Le cognac ne saurait être considéré comme une sous catégorie d’eau de vie autonome par rapport aux autres eaux de vie, et encore moins vis-à-vis du Brandy, n’étant qu’un type de brandy provenant uniquement de la région de Cognac.
Le règlement CE 2019/787 du 17 avril 2019 définit les spiritueux comme des boissons contenant un fort pourcentage d’alcool, soit un minimum de 15 % vol et regroupent selon la DDCCRF les eaux de vie, les apéritifs et liqueurs. Le cognac qui est une eau de vie de vin qui fait partie de la catégorie générale des spiritueux ainsi que rappelé par le Directeur de l’INPI dans ses décisions du 18 janvier 2022 et la Cour d’Appel de Bordeaux dans son arrêt du 28 mars 2023. Il existe plusieurs sortes d’eaux de vie ; le Brandy en étant une à base de vins d’origines variés. Or si les eaux de vie sont soumises chacune à un cahier des charges propre et si elles ne sont pas rigoureusement identiques en terme de goût et de composition, elles ne sont pas essentiellement différentes entre elles, étant obtenues par distillation de cépages de vins, de fruits ou de céréales, consommé dans un contexte commun, partageant une nature et une destination communes. La décision du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes du 14 juillet 2005 affaire Aladin , invoqué par la défenderesse a retenu que si : En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie aux fins de l’opposition. En effet, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque antérieure de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie des produits ou services » ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes. » Il s’ensuit que le cognac ne saurait être considéré comme une sous catégorie d’eau de vie autonome par rapport aux autres eaux de vie, et encore moins vis-à-vis du Brandy, n’étant qu’un type de brandy provenant uniquement de la région de Cognac. Ainsi que vu plus haut la requérante a versé au débat les justificatifs de l’exploitation par elle de la marque TRIOMPHE pour désigner ses cognacs , ce qui emporte protection pour la sous catégorie des eaux de vie dont le cognac relève. Dès lors, la société DISTILLERIE VINET DELPECH n’est pas fondée à solliciter ainsi qu’elle le formule, la déchéance de la marque TRIOMPHE pour tous les produits “Vins et spiritueux “ qu’elle désigne sauf les cognacs, et sera déboutée également de sa demande en déchéance partielle de la marque TRIOMPHE. |
→ Résumé de l’affaireSUR LA RÉVOCATION DE L’ORDONNANCE DE CLÔTUREAu soutien de sa demande en révocation de l’ordonnance de clôture, à laquelle s’oppose la requérante, la SAS DISTILLERIE VINET DELPECH fait valoir que le juge de la mise en état a rendu l’ordonnance de clôture sans que la demande de renvoi, qui repose sur l’importance de produire sa pièce n° 7, n’ait été portée à sa connaissance, ce qui constitue un motif grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture. En application de l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, à l’exception des conclusions aux fins prévues à l’alinéa 2 et 3 du même article non applicables à l’espèce. L’article 803 du même code rappelant que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue. Il convient de rappeler que le 31 janvier 2024 le conseil de la SAS THOMAS HINE & CO auquel il incombait de conclure a fait savoir qu’il n’entendait pas répliquer aux dernières conclusions de la SAS DISTILLERIE VINET DELPECH du 21 décembre 2023 et a sollicité la fixation de l’affaire à une audience de plaidoirie. Le 1er février 2024 à 15h 34 l’avocat de la défenderesse, auquel il n’incombait pas de conclure, a demandé par message RPVA le renvoi à l’audience de mise en état du 23 mars 2024 invoquant la nécessité de produire une pièce nouvelle rendant nécessaire de nouveaux développements. La demande de renvoi de la défenderesse à une audience de mise en état pour production d’une pièce nouvelle dite importante, est antérieure à la clôture puisqu’elle a été adressée le 1er février 2024 à 15h34 et que l’ordonnance