Loi Toubon et protection du consommateur

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Domicile du consommateur ou loi du contrat ?

Il est parfois difficile de déterminer le droit applicable au consommateur, de surcroît lorsque celui-ci contracte hors de son domicile (foire, salon …). En l’espèce, un couple revendiquait  à son profit l’application du droit français et en particulier les dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation sur l’obligation pour un professionnel de mettre le consommateur en l’état de connaître les caractéristiques essentielles d’un bien et celles de l’article 2 de la loi dite Toubon du 4 août 1994 sur l’obligation de rédaction des actes en langue française.

Le prestataire opposait à cette demande l’application du droit allemand sur le fondement du règlement européen CE 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008. Ce règlement prévoit dans son article 6, paragraphe I, institué selon son préambule pour la protection du consommateur, une disposition selon laquelle un contrat conclu entre une personne physique, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne, le professionnel, agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou, par tous moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.

Ce même article stipule que, nonobstant les dispositions du paragraphe I, les parties peuvent choisir la loi applicable à un contrat satisfaisant aux conditions de ce paragraphe, conformément à l’article 3 du règlement, qui dispose que le contrat est régi par la loi choisie par les parties, mais que ce choix ne peut cependant pas avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe I, ce qui, dans le cadre du droit français, s’entend notamment de toutes les dispositions d’ordre public de protection du consommateur.

Protection du consommateur

En l’espèce, les époux, qui sont de nationalité française et résident de manière habituelle en France, ont contracté à Strasbourg, en qualité de simples consommateurs car pour un usage étranger à leur activité professionnelle, avec la société de droit allemand Fischer-Küchen Atelier, agissant dans le cadre de son activité professionnelle de fabricant et d’installateur de cuisines, alors que cette dernière dirigeait son activité vers la France, leur pays de résidence, en participant à une foire qui, même dite européenne, se déroulait néanmoins dans ce pays et intéressait essentiellement une clientèle française.

Ce contrat, sauf preuve d’un choix librement consenti par les appelants en faveur de l’application de la loi allemande, était donc en vertu du règlement européen précité soumis à la loi française et de surcroît au minimum à celles des dispositions de cette loi considérées comme impératives car d’ordre public.

En l’occurrence, il ne résulte d’aucun des documents signés par eux que les époux aient accepté de soumettre le contrat au droit allemand, de sorte que c’est indéniablement le droit français qui trouvait à s’appliquer, la seule circonstance que leur cocontractant était allemand étant indifférente à l’espèce, de même que tous les autres arguments de fait avancés par l’intimée, concernant notamment la maîtrise supposée par les alsaciens de la langue allemande ou le fait qu’une clientèle allemande était susceptible d’être intéressée par la foire.

L’une des règles essentielles du droit français applicable, issue de la loi stipulée expressément d’ordre public du 4 août 1994 dite loi «Toubon», est l’emploi obligatoire de la langue française, qui ne se limite pas aux contrats auxquels sont parties les personnes morales de droit public ou les personnes privées exécutant une mission de service public, mais concerne aussi selon son article 2 la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que les factures et les quittances, ce qui englobe aux termes de la circulaire d’application du 19 mars 1996 tous les documents destinés à informer l’utilisateur ou le consommateur, dont tous les prospectus, catalogues, brochures, bons de commande et tous les contrats d’adhésion.

Par ailleurs, il est également essentiel au regard de la loi française que le professionnel informe, avant la conclusion de tout contrat, le consommateur sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, comme le disposent les articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation, ceci bien évidemment dans une langue que le consommateur maîtrise suffisamment pour en saisir tout le sens.

En l’espèce, les acheteurs ne se sont vus remettre que des documents en langue allemande, soit, selon leur traduction produite tardivement dans le cadre de l’instance, un contrat de vente pré-imprimé ayant toutes les caractéristiques d’un contrat d’adhésion, assorti de conditions contractuelles, de conditions générales de vente et d’une page à visée publicitaire représentant des photos de cuisine et une facture d’acompte portant sur le paiement de la somme de 1 000 euros.

Aucun de ces documents ne répond à l’exigence de la loi dite ‘Toubon’, de sorte qu’ils doivent être considérés comme nuls pour contrevenir à une disposition d’ordre public du droit français outre qu’il ne peut être considéré qu’ils ont pu utilement servir à remplir l’obligation d’information du professionnel et donc permettre un consentement éclairé des époux, de sorte que le contrat est aussi nul à raison d’une réticence dolosive résultant d’un défaut d’information de la société Fischer-Küchen Atelier qui a eu pour effet de tromper les acheteurs, amenés à contracter sans être en mesure de comprendre parfaitement la portée de leur engagement, s’agissant notamment de la clause de dédit qui ne connaît pas d’équivalent en droit français.

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