N’a pas à figurer dans le dossier sur la base duquel se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident une pièce et notamment un certificat médical ne portant pas sur le lien entre l’affection et l’activité professionnelle (dans le sens qu’un avis du service médical se prononçant sur le lien entre un arrêt de travail du salarié antérieur à la déclaration et sa maladie professionnelle ne porte pas sur le lien entre l’affection et l’activité professionnelle et que, étranger à cette question, il n’avait pas à figurer dans le dossier sur la base duquel se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident 2e civ., 14 mars 2019, pourvoi n°18-13.385 et dans le sens que des documents portant sur la fixation du taux d’incapacité permanente partielle n’ont pas à figurer dans le dossier sur la base duquel se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident, 2e civ., 21 septembre 2017, pourvoi n°16-26.842).
Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence au dossier des certificats médicaux de prolongation manque en droit, ces certificats étant étrangers à la question du lien entre la lésion et l’activité professionnelle ( en sens contraire 2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi n° 20-21.896).
En outre la preuve que la caisse détenait ces certificats lorsqu’elle a clôturé l’instruction n’est pas rapportée par l’employeur au seul vu du nombre de jours d’arrêts imputés à son compte employeur au titre de cet accident, aucune démonstration n’étant faite du lien entre le nombre de jours d’arrêt pris en compte pour le calcul du coût de l’accident et le fait que la caisse aurait été en possession des certificats de prolongation.
La société [6] a déclaré un accident du travail pour son salarié, M. [R] [H], survenu le 27 janvier 2021, où il a ressenti une douleur à l’épaule droite en manœuvrant un chariot. La caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge l’accident, mais la société [6] a contesté cette décision. Après un jugement du tribunal judiciaire de Beauvais en juillet 2022, la société [6] a interjeté appel. La société [6] a soutenu que la caisse n’avait pas respecté la procédure d’instruction contradictoire et contesté la matérialité du fait accidentel. Cependant, la cour a confirmé la décision de la caisse, estimant que les preuves fournies par le salarié et les témoins étaient suffisantes pour établir le lien entre l’accident et le travail. La société [6] a été condamnée aux dépens d’appel.
Confirmation du jugement et condamnation aux dépens
La cour a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré et a condamné la société [6] aux dépens d’appel.
Ampliation
L’arrêt en date du 26/03/2024 a été amplié et des copies certifiées conformes ont été envoyées à différentes parties concernées.
Copies exécutoires ont également été envoyées à la CPAM par LRAR.
– La société [6] est condamnée aux dépens d’appel
– Montant des sommes allouées à chaque partie non spécifié dans le texte.
Réglementation applicable
– Article R.441-14 du code de la sécurité sociale :
Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :
1°) la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle,
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse,
3°) les constats faits par la caisse primaire,
4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l’employeur,
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.
Il peut, à leur demande, être communiqué à l’assuré, ses ayants droit et à l’employeur, ou à leurs mandataires. Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l’autorité judiciaire.
– Article R. 441-8, II, du code de la sécurité sociale :
À l’issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur, que ceux-ci disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier, qu’au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations, que la caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation.
– Article L.411-1 du code de la sécurité sociale :
Constitue un accident du travail un évènement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.
