Affaire Laguiole : dénigrement et tromperie dans la coutellerie

Notez ce point juridique

Le fait de se présenter comme représentante de la marque Laguiole est en soi mensonger et source de confusion car la marque Laguiole n’existe tout simplement plus depuis son annulation par les juridictions.

Si la présentation sous le terme générique Laguiole ne peut être interdite, il n’en demeure pas moins que le fait de se présenter sous le terme Laguiole sans autre élément de différenciation, ajouté au discours d’une garantie contre la contrefaçon était susceptible de conforter le client dans la croyance erronée quant à l’identité, les droits et les qualités du professionnel au sens de l’article L. 121-1 -2° du code de la consommation.

S’arroger un caractère « officiel » peut laisser croire faussement à une légitimité particulière de représentation d’une marque unique donnée par une personne habilitée et authentifiant qui dénie a contrario toute légitimité aux autres commerçants et même à ceux fabricant localement et vendant des couteaux originaires de Laguiole parmi lesquels les coutelleries Durand.

En la cause, il a été interdit à la La coutellerie Honoré Durand (couteaux Laguiole) de poursuivre toute pratique dénigrante et trompeuse envers des distributeurs de couteaux de type « Laguiole » produits en Chine et au Pakistan lors des visites ouvertes au public de ses ateliers et sur tout autre support de communication (blog, vidéo, réseaux sociaux…)

La coutellerie Honoré Durand n’est pas fondée en effet à présenter sa concurrente comme se prévalant faussement de la qualité de fabricante de couteaux artisanaux, alors que la société Bee Design se présente seulement, comme un distributeur de couteaux artisanaux, et alors que les produits qu’elle distribue ne sont pas majoritairement issus d’une fabrication industrielle.

Ces allégations mensongères de la coutellerie Honoré Durand ont été de nature à dénigrer sa concurrente et à persuader le consommateur raisonnablement attentif et avisé de la légitimité exclusive des produits qu’elle-même produisait et vendait.

Elles sont susceptibles d’avoir modifié substantiellement le comportement économique du consommateur, convaincu de ne pouvoir se procurer qu’auprès de la coutellerie Honoré Durand un couteau artisanal Laguiole.

En trompant ainsi le consommateur, la société Honoré Durand a réalisé un détournement de clientèle et s’est assurée un avantage concurrentiel indû au préjudice de sa concurrente.

Pour rappel, l’annulation des marques Laguiole ont été rendue le 5 avril 2017 par la Cour de justice de l’union européenne et le 5 mars 2019 par la cour d’appel de Paris.

L’article L.121-1 du code de la consommation (dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2016-article L.120-1 dans son ancienne rédaction) dispose que « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. (‘)

Constituent en particulier des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7».

Au sens de l’article L.121-2 (dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 25 août 2021) :

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : (‘)

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

a)’ L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b)’ Les caractéristiques essentielles du bien ou du service à savoir :

ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires son origine, (‘)

f)’ L’ identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel (‘)

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n’est pas clairement identifiable ».

L’article L.121-4 (dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2020) énonce que :

« Sont réputées trompeuses au sens de l’article L.121-1 et – 3, les pratiques commerciales qui ont pour objet : (‘)

2° D’afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire ;

17° De communiquer des informations matériellement inexactes sur les conditions de marché ou sur la possibilité de trouver un produit ou un service, dans le but d’inciter le consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions normales de marché ; »

Résumé de l’affaire

Résumé des faits de l’affaire

Contexte et parties impliquées :
– La société GROUPE GEO, spécialisée dans les solutions d’isolation des bâtiments, détient un brevet français n° FR 1 859 278 pour un dispositif de fixation de volets.
– Ce brevet est commercialisé par sa filiale, GEO TECHNIC.
– La société SIMADIS a déposé une opposition contre ce brevet.
– Les sociétés GEO accusent la société BSM NEGOCE de contrefaçon de ce brevet avec son produit « Décale volet ».

Procédures judiciaires :
1. Saisie-contrefaçon :
– Le 4 mars 2022, les sociétés GEO ont obtenu une ordonnance pour une saisie-contrefaçon au siège de BSM NEGOCE.
– La saisie a eu lieu le 18 mars 2022, et plusieurs pièces ont été placées sous séquestre.

2. Assignation en contrefaçon :
– Le 14 avril 2022, les sociétés GEO ont assigné SIMADIS et BSM NEGOCE en contrefaçon devant le tribunal judiciaire de Paris.

3. Demande de référé par BSM NEGOCE :
– Le 15 avril 2022, BSM NEGOCE a assigné les sociétés GEO en référé pour maintenir le séquestre jusqu’à la décision sur l’opposition de SIMADIS et pour organiser un tri des éléments saisis afin de protéger les informations confidentielles.

4. Décision du juge des référés :
– Le 12 janvier 2023, le juge des référés a décidé de maintenir le séquestre jusqu’à l’expiration du délai d’appel et a ordonné que les documents saisis soient expurgés des données confidentielles avant leur remise aux sociétés GEO.

5. Appel de BSM NEGOCE :
– Le 3 février 2023, BSM NEGOCE a interjeté appel de cette décision.

Demandes des parties en appel :
– BSM NEGOCE :
– Demande de surseoir à statuer sur la communication des pièces saisies jusqu’à la décision définitive sur la validité de la saisie-contrefaçon.
– Demande de modification de l’ordonnance de saisie-contrefaçon pour inclure des mesures de protection des informations confidentielles.
– Condamnation des sociétés GEO à payer 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.

– Sociétés GEO :
– Rejet de la demande de sursis à statuer et de la demande d’infirmation de l’ordonnance de référé.
– Rejet de la demande de modification de l’ordonnance de saisie-contrefaçon.
– Condamnation de BSM NEGOCE aux dépens de l’instance et au paiement des dépenses non couvertes par les dépens au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statut actuel :
– L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024, et l’affaire est en cours d’examen par la cour d’appel.

Les points essentiels

Renvoi aux conclusions écrites des parties

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Demande de sursis à statuer de la société BSM NEGOCE

La société BSM NEGOCE demande un sursis à statuer, arguant que l’évolution de la procédure justifie cette mesure pour une bonne administration de la justice. Elle soutient que la décision du tribunal judiciaire de Paris sur la nullité de la saisie-contrefaçon pourrait influencer le litige actuel. BSM NEGOCE affirme que le sursis n’entraînera aucun préjudice pour les sociétés GEO et que la validité du brevet est incertaine, justifiant ainsi la protection de ses secrets d’affaires.

