En cas d’identité de parties, d’objet et de cause le recours à l’article 145 du CPC sera banni, au contraire de la situation où l’objet et la cause sont différents et dans ce cas l’identité de parties importe peu.
L’absence de procès au fond est une condition de recevabilité de la demande fondée l’article 145 du Code de procédure civile. Elle doit s’apprécier à la date de saisine du juge des requêtes. La finalité de ce texte est de conforter la situation probatoire du requérant dans un litige futur et éventuel. La mesure doit être ordonnée en vue d’éclairer un litige distinct de celui qui constitue la matière de l’instance au fond.’Il s’agit en effet de permettre à une partie de réunir des preuves au soutien d’un litige à venir et éventuel. L’existence d’une instance pendante au fond ne constitue un obstacle au recours à l’article 145 du code de procédure civile qu’en cas d’identité de litige. Ce qui n’interdit donc pas le demandeur à l’action au fond de solliciter une mesure d’instruction destinée à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige distinct. Ainsi, le juge des requêtes ne peut ordonner de mesure d’instruction probatoire lorsque le juge du fond est saisi du procès en vue duquel la mesure est sollicitée et que cette instance est pendante. Aux termes des articles 493, 494 et 495 du code de procédure civile, les mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne le soient pas contradictoirement. Si la condition tenant à la légitimité de déroger au principe de la contradiction n’est pas remplie, la requête doit être déclarée irrecevable. La dérogation au principe du contradictoire est admise chaque fois que l’information de la partie adverse risquerait de rendre vaine la mesure sollicitée. Le souci d’efficacité constitue incontestablement une justification à l’absence de contradiction, la mesure sollicitée ne présentant d’intérêt que si un effet de surprise est ménagé. Les circonstances justifiant une telle dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou dans l’ordonnance qui y fait droit, laquelle peut se contenter de s’y référer’; elles doivent être précises et circonstanciées. Il ne suffit pas d’affirmer la nécessité d’un effet de surprise’; et il n’appartient pas au juge de vérifier la nécessité d’une telle dérogation au travers de déductions ou au vu de faits ou d’explications postérieures. Aucun fait postérieur au dépôt de la requête ou au prononcé de l’ordonnance ne peut être pris en considération par le juge de la rétractation pour justifier une dérogation au principe de la contradiction. Pour apprécier les circonstances de la cause susceptibles de justifier une dérogation au principe du contradictoire, le juge doit se placer au jour de la requête ou au jour de l’ordonnance à la lumière des éléments de preuve à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui hormis ceux révélés par l’exécution de la mesure contestée. Par ailleurs, le juge doit se référer à l’objet de la mesure et au contexte factuel qui pourraient laisser craindre la dissimulation ou la destruction de preuves. Le référé aux fins de rétractation n’est pas une voie de recours mais une demande en justice permettant la mise en oeuvre d’une procédure contentieuse afin de créer un débat contradictoire. En conséquence de cette situation procédurale, il appartient à celui qui a déposé la requête, et non à l’auteur du référé-rétractation, de démontrer que celle-ci est recevable et fondée. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne une action en parasitisme et concurrence déloyale entre la SAS Maisons du Monde et les sociétés du Groupe Cargo, notamment la SAS Cargo et la SAS Yliades. La SAS Maisons du Monde a saisi le tribunal de commerce de Toulouse pour obtenir une mesure d’instruction afin de prouver des actes de copie de son concept de magasin et de communication par les sociétés du Groupe Cargo. L’ordonnance du tribunal a autorisé une saisie non contradictoire au siège de la SAS Cargo, mais cette mesure n’a pas été exécutée en raison du refus de coopération de la directrice juridique de la société. En réponse, les sociétés du Groupe Cargo ont demandé la rétractation de l’ordonnance, mais leur demande a été rejetée. Elles ont interjeté appel de cette décision. Par la suite, la SAS Maisons du Monde a assigné la SAS Cargo et la SAS Yliades en responsabilité pour actes de concurrence déloyale. Les parties ont formulé des demandes contradictoires concernant la légitimité de la mesure d’instruction et la responsabilité des sociétés du Groupe Cargo.