Cette preuve, qui ne peut résulter des seules déclarations du salarié, peut être apportée par un faisceau d’indices complétant ces dernières et permettant de retenir, par voie de présomptions graves et concordantes, la survenance d’une lésion aux temps et lieu de travail.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Maître Emilie Ricard, avocat au barreau d’Amiens
– Monsieur [P] [X]
Mots clefs associés
– Principe du contradictoire
– Dossier constitué par la caisse
– Certificats médicaux
– Déclaration d’accident du travail
– Respect du lien entre l’affection et l’activité professionnelle
– Consultation du dossier par l’assuré, ses ayants droit et l’employeur
– Délai de consultation
– Matérialité du fait accidentel
– Accident du travail
– Lésion corporelle
– Preuve du lien entre la lésion et le travail
– Présomptions graves et concordantes
– Dépens d’appel
– Principe du contradictoire : principe selon lequel les parties doivent être informées et avoir la possibilité de s’exprimer lors d’une procédure judiciaire
– Dossier constitué par la caisse : ensemble des documents et informations rassemblés par l’organisme de sécurité sociale pour traiter un dossier d’accident du travail
– Certificats médicaux : documents établis par un médecin attestant de l’état de santé d’une personne
– Déclaration d’accident du travail : formalité administrative permettant à un salarié de signaler un accident survenu dans le cadre de son travail
– Respect du lien entre l’affection et l’activité professionnelle : obligation de prouver que la maladie ou la blessure est directement liée à l’exercice de l’activité professionnelle
– Consultation du dossier par l’assuré, ses ayants droit et l’employeur : possibilité pour les parties concernées d’accéder aux informations contenues dans le dossier d’accident du travail
– Délai de consultation : période pendant laquelle les parties peuvent consulter le dossier
– Matérialité du fait accidentel : réalité concrète de l’accident survenu
– Accident du travail : événement soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail et entraînant une lésion corporelle
– Lésion corporelle : atteinte à l’intégrité physique d’une personne
– Preuve du lien entre la lésion et le travail : nécessité de démontrer que la lésion est directement liée à l’activité professionnelle
– Présomptions graves et concordantes : indices sérieux et concordants permettant d’établir un lien entre l’accident et le travail
– Dépens d’appel : frais engagés lors d’un appel judiciaire
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Arrêt
N° 275
Société [6]
C/
CPAM de l’Oise
Cour d’appel d’Amiens
2ème protection sociale
Arrêt du 26 mars 2024
*************************************************************
N° RG 22/04130 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IRRN – N° registre 1ère instance : 21/00524
Jugement du tribunal judiciaire de Beauvais en date du 27 juillet 2022
Parties en cause :
Appelante
Société [6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et plaidant par Maitre Emilie Ricard, avocat au barreau d’Amiens
ET :
Intimée
CPAM de l’Oise
Ayant élection de domicile à la CPAM de la Somme
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée et plaidant par Monsieur [P] [X], munie d’un pouvoir régulier
Débats :
A l’audience publique du 14 novembre 2023 devant, M. Renaud Deloffre, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.
Greffier lors des debats :
Mme Diane Videcoq-Tyran
Composition de la cour lors du délibéré :
M. Renaud Deloffre a rendu compte à la cour composée en outre de :
M. Philippe Mélin, président,
Mme Graziella Hauduin, président,
et Monsieur Renaud Deloffre, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
Prononcé :
Le 26 mars 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Mathilde Cressent, greffier.
DECISION
Le 28 janvier 2021 la société [6] a complété une déclaration d’accident du travail pour son salarié mis à disposition de la société [5], M. [R] [H], pour des faits survenus le 27 janvier 2021 décrits en ces termes : » A force d’avancer et de reculer le PIT pour la conduite de son chariot et klaxonner, il aurait ressenti une douleur à l’épaule droite « . La nature et le siège des lésions indiqués sont des douleurs à l’épaule droite.
Cette déclaration était accompagnée d’un certificat médical initial en date du 28 janvier 2021 mentionnant « scrapulagies droite + lombo dorsalgies droite « .
Par courrier du 12 février 2021, la caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM ou la caisse) de l’Oise a informé la société [6] de ce que le dossier de demande de reconnaissance d’accident du travail était complet à la date du 29 janvier 2021, lui a demandé qu’elle renseigne sous 20 jours un questionnaire mis à sa disposition sur le site https://questionnaires-risquepro.ameli.fr, lui a indiqué qu’elle pourrait consulter les pièces du dossier et formuler ses observations directement en ligne du 12 au 23 avril 2021, que le dossier restera consultable au delà de cette date et que sa décision interviendrait au plus tard le 30 avril 2021.
