C’est à juste titre que le jugement déféré a déclaré irrecevable comme prescrite cette action en nullité fondée sur les dispositions relatives au statut des baux commerciaux initiée plus de deux ans après la date d’effet du congé litigieux.
L’affaire concerne un litige entre Mme [P] et M. [O] concernant un bail commercial portant sur des locaux utilisés pour l’activité d’artiste peintre et tatoueur. Mme [P] a délivré un congé à M. [O] en juillet 2015, contesté par ce dernier. Le tribunal judiciaire de Paris a jugé que le congé était valable et a ordonné à M. [O] de quitter les lieux. M. [O] a interjeté appel du jugement. Les parties ont des prétentions divergentes concernant la validité du congé, la poursuite du bail par tacite reconduction, et les dommages et intérêts à verser. La décision de la Cour est attendue suite à l’ordonnance de clôture prononcée en décembre 2022.
Sur la recevabilité de l’action en nullité du congé délivré le 28 juillet 2015
M. [O] a sollicité le renouvellement du bail commercial à compter du 1er juillet 2015, mais les parties n’ont pas pu s’entendre sur le montant du loyer. Le congé délivré le 28 juillet 2015 ne peut être considéré comme une rétractation de l’accord de principe donné par la bailleresse. L’action en nullité du congé est déclarée irrecevable car elle a été initiée plus de deux ans après la date d’effet du congé.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [O]
M. [O] a demandé des dommages et intérêts en raison du congé erroné délivré par Mme [P]. Cependant, la mauvaise foi de la bailleresse n’a pas été prouvée, et M. [O] n’a pas établi de préjudice. Sa demande de dommages et intérêts est donc rejetée.
Sur les autres demandes
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes qui ne visent pas à conférer un droit à la partie qui les requiert. M. [O] est condamné aux dépens et au paiement de frais irrépétibles. Ses autres demandes sont rejetées.
– Mme [X] [P] : 4.000 €
– Maître Antoine ATTIAS, avocat : dépens de la procédure d’appel
Réglementation applicable
– Article L. 145-60 du code de commerce
– Article L. 145-9 alinéa 5 du code de commerce
– Article L. 145-2 6° du code de commerce
– Article 2274 du code civil
– Article 700 du code de procédure civile
Texte de chaque article de Code cité:
– Article L. 145-60 du code de commerce: « Les actions exercées en vertu du chapitre de ce code relatif aux baux commerciaux se prescrivent par deux ans. »
– Article L. 145-9 alinéa 5 du code de commerce: Non reproduit dans le texte.
– Article L. 145-2 6° du code de commerce: Non reproduit dans le texte.
– Article 2274 du code civil: « La bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Plamenka KUNA RENARD de la SELEURL SELARL SKILLS, avocat au barreau de Paris
– Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de Paris
Mots clefs associés
– Congé
– Bail commercial
– Renouvellement
– Indemnité d’éviction
– Prescription
– Nullité
– Dommages et intérêts
– Mauvaise foi
– Immatriculation
– Dépens
– Congé : notification écrite par laquelle une partie met fin à un contrat ou à une relation juridique
– Bail commercial : contrat de location portant sur un local destiné à l’exercice d’une activité commerciale
– Renouvellement : action de prolonger la durée d’un contrat ou d’une relation juridique
– Indemnité d’éviction : somme d’argent versée au locataire par le propriétaire en cas de résiliation du bail commercial
– Prescription : délai légal au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Nullité : caractère d’un acte juridique qui est dépourvu de toute valeur légale
– Dommages et intérêts : réparation financière versée à une partie lésée pour compenser un préjudice subi
– Mauvaise foi : comportement délibéré visant à tromper ou à nuire à autrui
– Immatriculation : inscription d’une entreprise ou d’un bien au registre officiel compétent
– Dépens : frais engagés lors d’une procédure judiciaire et qui peuvent être mis à la charge d’une des parties
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 22 FEVRIER 2024
(n° 51 /2024, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/12064 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6LP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2021 -Tribunal judiciaire de Paris (18ème chambre, 2ème section) – RG n° 18/10410
APPELANT
M. [G] [O]
Né le 9 avril 1968 à [Localité 9] (78)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Plamenka KUNA RENARD de la SELEURL SELARL SKILLS, avocat au barreau de Paris, toque : L0302
INTIMEE
Mme [X] [P]
Née le 30 août 1945 à [Localité 4] (Algérie)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de Paris, toque : C2306
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 25 septembre 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Sandra Leroy, conseillère
Mme Marie Girousse,conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 1er juillet 2006, Mme [P] a consenti à M. [G] [O] un bail dérogatoire d’une durée de 23 mois à compter du 1er juillet 2006 moyennant un loyer annuel de 16 200 € hors taxes et hors charges, et une provision pour charges annuelle de 1 800 € portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 6], pour l’exercice de l’activité d’« artiste peintre et body paint-photographie & dermographie ».