de clôture a été établie le même jour à 16h02. Elle ne saurait donc en aucun cas constituer une motif grave survenu depuis que l’ordonnance a été rendue étant au surplus observé qu’il n’est en rien établi que le juge de la mise en état n’ait pas eu connaissance de cette demande de renvoi avant de prononcer l’ordonnance de clôture. Au demeurant, l’importance de la pièce n° 7 des défendeurs pour la solution du litige n’est pas démontrée, s’agissant d’un extrait du site internet HINE en février 2024 soit postérieurement à la période de contrefaçon invoquée se présentant sous forme d’une simple capture d’écran d’une page du site internet HINE choisie par les défendeurs et non certifiée. La SAS DISTILLERIE VINET DELPECH a disposé d’un délai suffisant entre l’assignation et l’audience de fixation pour conclure sur l’exécution provisoire et parfaire son argumentaire. Il n’est donc démontré aucune cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture du 1er février 2024, ce qui rend irrecevables les conclusions et pièces notifiées postérieurement à celles-ci soit le 20 février 2024. SUR L’ACTION EN CONTREFAÇON DE LA MARQUE TRIOMPHE n° 1622366Pour s’opposer à l’action en contrefaçon de la marque verbale “TRIOMPHE” diligentée à son encontre à titre principal par la SAS THOMAS HINE & Co, la SAS DISTILLERIE VINET-DELPECH forme d’abord à titre reconventionnel une demande tendant à voir prononcer la déchéance de la marque TRIOMPHE et d’autre part, conclut au débouté des demandes au titre de la contrefaçon de cette marque. La déchéance d’une marque rendant légalement impossible l’exercice de l’action en contrefaçon dénoncée par son titulaire, il convient d’examiner en premier lieu la demande reconventionnelle en déchéance de ladite marque. Au visa des articles L 714-5 et L716-3 du code de la propriété intellectuelle la SAS DISTILLERIE VINET-DELPECH entend voir prononcer, à titre principal la déchéance totale de la marque TRIOMPHE de la requérante au motif de ce qu’elle ne justifie d’aucun usage sérieux de ce signe tel que déposé et enregistré et à titre subsidiaire, la déchéance partielle pour défaut d’exploitation du signe pour les produits que son enregistrement désigne. La société THOMAS HINE conclut au rejet des demandes en déchéance de sa marque TRIOMPHE. L’article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que “encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat. Selon l’article L 716-3 du même code , la demande en déchéance peut porter sur une partie des produits ou services pour lesquels la marque contestée est enregistrée, la déchéance dans ce cas ne s’étend qu’aux produits concernés. a- sur la déchéance totale de la marque TRIOMPHE pour le défaut d’usage sérieux du signe tel que déposé et enregistré La défenderesse fait valoir que la marque verbale TRIOMPHE n’a jamais été exploitée par la requérante pour désigner son cognac lequel est commercialisé sous le signe “HINE TRIOMPHE” déposé par la requérante à l’INPI comme marque semi-figurative française et internationale en 1990 en classe 33 pour les eaux de vie de cognac et brandies, puis après expiration comme marque verbale française et internationale en 2012 pour les boissons alcooliques à l’exception des bières en classe 33. Invoquant un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 décembre 2009 (08-21.214), la défenderesse ajoute que s’il devait être considéré que la société THOMAS HINE a exploité le signe “TRIOMPHE” seul, non distinctif et descriptif des caractéristiques du produit, force est de constater qu’en lui adjoignant très systématiquement le terme distinctif HINE issu de sa dénomination sociale, cette dernière a tout le moins altéré le caractère distinctif de sa marque. Elle reconnaît avoir consenti au retrait de sa demande d’enregistrement de la marque semi-figurative LOUIS TRIOMPHE uniquement pour être agréable à la société THOMAS HINE et en l’absence de conseil en la matière. La SAS THOMAS HINE soutient qu’elle justifie d’un usage sérieux du signe