Reconnaissance de la Faute Inexcusable de l’Employeur dans le Cadre d’une Maladie Professionnelle : 10 Questions / Réponses juridiques

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Résumé de cette affaire : Monsieur [W] [E], employé de la société SAINT JEAN INDUSTRIES POITOU de 1982 à 2019, a été diagnostiqué avec des plaques pleurales liées à l’inhalation de poussières d’amiante. Après la liquidation judiciaire de son employeur en 2019, il a reçu une indemnité de la CPAM pour son incapacité permanente. En juin 2020, il a saisi le FIVA pour obtenir une indemnisation supplémentaire, acceptant une offre en septembre 2020. En décembre 2020, il a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, et en juin 2021, il a saisi le tribunal judiciaire de Poitiers. Le tribunal a organisé les échanges de conclusions, et l’affaire a été plaidée en septembre 2024. La CPAM a indiqué qu’elle s’en remettait à la justice concernant la faute inexcusable et a précisé ses obligations de remboursement. Le tribunal a rendu son jugement le 15 octobre 2024, déclarant l’action de Monsieur [W] [E] recevable, reconnaissant la faute inexcusable de l’employeur, et fixant les indemnités dues.

Quels sont les délais de prescription pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable ?

La prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable est régie par les articles L 431-2 et L 461-1 du Code de la sécurité sociale.

Ces articles stipulent que la victime d’une maladie professionnelle ou ses ayants droit disposent d’un délai de deux ans pour agir. Ce délai commence à courir à partir de l’un des événements suivants :

– La date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle.

– La cessation du travail en raison de la maladie constatée.

– La clôture de l’enquête.

– La cessation du paiement des indemnités journalières.

– La reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.

Ce délai peut être interrompu par une action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, et ne recommence à courir qu’à partir de la décision ayant reconnu ce caractère professionnel.

Dans le cas de Monsieur [E], il a eu connaissance de la prise en charge de sa maladie professionnelle le 26 mars 2020, ce qui a marqué le début du délai de prescription.

Il a ensuite adressé une demande à la CPAM le 2 décembre 2020, ce qui a interrompu le délai de prescription. En l’absence de procès-verbal de non-conciliation, le délai n’a pas recommencé à courir, rendant ainsi son action recevable.

Quelles sont les conséquences de l’acceptation de l’offre du FIVA ?

L’acceptation de l’offre du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) a des conséquences importantes, notamment en matière de subrogation.

Selon l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, l’acceptation de l’offre ou d’une décision juridictionnelle définitive rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice.

Le IV de cet article précise que le FIVA est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage. Cela signifie que le FIVA peut agir en justice pour récupérer les sommes qu’il a versées à la victime.

En l’espèce, Monsieur [E] a accepté l’offre du FIVA le 23 septembre 2020, ce qui a permis au FIVA d’agir en tant que créancier subrogé.

Ainsi, seul le FIVA peut demander en justice le paiement des indemnisations qu’il a versées, et toute demande d’indemnisation de la victime doit être déclarée irrecevable.

Le FIVA peut-il agir au nom d’un conjoint survivant ?

La question de la capacité du FIVA à agir au nom d’un conjoint survivant est régie par l’article 117 du Code de procédure civile et l’article L 142-9 du Code de la sécurité sociale.

L’article 117 stipule que le défaut de pouvoir d’une personne représentant une autre en justice constitue une irrégularité de fond, entraînant la nullité de l’acte de procédure.

L’article L 142-9 énonce les personnes qui ont qualité pour représenter les parties lorsqu’elles ne se défendent pas elles-mêmes.

Il en résulte que le FIVA, en tant que créancier subrogé, n’a pas le pouvoir de représenter la victime ou ses ayants droit, sauf pour les indemnisations qu’il a versées.

Par conséquent, la demande formée au nom de l’éventuel conjoint survivant de Monsieur [E] sera déclarée irrecevable, car le FIVA n’a pas le pouvoir de représenter ce dernier.

Quelles sont les conditions de recevabilité de l’action en faute inexcusable ?

La recevabilité de l’action en faute inexcusable est encadrée par les articles L 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

Pour qu’une action soit recevable, il faut établir que la maladie est d’origine professionnelle, ce qui est présumé pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles.