Opposition des sociétés GEO à la demande de sursis

Les sociétés GROUPE GEO et GEO TECHNIC s’opposent à la demande de sursis, contestant sa recevabilité et son bien-fondé. Elles soutiennent que la demande est nouvelle en cause d’appel et vise à retarder la communication de documents nécessaires à l’action en contrefaçon. Elles affirment que la demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon n’est pas fondée et que l’avis d’instruction de l’INPI n’a pas été dissimulé de manière déloyale.

Recevabilité de la demande de sursis

Selon l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre de nouvelles prétentions en appel sauf exceptions. La société SIMADIS a soulevé la nullité des opérations de saisie-contrefaçon après l’ordonnance de référé-rétractation, ce qui constitue un fait nouveau permettant à BSM NEGOCE de s’en prévaloir. La demande de sursis à statuer de BSM NEGOCE est donc recevable.

Bien-fondé de la demande de sursis

Les juges du fond apprécient discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer. En l’espèce, le moyen de nullité invoqué par BSM NEGOCE et SIMADIS, tiré de la déloyauté des sociétés GEO, n’apparaît pas fondé. Les sociétés GEO ont mentionné l’existence de l’avis d’instruction de l’INPI dans leur requête. L’intérêt d’une bonne administration de la justice ne commande pas de faire droit à la demande de sursis à statuer, qui sera donc rejetée.

Protection du secret des affaires

BSM NEGOCE critique la décision d’ordonner la communication des documents saisis expurgés des données d’identification de ses clients, sans mettre en œuvre les mesures préalables prévues par l’article R.153-3 du code de commerce. Les sociétés GEO soutiennent que le juge des référés a correctement appliqué l’article R 153-7 du code de commerce, considérant que seuls certains éléments des pièces saisies sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires.

Application des articles du code de commerce

L’article R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle et les articles R. 153-3 à R. 153-7 du code de commerce encadrent la protection du secret des affaires. En l’espèce, l’huissier a saisi des documents au siège de BSM NEGOCE, placés sous séquestre provisoire. Le juge des référés a estimé que les données d’identification des clients avaient le caractère de secrets d’affaires et a autorisé la levée du séquestre sous forme de copies expurgées.

Confirmation de l’ordonnance

Le juge des référés n’a pas méconnu les règles encadrant la levée du séquestre et la protection du secret des affaires. L’ordonnance sera confirmée, et la société BSM NEGOCE, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel. La demande des sociétés GEO au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne sera pas accordée, car elle n’est pas chiffrée dans le dispositif des écritures.

Les montants alloués dans cette affaire: – SAS La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand : 5 594,09 € en dommages et intérêts
– SAS La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand : 1 000 € d’astreinte par infraction constatée
– SAS La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand et La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand : 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– SAS La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand et La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand : entiers dépens de première instance et d’appel

Réglementation applicable

– Article L.121-1 du code de la consommation
– Article L.121-2 du code de la consommation
– Article L.121-4 du code de la consommation

Article L.121-1 du code de la consommation:
Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. Constituent en particulier des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7.

Article L.121-2 du code de la consommation:
Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires son origine,
f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel
3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable.

Article L.121-4 du code de la consommation:
Sont réputées trompeuses au sens de l’article L.121-1 et – 3, les pratiques commerciales qui ont pour objet :
2° D’afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire ;
17° De communiquer des informations matériellement inexactes sur les conditions de marché ou sur la possibilité de trouver un produit ou un service, dans le but d’inciter le consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions normales de marché.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Christine AUCHE HEDOU
– Me Jacques Henri AUCHE
– Me Marie FABREGAT
– Me [S] [C]
– Me [B] [Z]
– Me Eric NEGRE
– Me Marie Camille PEPRATX NEGRE
– Me Nicolas MORVILLIERS
– Me Myriam FORT
– Mme Danielle DEMONT
– Mme Anne-Claire BOURDON
– M. Thibault GRAFFIN
– Mme Audrey VALERO

Mots clefs associés & définitions

– Motifs
– Article L.121-1 du code de la consommation
– Pratiques commerciales déloyales
– Pratiques commerciales trompeuses
– Pratiques commerciales agressives
– Article L.121-2
– Allégations fausses
– Caractéristiques essentielles du bien ou du service
– Identité, qualités, aptitudes et droits du professionnel
– Article L.121-4
Affichage de certificat, label de qualité sans autorisation
– Communication d’informations matériellement inexactes
– Dénigrement
– Visites dans les ateliers
– Discours commercial trompeur
– Qualités substantielles du produit
– Détournement de clientèle
– Préjudice économique
– Préjudice moral
– Dommages et intérêts
– Astreinte
– Suppression d’allégations dénigrantes
Enseigne « La Coutellerie de Laguiole »
– Frais irrépétibles
– Article 700 du code de procédure civile
– Motifs: Raisons ou justifications pour agir ou prendre une décision.
– Article L.121-1 du code de la consommation: Texte de loi régissant les pratiques commerciales envers les consommateurs.
– Pratiques commerciales déloyales: Actions contraires à l’éthique ou à la loyauté dans le cadre des transactions commerciales.
– Pratiques commerciales trompeuses: Actions visant à induire en erreur les consommateurs sur les caractéristiques d’un produit ou d’un service.
– Pratiques commerciales agressives: Actions visant à contraindre ou influencer de manière indue les consommateurs à acheter un produit ou un service.
– Article L.121-2: Texte de loi complémentaire à l’article L.121-1 du code de la consommation.
– Allégations fausses: Déclarations ou affirmations mensongères concernant un produit ou un service.
– Caractéristiques essentielles du bien ou du service: Informations fondamentales sur les caractéristiques d’un produit ou d’un service.
– Identité, qualités, aptitudes et droits du professionnel: Informations sur le professionnel ou l’entreprise proposant un produit ou un service.
– Article L.121-4: Texte de loi complémentaire aux articles L.121-1 et L.121-2 du code de la consommation.
– Affichage de certificat, label de qualité sans autorisation: Utilisation frauduleuse de certifications ou labels de qualité sans autorisation.
– Communication d’informations matériellement inexactes: Transmission de données fausses ou erronées.
– Dénigrement: Action de déprécier ou discréditer un concurrent ou ses produits.
– Visites dans les ateliers: Inspections ou visites des lieux de production d’un produit.
– Discours commercial trompeur: Communication mensongère ou trompeuse dans le cadre d’une vente.
– Qualités substantielles du produit: Caractéristiques essentielles ou principales d’un produit.
– Détournement de clientèle: Action visant à attirer les clients d’un concurrent de manière déloyale.
– Préjudice économique: Dommages financiers subis par une personne ou une entreprise.
– Préjudice moral: Souffrance psychologique ou atteinte à la réputation d’une personne.
– Dommages et intérêts: Réparation financière accordée à une victime pour compenser un préjudice subi.
– Astreinte: Sanction financière imposée en cas de non-respect d’une décision de justice.
– Suppression d’allégations dénigrantes: Retrait d’affirmations dépréciatives ou diffamatoires.
– Enseigne « La Coutellerie de Laguiole »: Nom commercial d’une entreprise spécialisée dans la coutellerie.
– Frais irrépétibles: Frais engagés par une partie lors d’une procédure judiciaire et non récupérables.
– Article 700 du code de procédure civile: Texte de loi régissant l’attribution des frais de justice entre les parties.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 juin 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG n° 22/04628
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 04 JUIN 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/04628 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PRJ2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 21 JUIN 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ

