L’impossible protection de la ballerine pliable

Notez ce point juridique

Une société ne peut revendiquer un monopole sur le concept de la ballerine pliable. La  protection de ce type de modèle est problématique dans la mesure où dès les années 1930/1940 des chaussons de danse ont été retravaillés afin qu’ils soient portés dans la rue. En particulier, le modèle créé en 1956 par la société REPETTO et les modèles LP Shoes de 2006 et Yosi Samra de 2009 privent de nouveauté le modèle (de la société NATKIN PARIS).

Natkin Paris c/ Massimo Dutti

La société Natkin Paris a été déboutée de son action en contrefaçon de modèle de ballerine contre la société Massimo Dutti.

Surpiqûre sur la semelle

La société Natkin Paris ne peut revendiquer la protection d’une ballerine pliable,- soit une caractéristique connue-, présentant une surpiqûre sur la semelle, -laquelle n’a que pour fonction de fixer la semelle à la chaussure, et n’est donc pas une caractéristique protégeable.

 

Caractère propre d’un modèle

Pour rappel, au sens de l’article L511-2 du code de la propriété intellectuelle, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre. Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée (article L512-4).

Pour l’appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle. N’est pas susceptible de protection, entre autres, l’apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit (article L511-8).

Caractère individuel d’un modèle  

L’article 106 bis du règlement communautaire n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires est applicable aux dessins et modèles déposés au registre international tenu par le bureau international de l’OMPI et désignant la Communauté. L’article 6, alinéa 1er, de ce règlement prévoit notamment que ‘Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public’. Son article 8 précise notamment que ‘Un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposés par sa fonction technique’.

Absence d’originalité des ballerines

 

Le modèle en cause n’a pas non plus été jugé éligible à la protection par les droits d’auteur. La société Natkin Paris a procédé à une description objective des ballerines en question, sans aucune indication sur les choix créatifs réalisés par leur auteur l’ayant amené à réaliser ces ballerines sous cette forme et avec ses caractéristiques. La société procédait par affirmation en indiquant qu’il s’agissait de modèles de ballerines revisitées et présentant une combinaison inédite de caractéristiques, mais n’expliquait pas en quoi cette combinaison révélerait l’expression de la sensibilité du créateur,

La juridiction a observé que la société ne produisait pas d’attestation de son créateur, ou d’un employé ayant créé les modèles de ballerine en cause, expliquant les partis pris esthétiques qu’il aurait suivis pour parvenir à leur création. Il est par ailleurs indifférent que les ballerines de la société aient été remarquées par les professionnels de la chaussure, ou qu’elles seraient devenues l’image de marque de la société.

Selon l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, ‘l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous’. L’article L.112-1 du même code protège par le droit d’auteur ‘toutes les ‘oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination’, pourvu qu’elles soient des créations originales.

Il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Lorsque la protection est contestée en défense, l’originalité doit être explicitée et démontrée par celui qui se prétend auteur. Télécharger la décision

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