Par avenant du 19 novembre 2014, les parties ont transformé ce bail dérogatoire en bail commercial à compter, rétroactivement du 1er juillet 2006 pour prendre fin le 30 juin 2015.
Par acte extrajucicaire des 5 et 7 janvier 2015, M. [O] a fait délivrer à la bailleresse une demande de renouvellement du bail commercial à compter du 1er juillet 2015. Par courrier du 23 mars 2015, le mandataire de Mme [P] a donné son accord au renouvellement du bail sollicitant une augmentation du loyer. Les parties ne sont pas parvenues à un accord sur le loyer du bail renouvelé.
Par acte extrajudiciaire du 28 juillet 2015, Mme [P] a fait signifier à M. [O] un congé portant dénégation du statut des baux commerciaux pour le 31 janvier 2016.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 avril 2018, le conseil de Mme [P] a mis en demeure M. [O] de restituer les locaux sans délai.
Par acte extrajudiciaire du 13 août 2018, M. [O] a fait assigner Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins, principalement, de voir juger nul le congé délivré le 20 (sic) juillet 2015, de voir juger que le bail se poursuit par tacite reconduction et d’obtenir la condamnation de Mme [P] à lui payer des dommages et intérêts.
Par acte extrajudiciaire du 26 novembre 2018, une sommation visant la clause résolutoire du bail, le mettant en demeure d’occuper personnellement les locaux et de faire cesser leur occupation par d’autres tatoueurs en contravention avec les stipulations du bail, a été délivrée, à titre conservatoire, par Mme [P] à M. [O]. Le 9 mai 2019, Me [F], huissier de justice, désigné par ordonnance du juge de la mise en état du 29 avril 2009, à la requête de Mme [P], s’est rendu sur les lieux afin d’en vérifier les conditions d’occupation et d’exploitation.
Par jugement du 06 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– dit que la demande de M. [G] [O] en contestation de la validité de l’acte dénommé « congé portant dénégation du statut des baux commerciaux » signifié le 28 juillet 2015 à la requête de Mme [X] [P] est irrecevable, car prescrite ;
– débouté M. [G] [O] de l’ensemble de ses demandes ;
– dit que le bail du 1er juillet 2006 a pris fin le 30 juin 2015 à 24h00, par l’effet de la demande de renouvellement délivrée à Mme [X] [P] par M. [G] [O] ;
– dit que M. [G] [O] est depuis le 1er juillet 2015 occupant sans droit ni titre des locaux appartenant à Mme [X] [P] situés [Adresse 2] à [Localité 6];
– ordonné à M. [G] [O] de quitter les lieux dans le délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision ;
– dit qu’à défaut de départ volontaire, M. [G] [O] pourra être expulsé à la requête de Mme [X] [P], ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier ;
– dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
– condamné M. [G] [O] aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais du procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé le 9 mai 2019 sur autorisation du Président;
– condamné M. [O] à payer à Mme [P] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 28 juin 2021, M. [G] [O] a interjeté appel partiel du jugement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 27 juillet 2021, M. [G] [O], appelant, demande à la Cour de :
– dire et juger M. [O] bien fondé en son appel ;
En conséquence,
– dire et juger mal fondées les demandes de Mme [P] et les rejeter ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit que la demande Monsieur [G] [O] en contestation de la validité de l’acte dénommé « congé portant dénégation du statut des baux commerciaux » signifié le 28 juillet 2015 à la requête de Mme [X] [P] est irrecevable, car prescrite ;
– débouté Monsieur [G] [O] de l’ensemble de ses demandes ;
– dit que le bail du 1er juillet 2006 a pris fin le 30 juin 2015 à 24h00, par l’effet de la demande de renouvellement délivrée à Mme [X] [P] la demande de M. [G] [O] ;
– dit que M. [G] [O] est depuis le 1er juillet 2015 occupant sans droit ni titre des locaux appartenant à Mme [X] [P] situés [Adresse 2] à [Localité 6] ;
– ordonné à M. [G] [O] de quitter les lieux dans le délai de quatre mois à compter de la signification de la décision ;