N° RG 2020 001574

APPELANTES :

Société BEE DESIGN représentée en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Marie FABREGAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

SELAS M.J.S. PARTNERS prise en la personne de Maître [S] [C] ès qualités de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la SASU BEE DESIGN désigné par Jugement du Tribunal de Commerce de Lille-Métropole 17 Janvier 2022

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Marie FABREGAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

SELAS BMA ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES représentée par Me [B] [Z] ès qualités d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SASU BEE DESIGN désigné par jugement du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 17 janvier 2022

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Marie FABREGAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEES :

SAS COUTELLERIE DE LAGUIOLE CHRISTOPHE DURAND prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me Eric NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Nicolas MORVILLIERS, avocat au barreau de TOULOUSE substituant Me Myriam FORT, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

SARL COUTELLERIE DE LAGUIOLE HONORE DURAND prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Eric NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Nicolas MORVILLIERS, avocat au barreau de TOULOUSE substituant Me Myriam FORT, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 02 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand se présente comme une ‘Maison’ fondée en 1987-1988, exploitant depuis 2000 sous la forme juridique de la SARL, deux points de vente de couteaux et des ateliers de fabrication animés par sept couteliers dont certains primés notamment Meilleur ouvrier de France «’Maître artisan coutelier’».

La SAS La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand est dédiée à la valorisation de l’image de la société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand sur internet et à la vente en ligne des produits fabriqués par cette dernière sur son site www.layole.com.

La SARL Bee design créée en 2009, se présente comme commercialisant (et non fabricant), via son site internet (www.laguiole-attitude.com), une large gamme de couteaux de type laguiole de fabrication principalement artisanale française (Laguiole, Thiers ou Aveyron), ainsi que divers produits d’art de la table, de coutellerie, vaisselle, couverts et accessoires.

Elle est également membre de la Fédération française de la coutellerie, association créée en 1999 de représentation et de défense de la coutellerie française. Elle expose avoir travaillé avec la fonderie de [Localité 2], coutellerie haut de gamme comptant trois Meilleurs ouvriers de France.

Plusieurs procédures judiciaires, conduites devant le tribunal de commerce de Rodez et la cour d’appel de Montpellier, ont déjà opposé directement ces sociétés ayant des activités concurrentes.

Par un premier jugement en date du 2 mai 2017, le tribunal de commerce de Rodez a rendu la décision suivante entre les mêmes parties :

– dit que la présentation faite par Bee Design, que ce soit sur son site Internet ou par d’autres moyens de communication, caractérise des pratiques commerciales trompeuses comme étant de nature à induire en erreur le public sur les qualités substantielles de ses produits, leur origine et leur mode de fabrication, ainsi que sur les droits et aptitudes du professionnel,

– dit que ces pratiques trompeuses sont constitutives de concurrence déloyale au détriment des Coutelleries de [Localité 2] puisque le non-respect de la législation applicable permet à Bee Design de profiter d’un avantage concurrentiel indu,

– condamné la société Bee Design à cesser, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, toute pratique commerciale trompeuse sur son site internet ou tout autre support de communication (blog,brochure,etc.) et notamment :

– dit que la société Bee Design ne pourra plus utiliser les expressions «boutique officielle [Localité 2] », « site officiel [Localité 2] », « produit conforme de qualité »,« protège de la contrefaçon », « coutellerie artisanale»,

– et condamné la société Bee Design à verser à la Coutellerie de Laguiole Honoré Durand la somme d’un euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour perte subie et manque à gagner, et la somme de un euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour dépréciation de son image de marque.

Par arrêt contradictoire du 15 mai 2020, la cour d’appel de ce siège a partiellement infirmé ce jugement :

– débouté les sociétés « La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand » et « La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand » de leurs demandes tendant à ce qu’il soit fait interdiction à la société Bee design d’utiliser les expressions, « produit conforme de qualité », « coutellerie » et « coutellerie artisanale »;

– condamné la Société Bee design à payer à la société La coutellerie de Laguiole Christophe Durand la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts et à payer à la société La coutellerie de Laguiole Honoré Durand la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts ;

– dit que la société Bee design ne pourra plus utiliser l’expression « Boutique en ligne officielle de la marque [Localité 2] » ;

– dit que la société Bee design ne pourra plus se présenter sous l’expression générique « [Localité 2] » ;

– et ordonné à la société Bee design de se conformer aux mesures d’interdiction ci-dessus confirmées ou ordonnées dans un délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt sous astreinte.

Par jugement du 16 février 2021, confirmé en appel, le juge de l’exécution a ordonné la liquidation de l’astreinte provisoire fixée par l’arrêt à la somme de 92 000 euros pour une période d’inexécution de 92 jours calendaires consécutifs, du 31 août 2020 au 30 novembre 2020 inclus, et condamné la société Bee Design à payer aux sociétés « La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand » et « La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand » ce montant.

Par ordonnance du 18 décembre 2019, confirmée par arrêt du 8 avril 2021, le président du tribunal de commerce de Rodez, statuant sur requête de la société Bee Design, a désigné un huissier de justice afin de constater des actes de concurrence déloyale que celle-ci imputait aux sociétés Coutelleries de Laguiole Honoré Durand et Christophe Durand. Le 3 janvier 2020, il a été dressé ce procès-verbal de constat.