Par courrier du 26 avril 2021, la caisse a notifié à la société [6] une décision de prise en charge de l’accident dont a été victime M. [H] le 27 janvier 2021 au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant cette décision, la société [6] a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire puis le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais lequel, par jugement en date du 27 juillet 2022, a :
– débouté la société [6] de sa demande tendant à l’inopposabilité de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise de prise en charge de l’accident du travail dont a été victime M. [R] [H] le 27 janvier 2021,
– condamné la société [6] aux dépens de l’instance.
La société [6] a interjeté appel le 11 août 2022 de ce jugement et les parties ont été convoquées à l’audience du 14 novembre 2023.
Par conclusions communiquées au greffe le 23 octobre 2023, soutenues oralement à l’audience, la société [6] demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
– à titre principal, juger que la procédure d’instruction contradictoire n’a pas été respectée par la caisse primaire de l’Oise,
– déclarer en conséquence inopposables à son égard la décision de prise en charge de l’accident du travail de M. [R] [H] du 27 janvier 2021, au titre de la législation sur les risques professionnels, ainsi que l’ensemble des conséquences financières et médicales qui en découle au motif de l’absence de fait accidentel à l’origine des lésions de l’assuré,
– subsidiairement, juger que la matérialité de l’accident déclaré par M. [R] [H] n’est pas établie,
– déclarer en conséquence inopposables à son égard la décision de prise en charge de l’accident du travail de M. [R] [H] du 27 janvier 2021, au titre de la législation sur les risques professionnels, ainsi que l’ensemble des conséquences financières et médicales qui en découle au motif de l’absence de fait accidentel à l’origine des lésions de l’assuré,
– en tout état de cause, condamner la CPAM de l’Oise aux entiers dépens.
La société [6] soutient à titre principal que la caisse n’a pas respecté la procédure d’instruction contradictoire en mettant à sa disposition un dossier incomplet, lequel ne comprenait pas les certificats médicaux de prolongation établis et adressés à la caisse jusqu’à la clôture de l’instruction.
Elle indique que le premier certificat médical a prescrit un arrêt de travail jusqu’au 11 février 2021 et que son compte employeur a été impacté de 243 jours d’arrêts de travail, de telle sorte que la caisse a été en possession d’autres certificats médicaux au cours des mois de février à avril 2021.
Elle fait valoir que le code de la sécurité sociale vise » les divers certificats médicaux » et que la caisse ne peut se prévaloir d’une condition non prévue par les textes, à savoir le fait que les certificats médicaux de prolongation ne servent pas à la prise de décision sur le caractère professionnel du sinistre.
Elle soutient ensuite que la caisse n’a pas respecté la seconde phase de consultation du dossier, qui est fondamentale notamment pour prendre en compte les observations des parties, phase qui s’est révélée impossible en l’espèce car la décision de prise en charge est intervenue le 26 avril 2021, soit le premier jour de cette seconde phase de consultation prévue par le code de la sécurité sociale.
Elle ajoute qu’elle s’est connectée pour consulter une nouvelle fois le dossier et qu’elle n’a pas pu y avoir accès.
A titre subsidiaire, la société [6] conteste la matérialité du fait accidentel et soutient que la lésion déclarée par le salarié est apparue de manière lente et progressive, » à force » qu’il avançait et reculait le PIT pour la conduite de son charriot, qu’il s’était déjà plaint de douleurs aux bras avant le jour de l’accident supposé, qu’il n’a pas déclaré un fait accidentel brusque et soudain qui serait survenu à une heure précise.
Elle ajoute qu’une scapulalgie droite résulte généralement d’une sollicitation excessive ou trop fréquente mais en aucun cas d’un fait accidentel et que la caisse ne produit aucun élément qui démontrerait que les lésions du salarié ont une origine soudaine et qu’elles ne résultent pas d’une répétition.
Par conclusions communiquées au greffe le 3 novembre 2023, soutenues oralement à l’audience, la CPAM de l’Oise demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter la société [6] de l’ensemble de ses demandes.
