Dans la mesure où un signe en cause est constitué exclusivement par sa forme lui conférant sa valeur substantielle, il ne peut acquérir de caractère distinctif par l’usage.
L’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que la distinctivité ne peut être acquise par l’usage lorsque le signe est constitué exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. En l’espèce, si la société Food Materiel Professionnel oppose uniquement à la société Tolix l’absence d’usage suffisant de la marque pour lui permettre de prétendre à une acquisition du caractère distinctif par l’usage, la société Tolix conclut quant à elle également sur le caractère non descriptif de sa marque et sa valeur non substantielle. Dès lors, il importe de rechercher si la marque litigieuse remplit ces critères d’exclusion avant d’examiner la question de son usage. Cela implique d’analyser, de manière objective, si la forme en cause exerce, en raison de ses propres caractéristiques, une influence si importante sur l’attractivité du produit que le fait d’en réserver le bénéfice à une seule entreprise fausserait les conditions de concurrence sur le marché concerné, et notamment de vérifier s’il résulte d’éléments objectifs et fiables que le choix des consommateurs d’acheter le produit en cause est, dans une très large mesure, déterminé par une ou plusieurs caractéristiques de la forme dont le signe est exclusivement constitué (CJUE, 23 avril 2020, Gömböc, C-237/19, pts 40 et 41, et pt 2 du dispositif). Il ressort des pièces versées aux débats, en particulier des articles de presse, des catalogues et du sondage précédemment évoqué, que le choix du consommateur est justement déterminé par la forme du tabouret. Le fait que le produit possède d’autres valeurs substantielles est indifférent, car les produits qui ont, en plus d’une valeur esthétique importante, une fonction essentielle, doivent aussi être couverts par l’interdit; afin de déterminer l’influence de la forme de l’objet, différents éléments peuvent être pris en compte, dont la perception du public pertinent, l’histoire de sa conception, le mode industriel ou artisanal de sa conception, sa matière, ou encore la différence de prix avec d’autres objets, ou l’importance des caractéristiques esthétiques dans la stratégie promotionnelle (CJUE, 18 septembre 2014, Hauck, C-205/13, pts 30 à 32 et 35 ; et Gömböc, précité, pt 60). Par conséquent, il est indifférent que la société Tolix mette également en avant la qualité d’une fabrication artisanale et d’un savoir-faire “made in France”, qu’elle justifie d’investissements promotionnels ou que le consommateur tienne compte également, du choix des matériaux employés, des prix pratiqués et des couleurs. Dans la mesure où le signe en cause est constitué exclusivement par sa forme lui conférant sa valeur substantielle, il ne peut acquérir de caractère distinctif par l’usage. Par conséquent, la marque n°4413078 a été annulée pour défaut de caractère distinctif. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire oppose la société Tolix steel design, créatrice et fabricante de mobilier, à la société Food matériel professionnel, spécialisée dans le commerce de fournitures de cuisine. Tolix steel design accuse Food matériel professionnel d’avoir importé des produits contrefaisants de ses tabourets et chaises, portant atteinte à ses marques. Tolix steel design demande des dommages-intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale, ainsi que la destruction des produits litigieux. Food matériel professionnel conteste les accusations et demande l’annulation de la marque de Tolix steel design, ainsi que des dommages-intérêts pour frais de rétention douanière et procédure abusive. L’affaire est en attente de jugement après une audience de plaidoirie fixée en mars 2024.
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