Après une précédente condamnation (affaire « Naked »), la société Jeff Koons et le Centre Pompidou ont de nouveau été condamnés pour contrefaçon d’une photographie créée pour une publicité de la marque de prêt-à-porter Naf-Naf (‘Fait d’hiver’, 1985) réalisée par Franck Davidovici.
Contrefaçon par adaptation non autorisée
Les éléments originaux de la photographie de Franck Davidovici (même jeune femme avec la même expression et la même mèche plaquée sur la joue gauche, allongée dans la neige, les bras relevés au niveau de la tête ; cochon portant un tonnelet de Saint-Bernard dans la même position près de la jeune femme) étaient repris dans une sculpture de la société Jeff Koonet et exposé au Centre Pompidou.
La contrefaçon de droits d’auteur s’apprécie au regard des ressemblances entre les oeuvres en présence et en l’occurrence, celles-ci étaient prédominantes par rapport aux différences relevées, la sculpture de Jeff Koons reprenant la combinaison des caractéristiques originales de la photographie ‘Fait d’hiver’.
Le seul fait que la sculpture de Jeff Koons constitue incontestablement elle-même une oeuvre, que le tribunal a qualifiée d’oeuvre composite au sens de l’article L. 113-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle (‘Est dite composite l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière’), et qu’elle transmette un message, fût-il très éloigné de la démarche publicitaire dans laquelle s’inscrit la photographie, sans préjudice de l’exception de parodie et du principe de la liberté d’expression artistique, ne fait pas disparaître la contrefaçon dès lors que cette oeuvre repose, au moins en partie, sur une appropriation non autorisée d’une oeuvre première. L’adaptation de la photographie, oeuvre préexistante, ne pouvait se faire qu’avec l’accord de son auteur et à défaut de cet accord, la contrefaçon est constituée.
Exception de parodie exclue
En l’absence d’évocation de l’oeuvre initiale, la juridiction a rejeté le moyen de défense tiré de l’exception de parodie.
Liberté d’expression artistique admise mais disproportionnée
Pour juger disproportionnée l’exception tirée de la liberté d’expression artistique, la juridiction a relevé que la démarche artistique de Jeff Koons n’était pas dénuée de caractère commercial. Aucune circonstance ne justifiait que Jeff Koons, qui occupe lui-même une toute première place sur le marché de l’art, se soit abstenu de rechercher qui était l’auteur de la photographie dont il entendait s’inspirer, afin d’obtenir son autorisation, le cas échéant, en acquérant les droits d’exploitation.
Le droit d’auteur a pour finalité de permettre à chaque créateur, quel que soit le mérite de son oeuvre dès lors qu’elle est originale, d’obtenir une rémunération en contrepartie de l’autorisation d’exploiter son oeuvre, et de faire respecter son droit moral de l’auteur, et notamment son droit à la paternité.
La mise en oeuvre de la protection de la photographie ‘Fait d’hiver’ au titre du droit d’auteur constitue une atteinte proportionnée et nécessaire à la liberté d’expression créatrice de Jeff Koons.
Responsabilité solidaire du Centre Pompidou
Le Centre Pompidou a invoqué vainement l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme. Il n’entre pas, en effet, dans la mission du Centre d’exposer et de reproduire des oeuvres contrefaisantes. En outre, en tant que professionnel, il lui appartenait de s’assurer avant l’exposition et les éditions litigieuses que les oeuvres de Jeff Koons, notamment la sculpture ‘Fait d’hiver’, n’étaient pas susceptibles de porter atteinte aux droits d’autrui – il n’était justifié d’aucune démarche en ce sens – et en tous cas, d’obtenir une garantie sur ce point de l’artiste et de sa société.
Plus de 200 000 euros de préjudice
La juridiction a condamné in solidum Jeff Koons et le Centre Pompidou à 110 000 € en réparation de l’atteinte au droit patrimonial de représentation sur la photographie ‘Fait d’hiver’ ; 40 000 € en réparation des atteintes au droit moral sur ladite photographie ; pour les atteintes causées par l’édition du catalogue, de l’album et du portfolio de l’exposition rétrospective : 25 000 € en réparation de l’atteinte au droit de reproduction sur la photographie ‘Fait d’hiver’ ; 15 000 € en réparation des atteintes au droit moral sur ladite photographie ; pour la contrefaçon par reproduction de la sculpture contrefaisante sur le site internet www.jeffkoons.com : 8 000 € en réparation de l’atteinte au droit de reproduction sur la photographie ‘Fait d’hiver’, 6 000 € en réparation des atteintes au droit moral sur ladite photographie.