S’agissant du respect du principe du contradictoire, la caisse fait valoir que le dossier mis à la disposition de l’employeur était complet, qu’elle a communiqué l’ensemble des éléments dont elle disposait au moment de la consultation et qu’il incombe à l’employeur de prouver qu’il existait d’autres certificats à ce moment-là, ce qu’il ne fait pas.
Elle indique par ailleurs que seul un manquement au délai réglementaire de 10 jours francs peut être sanctionné par une inopposabilité car il constitue un délai au cours duquel l’employeur peut discuter du bien-fondé de la demande de son salarié, et que la société [6] ne conteste pas que ce délai a été respecté en l’espèce.
Elle ajoute que la possibilité d’accéder au dossier à l’issue de la phase de consultation n’affecte pas la régularité de la procédure d’instruction, le texte ne prévoyant aucune durée spécifique pour cette phase entre la consultation et la prise en décision mais une simple mesure d’information supplémentaire.
S’agissant de la matérialité du fait accidentel, elle soutient que les circonstances sont parfaitement claires, que le fait accidentel est survenu aux temps et lieu du travail, qu’il a été consigné dans le registre de l’infirmerie le jour de sa survenance, que la lésion a été constatée dans un temps voisin, que l’employeur a été prévenu le jour-même et que les déclarations du salarié sont corroborées par des éléments objectifs.
Elle ajoute que l’employeur ne démontre pas que la lésion subie par le salarié aurait une cause totalement étrangère au travail.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs de l’arret
– Sur le respect du principe du contradictoire par la caisse
Aux termes de l’article R.441-14 du code de la sécurité sociale résultant du décret n°2019-356 du 23 avril 2019 – art 1 :
Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :
1°) la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle,
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse,
3°) les constats faits par la caisse primaire,
4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l’employeur,
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.
Il peut, à leur demande, être communiqué à l’assuré, ses ayants droit et à l’employeur, ou à leurs mandataires. Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l’autorité judiciaire.
Il résulte de ce texte que n’a pas à figurer dans le dossier sur la base duquel se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident une pièce et notamment un certificat médical ne portant pas sur le lien entre l’affection et l’activité professionnelle (dans le sens qu’un avis du service médical se prononçant sur le lien entre un arrêt de travail du salarié antérieur à la déclaration et sa maladie professionnelle ne porte pas sur le lien entre l’affection et l’activité professionnelle et que, étranger à cette question, il n’avait pas à figurer dans le dossier sur la base duquel se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident 2e civ., 14 mars 2019, pourvoi n°18-13.385 et dans le sens que des documents portant sur la fixation du taux d’incapacité permanente partielle n’ont pas à figurer dans le dossier sur la base duquel se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident, 2e civ., 21 septembre 2017, pourvoi n°16-26.842).
Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence au dossier des certificats médicaux de prolongation manque en droit, ces certificats étant étrangers à la question du lien entre la lésion et l’activité professionnelle ( en sens contraire 2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi n° 20-21.896).
En outre la preuve que la caisse détenait ces certificats lorsqu’elle a clôturé l’instruction n’est pas rapportée par l’employeur au seul vu du nombre de jours d’arrêts imputés à son compte employeur au titre de cet accident, aucune démonstration n’étant faite du lien entre le nombre de jours d’arrêt pris en compte pour le calcul du coût de l’accident et le fait que la caisse aurait été en possession des certificats de prolongation.
Ce moyen manque donc au surplus en fait.
Il résulte ensuite de l’article R. 441-8, II, du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2019-356 du 23 avril 2019, art. 1, qu’à l’issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur, que ceux-ci disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier, qu’au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations, que la caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation.
Ce texte fait l’obligation à la caisse de mettre le dossier d’instruction à la disposition de l’employeur qui doit bénéficier d’un délai de consultation, durant lequel il peut présenter ses observations, d’au moins dix jours francs.
