Pour être valides, les marques de couleur doivent être distinctives.
La juridiction a annulé la marque française de couleur bleue SOMFY n° 04 3 297 349 pour absence de caractère distinctif. La marque de couleur revendiquée n’est pas susceptible à elle seule de permettre l’identification des produits SOMFY visés.
En la cause, il n’est pas justifié, ni même allégué de circonstances exceptionnelles pour lesquelles la couleur bleue Pantone 296C suffirait en elle-même à établir la distinctivité de la marque et aurait ainsi en elle-même un caractère distinctif avant tout usage.
SOMFY a utilisé de longue date pour ses moteurs tubulaires plusieurs nuances de bleu, dont un ou plusieurs bleus sombres, mais de manière non exclusive ainsi que d’autres coloris et a évolué dans l’utilisation des signes distinctifs de ses moteurs, à l’instar de ses concurrents.
Selon l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle, « Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls : 2° Une marque dépourvue de caractère distinctif (…) ».
L’exigence de distinctivité de la marque se justifie par sa fonction essentielle, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’origine du produit ou du service qu’elle désigne, en lui permettant de le distinguer, sans confusion possible, de ceux ayant une autre provenance.
Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques de couleur sont les mêmes que ceux applicables aux autres catégories de marques (cf CJUE, 19 juin 2014, C-217/13 et C-218/13, Oberbank).
Cependant « la propriété inhérente de distinguer les produits d’une certaine entreprise fait normalement défaut à une couleur en elle-même (…). L’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et que le marché pertinent est très spécifique (…) ; même si une couleur ne possède pas, en elle-même et ab initio de caractère distinctif, elle peut toutefois l’acquérir à la suite de son usage en rapport avec les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé » (CJUE, 6 mai 2003, C-104/01, Libertel points 62, et 65 et s.).
En outre, il doit être procédé à une appréciation in concreto du caractère distinctif de la marque de couleur, qui tient compte de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce (CJUE, 27 mars 2019, Oy Hartwall, C-578/17).
Enfin, pour apprécier le caractère distinctif qu’une couleur en elle-même ou une combinaison de couleurs peut présenter en tant que marque, il est nécessaire de tenir compte de l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (cf arrêt CJUE du 6 mai 2003, précité, point 60).
Ce caractère distinctif par l’usage « peut être acquis, notamment, après un processus normal de familiarisation du public concerné » (CJUE, 6 mai 2003, C-104/01, précité, point 67) et « dans le cadre de cette appréciation, peuvent être prises en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque concernée, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à ladite marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles » (CJUE, 19 juin 2014, C-217/13 et C-218/13, point 41, termes soulignés par nos soins).
Le public pertinent doit être ici regardé comme désignant les installateurs de volets roulants, ou de fenêtres et l’ensemble des professionnels du secteur des protections solaires, qui en sont les principaux utilisateurs.
Nos Conseils:
1. Il est essentiel de s’assurer que la marque enregistrée possède un caractère distinctif, conformément à l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle. Cela garantit au consommateur de pouvoir distinguer clairement l’origine du produit ou du service.
2. Pour les marques de couleur, il est important de prouver que la couleur en elle-même a acquis un caractère distinctif par son usage en rapport avec les produits ou services concernés. Une appréciation in concreto du caractère distinctif doit être réalisée en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce.
3. Il est recommandé de réaliser des études ou sondages pour évaluer l’association entre la couleur revendiquée et la marque. Ces études doivent être menées de manière rigoureuse et représentative du public visé, afin de démontrer de manière probante la distinctivité de la marque de couleur.