Contrefaçon de marque Dior : la responsabilité du bailleur

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Le bailleur de locaux commerciaux peut être qualifié d’intermédiaire à la contrefaçon.

Dans cette affaire de vente de produits de contrefaçon Dior, il a été fait injonction aux sociétés Le marché Malik (bailleresses) de justifier du départ effectif de leur locataire à l’origine de ventes de contrefaçons.

Dans un arrêt du 7 juillet 2016 (aff. C-494/15, Tommy Hilfiger Licensing LLC et autres contre Delta Center a.s.), la Cour de justice de l’Union européenne assimile « l’opérateur qui fournit à des tiers un service de location ou de sous-location d’emplacements sur une place de marché, grâce auquel ceux-ci ont un accès à cette place et y proposent à la vente des marchandises contrefaisantes de produits de marque » à un « intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de ladite disposition » et pour lequel, les injonctions pouvant lui être adressées sont les mêmes “que celles pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C-324/09, EU:C:2011:474). »

En application des articles 1728 et 1729 du code civil, le bailleur doit s’assurer que son locataire use raisonnablement de la chose louée.

En la cause, les deux sociétés mettent à disposition d’un commerçant, auteur de contrefaçons de marques, des locaux utilisés pour proposer à la vente des articles dont le caractère contrefaisant est établi. Elles en ont été informées en amont de la procédure. Elles ont donc la qualité d’intermédiaire au sens de la directive précitée et des injonctions peuvent être prononcées à leur encontre.

Le droit de propriété intellectuelle bénéficie, au même titre que le droit de propriété, d’une protection à titre de droit fondamental, reconnue par le Conseil Constitutionnel, comme par la CEDH. En cas de conflit entre ces droits fondamentaux, il revient aux Etats membres la tâche de les concilier de façon équilibrée au regard d’une mise en balance des intérêts.

L’article 9.1 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative à la protection des droits de la propriété intellectuelle, transposé à l’article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 permet, en référé ou sur requêtes, que soient prises des mesures à l’égard des intermédiaires dont les services sont utilisés pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Il dispose que les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du requérant: a) rendre à l’encontre du contrevenant supposé une ordonnance de référé visant à prévenir toute atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, à interdire, à titre provisoire et sous réserve, le cas échéant, du paiement d’une astreinte lorsque la législation nationale le prévoit, que les atteintes présumées à ce droit se poursuivent, ou à subordonner leur poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du titulaire du droit; une ordonnance de référé peut également être rendue, dans les mêmes conditions, à l’encontre d’un intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle; les injonctions à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin sont couvertes par la directive 2001/29/CE. […]

L’article 11 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative à la protection des droits de la propriété intellectuelle du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle prévoit que les États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, sans préjudice de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE.

Interprétant les dispositions de la directive précitée, la Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt rendu le 12 juillet 2011 (aff. C-324/09, L’Oréal SA et autres contre eBay International AG, et autres) a dit pour droit que: L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il exige des États membres d’assurer que les juridictions nationales compétentes en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle puissent enjoindre à l’exploitant d’une place de marché en ligne de prendre des mesures qui contribuent, non seulement à mettre fin aux atteintes portées à ces droits par des utilisateurs de cette place de marché, mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes de cette nature.

Ces injonctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime. Ces injonctions doivent avoir ainsi pour finalité non seulement d’interdire la poursuite de l’infraction, commise par le contrefacteur, mais également de pouvoir obtenir à l’égard des prestataires de services en ligne, des injonctions pour faire cesser les atteintes aux droits du titulaire et pour prévenir toute nouvelle atteinte aux intérêts concernés (point 130 à 133).

L’article 11 précité ne doit pas être interprété restrictivement (point 134) et les mesures imposées aux prestataires en ligne relèvent du droit national (point 135).

Les mesures exigées de la part du prestataire du service en ligne concerné ne peuvent consister en une surveillance active de l’ensemble des données de chacun de ses clients afin de prévenir toute atteinte future (point 139) et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime (point 140).

Des injonctions à la fois effectives et proportionnées peuvent être adressées aux prestataires qui peuvent être contraints au moyen d’une injonction judiciaire, s’ils ne décident pas, de leur propre initiative, de suspendre l’auteur de l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle pour éviter que de nouvelles atteintes de cette nature par le même commerçant aux mêmes marques (point 141).

S’agissant des marques de l’Union européenne, l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne intitulé “Droit conféré par la marque de l’Union européenne”, dispose que :

1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :

a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée ; […]

3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 :
a) d’apposer le signer sur les produits ou sur leur conditionnement ;
b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe ou de fournir des services sous le signe ; […]

L’article L. 717-1 du code de propriété intellectuelle dispose que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne.

S’agissant des marques françaises, conformément aux dispositions de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée […].

L’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : 1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe ;
3° L’importation ou l’exportation des produits sous le signe ;
4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ;
5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité ;
6° L’usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;
7° La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.
Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que :  » formule, façon, système, imitation, genre, méthode.

Aux termes des dispositions de l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle.

La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l’usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c’est-à-dire dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal).

Résumé de l’affaire

L’affaire oppose les sociétés Christian Dior Couture et Louis Vuitton Malletier aux sociétés Le marché Malik et Société de gestion du marché Malik, ainsi qu’à M. [K] [F], locataire occupant des stands commerciaux 68, 69 et 79. Les demanderesses accusent les défenderesses de commercialiser des produits contrefaisant leurs marques, notamment les marques « LOUIS VUITTON » et « CHRISTIAN DIOR ». Après plusieurs constats de contrefaçon, les demanderesses ont saisi la justice pour obtenir l’interdiction de commercialiser ces produits, des dommages et intérêts, ainsi que des informations sur les fournisseurs et les quantités de produits contrefaisants. Les défenderesses affirment que les baux des stands incriminés ont été résiliés avant l’assignation, demandent le rejet des demandes et réclament des dommages-intérêts pour procédure abusive. M. [K] [F] n’a pas constitué d’avocat dans cette affaire.

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