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→ Les points essentielsSur l’intérêt à agirLa SAS MDM soutient que FDS et ses sociétés franchisées qui se sont jointes à l’action ne sont pas concernées par les mesures ordonnées au sein de Cargo à [Localité 6] ‘: seule Cargo est partie à l’instance et justifie d’un intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile’; la filiale et ses franchisées sont autonomes par rapport au groupe Cargo. Et la mesure d’instruction vise non pas des actes d’exploitation mais des actes commis en amont par Cargo et Yliades. Les appelantes répliquent que comme la SAS Cargo à [Localité 6], les sociétés Yliades à [Localité 11], FDS à [Localité 11], FDS Océane à [Localité 18], Aevum à [Localité 20], FDS [Localité 10] à [Localité 10], FDS [Localité 9] à [Localité 21] et Abrive à [Localité 17] justifient de leur intérêt à agir dans la présente instance dès lors que l’objet de l’action est d’obtenir la cessation des mêmes agissements parasitaires et la réparation de leur préjudice et que les documents susceptibles d’être saisis peuvent être utilisés dans le procès au fond initié à [Localité 16], la distinction entre «’élaboration du concept’» et «’exploitation de ce dernier’» étant parfaitement artificielle. Il est à noter que la SAS MDM ne conteste pas la qualité à agir d’Yliades sise à [Localité 11], mais seulement celle de FDS et ses franchisées. Sur la recevabilité de la requêteLa procédure de l’ordonnance sur requête répond aux conditions de mise en oeuvre prévues par les textes qui lui sont propres, soit l’article 493 du code de procédure civile qui dispose que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse et, les articles 494, 496 et 497 qui prévoient les conditions de présentation de la requête et de sa rétractation. En vertu de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction peut être ordonnée, à la demande de tout intéressé, s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Sur l’existence d’un procès antérieurLes SAS Cargo et autres soutiennent que’: – en vertu de l’article 145 du code de procédure civile, les mesures d’instruction ne peuvent être ordonnées qu’avant tout procès au fond, – la SAS MDM a inventé un stratagème destiné à contourner le débat contradictoire et l’interdiction de recourir à l’article 145 dès lors qu’un procès au fond est engagé, en opérant de façon purement intellectuelle une distinction entre l’exploitation d’un kit d’aménagement et des codes de communication imitant ceux de MDM qu’elle reproche à la filiale et ses franchisés, de l’élaboration du dit concept imitant celui de MDM qu’elle reproche à Cargo et Yliades en collaboration avec Zagass, – il ne peut être appliqué les critères de l’autorité de chose jugée pour vérifier l’absence de procès antérieur (identité de parties de cause et d’objet), – selon la Cour de cassation s’agissant de l’application de l’article 145′: *l’existence d’une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d’instruction in futurum que si l’instance au fond est ouverte sur le même litige à la date de la requête, soit un litige dont la solution peut dépendre de la mesure sollicitée’; l’identité de litiges est caractérisée si la mesure probatoire sollicitée vise à démontrer la même infraction que celle déjà poursuivie, en vue de la même finalité, à savoir la cessation de cette infraction et la réparation du préjudice en résultant, indépendamment de l’identité des défendeurs dont la responsabilité est engagée pour leur participation respective à cette infraction’; *les faits reprochés à Cargo et Yliades sont les mêmes que ceux reprochés à FDS et ses franchisés devant le tribunal de commerce de Paris,’c’est-à-dire la copie du concept soit un acte de concurrence déloyale par parasitisme, peu importe qu’il s’agisse de l’exécution ou de la conception de ces actes ; le litige doit être analysé dans sa globalité’et l’ensemble des protagonistes recherchés constitue une même communauté d’intérêt économique’; et la SAS MDM est demanderesse dans les deux procès’; *les actions ont la même cause et le même objet’; les éléments qui seraient saisis à l’occasion de la présente mesure, seraient forcément utilisés dans l’instance au fond devant le tribunal de commerce de Paris, les sociétés exploitantes étant les véritables cibles et non les sociétés non