– dit qu’à défaut de départ volontaire, M. [G] [O] pourra être expulsé à la requête de Mme [X] [P], ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier ;
– dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
– condamné M. [G] [O] aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais du procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé le 9 mai 2019 sur autorisation du Président de ce tribunal ;
– condamné M. [O] à payer à Mme [P] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau,
– constater que Mme [P] ne justifie de sa qualité de bailleur en vertu d’aucun titre ;
– constater que le congé délivré le 20 juillet 2015 s’analyse en un congé et non en une rétractation;
– constater le défaut d’indication dans le congé délivré le 20 juillet 2015 du délai de recours de 2 ans ainsi que la juridiction devant laquelle ce recours devra être porté ;
– dire et juger que cette omission a causé un important préjudice à Monsieur [O] dans la mesure où celui-ci n’a pu exercer aucun recours dans le délai imparti et risque de ce fait de subir la perte totale et sans aucune compensation financière de son fonds de commerce ;
– dire et juger que le motif tiré de la dénégation du statut des baux commerciaux résultant de l’absence d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés est erroné ; M. [O] étant régulièrement inscrit à la maison des artistes et exploitant sans interruption une activité d’artiste tatoueur ;
Et en conséquence,
– déclarer nul et nul effet le congé délivré le 20 juillet 2015 pour le 31 janvier 2016 par Madame [P] à Monsieur [O] ;
– dire et juger que le bail s’est poursuivi par tacite reconduction ;
– dire et juger que Mme [P] a manqué à son obligation de bonne foi résultant de 1104 du code civil dans la mesure où elle a volontairement et dans le seul but d’empêcher Monsieur [O] d’exercer ses droits en sa qualité de preneur, délivré un congé dont elle connaissait la nullité en raison du défaut de motivation et a attendu l’expiration du délai de deux ans afin de s’en prévaloir et empêcher ainsi M. [O] d’y porter toute contestation;
– condamner en conséquence Mme [P] à payer à Monsieur [O] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– condamner Mme [P] à payer à M. [O] la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens outre la coût de la présente assignation ainsi que les frais de signification du jugement à intevenir.
Par conclusions déposées le 21 octobre 2021, Mme [X] [P], intimée, demande à la Cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit la demande de Monsieur [O] en contestation de validité de l’acte dénommé « Congé portant dénégation du statut des baux commerciaux » signifié le 28 mai 2015 à la requête de Madame [X] [P], irrecevable comme prescrite ;
Subsidiairement,
– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail et rappelée à la sommation délivrée le 26 novembre 2018.
Encore plus subsidiairement,
– prononcer la résiliation du bail aux torts et griefs de Monsieur [O] ;
Statuant à nouveau sur l’expulsion et faisant droit à l’appel incident de Madame [P] ; – ordonner l’expulsion de Monsieur [O] passé la signification de l’arrêt à intervenir, et ce avec le concours de la force publique s’il y a lieu ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [O] de l’ensemble de ses demandes ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Monsieur [O] à 3.000 € d’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens de première instance ;
– condamner Monsieur [O] à payer à Madame [P] la somme de 4.000 € en application de l’article 700 au titre des frais irrépétibles d’appel ;
– le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Antoine Attias, avocat aux offres de droit.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la recevabilité de l’action en nullité du congé délivré le 28 juillet 2015
M. [O] ayant fait délivrer à la bailleresse, par acte extrajudiciaire des 5 et 7 janvier 2015, une demande de renouvellement du bail commercial à compter du 1er juillet 2015, par courrier du 23 mars 2015, Mme [P] a acquiescé au principe du renouvellement, mais les parties ne sont pas parvenues à un accord sur le montant du loyer du bail renouvelé.