Le 4 février 2020, la société Bee Design a mis en demeure les sociétés La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand et La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand (ci-après les sociétés Durand) de cesser tout dénigrement et pratiques commerciales trompeuses lors des visites de leur musée ainsi que sur leur site internet.

Puis par exploit du 24 août 2020, la société Bee Design a assigné les Coutelleries de [Localité 2].

Par ailleurs, par jugement en date du 17 janvier 2022, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a placé la société Bee Design en redressement judiciaire, et désigné la société MJS Partners, en la personne de M. [S] [C], en qualité de mandataire judiciaire et la société BMA Administrateurs Judiciaires, en la personne de M. [B] [Z], en qualité d’administrateur judiciairede la société Bee Design.

Il est constant qu’au moment des précédents litiges, et du présent, aucune indication géographique protégée à l’usage du terme « laguiole » qui était considéré comme un terme générique, recouvrant des couteaux d’une certaine forme.

Mais après un refus par l’INPI du dossier qui avait été monté en 2013 par des entreprises du territoire de [Localité 2], sur demande du 24 novembre 2020, l’INPI a homologué le 23 septembre 2022 l’indication géographique «’couteau Laguiole’» dont l’organisme de défense et de gestion est l’association Couteau Laguiole Aubrac Auvergne (CLAA) sise à [Localité 10].

Celle-ci se présente comme créée en 2015, et constituée d’une quarantaine de professionnels laguiolais et thiernois impliqués dans la fabrication du couteau [Localité 2].

La zone géographique comprend 94 communes de l’Aveyron, de la Lozère, du Cantal, du Puy-de-Dôme, de La Loire et de l’Allier : toute entreprise de cette zone qui s’engage à respecter le cahier des charges peut rejoindre l’indication géographique.

Par jugement contradictoire du 21 juin 2022 (le jugement déféré), le tribunal de commerce de Rodez a :

– débouté’la société Bee Design de toutes ses demandes ;

– et l’a condamnée à payer la somme de 5’000 euros, soit 2’500 euros à la société Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, et 2’500 euros à la société Coutellerie Laguiole Christophe Durand, au titre de l’article 700 du code de procédure civile’outre les dépens.

Par déclaration du 5 septembre 2022, la SARL Bee Design, et la SELAS MJS Partners, en la personne de M. [W] et la SELAS BMA, en la personne de M. [Z], ès qualités, ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 5 décembre 2022, les appelants demandent à la cour, au visa des articles L.121-1 et suivants du code de la consommation et de l’article 1240 du code civil :

à titre principal,

– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

statuant à nouveau,

– d’interdire à la société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, sous astreinte de 2’000 euros par jour de retard à compter de 48 heures suivant la signification du jugement (sic) à intervenir, de poursuivre toute pratique dénigrante et trompeuse lors des visites ouvertes au public de ses ateliers à [Localité 2] ou en tout autre lieu et sur tout autre support de communication (blog, vidéo, réseaux sociaux etc), et de se présenter sous l’expression «’La Coutellerie de Laguiole’»’;

– d’ordonner à la société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, sous la même astreinte et aux frais de cette dernière, la destruction, sous contrôle d’huissier, de tout support comportant les propos dénigrants et trompeurs et notamment,

– la pancarte reproduisant la page d’accueil du site Laguiole-Altitude intitulée «’l’ARNAQUE sur le NET’!’»,

– le panneau «’COPIE DE COUTEAU LAGUIOLE’» présent dans l’enceinte de la boutique principale LA COUTELLERIE DE LAGUIOLE,

– d’ordonner à la société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir et aux frais de cette dernière, de modifier, sous contrôle d’huissier, son enseigne «’LA COUTELLERIE DE LAGUIOLE’», sur le devant de son bâtiment principal, sur son extrait Kbis et sur tout autre support (documents commerciaux, réseaux sociaux etc)’;

– d’interdire à la société La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de 48 heures suivant la signification de l’arrêt à intervenir, de poursuivre toute pratique dénigrante et trompeuse sur le site internet www.layole.com ou sur tout autre support de communication (blog, vidéo, réseaux sociaux, brochure etc)’;

– d’ordonner à la société La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand, sous la même astreinte la suppression de toutes allégations et discours dénigrants et trompeurs utilisés sur son site internet www.layole.com ou sur tout autre moyen de communication et notamment, la suppression des éléments suivants’:

– vrai couteau de [Localité 2]

– couteau de [Localité 2], Vrai ou faux »

– un véritable couteau de [Localité 2] de tradition ancestrale

– la multitude des «’contrefaçons’»

– le bassin de [Localité 10] s’empare de la fabrication du couteau de [Localité 2]

– une fabrication artisanale de prestige se maintient à [Localité 2], mais à une très faible échelle comparée à la production industrielle massive de [Localité 10]

– « de nos jours, c’est l’invasion par une multitude de produits très bas de gamme, marques [Localité 2] et tous plus authentiques les uns que les autres. De tous ces produits TRES BAS DE GAMME, aucun n’est fabriqué à [Localité 2]. Certains sont fabriques au Pakistan ou en Chine (…) D’autres, fabriqués à [Localité 10] et en Chine par des robots, sont vendus au prix d’environ 15 euros par cubes de 6 couteaux [‘]Ne rêvez plus’! Ce sont de drôles de cadeaux  »

– « éléments qui témoignent de l’authenticité et de la qualité : un certificat en bonne et due forme doit indiquer : le nom du fabricant, ainsi que son adresse et son téléphone et email ‘ cela doit être à [Localité 2] et enfin l’indication qu’il s’agit d’un fabricant : avec les métiers de forgerons et de couteliers.  »

– « exigez l’authenticité, cherchez un fabricant. Consommateurs, ne vous laissez pas abuser par des produits qui n’ont de [Localité 2] que le nom. Pour ne pas acheter n’importe quoi, cherchez un fabricant (nous ne sommes pas nombreux), faites une visite d’atelier, achetez ensuite.’»

– « dans tous les cas, votre véritable couteau de [Localité 2] doit être vendu avec son Bon de Garantie sur lequel figurent : Le nom -L’adresse- Le téléphone du FABRICANT. Pour vous consommateurs, il s’agit de la seule façon de reconnaître la qualité du produit que vous achetez. Lorsque l’on fabrique de la Qualité, on la signe avec son nom, son adresse et son numéro de téléphone. […] Dans le cas contraire, tous les moyens sont bons pour tromper le consommateur.’»