Il en résulte par ailleurs que l’employeur peut ensuite continuer à consulter le dossier jusqu’à l’intervention de la décision de la caisse, mais sans émettre d’observations.
Contrairement aux dires de l’appelante, ce texte ne consacre pas de seconde phase de consultation obligatoire mais précise simplement que le dossier d’instruction reste consultable à l’issue du délai de dix jours francs et ce jusqu’à l’intervention de la décision de la caisse sur la prise en charge.
Toute la question est donc de savoir si, comme elle l’affirme, l’appelante aurait été privée de la possibilité, en violation du texte, de consulter le dossier pendant ce qu’elle qualifie de deuxième phase de consultation.
Par courrier du 12 février 2021, la CPAM a informé la société [6] de ce que le dossier de demande de reconnaissance d’accident du travail était complet à la date du 29 janvier 2021, lui a demandé de renseigner sous 20 jours un questionnaire mis à sa disposition sur le site https://questionnaires-risquepro.ameli.fr, et lui a indiqué qu’elle pourrait consulter les pièces du dossier et formuler ses observations directement en ligne du 12 au 23 avril 2021, et que le dossier resterait consultable au-delà de cette date et que sa décision interviendrait au plus tard le 30 avril 2021.
La période de consultation du dossier avec possibilité d’émettre des observations s’étendait donc du 12 au 23 avril ce dont il résultait que le dossier pouvait toujours être consulté à partir du 24 avril jusqu’à la date du 26 avril 2021.
Le moyen de l’employeur selon lequel cette « deuxième phase de consultation « n’aurait pas existé s’appuie sur l’affirmation erronée selon laquelle le jour de cette seconde phase serait le 26 avril 2021 alors qu’il s’agit du 24 avril 2021,
Il s’appuie en outre sur l’affirmation sans preuve ni offre de preuve selon laquelle l’employeur se serait connecté le 26 avril et n’aurait pu avoir accès au dossier informatique
Par ailleurs il résulte de l’historique de consultation produit par la caisse et non contesté par la société [6] que l’assuré, M. [H], a pu le consulter le 24 avril à 09h31 soit pendant la seconde phase de consultation.
Le moyen de l’employeur tiré de ce qu’il n’aurait plus pu consulter le dossier pendant la phase de consultation sans observations manque donc en fait.
Il résulte de tout ce qui précède que la caisse n’a pas manqué à son obligation d’information au sens des dispositions du code de la sécurité sociale précitées.
– Sur la matérialité du fait accidentel
Aux termes de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un évènement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.
Il résulte de ce texte que toute lésion survenue au temps et au lieu du travail doit être présumée comme un accident imputable au travail sauf s’il est rapporté la preuve qu’elle a une origine totalement « étrangère à celui-ci ( en ce sens voir entre autres l’arrêt de la chambre sociale du 16 avril 1986 pourvoi n° 84-16838 au Bull 1986 V n° 142 p 111 et ceux de la 2e chambre Civile du 30 mai 2013 pourvoi n° 12-18205 et du 22 janvier 2015 pourvoi n° 14-10180 ) et que dès lors que le salarié rapporte la preuve que la lésion est survenue au temps et au lieu du travail, il n’a pas à établir la réalité du lien entre ce dernier et la lésion et donc l’existence d’un fait générateur particulier ( en ce sens parmi de multiples autres arrêts celui de la chambre sociale du 8 juin 1995 pourvoi n° 93-17804 publié au Bulletin 1995 V n° 191 p 141 et celui de la 2e chambre civile du 31 mai 2005 pourvoi n° 03-30729).
Cette preuve, qui ne peut résulter des seules déclarations du salarié, peut être apportée par un faisceau d’indices complétant ces dernières et permettant de retenir, par voie de présomptions graves et concordantes, la survenance d’une lésion aux temps et lieu de travail (en ce sens notamment 2e civ., 31 mars 2016, pourvoi n° 15-12.801 approuvant les juges du fond de ne pas avoir retenu le caractère professionnel de l’accident au motif que » la certitude des faits invoqués n’était pas établie par un faisceau de présomptions suffisamment précises et concordantes « ).