Le 28 juillet 2015, Mme [P] a fait signifier à M. [O] un acte intitulé ‘congé dénégation du statut des baux commerciaux’ aux termes duquel elle lui donne congé pour le 31 janvier 2016 et lui dénie tout droit au renouvellement et au paiement d’une indemnité d’éviction au motif qu’il n’est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés ‘à la date des présentes’.
Contrairement à ce qu’indique le jugement déféré, que Mme [P] approuve sur ce point, dès lors que cet acte est intitulé congé et qu’il est donné pour une date distincte de la date pour laquelle le locataire avait sollicité le renouvellement du bail, l’acte délivré le 28 juillet 2015 ne peut s’analyser comme une rétractation de l’accord de principe donné par la bailleresse à la demande de renouvellement formé par le locataire les 5 et 7 janvier 2015 pour le 1er juillet 2015 . Cette demande de renouvellement acceptée sur le principe a donc fait courir un nouveau bail de neuf ans à compter du 1er juillet 2015 pour se terminer le 30 juin 2024 . Il en résulte que l’acte signifié le 28 juillet 2015 par la bailleresse doit s’analyser comme un congé délivré pour le 31 janvier 2016 bien que cette date erronée ne corresponde pas à la date d’expiration du bail renouvelé.
La renonciation à un droit doit être expresse et dépourvue d’équivoque. Elle ne peut résulter du défaut de réponse au courrier de contestation du congé adressé le 4 septembre 2015 par le conseil du locataire, de l’absence de mise en demeure de quitter les lieux en janvier 2016, ni de l’envoi de quittances de loyer, de sorte que l’appelant n’est pas fondé à soutenir qu’il a pu légitimement penser à une renonciation de Mme [P] au bénéfice du congé.
Selon l’article L. 145-60 du code de commerce, les actions exercées en vertu du chapitre de ce code relatif aux baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
Or, M. [O] a fait assigner le 13 août 2018 Mme [P] devant le tribunal judiciaire aux fins de voir déclarer nul le congé délivré le 28 juillet 2015 pour le 31 janvier 2016, en se prévalant notamment du non respect préjudiciable des conditions de forme posées par l’article L. 145-9 alinéa 5 du code de commerce et du non respect de l’article L. 145-2 6° de ce code accordant le bénéfice du statut des baux commerciaux aux artistes sous certaines conditions. C’est donc à juste titre que le jugement déféré a déclaré irrecevable comme prescrite cette action en nullité fondée sur les dispositions relatives au statut des baux commerciaux initiée plus de deux ans après la date d’effet du congé litigieux.
Dès lors que la demande aux fins de voir déclarer nul le congé délivré le 28 juillet 2015 est prescrite, cet acte doit produire ses effets nonobstant l’existence d’une irrégularité formelle ou de fond et la circonstance qu’il ait été délivré pour une date erronée. C’est donc à juste titre également que le jugement déféré a donné effet à ce congé et ordonné l’expulsion du locataire. Il sera cependant infirmé en ce qu’il a fixé la fin du bail au 1er juillet 2015, celle-ci devant être fixée à la date d’effet du congé, soit le 31 janvier 2016, et en ce qu’il a donné un délai de quatre mois pour libérer les lieux, compte tenu de la durée de la procédure ce délai sera ramené à deux mois.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [O]
A l’appui de sa demande aux fins de voir condamner Mme [P] à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts, M. [O] fait notamment valoir que, de mauvaise foi, elle lui a délivré un congé pour un motif erroné sans préciser les délais de recours pour le contester afin d’éviter d’avoir à payer une indemnité d’éviction.
De son côté, Mme [P] conteste l’affirmation selon laquelle elle n’aurait pu ignorer le caractère erroné du motif de son congé et la nullité de celui-ci. Elle fait valoir que M. [O] ne justifie pas de son immatriculation à la date de délivrance du congé alors qu’il sous loue les locaux à M. [E], lequel apparaît véritable propriétaire aux yeux des tiers ainsi qu’à différents sous-locataires.
Selon l’article 2274 du code civil ‘la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver’.