De plus, l’employeur a une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, ce qui implique qu’il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé de ses employés.

La faute inexcusable est caractérisée lorsque deux conditions sont réunies :

1. L’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié.

2. L’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié.

Dans le cas de Monsieur [E], la CPAM a reconnu que sa maladie était d’origine professionnelle.

Les éléments de preuve, tels que les attestations de collègues et les rapports médicaux, montrent que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger Monsieur [E] de l’exposition à l’amiante, ce qui constitue une faute inexcusable.

Quelles sont les conséquences d’une faute inexcusable sur les indemnités ?

L’article L 452-2 du Code de la sécurité sociale prévoit que l’assuré victime d’une faute inexcusable de son employeur a droit à une majoration des indemnités déjà perçues.

Cette majoration est déterminée en fonction de la nature des indemnités perçues. Si celles-ci ont été versées sous forme de capital, la majoration ne peut excéder le montant initial.

Si les indemnités consistent en une rente, la majoration est calculée de manière à ce que la rente majorée ne dépasse pas la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, ou le montant du salaire en cas d’incapacité totale.

Dans le cas de Monsieur [E], la faute inexcusable de la société SAINT JEAN INDUSTRIES POITOU a été établie, ce qui lui donne droit à une majoration de l’indemnité en capital.

Cette majoration a été fixée à 1.983,69 euros, et elle suivra l’évolution de son taux d’incapacité.

Comment sont déterminées les indemnisations pour souffrances physiques et morales ?

Les indemnisations pour souffrances physiques et morales sont régies par l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale.

Cet article stipule que la victime peut demander des réparations pour les préjudices causés par les souffrances physiques et morales, ainsi que pour les préjudices esthétiques et d’agrément.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse, qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

Dans le cas de Monsieur [E], les pièces médicales ont révélé l’apparition de plaques pleurales, ce qui justifie une indemnisation pour souffrances physiques.

Concernant les souffrances morales, il a été établi qu’il souffre d’anxiété permanente face à sa maladie.

En conséquence, une indemnité totale de 16.900 euros a été fixée, dont 16.600 euros pour la souffrance morale et 300 euros pour la souffrance physique.

Qu’est-ce que le préjudice d’agrément et comment est-il indemnisé ?

Le préjudice d’agrément est défini comme l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, qu’elle soit sportive ou de loisir.

Ce type de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure. Selon l’article 1353 du Code civil, il appartient à celui qui se prévaut d’un tel préjudice de prouver qu’il pratiquait effectivement cette activité avant la maladie ou l’accident.

Dans le cas de Monsieur [E], le FIVA a indemnisé un préjudice d’agrément à hauteur de 1.300 euros.

Cependant, Monsieur [E] n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer qu’il pratiquait une activité sportive ou de loisir spécifique avant sa maladie.

En conséquence, la demande d’indemnisation pour préjudice d’agrément a été rejetée.

Quelles sont les implications des frais irrépétibles et des dépens dans ce contexte ?

Les frais irrépétibles et les dépens sont des éléments importants dans le cadre des actions en justice.

L’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel, permet à la victime de demander réparation pour l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Cependant, les frais exposés devant le tribunal, ainsi que les frais irrépétibles, ne sont pas inclus dans les sommes que la caisse doit avancer.

Dans le cas de Monsieur [E] et du FIVA, ils ne pourront pas mettre à la charge de la liquidation judiciaire de l’employeur les dépens et les frais irrépétibles, ce qui signifie qu’ils devront les conserver à leur charge.

Quelles sont les conditions pour l’exécution provisoire d’un jugement ?

L’exécution provisoire d’un jugement est une mesure qui permet de rendre une décision exécutoire immédiatement, même si elle est susceptible d’appel.

Cependant, l’article 514 du Code de procédure civile précise que l’exécution provisoire n’est pas automatique et doit être justifiée par des circonstances particulières.

Dans le cas présent, aucune circonstance particulière n’a été présentée pour justifier l’exécution provisoire du jugement.

Ainsi, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à l’exécution provisoire, ce qui signifie que les effets du jugement ne seront pas appliqués tant que les voies de recours ne seront pas épuisées.

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