– de condamner la société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand à verser à la société Bee Design les sommes suivantes’:

– 325 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice économique subi ;

– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image subi ;

– condamner la société La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand à verser à la société Bee Design les sommes suivantes’:

– 130 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice économique subi ;

– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image subi ;

– d’ordonner aux Coutelleries de [Localité 2], sous astreinte de 2000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, de communiquer à la société Bee Design leurs chiffres d’affaires respectifs des années 2018, 2019 et celui en cours de 2020 ;

– d’ordonner la publication de l’arrêt à intervenir par extraits que la cour décidera :

– dans trois journaux ou revues, au choix de la société Bee Design et aux frais avancés des Coutelleries de [Localité 2], dans la limite de 5 000 euros HT par insertion et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai de 72 heures suivant la notification du choix des journaux ou revues par la société Bee Design ;

– dans un encart spécifique précédé de la mention «’CONDAMNATION JUDICIAIRE’», de façon visible et lisible (police arial de taille 12) sur la page d’accueil du site internet https://www.layole.com, pendant une durée de trois mois et ce, sous astreinte de 1500 euros par jour de retard passé un délai de 48 heures suivant la signification du jugement à intervenir ;

– autoriser la société Bee Design à publier sur la page d’accueil de son site internet www.[Localité 2]-Attitude.com, pendant une durée de trois mois, les extraits de la décision que la cour décidera ;

– se réserver la liquidation des astreintes ;

– et de condamner les Coutelleries de Laguiole à verser à la société Bee Design la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais d’huissiers des deux procès-verbaux de constat réalisés les 14 octobre 2019 et 3 janvier 2020 sur le site internet layole.com de La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand et dans les ateliers de La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, pour un montant total de 3 l56,88 euros HT, soit 3684,08 euros TTC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance avec distraction.

Par conclusions du 24 février 2023, les SAS La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand et La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand (les sociétés Durand) demandent à la cour, au visa des articles L.121-1 et suivants du code de la consommation et de l’article 1240 du code civil, de’confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé, de débouter en conséquence les sociétés Bee Design, MJS Partners, ès qualités, et BMA de leurs demandes, y ajoutant, de les condamner solidairement à leur verser la somme de 10’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance’avec distraction.

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est datée du 2 avril 2024.

MOTIFS

La société Bee Design et ses administrateurs judiciaires invoquent outre les dispositions de l’article 1240 du code civil sur la faute de droit commun, les fondements textuels suivants.

L’article L.121-1 du code de la consommation (dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2016-article L.120-1 dans son ancienne rédaction) dispose que « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. (‘)

Constituent en particulier des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7».

Au sens de l’article L.121-2 (dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 25 août 2021) :

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : (‘)

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

a)’ L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b)’ Les caractéristiques essentielles du bien ou du service à savoir :

ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires son origine, (‘)

f)’ L’ identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel (‘)

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n’est pas clairement identifiable ».

L’article L.121-4 (dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2020) énonce que :

« Sont réputées trompeuses au sens de l’article L.121-1 et – 3, les pratiques commerciales qui ont pour objet : (‘)

2° D’afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire ;

(‘)

17° De communiquer des informations matériellement inexactes sur les conditions de marché ou sur la possibilité de trouver un produit ou un service, dans le but d’inciter le consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions normales de marché ; »

Sur la tromperie et le dénigrement

La société Bee Design fait valoir les moyens suivants au soutien de leur appel:

– Lors des visites organisées dans ses ateliers, la coutellerie Honoré Durand observe des pratiques anticoncurrentielles en dénigrant systématiquement le site « Laguiole-Attitude », ce qui leur a été signalé le 30 avril 2018 par les dirigeants de la société Fontenille-Pataud, puis au cours de l’été 2019 par l’un de ses salariés, M. [H] [O], le guide au cours de la visite utilisant une pancarte représentant une première page ancienne pour dater de 2014 de ce site et présentant ce dernier comme un exemple de site qui propose le plus de contrefaçons en provenance de Chine, et en conseillant d’acheter les couteaux Laguiole chez des fabricants artisanaux de la commune de [Localité 2] ;

– Elle l’a fait constater le 3 janvier 2020 par procès-verbal huissier sur autorisation du président par ordonnance du 18 décembre 2019 (« le guide : voici un exemple de site qui propose le plus de contrefaçon (Pakistan, Chine). Pas de vrais couteaux artisanaux » en montrant une pancarte de la première page du site « [Localité 2]-attitude »), alors que 80 % des couteaux vendus viennent des ateliers artisanaux de [Localité 10] et d’Aveyron, comme ceux de la société Fontenille-Pataud, et alors que comme retenu dans l’arrêt de la cour de ce siège en date du 15 mai 2020, la société Bee Design n’a jamais affirmé posséder des ateliers de fabrication des couteaux, mais les distribuer ;

– De même sur leur site, les Coutelleries de Laguiole dénigrent leurs concurrents Thiernois dont la production est systématiquement associée à des produits de mauvaise qualité et qui sont présentés au même niveau que des produits industriels chinois, et comme des faux Laguiole , alors que le couteau « Laguiole » ne faisait l’objet à cette époque d’aucune protection ;

– Les propos systématiques et excessifs tenus excèdent clairement le droit d’exercice normal du crédit professionnel dans le cadre d’une concurrence même rude, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal ;

– Le site Internet laguiole.com de la coutellerie Christophe Durand déplore «une multitude de contrefaçons par des produits très bas de gamme dont aucun n’est fabriqué à [Localité 2] « certain sont fabriqués en Chine ou au Pakistan (‘) d’autres, fabriqués à [Localité 10] ou en Chine par des robots » ou encore dans la rubrique consacrée à l’histoire du couteau : « 1930-1987

La gloire du couteau ayant dépassé le plateau de l’Aubrac, la demande augmente. Dans le même temps les deux grandes guerres ont vidé l’Aubrac de leur main-dl’oeuvre masculine et la production locale ne suffit plus.