exploitantes’; dès lors, la solution du litige au fond ouvert à la date de la requête, pourrait alors dépendre de la mesure in futurum sollicitée par MDM à l’encontre du groupe Cargo qu’elle désigne comme l’instigateur et donc le vrai responsable des actes de concurrence déloyale par parasitisme’; les pièces qu’elle produit à l’appui de sa requête sont exactement celles produites devant le juge du fond’; les factures destinées à Cargo Groupe que la SAS MDM a pu saisir lors de l’exécution de la mesure d’instruction chez Zagass étaient déjà produites devant le tribunal de commerce de Paris depuis le 22 janvier 2021, et ne peuvent être l’élément nouveau justifiant la présente procédure, initiée suivant requête du 19 juillet 2022 soit 18 mois après, *l’identité de cause et d’objet étant démontrée, l’absence d’identité de défenderesses dans les deux instances comme l’a relevé le président du tribunal de commerce, n’est donc pas suffisante pour considérer l’existence de litiges distincts. La SAS MDM réplique sur l’absence de procès antérieur’: – il y a un même litige lorsqu’il y a une triple identité de parties, d’objet et de cause’; un simple lien entre deux litiges est jugé insuffisant’; il faut une identité et non une simple similitude, la Cour de Cassation a rejeté le critère de la connexité dans son arrêt du 30 septembre 2021 confirmant ainsi la doctrine dominante’; et il est faux d’affirmer qu’elle permet au juge d’apprécier au cas par cas la notion de « même litige » laquelle correspond à celle de l’autorité de chose jugée, – en l’espèce, la mesure d’instruction est étrangère à la procédure au fond déjà engagée en ce que, ni les demandes ni les faits visés ni les parties ne sont les mêmes et MDM n’entend pas agir contre Cargo et Yliades dans la même procédure déjà ouverte mais dans une instance distincte puisque l’affaire au fond devant le tribunal de commerce de Paris doit être plaidée en février 2023′: * les parties ne sont pas les mêmes et cela vaut pour le demandeur comme pour le défendeur’; or Cargo n’est pas partie devant le tribunal au fond ; et l’identité des parties est un des éléments essentiels d’un litige, * la cause des litiges n’est pas la même’: un litige n’est pas le même qu’un autre lorsqu’il repose sur des faits matériellement différents s’agissant au fond, de l’exploitation des magasins par FDS et ici de rechercher le processus d’élaboration d’un kit de copie d’un concept de magasin et du concept de communication Maisons du Monde soit tout acte en amont des actes d’exploitation’; ces actes matériels ont été commis par des personnes morales différentes’; la responsabilité de Cargo/Yliades n’est pas conditionnée à la condamnation de Fabriques de Styles’; le fait d’élaborer un kit de copie d’un concept de magasin concurrent et/ou un kit de copie de la communication d’un concurrent constitue un acte de parasitisme en tant que tel, indépendamment du fait de leur exploitation par la suite par des sociétés distinctes, *l’objet du litige c’est-à-dire la chose demandée, n’est pas le même’: au fond il est demandé de mettre un terme aux actes d’exploitation alors qu’ici le but est de rechercher le processus d’élaboration des actes de parasitisme générant un préjudice distinct’; la solution du litige au fond à [Localité 16] ne dépend pas de la mesure sollicitée’; elle ne vise pas à alimenter la procédure parisienne’; donc les demandes ne sont pas les mêmes, les faits litigieux ne sont pas les mêmes’; au demeurant, l’existence d’un même litige n’implique pas de démontrer uniquement que l’issue du litige en cours peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée. Sur la dérogation au principe du contradictoireLa SAS Cargo et autres soutiennent qu’il n’est pas justifié du recours à une mesure dérogeant au principe du contradictoire en ce que’: – la SAS MDM n’est pas fondée à soutenir l’effet de surprise dès lors que le litige est ouvert depuis le 5 octobre 2020, que la requérante soutient dans ses conclusions au fond l’implication de la SA Cargo dans l’élaboration des actes de parasitisme reprochés, de sorte qu’elle est parfaitement informée des griefs invoqués à son encontre avant même l’assignation au fond et à compter de la mise en demeure du 31 janvier 2020, voire la tentative de médiation en juin 2020, – Cargo savait donc depuis deux ans que sa