Contester un redressement de l’URSSAF
En matière de redressement URSSAF sur les redevances versées aux artistes, le critère de l’aléa économique n’est pas essentiel. Une Association (l’Orchestre de Chambre de Paris) a obtenu gain de cause sur un redressement prononcé par l’URSSAF portant sur les redevances versées à des artistes du spectacle recrutés par l’Association.
Redevances et aléa économique
Nonobstant l’enregistrement ou l’absence d’enregistrement d’oeuvre sur support audiovisuel, la production ou la diffusion de ces oeuvres générant un chiffre d’affaires auprès du public, tous les membres de l’orchestre percevaient un complément de rémunération sous forme de redevances. Pour requalifier ces redevances versées aux artistes en salaries, l’URSSAF exposait que l’Association n’était pas en mesure de justifier du détail des droits proportionnels dus à chacun des musiciens ; le minimum garanti non remboursable annuel étant sans corrélation avec la diffusion de l’enregistrement et ne présentait pas un caractère aléatoire en ce qu’il n’était pas proportionnel au produit de la vente ou de l’exploitation de la prestation des artistes. L’URSSAF soulignait le caractère forfaitaire des avances et le minimum garanti non remboursable accordé aux artistes pour en déduire l’absence d’aléa économique.
La rémunération de l’artiste
La rémunération due à l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement (L 7121- 8 du code du travail) .
Un accord collectif, signé entre les musiciens de l’orchestre, représentés par leurs organisations syndicales, et l’Association visait expressément cette disposition légale. Pour garantir aux musiciens une participation effective aux recettes d’exploitation, l’association était en droit de verser annuellement, à chaque musicien permanent de l’orchestre, une avance sur royalties non remboursable mais récupérable sur les redevances proportionnelles dues aux musiciens en contrepartie des autorisations données en vue de l’exploitation de l’enregistrement.
Légalité de l’avance sur recettes proportionnelles
Ce système d’avances sur recettes d’exploitation est légal aux conditions suivantes : i) les royalties doivent être versées pendant toute la durée de la protection accordée aux interprètes (qui était alors de 50 ans). La durée d’exploitation des enregistrements de musique classique, au regard du caractère universel des oeuvres enregistrées, ne permet pas d’apprécier seulement sur deux années, les résultats de l’exploitation commerciale d’oeuvres présentant un caractère éminemment pérenne ; ii) le montant de l’avance annuelle peut ne pas être fixe (négociations bisannuelles) mais ne doit pas être disproportionné par rapport aux salaires.
Dans cette affaire, les juges ont été sensibles au développement des réseaux numériques et des nouveaux modes d’accès du public aux répertoires musicaux qui permet aux formations orchestrales de développer leur activité de production ou de coproduction de phonogrammes et de vidéogrammes y compris par une exploitation directe sans pertes liées aux commissions demandées par les intermédiaires, ce qui conduit à une évolution tangible sur le plan financier, du fait d’une meilleure valorisation des droits de propriété intellectuelle, et à une augmentation des recettes d’exploitation des phonogrammes et des vidéogrammes.
Le mode de calcul de l’URSSAF n’a pas été retenu puisqu’il consistait à comparer les sommes versées aux musiciens au titre des enregistrements réalisés sur une année avec les sommes reçues sur cette année mais tirées de l’exploitation d’enregistrements réalisés sur les années antérieures alors qu’un enregistrement réalisé n’est commercialisé que plusieurs mois après et ne génère de royalties pour l’orchestre qu’ une fois les coûts de production amortis par le producteur du phonogramme.
Il y avait donc nécessairement un décalage de plusieurs mois entre le versement de l’avance sur royalties aux musiciens sur un enregistrement audiovisuel et la réception des premiers revenus tirés de l’exploitation de cet enregistrement. A cela s’ajoute la durée pendant laquelle les musiciens continuent de prétendre à des droits sur l’exploitation des produits audiovisuels auxquels ils ont participé, qui était de 50 ans jusqu’en 2015 et qui est passée à 70 ans en vertu de la loi du 20 février 2015 en ce qui concerne les phonogrammes. Les redevances en cause étaient donc bien, au sens de l’article L 7121-8 du code du travail, fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement et ne présentaient pas le caractère de salaire.
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