Le bassin de [Localité 10] s’empare de la fabrication du couteau de [Localité 2]. Une fabrication artisanale de prestige se maintient à [Localité 2], mais à une très faible échelle comparée la production industrielle massive de [Localité 10] » ;

– L’entreprise s’attribue ainsi des qualités spécifiques en laissant entendre que ses concurrents en sont dépourvus ;

– Par ailleurs, le site Internet et des visites des ateliers entretiennent un discours commercial trompeur sur les qualités substantielles du produit en faussant l’équilibre concurrentiel, en procurant au concurrent indélicat un avantage indu, de sorte que le comportement économique du consommateur en est altéré au sens de l’article L. 121-1 du code de la consommation, ce qui est corroboré par les commentaires des visiteurs affichés sur Internet ;

– La coutellerie Honoré Durand laisse faussement croire au consommateur qu’il existerait un cahier des charges, des normes contraignantes de fabrication permettant de garantir la qualité des produits et que ses couteaux seraient les seuls à bénéficier d’une protection spécifique, ce qui détourne le visiteur d’un distributeur non fabricant, et du site Laguiole-Attitude ;

– La coutellerie Honoré Durand se présente comme « la coutellerie de Laguiole», comme si elle était la coutellerie officielle de la ville de [Localité 2] bénéficiant de l’appellation Laguiole, détournant à leur seul profit les consommateurs des autres intervenants du marché dont Bee Design ;

Les coutelleries Durand, intimées, répondent que :

– la demande d’obtention d’une indication géographique a été déposée auprès de l’INPI le 24 novembre 2020 par plusieurs entreprises et artisans du village de [Localité 2] dont la coutellerie Honoré Durand. L’INPI ayant rejeté cette demande, les requérants ont fait appel de cette décision ;

– concernant les visites, la coutellerie de Laguiole Honoré Durand ne cite absolument pas la société Bee Design ni dans son discours, ni sur la fiche présentée au public au cours de cette visite, l’huissier, Me [L], n’ayant pas constaté la présence du nom du site Internet de Bee Design, les avis Internet après la visite n’en font pas davantage mention, de sorte que le public ne termine pas sa visite en ayant une image négative dégradée de la société Bee Design en particulier ; il est seulement fait référence « aux industriels peu scrupuleux du savoir-faire et de la qualité des composants » et on se demande bien pourquoi l’appelante se sent visée par ces commentaires.

Mais s’agissant en premier lieu de la visite du musée, si Me [L] a constaté le 3 janvier 2020 que le guide formulait des considérations générales parfaitement exactes sur les circonstances que la marque Laguiole n’ait pas été déposée et qu’il suffise que le couteau ait cette forme pour qu’on puisse l’appeler « Laguiole », l’huissier instrumentant pour la société Bee Design relate ensuite :

« A cet instant, le guide poursuit ses explications de fabrication des couteaux en brandissant face au public du premier rang une pancarte :

« Alors des pièges, vous en avez sur [Localité 2], c’est certain, mais aussi bien sûr sur Internet. (‘) On a créé un site Internet qui s’appelle Layole.com comme ça se prononce. (‘) Par contre depuis quelque temps, il y a un petit malin qui a aussi créé un site Internet mais lui il est allé Franco parce qu’il s’est carrément auto-proclamé, il a imité la marque [Localité 2] (‘) ce que vous ne voyez pas il l’écrit en plus gros (‘) alors sur son site Internet il a mis des couteaux [Localité 2] (‘) il a même mis des vidéos qui montrent la fabrication de ses couteaux.

Mais la seule chose qu’il a oubliée de préciser c’est que 99 % des produits vendus sur ce site Internet ce sont des produits chinois ou pakistanais (‘) Et en plus regardez ce qu’il ose écrire, « [Localité 2]-Attitude » c’est sa marque, vous garantit un produit conforme de qualité (‘) ça, ce couteau-là avec une lame qui se tord (‘).

Alors que sur ce site Internet vous avez un n° de téléphone vous avez une adresse mail et si vous le contactez, il faut dire que vous seriez intéressés et l’atelier, la forge’ et bien à chaque fois on va vous donner une excuse bidon pour justifier ce qu’ils ont mis, puisqu’en effet on ne peut pas faire visiter quelque chose qui n’existe pas ».

L’huissier décrit par la suite dans son procès-verbal le contenu de la pancarte brandie lors de l’exposé par le guide comportant en gros caractères sur fond blanc « L’ARNAQUE sur le NET ! », pancarte reproduisant une capture d’écran figure clairement la mention du site  » [Localité 2] Attitude ».

Contrairement à ce qui est soutenu par les sociétés Durand intimées, il importe peu à cet égard que cette version du site ne soit plus celle qui était alors utilisée par la société Bee Design.

Or, dans le cadre du litige ayant opposé les mêmes parties, sur les demandes inverses qui avaient été dirigées par les coutelleries Durand contre la société Bee Design, dans son arrêt en date du 15 mai 2020, la cour de ce siège avait déjà retenu en substance les motifs suivants :

« ‘ Il convient d’examiner si les griefs exposés de tromperie sur les droits et aptitudes du professionnel sont établis pour apprécier dans quelle mesure ils ont généré le risque du comportement du consommateur. Les sociétés Durand critiquaient la présentation du site-attitude se présentant comme site officiel de discours selon lequel ceux-ci garantissent un produit conforme de qualité et protégé de la contrefaçon. L’annulation des marques Laguiole ont été rendue le 5 avril 2017 par la Cour de justice de l’union européenne et le 5 mars 2019 par la cour d’appel de Paris.

‘ Ainsi le fait de se présenter comme représentante de la marque [Localité 2] est en soi mensonger et source de confusion.

‘ S’arroger un caractère « officiel » peut laisser croire faussement à une légitimité particulière de représentation d’une marque unique donnée par une personne habilitée et authentifiant qui dénie a contrario toute légitimité aux autres commerçants et même à ceux fabricant localement et vendant des couteaux originaires de [Localité 2] parmi lesquels les coutelleries Durand.

‘ Si la présentation sous le terme générique laguiole ne peut être interdite, il n’en demeure pas moins que le fait de se présenter sous le terme « [Localité 2] » sans autre élément de différenciation, ajouté au discours d’une garantie contre la contrefaçon était susceptible de conforter le client dans la croyance erronée quant à l’identité, les droits et les qualités du professionnel au sens de l’article L. 121-1 -2° du code de la consommation.

‘ la société Bee Design ne laisse pas entendre qu’elle fabriquerait elle-même les couteaux qu’elle distribue. Distribuant les produits de plusieurs artisans couteliers, il n’est pas inexact de mentionner que des couteaux de fabrication artisanale sont en vente sur son site ; qu’en revanche son discours sur la « protection contre la contrefaçon » est trompeur.