responsabilité pouvait être engagée’; – elle a spontanément remis les pièces qui lui était demandées le 18 octobre 2021 (dépôt des comptes annuels des années 2015 à 2017 et 2020), factures Zagass établies au nom de Cargo, – et il n’est justifié d’aucun élément nouveau depuis cette date expliquant la nécessité d’agir à l’insu de la société concernée. La SAS MDM réplique que’: – la requête et l’ordonnance sont parfaitement motivées et visent des circonstances propres à l’espèce justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire, au regard de la nature et de l’ampleur des actes de parasitisme, des condamnations antérieures de certaines filiales du groupe Cargo pour contrefaçon et concurrence déloyale et de la chronologie des faits démontrant un faisceau d’indices attestant une volonté délibérée de copier MDM’; – les éléments recherchés sont des éléments qui peuvent être modifiés ou supprimés pour masquer l’intention parasitaire, en particulier s’agissant des instructions et éléments informatiques’; – peu importe l’information antérieure voire l’absence d’effet de surprise dès lors que le risque de déperdition des preuves est patent’; – au demeurant, MDM n’a jamais informé Cargo notamment par une mise en demeure de ses suspicions quant à des actes de parasitisme concernant la conception des kits, de sorte que l’effet de surprise recherché est établi’; et les informations contenues dans la médiation sont totalement confidentielles’; – elle n’avait aucun autre moyen de se procurer ces éléments de preuve complémentaire’; – et il était indispensable de procéder à ces mesures concomitamment à celles ordonnées contre Yliades à [Localité 12] et contre le designer à [Localité 16] pour éviter toute concertation entre elles et la disparition de preuve. ConclusionAinsi, les parties s’opposent sur la condition de l’article 145 du code de procédure civile relative au critère de l’absence de procès au fond, l’une considérant que des liens étroits entre les deux instances suffisent tandis que l’autre sollicite la réunion des trois critères de l’autorité de chose jugée, identité de parties en la même qualité, d’objet et de cause. L’absence de procès au fond est une condition de recevabilité de la demande fondée l’article 145 du Code de procédure civile. Elle doit s’apprécier à la date de saisine du juge des requêtes. La finalité de ce texte est de conforter la situation probatoire du requérant dans un litige futur et éventuel. La mesure doit être ordonnée en vue d’éclairer un litige distinct de celui qui constitue la matière de l’instance au fond. L’existence d’une instance pendante au fond ne constitue un obstacle au recours à l’article 145 du code de procédure civile qu’en cas d’identité de litige. Ce qui n’interdit donc pas le demandeur à l’action au fond de solliciter une mesure d’instruction destinée à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige distinct. Ainsi, le juge des requêtes ne peut ordonner de mesure d’instruction probatoire lorsque le juge du fond est saisi du procès en vue duquel la mesure est sollicitée et que cette instance est pendante. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Article 31 du code de procédure civile: « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
– Article 496 du code de procédure civile: « Admet tout intéressé à contester l’autorisation donnée par le juge qui a fait droit à la requête. » – Article 145 du code de procédure civile: « Une mesure d’instruction peut être ordonnée, à la demande de tout intéressé, s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. » – Article 493 du code de procédure civile: « Les mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne le soient pas contradictoirement. » – Article 494 du code de procédure civile: « Les conditions de présentation de la requête et de sa rétractation. » – Article 495 du code de procédure civile: « Les mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne le soient pas contradictoirement. » |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Dominique ALMUZARA de la SELARL ALMUZARA-MUNCK
– Me Emmanuel LARERE de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI – Me Jean-Hyacinthe DE MITRY de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI – Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE – Me Pierre MASSOT de la SELARL ARENAIRE |