En l’espèce l’accident serait survenu le 27 janvier 2021 entre 06h05 et 08h45, l’heure n’étant pas précisé sur la déclaration d’accident du travail mais reprise dans les constats de l’agent enquêteur assermenté de la caisse, laps de temps durant lequel le salarié aurait ressenti des douleurs dans l’épaule droite à force de man’uvre un gerbeur avec ses deux bras.
Le salarié a ajouté lors d’un entretien téléphonique avec l’agent enquêteur qui a été consigné dans un procès-verbal de constatation établi le 23 mars 2021 qu’il est parti en pause après 08h45, qu’à son retour il avait mal au niveau de l’épaule droite, que l’infirmière et la sécurité lui ont proposé d’appeler les pompiers mais qu’il a décliné pensant que la douleur s’estomperait, ce qui n’a pas été le cas, qu’il a continué de piloter l’engin jusqu’à sa pause et qu’un collègue, M. [G], a constaté après sa pause que M. [H] avait mal à l’épaule.
Les déclarations du salarié sont parfaitement cohérentes avec le certificat médical initial établi le 28 janvier 2021 par le docteur [N] faisant état de scapulalgies droites, le diagnostic posé par ce médecin étant compatible avec la sensation de douleur de l’épaule droite décrite par le salarié.
En outre, les déclarations du salarié sont également corroborées par :
– les déclarations de M. [G], formateur de M. [H], à l’enquêteur de la caisse qui a déclaré à ce dernier avoir constaté en retour de pause que la victime avait comme un choc, qu’elle a eu mal en retirant son bonnet pour lever le bras ; qu’elle est partie directement à l’infirmerie, qu’elle souffrait ;
– le fait que le salarié s’est rendu le jour même à l’infirmerie et a déclaré à l’infirmière avoir subi une douleur à l’épaule à force d’avancer et de reculer avec son engin ( procès-verbal de constatation de conversation téléphonique avec l’infirmière de la société [5], établi le 30 mars 2021)
Il existe donc un faisceau d’indices venant confirmer l’authenticité des déclarations du salarié, qui n’est aucunement remis en cause par le fait que la lésion déclarée serait apparue de manière progressive le jour de l’accident et ne résulterait pas d’un geste brusque et soudain, le moyen en ce sens manquant en droit.
Les déclarations du salarié étant suffisamment corroborées par des éléments qui leur sont extrinsèques, il s’ensuit que la CPAM bénéficie de la présomption d’imputabilité au travail de l’accident litigieux.
Le fait que le salarié ait déclaré à l’agent enquêteur de la caisse qu’il avait les jours précédents de légères douleurs aux bras est insuffisant à établir ni l’existence d’une cause totalement étrangère au travail à l’origine de la lésion déclarée ni le fait que la lésion serait survenue antérieurement à la date à laquelle elle a été déclarée.
L’employeur n’établit donc pas ni que la lésion déclarée au titre de l’accident du 27 janvier 2021 aurait une cause totalement étrangère au travail ni qu’en ayant été constituée antérieurement à l’accident, elle relèverait du régime des maladies professionnelles.
En conséquence de tout ce qui précède il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré déboutant la société [6] de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident litigieux.
– Sur les dépens
Attendu que la société [6] succombe en l’intégralité de ses prétentions ce qui justifie la confirmation des dispositions du jugement déféré relatives aux dépens
Qu’il convient donc de la condamner aux dépens d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Condamne la société [6] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président,
AMPILIATION
n°22/4130 arrêt en date du 26/03/2024
Copies certifiées conformes :
1 copie dossier le 26/03/2024
1 copie TJ Beauvais le 26/03/2024
1 copie CPAM le 26/03/2024 par LRAR
1 copie SAS [6] le 26/03/2024 par LRAR
1 copie Maitre RICARD le 26/03/2024
Copies exécutoires :
1 copie CPAM le 26/03/2024 par LRAR