‘ Il est susceptible d’induire en erreur le client moyen quant aux qualités des couteaux de type laguiole vendu sur le site ; la société Bee Design justifie par une attestation de son expert-comptable du 10 juin 2015 que 80 % des achats de couteaux commercialisés sont produits en France et 20 % sont des couteaux importés ; qu’elle distribue des couteaux fabriqués à [Localité 10], voire à [Localité 2];

‘ Le critère de distinction entre couteaux industriels et couteaux artisanaux n’est pas explicitée et dans la rubrique « couteau laguiole » il y a des couteaux de fabrication industrielle importée de même dessin que le couteau artisanal, sans donner d’indication au consommateur lui permettant de choisir sans risque d’erreur le produit correspondant à une fabrication artisanale de celui qui ne l’est pas, de sorte que le grief englobant celui de confusion entretenue sur l’origine des couteaux est retenu.

‘ Les allégations étaient susceptibles de convaincre le consommateur raisonnablement attentif et avisé de la légitimité exclusive des produits mis en vente sur le site.

‘ Le discours, comme la présentation axée sur la fabrication artisanale, et la confusion entretenue entre l’identité réelle de l’exploitant du site conjugué à l’attractivité d’articles à moindre coût étaient également de nature à modifier substantiellement le comportement économique du consommateur convaincu de se procurer via ce site un couteau artisanal [Localité 2] à moindre frais, de sorte qu’en trompant ainsi le consommateur la société Bee Design a réalisé un détournement de clientèle il s’est assuré un avantage concurrentiel indû au préjudice des appelantes. »

Cette motivation qui a été retenue contre la société Bee Design par l’arrêt de la cour de ce siège en date du 15 mai 2020, est hélas applicable cette fois à la présentation et au discours de La coutellerie Honoré Durand observés et rapportés par Me [L] dans le cadre de la visite de son musée dirigés cette fois par la société Bee Design.

La coutellerie Honoré Durand n’est pas fondée en effet à présenter sa concurrente comme se prévalant faussement de la qualité de fabricante de couteaux artisanaux, alors que la société Bee Design se présente seulement, comme il est dit supra, comme un distributeur de couteaux artisanaux, et alors que les produits qu’elle distribue ne sont pas majoritairement issus d’une fabrication industrielle.

Ces allégations mensongères de la coutellerie Honoré Durand ont été de nature à dénigrer sa concurrente et à persuader le consommateur raisonnablement attentif et avisé de la légitimité exclusive des produits qu’elle-même produisait et vendait.

Elles sont susceptibles d’avoir modifié substantiellement le comportement économique du consommateur, convaincu de ne pouvoir se procurer qu’auprès de la coutellerie Honoré Durand un couteau artisanal Laguiole.

En trompant ainsi le consommateur, la société Honoré Durand a réalisé un détournement de clientèle et s’est assurée un avantage concurrentiel indû au préjudice de l’appelante.

Le grief sera retenu.

Sur l’évaluation du préjudice qui en est résulté

Selon Bee Design, la société fautive Honoré Durand a réalisé injustement une économie selon elle, de l’ensemble de la production de cette coutellerie qui a pu bénéficier de ce dénigrement et de cette tromperie.

Faute de connaître les chiffres d’affaires des sociétés Durand pour les années 2018 à 2020 permettant d’évaluer le préjudice qu’elle a subi, il convient, toujours selon l’appelante, de tenir compte du nombre de visiteurs des ateliers qui ont été impactés par le discours dénigrant et trompeur, soit la somme provisionnelle de 130’000 € x 2,5 soit 325’000 €, somme qui lui sera versée à titre de dommages-intérêts provisionnels en réparation du préjudice économique subi, la société demandant la communication des chiffres d’affaires et l’application de la même méthode de calcul utilisée pour la condamner elle-même au profit de la coutellerie Honoré Durand.

Les sociétés Durand intimées répondent sur ce point que rien ne justifie que le prétendu préjudice de l’appelante soit fixé à la somme d’un euro au minimum par visiteur, ce qui reviendrait à considérer que chaque visiteur de l’atelier Honoré Durand aurait dépensé un euro sur le site Internet Bee Design s’il n’avait pas effectué la visite, ce qui ne repose sur aucune réalité.

La cour relève qu’au dispositif des conclusions de l’appelante, qui seul la saisit de prétentions sur lesquelles elle doit statuer, il lui est demandé :

« d’ordonner aux sociétés La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand et La coutellerie de Laguiole Christophe Durand sous astreinte de 2 000 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, de communiquer à la société Bee Design leurs chiffres d’affaires respectifs des années 2018, 2019 et celui en cours de l’année 2020 ».

Cette demande de communication de pièces à titre probatoire, aurait dû être présentée avant tout procès, ou encore devant le conseiller de la mise en état.

À défaut, il n’y a pas lieu d’ordonner devant le juge du fond une mesure d’instruction pour pallier la carence de l’appelante dans l’administration de la preuve en ordonnant la communication à la société Bee Design des chiffres d’affaires des années 2018, 2019 et celui « en cours » de 2020 par les sociétés Durand, et ce d’autant que la société Bee Design pouvait communiquer les siens montrant le préjudice et la perte de chiffre d’affaires qu’elle aurait subi.

Or, les intimées soutiennent, sans être contredites sur ce point, qu’elle s’en est abstenue compte tenu de florissants bénéfices.

L’appelante sollicitant seulement le versement de sommes provisionnelles, dans l’attente de ces documents qu’elle réclame à ses adversaires, et ne formant aucune demande fût-ce à titre subsidiaire, la demande de provision ne peut qu’être rejetée.

L’appelante est fondée par ailleurs à solliciter la réparation d’un préjudice moral issu de dénigrement de ses produits.

Elle sollicite à ce titre l’octroi de la somme de 30’000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image.

La cour estime que ce dommage moral sera entièrement réparé par l’octroi de la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts, outre le remboursement de la somme de 594,09 euros que l’appelante a dû exposer pour l’administration de la preuve par le constat d’huissier du 3 janvier 2000.

Il sera fait interdiction à la société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier et par jour de retard, passé le délai de 48 heures suivant la signification du présent arrêt, de poursuivre toute pratique dénigrante et trompeuse lors des visites ouvertes au public de ses ateliers à [Localité 2] ou en tout autre lieu et sur tout autre support de communication (blog, vidéo, réseaux sociaux…)

Cette injonction sous astreinte étant satisfactoire, il n’y a pas lieu d’ordonner spécifiquement, en sus, à la société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, la destruction, sous astreinte et sous contrôle d’huissier, de tout support comportant des propos dénigrants et trompeurs.

