Fermeture Covid : pas de manquement à l’obligation de délivrance du bailleur

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La mesure générale et temporaire de police administrative portant interdiction à certains établissements de recevoir du public pendant la période d’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, n’est pas imputable au bailleur et n’est donc pas constitutive d’une inexécution par celui-ci de son obligation de délivrance (Civ. 3, 30 juin 2022 : pourvois n°21-19889, n°21-20190 et n°21-20127 ; Civ. 3, 23 novembre 2022 : pourvoi n°21-21867).

Nos conseils :

1. Attention à bien respecter les obligations de paiement du loyer telles que prévues dans le contrat de bail commercial, sous peine de poursuites en exécution forcée de l’obligation.

2. Il est recommandé de vérifier les clauses du contrat de bail commercial concernant les pénalités de retard et les intérêts moratoires, afin de comprendre les conséquences financières en cas de non-paiement des loyers.

3. Il est conseillé de ne pas invoquer la force majeure de manière abusive, car cela peut ne pas être recevable en cas de non-paiement des loyers dus pendant les périodes d’interdiction de recevoir du public.

Résumé de l’affaire

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’action en paiement

Aux termes des dispositions de l’article 1709 du code civil, le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer. En outre, en application des dispositions des premier et dernier alinéas de l’article 1728 du même code, le preneur est tenu de deux obligations principales : 2°) de payer le prix du bail aux termes convenus.

En vertu des dispositions des premier et troisième alinéas de l’article 1217 dudit code, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation. Selon les dispositions de l’article 1221 de ce code, le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier. Enfin, d’après les dispositions de l’article 1353 du code susvisé, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, il ressort du décompte en date du 21 décembre 2022 produit aux débats que la dette de la S.A.R.L. RENOUVEAU au titre des loyers, charges et taxes locatives s’élève à la somme de 22.847,04 euros, ce qui n’est pas contesté. De plus, la bailleresse justifie avoir adressé à la défenderesse une lettre recommandée de mise en demeure en date du 13 octobre 2021.

En conséquence, il convient de fixer la créance de la S.N.C. KC 10 SNC au titre des loyers, charges et taxes locatives impayés à la somme de 22.847,04 euros.

Sur le moyen de défense tiré de la perte de la chose louée

Il est constant qu’en application des différents décrets et arrêtés prescrivant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la S.A.R.L. RENOUVEAU s’est trouvée dans l’impossibilité de pouvoir accueillir du public dans les locaux donnés à bail pendant la majeure partie de la période s’étendant du 15 mars 2020 au 2 novembre 2020, date à laquelle elle a quitté les lieux.

Conformément aux dispositions de l’article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

Il y a lieu de rappeler qu’édictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public imposée à certains établissements pendant la période d’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis, si bien que cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique, de sorte que l’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose au sens des dispositions de l’article 1722 du code civil.

En l’espèce, force est de constater que les locaux donnés à bail commercial à la S.A.R.L. RENOUVEAU par la S.N.C. KC 10 SNC n’ont subi aucun changement, la première s’étant vu interdire de recevoir ses clients pour des raisons étrangères aux lieux loués, de sorte qu’aucune perte, fût-elle partielle, desdits locaux n’est caractérisée.

En conséquence, il convient de retenir que le moyen de défense opposé par la S.A.R.L. RENOUVEAU tiré de la perte de la chose louée est inopérant.

Sur le moyen de défense tiré de l’exception d’inexécution en raison du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance

Aux termes des dispositions des deux premiers alinéas de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut : refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation. En outre, en application des dispositions de l’article 1219 du même code, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. Enfin, en vertu des dispositions des deux premiers alinéas de l’article 1719 dudit code, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1°) de délivrer au preneur la chose louée.

Il y a lieu de rappeler que la mesure générale et temporaire de police administrative portant interdiction à certains établissements de recevoir du public pendant la période d’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, n’est pas imputable au bailleur et n’est donc pas constitutive d’une inexécution par celui-ci de son obligation de délivrance.