TRIOMPHE pour désigner ses cognacs, indépendamment de toute association avec le terme HINE. Elle précise qu’elle n’utilise plus le visuel représenté sur sa marque semi-figurative HINE TRIOMPHE de sorte qu’elle n’a pas renouvelé cette marque à son échéance le 18 août 2020 concentrant sa communication sur l’usage du signe “TRIOMPHE”. En toute hypothèse, la requérante expose que conformément au 3° de l’article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle l’adjonction de la dénomination HINE ne saurait altérer le caractère distinctif du signe TRIOMPHE , ainsi que retenu par la Cour d’Appel de Bordeaux dans son arrêt du 28 mars 2023 qui a également rappelé que le défaut d’exploitation invoqué en raison d’une commercialisation des produits sous le signe HINE TRIOMPHE se heurte au principe de la marque ombrelle. Elle considère par ailleurs non transposable à l’espèce l’arrêt de la chambre commerciale du 15 décembre 2009 invoqué par la défenderesse. Il incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée de rapporter la preuve que contrairement aux allégations du demandeur son signe a fait l’objet d’un usage sérieux soit par lui soit par un tiers qu’il aurait autorisé, pendant une période ininterrompue de cinq ans. En application de la décision de la CJUE du 17 février 2020 affaire C 607/9 le terme de la période quinquennale est la date de la demande reconventionnelle en déchéance. La SAS THOMAS HINE doit donc prouver l’usage sérieux de sa marque au cours des cinq années qui ont précédé la demande reconventionnelle en déchéance formée par la défenderesse pour la première fois dans ses conclusions du 26 octobre 2022, soit entre le 26 octobre 2017 et le 26 octobre 2022. Il est constant qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle de garantir l’identité des services et des produits pour lesquels elle a été enregistrée ce qui suppose l’utilisation sur le marché pour désigner chacun des produits et service couverts par son enregistrement. En l’espèce, la marque verbale française “TRIOMPHE” a été enregistrée à l’INPI par la requérante le 19 octobre 1990 et régulièrement renouvelée depuis, pour les produits et services de la classe 33 “Vins et spiritueux”. La preuve d’une exploitation d’une marque s’analyse comme la preuve d’un fait juridique elle n’est donc pas concernée par le principe “nul ne peut se constituer une preuve à lui même”. La requérante justifie par la communication de factures de 1990 au 29 juin 2021 et d’extrait de son site internet du 4 décembre 2019 avoir commercialisé sur toute cette période et notamment sans interruption de 2017 au 29 juin 2021 du cognac HINE TRIOMPHE appelation grande champagne contrôlée auprès de différents clients en France comme à l’étranger. Le cognac HINE TRIOMPHE était encore commercialisé au 31 décembre 2021 ainsi qu’il résulte du rapport du commissaire au compte et il ressort des écritures de la défenderesse que la requérante exportait des cognacs HINE TRIOMPHE vers la Chine en 2022 . Il n’est pas discuté que 2 mois avant l’enregistrement de la marque verbale française “TRIOMPHE” le 19 octobre 1990, la société THOMAS HINE & CO avait enregistré le 17 août 1990 à l’INPI sous le n° 1610313 la marque semi figurative suivante HINE TRIOMPHE pour désigner les “eaux de vie de Cognac, brandies” en classe 33 : Cette marque semi-figurative qui avait fait l’objet d’une extension internationale n’a pas été renouvelée à l’échéance du 17 août 2020. Aucun justificatif n’est en revanche versé au débat s’agissant de l’enregistrement en 2012 de marques verbales HINE TRIOMPHE de l’union Européenne et HINE TRIOMPHE internationale invoqué par la défenderesse. La marque verbale TRIOMPHE peut donc être considérée comme une modification de la marque semi-figurative HINE TRIOMPHE et la seule dont il est justifié. Or, la CJUE dans une décision Rinstish du 25 octobre 2012 n° C-553-11, dont le principe est repris au 3° de l’article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle a indiqué que rien ne s |