Exploiter le fichier clients de son ancien employeur pour se constituer sa propre clientèle caractérise un comportement fautif et intentionnel d’une particulière gravité pour un dirigeant social en ce qu’elle traduit un manquement aux exigences de loyauté et d’honnêteté nécessaires au bon fonctionnement du marché.
Cette faute se détache totalement de l’exercice normal de ses fonctions, qui doivent nécessairement s’effectuer dans le respect des règles et principes du commerce. En la cause, un vendeur a utilisé le fichier de clients qu’il s’était constitué en tant que salarié et l’a ensuite mis à la disposition de la SAS Autos Velay dans le but de bénéficier rapidement d’une clientèle. Il a donc intentionnellement utilisé et détourné le fichier clients en faveur de la société nouvellement créée, ce qui caractérise la volonté de détourner la clientèle. La comparaison entre le fichier remis en préalable par la SAS Protière Le Puy et le fichier constitué par le salarié pendant son activité salariale révèle 568 contacts communs ; le salarié ne peut raisonnablement expliquer comment il a pu en quelques mois développer une clientèle de 568 personnes toutes clientes de son ancien employeur ; Le fait que la clientèle de la SAS Protière Le Puy puisse se tourner vers la SAS Autos Velay ne caractérise effectivement pas une concurrence déloyale, les clients ayant la liberté de choisir leur interlocuteur. Cependant, ce sont les procédés utilisés pour détourner la clientèle qui peuvent être caractérisés de concurrence déloyale. S’agissant de la responsabilité d’un dirigeant social, elle ne peut être engagée que s’il a commis une faute détachable de ses fonctions (Cass. 2ème civ., 7 octobre 2004, n° 02-14.399). La faute détachable des fonctions doit être intentionnelle, d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales. Constitue ainsi une faute détachable de ses fonctions le fait pour le gérant de participer délibérément, de manière personnelle et active à des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale (Com, 7 juillet 2004, n° 02-17.729). Dans le cadre d’une action en concurrence déloyale, le demandeur doit également rapporter la preuve d’un dommage. Celui-ci peut être matériel ou moral et n’ouvre droit à réparation que s’il est direct, certain et légitime. (Cass. Com., 25 avril 1983, n° 82-11.050). Il appartient au demandeur d’établir l’existence d’un lien de causalité entre les agissements déloyaux et le dommage dont il sollicite réparation. La notion de trouble commercial constitue un préjudice autonome et indépendant d’un éventuel détournement de clientèle. Il s’infère nécessairement un préjudice commercial d’un acte de concurrence déloyale (Cass. Com., 15 janvier 2020, n° 17-27.778). |
→ Résumé de l’affaireMOTIVATION :La concurrence déloyale est un sujet important en droit civil, notamment en matière de responsabilité. Les articles 1240 et 1241 du code civil posent les bases de la responsabilité civile en cas de dommage causé à autrui par un comportement fautif ou négligent. Sur la concurrence déloyale :La concurrence déloyale vise les comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin d’en tirer profit. Il appartient à la partie qui agit sur le fondement de la concurrence déloyale d’établir à l’encontre de son concurrent la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. S’agissant de la responsabilité d’un dirigeant social, elle ne peut être engagée que s’il a commis une faute détachable de ses fonctions. Constitue ainsi une faute détachable de ses fonctions le fait pour le gérant de participer délibérément à des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale. Sur ce :La SAS Protière Le Puy accuse M. [S] d’avoir utilisé de manière illicite un fichier clients de son ancien employeur pour promouvoir sa nouvelle entreprise. Les preuves présentées montrent que M. [S] a effectivement utilisé les données des clients de la SAS Protière Le Puy pour faire la promotion de la SAS Autos Velay. La cour observe que M. [S] a intentionnellement détourné le fichier clients de son ancien employeur pour en tirer profit pour sa nouvelle entreprise. Ce comportement constitue un acte de concurrence déloyale. Sur les demandes d’indemnisation :La SAS Protière le Puy réclame des dommages et intérêts pour préjudice commercial, préjudice d’image et préjudice financier. La cour reconnaît un préjudice commercial et un préjudice d’image, mais rejette la demande de préjudice financier faute de preuves suffisantes. Il est important de noter que la preuve d’un lien de causalité entre les agissements déloyaux et le dommage subi est essentielle pour obtenir réparation. Le préjudice commercial :La cour reconnaît un préjudice commercial pour la SAS Protière Le Puy, notamment en raison de la confusion causée chez sa clientèle par les agissements de M. [S]. Cependant, le préjudice financier n’est pas suffisamment prouvé pour être indemnisé. Le préjudice d’image :La cour reconnaît également un préjudice d’image pour la SAS Protière Le Puy, en raison de la divulgation des données personnelles de ses clients par M. [S]. Le préjudice financier :La cour accorde une somme de 7.409,6 euros à la SAS Protière Le Puy en réparation du préjudice financier subi. Sur les demandes de destruction du fichier client et de publication de l’arrêt :La cour rejette la demande de destruction du fichier client, car il est démontré que celui-ci a été détruit. En revanche, la cour ordonne la publication de l’arrêt aux frais de la SAS Autos Velay pour informer la clientèle des agissements déloyaux de M. [S]. Sur les frais irrépétibles et les dépens :M. [S] et la société Autos Velay sont condamnés aux dépens et à verser une somme de 4.500 euros à la SAS Protière Le Puy au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |