De nouvelles règles européennes vont introduire un modèle harmonisé d’action collective dans tous les États membres. La possibilité de recours collectif s’appliquera à la protection des données, les services financiers, les voyages et le tourisme, l’énergie, les télécommunications, l’environnement et la santé mais aussi, en plus de la législation générale de protection des consommateurs, les droits des passagers aériens et ferroviaires.
La possibilité d’un recours sera ouverte aux seules associations de consommateurs reconnues par l’État. Chaque État membre publiera la liste officielle des associations de consommateurs agréées. Les associations devront : i) avoir au moins un an d’existence ; ii) être sans but lucratif ; iii) ne pas être en conflit d’intérêts ; et iv) ne pas masquer un cabinet d’avocat ou un fond privé. L’intégralité de l’indemnisation éventuelle du préjudice subi reviendra aux consommateurs.
Accord du 30 juin 2020
Les ambassadeurs des pays de l’Union européenne (UE) ont approuvé le 30 juin 2020 l’accord conclu entre la présidence croate du Conseil et le Parlement européen sur un projet de directive relative aux actions représentatives dans le domaine de la protection des intérêts collectifs des consommateurs.
Notion d’action de groupe
Une action de groupe ou action collective ou « class action » permet à un groupe de consommateurs ayant subi le même préjudice de la part d’un professionnel de saisir les tribunaux de manière collective pour obtenir réparation. L’action de groupe constitue un procédé relativement répandu en Europe. Le Royaume-Uni est le premier à l’avoir mise en place. Ce dispositif existe aussi en Allemagne, en Suède, au Portugal, aux Pays-Bas, en Espagne ou en Italie. Chacun de ces pays dispose d’une procédure qui lui est propre.
L’action de groupe avait été également introduite en France dans le cadre de la loi relative à la consommation, dite loi Hamon, du 17 mars 2014.
Ce que prévoit la directive
La directive impose aux États membres de mettre en place un système d’actions représentatives dans le domaine de la protection des intérêts collectifs des consommateurs en cas d’infraction au droit de l’Union. Elle prévoit à la fois des mesures d’injonction et des mesures de réparation.
Elle permet aux entités qualifiées, désignées en tant que telles par les États membres, de solliciter des mesures d’injonction et/ou de réparation, notamment l’indemnisation ou le remplacement, au nom d’un groupe de consommateurs lésés par un professionnel qui a prétendument enfreint l’un des actes juridiques de l’UE visés à l’annexe de la directive. Ces actes juridiques portent sur des domaines tels que les services financiers, les voyages et le tourisme, l’énergie, la santé, les télécommunications et la protection des données.
En ce qui concerne les critères d’éligibilité applicables aux entités qualifiées, la directive établit une distinction entre les entités qualifiées habilitées à intenter des actions dans l’État membre dans lequel elles ont été désignées (actions représentatives nationales) et celles habilitées à intenter des actions dans tout autre État membre (actions représentatives transfrontières). Pour intenter des actions nationales, une entité qualifiée devra satisfaire aux critères fixés par la législation de son État membre de désignation, alors que pour intenter des actions transfrontières, elle devra remplir les critères harmonisés définis dans la directive.
Afin de prévenir les recours abusifs, la directive établit des règles claires en matière de répartition des frais de justice lors d’une action représentative en réparation, sur la base du principe du « perdant payeur ». En outre, afin d’éviter les conflits d’intérêt, elle impose aux entités qualifiées un certain nombre d’exigences en matière de transparence, en particulier en ce qui concerne leur financement par des tiers.
À compter de l’entrée en vigueur de la directive, les États membres disposeront de 24 mois pour transposer celle-ci dans leur droit national, ainsi que de 6 mois supplémentaires pour commencer à appliquer ces dispositions.
Rappel du contexte
Le paquet « Une nouvelle donne pour les consommateurs » a été proposé par la Commission européenne le 11 avril 2018. Ce paquet se compose de deux propositions de directive.
La première proposition de directive adoptée le 17 avril 2019 porte sur : i) une transparence accrue au profit des consommateurs lors des achats en ligne ; ii) le droit de rétractation pour les services numériques gratuits ; iii) l’interdiction de certaines pratiques commerciales jugées déloyales ; iv) les recours individuels contre les pratiques déloyales avec un éventuel droit à indemnisation.
La seconde proposition de directive, toujours en cours de discussion, vise à remplacer la directive du 23 avril 2009 sur les actions en cessation. Elle tend à obliger les États membres à se doter d’un mécanisme d’action collective en indemnisation. La proposition de directive, proposée par la Commission en 2018 et adoptée en première lecture par le Parlement européen en mars 2019, remplacerait la directive de 2009 sur les actions en cessation. La procédure d’action en cessation permet de faire cesser ou interdire une infraction nuisant aux intérêts collectifs des consommateurs mais sans possibilité pour ces derniers d’obtenir réparation. La proposition en discussion fait obligation aux États membres de mettre en place une procédure harmonisée de recours collectif et instaure une dimension transnationale à ces actions en justice.
Les nouvelles règles permettront des actions de groupe sur le crédit à la consommation, les services bancaires et les services de paiement, l’assurance, le secteur des communications (téléphoniques, électroniques et audiovisuelles), les voyages (ferroviaires, aériens, maritimes, par autocar), la fourniture d’énergie (électricité et gaz), ou encore le règlement sur la protection des données à caractère personnel, la santé et l’environnement. Les consommateurs pourront unir leurs forces au-delà des frontières et demander conjointement l’arrêt de pratiques illégales, ou obtenir des indemnisations pour le préjudice subi. La Commission vise à rendre les voies de recours plus accessibles grâce à la représentation collective et trouver un équilibre entre l’accès des citoyens à la justice et la protection des entreprises contre des poursuites abusives, via le principe du ‘‘perdant payeur’’.
Les États membres devront également veiller à : i) aucune autre action en recours collectif en cours ne doit être engagée sur les mêmes faits et parties ; ii) la partie qui perd une action en recours collectif rembourse les frais de justice supportés par la partie gagnante dans les conditions prévues par le droit national ; iii) les consommateurs qui ne résident pas habituellement dans l’État membre où l’action en recours collectif est engagée doivent explicitement donner leur consentement.
Différence avec l’action de groupe à la française
L’action de groupe en France est une procédure de poursuite collective permettant à des usagers de se regrouper et d’agir en justice afin d’obtenir réparation du préjudice subi. Elle ne peut être exercée que par l’une des 16 associations de consommateurs agréés au niveau national par l’État, saisie par au moins deux consommateurs, en cas de manquement légal ou contractuel d’un professionnel à l’égard d’un usager ou d’un consommateur. À l’origine, seulement applicable dans les domaines de la consommation et de la concurrence, l’action de groupe a été étendue en 2016 au domaine de la santé.
La loi de modernisation de la justice de novembre 2016 a créé un cadre commun aux actions de groupe en matière judiciaire et administrative ainsi qu’une action de groupe en matière d’environnement, de discriminations et de protection des données personnelles. Ce n’est qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la mise en demeure que l’action de groupe peut être introduite. Cette nouvelle disposition doit permettre d’éviter les abus et inciter à la négociation entre les parties.