En l’espèce, force est de constater que les locaux donnés à bail commercial n’ont jamais cessé d’être mis à disposition de la S.A.R.L. RENOUVEAU par la S.N.C. KC 10 SNC, l’impossibilité d’exploiter les lieux pendant les périodes de confinement résultant du seul fait du législateur, de sorte qu’aucun manquement de la seconde à son obligation de délivrance n’est caractérisé.

En conséquence, il convient de retenir que le moyen de défense opposé par la S.A.R.L. RENOUVEAU tiré de l’exception d’inexécution en raison du prétendu manquement de la S.N.C. KC 10 SNC à son obligation de délivrance est inopérant.

Sur le moyen de défense tiré de la force majeure

Selon les dispositions du premier alinéa de l’article 1218 du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Il y a lieu de rappeler qu’en l’espèce, la S.A.R.L. RENOUVEAU, en sa qualité de locataire, et donc de créancière de l’obligation de délivrance de la chose louée, n’est pas fondée à invoquer à son profit la force majeure justifiant une exonération du paiement des loyers échus pendant les périodes d’interdiction de recevoir du public alléguées.

En conséquence, il convient de retenir que le moyen de défense opposé par la S.A.R.L. RENOUVEAU tiré de la force majeure est inopérant.

Conclusion sur la demande en paiement

En définitive, eu égard à ce qui précède, dès lors que la S.N.C. KC 10 SNC justifie que sa créance de loyers, charges et taxes locatives est fondée tant en son principe qu’en son quantum, et que les moyens de défense opposés par la S.A.R.L. RENOUVEAU sont écartés, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement formée par la première.

En conséquence, il convient de condamner la S.A.R.L. RENOUVEAU à payer à la S.N.C. KC 10 SNC la somme de 22.847,04 euros au titre des loyers, charges et taxes locatives impayés.

Sur les intérêts moratoires

Aux termes des dispositions des deux premiers alinéas de l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.

En l’espèce, la clause intitulée « ARTICLE 29 – PÉNALITÉS DE RETARD » insérée à la partie II du contrat de bail commercial conclu entre les parties stipule que toute somme non réglée par le Preneur à sa date d’exigibilité portera intérêt au taux de l’intérêt légal applicable à l’année considérée majoré de cinq cents points de base.

En conséquence, il convient de dire que la condamnation prononcée à l’encontre de la S.A.R.L. RENOUVEAU emportera intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter de l’expiration du délai d’un mois postérieurement à la date d’exigibilité de chaque somme due.

Sur l’anatocisme

Selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

En l’espèce, force est de constater que le contrat de bail commercial litigieux ne contient aucune stipulation d’anatocisme, de sorte que la capitalisation des intérêts prendra effet à compter du 4 mai 2022, date de signification de l’assignation introductive de la présente instance.

Sur les dommages et intérêts au titre de la clause pénale

Aux termes des dispositions de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, la clause intitulée « ARTICLE 29 – PÉNALITÉS DE RETARD » insérée à la partie II du contrat de bail commercial conclu entre les parties prévoit une majoration de dix pour cent des sommes dues à titre de pénalité en cas de défaut de paiement.

En conséquence, il convient de condamner la S.A.R.L. RENOUVEAU à payer à la S.N.C. KC 10 SNC la somme de 2.284,70 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant de la clause pénale.

Sur la demande reconventionnelle de délais de paiement

En application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, il convient de débouter la S.A.R.L. RENOUVEAU de sa demande reconventionnelle de délais de paiement.

Sur les mesures accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la S.A.R.L. RENOUVEAU, partie perdante, sera condamnée aux dépens, à l’exclusion des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui seront éventuellement dus partiellement par la S.N.C. KC 10 SNC en sa qualité de créancière dans les conditions de l’article A. 444-32 du code de commerce en cas d’exécution forcée de la présente décision.

Elle sera également déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles, et condamnée à payer à la S.N.C. KC 10 SNC une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a été contrainte d’exposer pour faire valoir ses droits dans le cadre de la présente instance, que l’équité et la situation économique des parties commandent de fixer à la somme de 3.000 euros, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit, en vertu des dispositions de l’article 514 du même code.

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