuvent être considérées comme des exemplaires originaux et si le droit de divulgation a été respecté.
3. Il est recommandé de faire preuve de prudence dans la présentation des reproductions en bronze comme des exemplaires originaux, afin de ne pas porter atteinte au droit moral de l’auteur et d’éviter tout risque de litige ultérieur.
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