Plus spécifiquement sur le site Layole.com

La société Bee Design demande à la cour :

– d’interdire à la société La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand sous astreinte de poursuivre toute pratique dénigrante et trompeuse sur le site internet www.layole.com ou sur tout autre support de communication (blog, vidéo, réseaux sociaux, brochure etc)’;

– d’ordonner à la société La Coutellerie de [Localité 2] Christophe Durand, sous la même astreinte la suppression de toutes allégations et discours dénigrants et trompeurs utilisés sur son site internet www.layole.com ou sur tout autre moyen de communication et notamment, la suppression des éléments suivants’:

– vrai couteau de [Localité 2]

– couteau de [Localité 2], Vrai ou faux »

– un véritable couteau de [Localité 2] de tradition ancestrale

– la multitude des «’contrefaçons’»

– le bassin de [Localité 10] s’empare de la fabrication du couteau de [Localité 2]

– une fabrication artisanale de prestige se maintient à [Localité 2], mais à une très faible échelle comparée à la production industrielle massive de [Localité 10]

– « de nos jours, c’est l’invasion par une multitude de produits très bas de gamme, marques [Localité 2] et tous plus authentiques les uns que les autres. De tous ces produits TRES BAS DE GAMME, aucun n’est fabriqué à [Localité 2]. Certains sont fabriques au Pakistan ou en Chine (…) D’autres, fabriqués à [Localité 10] et en Chine par des robots, sont vendus au prix d’environ 15 euros par cubes de 6 couteaux [‘]Ne rêvez plus’! Ce sont de drôles de cadeaux  »

– « éléments qui témoignent de l’authenticité et de la qualité : un certificat en bonne et due forme doit indiquer : le nom du fabricant, ainsi que son adresse et son téléphone et email => cela doit être à [Localité 2] et enfin l’indication qu’il s’agit d’un fabricant : avec les métiers de forgerons et de couteliers.  »

– « exigez l’authenticité, cherchez un fabricant. Consommateurs, ne vous laissez pas abuser par des produits qui n’ont de [Localité 2] que le nom. Pour ne pas acheter n’importe quoi, cherchez un fabricant (nous ne sommes pas nombreux), faites une visite d’atelier, achetez ensuite.’»

– « dans tous les cas, votre véritable couteau de [Localité 2] doit être vendu avec son Bon de Garantie sur lequel figurent : Le nom -L’adresse- Le téléphone du FABRICANT Pour vous consommateurs, il s’agit de la seule façon de reconnaitre la qualité du produit que vous achetez. Lorsque l’on fabrique de la Qualité, on la signe avec son nom, son adresse et son numéro de téléphone. […] Dans le cas contraire, tous les moyens sont bons pour tromper le consommateur.’»

Mais d’une part la société Coutellerie de laguiole Christophe Durand répond justement que son site Internet layole.com de couteaux artisanaux peut critiquer le caractère industriel de la production d’ autres entreprises, ne visant aucune société en particulier.

D’autre part, la société Bee Design appelante n’a pas qualité pour représenter et pour former des demandes aux intérêts des couteliers de [Localité 10].

La société Bee Design en effet ne peut engager une action en lieu et place des artisans thiernois dont la production sur le site laguiole.com de La coutellerie de Laguiole Christophe Durand est présentée à tort d’une manière générale comme industrielle, « par des robots comme en Chine ».

L’appelante, elle-même, n’est ni désignée ni identifiable aux termes du procès- verbal d’huissier versé aux débats et des constatations de celui-ci concernant le site Internet layole.com. Ce dernier ne présente aucune critique directe ou indirecte du site ou de la société Bee Design.

Le tribunal a exactement retenu qu’il met surtout en avant des arguments de qualité comme des autres sites des diverses autres coutelleries, et que « Les informations données sur le site, sous un onglet spécifique, sont correctes, et sont assez proches dans l’esprit, voire dans la lettre, des mêmes alertes données sur les autres sites des fabricants de couteaux, notamment ceux qui sont présents sur le site Laguiole-Attitude. »

Ce grief sera écarté et de même que les mesures comminatoires subséquentes réclamées par la société Bee Design.

Sur l’enseigne « La Coutellerie de [Localité 2]  »

La société Bee Design sollicite de voir ordonner à la société La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand, sous astreinte de modifier, sous contrôle d’huissier, son enseigne «’LA COUTELLERIE DE LAGUIOLE’», sur le devant de son bâtiment principal, sur son extrait Kbis et sur tout autre support (documents commerciaux, réseaux sociaux etc).

Mais l’enseigne s’avère, sous un angle plus objectif que celui invoqué par l’appelante, mentionner non seulement « La coutellerie de Laguiole » mais elle indique également clairement : « Honoré Durand-maître artisan coutelier -forgeron », de sorte que ce grief n’est pas fondé.

En définitive, le jugement déféré ayant rejeté à tort toutes les demandes de la société Bee Design doit être réformé.

Les sociétés intimées succombant devront supporter la charge des dépens de première instance et d’appel, et verser en équité à la société Bee Design la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, et la même somme en cause d’appel, soit au total 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elles-mêmes prétendre au bénéfice de ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit n’y avoir lieu d’ordonner la communication sous astreinte des chiffres d’affaires des SAS La Coutellerie Honoré Durand et La coutellerie Christophe Durand ;

Rejette les demandes de la société Bee Design tendant au versement par ces dernières de sommes provisionnelles à son profit ;

Condamne la SAS La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand à payer à la société Bee Design la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et celle de 594,09 € en remboursement des frais de constat exposé, soit la somme totale de 5 594,09 euros à titre de dommages et intérêts ;

Interdit à la SAS La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand toute pratique dénigrante et trompeuse lors des visites ouvertes au public de ses ateliers à [Localité 2] ou en tout autre lieu, ou sur tout autre support de communication (blog, vidéo, réseaux sociaux …), et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier, et par jour de retard passé le délai de 48 heures suivant la signification du présent arrêt,

Rejette la demande de publication du présent arrêt dans trois journaux ou revues et/ou dans un encart spécifique et la demande d’autoriser la société Bee Design à publier des extraits du présent arrêt sur la page d’accueil de son site internet www.[Localité 2]-Attitude.com ;

Condamne in solidum les SAS La Coutellerie de Laguiole Honoré Durand et La Coutellerie de Laguiole Christophe Durand à verser à la SARL Bee Design la somme totale de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

le greffier, le président,

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