Requalification d’un CDD d’usage de graphiste
L’article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d’un salarié (1), l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (2) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3 ).
Aux termes de l’article D.1242-1 du code du travail, les secteurs d’activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée sont (…) 6° les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique (…).
En application des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi, et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
La possibilité de conclure des contrats à durée déterminée d’usage est certes prévue et encadrée par la convention collective de la production audiovisuelle et l’accord national de branche de la télédiffusion et de la production audiovisuelle en date du 22 décembre 2006 (et étendu par arrêté du 5 juin 2007), mais il appartient au juge de contrôler tant le formalisme des contrats que le motif par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement.
Mentions du CDD d’usage
Dans cette affaire, sur le plan du formalisme, les lettres d’engagement produites et valant contrats de travail indiquent bien notamment le motif de l’emploi, la durée journalière du temps de travail et les jours de travail, se référant expressément aux dispositions légales et réglementaires qui autorisent le recours au contrat à durée déterminée d’usage dans le secteur de l’audiovisuel, à savoir la convention collective susvisée. Dès lors que les contrats comportent l’ensemble des précisions et mentions légales, ils n’encourent pas la requalification en contrat de travail à durée déterminée sur ce point.
Sur le fond, le salarié a travaillé, selon une centaine de contrats, pendant environ 6 ans comme réalisateur graphiste pour réaliser des bandes annonces (travail technique et parfois artistique de sélection et d’assemblages d’images, qui permet en bas de l’écran de faire des annonces sur l’émission en cours mais aussi d’annoncer d’autres programmes) dans de nombreuses émissions ou documentaires, comme cela résulte des mentions sur ses ‘lettres d’engagement’. Ces bandes-annonces sont depuis quelques années quasi-systématiques sur la plupart des émissions.
Réalisateur de bandes annonces : un emploi permanent
La fréquence du recours par la société était de plusieurs jours par mois, avec une moyenne 58 heures par mois sur 10 mois. La nature de son emploi, absolument nécessaire pour de nombreuses émissions et programmes diffusés par la société, explique qu’il soit régulièrement fait appel chaque jour à des réalisateurs de bande-annonces comme lui-même employé sous CDD, mais aussi à des salariés en CDI que la société admet employer en même temps. Au vu de ces éléments établissant que l’emploi du salarié correspondait à un emploi lié à l’activité normale et permanente de sociétés, il y a lieu de requalifier cette relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.
Conséquences de la requalification
Lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée postérieurement à son exécution, la relation contractuelle se trouve rompue de fait et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du premier jour suivant celui auquel l’employeur, qui s’estimait à tort lié au salarié par un contrat de travail à durée déterminée venu à échéance, a cessé de lui fournir un travail et de le rémunérer.
Aux termes de l’article L1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.