Il est constant que le congé litigieux est irrégulier dans la forme en ce qu’il ne respecte pas l’obligation de reproduire les dispositions de l’article L. 145-9 alinéa 5 du code de commerce mais il ne peut se déduire de cette irrégularité la volonté de la bailleresse d’induire en erreur son locataire, lequel venait, de son côté, d’exercer son droit de solliciter le renouvellement du bail commercial.
S’agissant du motif du congé fondé sur le défaut d’immatriculation du preneur au registre du commerce, il n’est pas établi que Mme [P] aurait su que son locataire était dispensé de cette formalité pour être admis à la caisse de sécurité sociale de la maison des artistes, et ce, d’autant moins que pouvaient prêter à confusion la désignation du locataire dans le bail dérogatoire initial et dans l’avenant du 19 novembre 2014, soit : ‘M. [O] [G] (artiste peintre &Boday Paint) né le (…) Représentant l’enseigne (GRAPHIDERME) immatriculée sous le N° SIRET 349096313 code activité 9239, dont le siège social est à [Adresse 8]. Domicilié au [Adresse 1]’ ainsi que la lettre de l’avocat de M. [O] du 15 juin 2015 indiquant que M. [O] exploitant sous l’enseigne GRAPHIDERME est ‘inscrit au RCS sous le numéro 34096313″ et a son ‘siège social’ à Orange. Par ailleurs, la question de l’immatriculation du locataire pour l’établissement parisien en cause pouvait légitimement se poser puisqu’il résulte du constat d’huissier et des nombreuses pièces produites que d’autres tatoueurs exerçaient dans les locaux loués, un extrait de la publication de l’une d’entre eux précisant d’ailleurs ‘[D] [S] partage son temps entre son propre shop Lillois et LA BÊTE HUMAINE, l’un des plus prestigieux salon de tatouage de [Localité 7] fondé par son mentor [G] [O] dans [Localité 6]. Elle vous y attend aux côté du nouveau maître des lieux: [Y] [E], autre grand nom du tatouage parisien’ et que M. [O] avait, pour sa part, son domicile et ses activités dans la commune de [Localité 5] (Salon de tatouage, candidature aux élections municipales, siège social de la SCI Chadasaygas qu’il détient avec son épouse …).
Ainsi la démonstration n’est pas faite que le congé litigieux aurait été délivré de façon abusive ou de mauvaise foi. Au surplus, M. [O], n’établit pas le préjudice dont il demande la réparation. En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘constater’ ‘ dire et juger’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués. Il est notamment inopérant de demander à la Cour de constater que Mme [P] ne justifierait pas de sa qualité de bailleur, puisqu’aucune fin de non recevoir n’a été soulevée de ce chef et puisqu’en tout état de cause, M. [O] n’a pas été troublé dans la jouissance des locaux donnés à bail par Mme [P] qui produit son titre de propriété.
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [O] aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance.
Il sera condamné aux dépens de la procédure d’appel ainsi qu’à payer à Mme [P] la somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel. Il sera débouté de sa demande fondée sur ce texte.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 6 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (RG N° 18/10410), sauf en ce qu’il a :
– dit que le bail du 1er juillet 2006 a pris fin le 30 juin 2015 à 24h00, par l’effet de la demande de renouvellement délivrée à Mme [X] [P] la demande de M. [G] [O] ;
– dit que M. [G] [O] est depuis le 1er juillet 2015 occupant sans droit ni titre des locaux appartenant à Mme [X] [P] situés [Adresse 2] à [Localité 6] ;
– ordonné à M. [G] [O] de quitter les lieux dans le délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision ;
L’infirme sur ces points,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le bail du 1er juillet 2006 renouvelé le 1er juillet 2015 a pris fin le 31 janvier 2016 par l’effet du congé délivré le 28 juillet 2015 à M. [G] [O] à la demande de Mme [X] [P] ;
Dit que M. [G] [O] est depuis le 1er février 2016 occupant sans droit ni titre des locaux appartenant à Mme [X] [P] situés [Adresse 2] à [Localité 6];
Ordonne à M. [G] [O] de libérer les lieux dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision ;
Condamne M. [G] [O] à payer à Mme [X] [P] une somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
Déboute M. [G] [O] de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne M. [G] [O] aux dépens de la procédure d’appel dont distraction au profit de Maître Antoine ATTIAS, avocat.
La greffière, La présidente,