A partir de quand une vente est parfaite ? C’était la question posée aux juges dans le cadre de la vente en ligne d‘une montre de luxe, partiellement contrefaite, entre particuliers.
Conditions de la vente parfaite
Le droit français est dominé par le consensualisme. Aux termes de l’article 1583, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. En matière d’échange des consentements, l’article 1315, alinéa 1 er, du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
En l’occurrence, le vendeur a laissé à l’acheteur la montre litigieuse moyennant la remise d’un chèque d’un montant de 75.000 euros. L’acheteur a par la suite découvert la présence d’un insert de remplacement et de l’absence d’authenticité du cadran de la montre et a appelé le vendeur pour lui dire qu’il annulait la transaction.
Erreur et contrefaçon partielle
L’article 1109 du code civil dispose qu’il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. Aux termes de l’article 1110, alinéa 1 er, du même code, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Il est de principe que l’erreur n’est une cause de nullité que dans la mesure où elle est excusable.
En l’espèce, aux termes du rapport d’identification réalisé sur la montre litigieuse par la société ROLEX, dans le cadre de l’enquête pénale diligentée à la suite du dépôt de plainte de tentative d’escroquerie, ont été identifiés comme contrefaits la carrure et le fond, la lunette et son disque, et comme modifiés la couronne et les aiguilles ; ont en revanche été identifiés comme authentiques le cadran, le mouvement et le bracelet.
Statut de l’acheteur professionnel
Les juges ont considéré que l’acheteur a procédé à l’achat de la montre litigieuse dans le cadre de son activité commerciale de vente de montres de collection, fort de son expertise en la matière, et nécessairement conscient des aléas existant lors de l’achat d’une montre fabriquée en 1958, l’acheteur ne démontrait cependant pas avoir eu la certitude d’acquérir une montre dont l’ensemble des composants étaient authentiques et, partant, avoir commis une erreur lors de la transaction litigieuse. De surcroît, l’acheteur se présentait comme spécialiste de la montre d’occasion et notamment des montres de marque Rolex et se prévalait sur son site Internet, d’une expérience de plus de trente ans sur le marché de la montre d’occasion et de collection et de vingt-cinq ans sur le marché des montres Rolex. Il appartenait dans ces conditions à l’acheteur, qui avait nécessairement connaissance du risque important, eu égard à la date de fabrication de la montre et aux difficultés dont il fait lui-même état consécutives au positionnement du service après-vente de la société Rolex, de ce qu’un ou plusieurs éléments étaient susceptibles de se révéler inauthentiques, de procéder à l’expertise de la montre préalablement à la conclusion d’un contrat de vente. A supposer qu’elle puisse être caractérisée de manière certaine, l’erreur invoquée serait en tout état de cause inexcusable.
Dol exclu
Le dol n’a pas non plus été retenu. L’article 1116 dispose que le dol, qui ne se présume pas et doit être prouvé, est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Outre l’incertitude existant quant à l’existence d’une erreur lors de l’expression du consentement au contrat de vente litigieux, la preuve n’était pas apportée (en application de l’article 9 du code de procédure civile) de ce que le vendeur aurait commis une quelconque manœuvre ou réticence dolosive de nature à provoquer chez lui une erreur lors de l’expression de ce consentement.
Il n’était pas non plus établi que le demandeur ait eu connaissance, lors de la cession litigieuse, du défaut d’authenticité d’une partie des composants de la montre, étant observé qu’il n’est pas un professionnel du marché de la montre d’occasion et que la montre avait été considérée comme authentique par la société ARTCURIAL en 2008. Lesdits défauts n’étaient pas détectables sans un examen approfondi.
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