Publicité Lindt : une contrefaçon des illuminations des Champs-Elysées ?

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Poursuivi par le comité d’organisation de l’illumination de l’Avenue des champs élysées, Lindt a échappé à la contrefaçon . Les prises de vue de la vidéo publicitaire des chocolats Lindt diffère significativement de l’aspect réel des illuminations en cause (contrefaçon écartée). Les caractéristiques originales de l’œuvre ne sont pas reproduites et la contrefaçon alléguée n’est pas démontrée.

Les illuminations bénéficient toutefois de la protection du droit d’auteur en raison de leur originalité : guirlandes des leds en forme biseautée ascendante constituant un éclairage public, enveloppant verticalement les arbres de part et d’autre d’une avenue, comportant des Leds blancs purs scintillants à l’extrémité du cheminement, en tant qu’elles donnent l’impression homogène qu’une avenue est parcourue, de part et d’autre, de flûtes de Champagne surmontées de mousse.

Ces éléments d’expression établissent l’existence de l’œuvre originale revendiquée, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Le parasitisme n’a pas non plus été retenu. Selon l’article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Le parasitisme est constitué par l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire (v. en ce sens Com. 26 janvier 1999, n°96-22.457). Il suppose en particulier de démontrer la volonté de s’inscrire dans le sillage d’autrui afin de bénéficier de la valeur économique générée par son activité (v. en ce sens Com. 4 février 2014, n°13-10.039 et Civ. 1ère, 22 juin 2017, n°14-20.310).

Aux termes de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».

Les dispositions qui précèdent transposent la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

La Cour de justice de l’Union européenne rappelle dans sa décision du 13 novembre 2018, Levola Hengelo BV, dans l’affaire C-310/17 que « 33. (…) la directive 2001/29 dispose, à ses articles 2 à 4, que les États membres prévoient un ensemble de droits exclusifs portant, pour les auteurs, sur leurs « œuvres » (…) [notion qui] doit normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International, C-5/08, EU:C:2009:465, points 27 et 28, ainsi que du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds, C-201/13, EU:C:2014:2132, points 14 et 15) (…). 35. À cet égard, pour qu’un objet puisse revêtir la qualification d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, il importe que soient réunies deux conditions cumulatives. 36. D’une part, il faut que l’objet concerné soit original, en ce sens qu’il constitue une création intellectuelle propre à son auteur (arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, EU:C:2011:631, point 97 ainsi que jurisprudence citée). 37. D’autre part, la qualification d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, est réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création intellectuelle (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009 Infopaq International, C-5/08, EU:C:2009:465, point 39, ainsi que du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, EU:C:2011:631, point 159) ».

Par cette même décision la Cour de justice rappelle que « 39. (…) l’article 2, paragraphe 1, de la convention de Berne, les œuvres littéraires et artistiques comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression. De plus, conformément à l’article 2 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et à l’article 9, paragraphe 2, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, mentionné au point 6 du présent arrêt et qui fait également partie de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, SCF, C-135/10, EU:C:2012:140, points 39 et 40), ce sont les expressions et non les idées, les procédures, les méthodes de fonctionnement ou les concepts mathématiques, en tant que tels, qui peuvent faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2012, SAS Institute, C-406/10, EU:C:2012:259, point 33). 40. Partant, la notion d’« œuvre » visée par la directive 2001/29 implique nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, quand bien même cette expression ne serait pas nécessairement permanente ».
29. L’originalité d’une création visuelle déterminant l’existence d’une œuvre de l’esprit peut être démontrée abstraction faite d’un événement public à l’occasion duquel elle est commandée (v. en ce sens Civ. 1ère, 3 mars 1992, n°90-18.081).

Résumé de l’affaire

L’association Comité [Adresse 6] a engagé une action en justice contre les sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG pour contrefaçon des Illuminations de l'[Adresse 6]. Le Comité demande l’interdiction d’exploiter toute représentation des Illuminations, des dommages-intérêts et la publication du jugement sur les sites internet et réseaux sociaux des sociétés Lindt. Les sociétés Lindt demandent la nullité des assignations, le rejet des demandes du Comité et des dommages-intérêts pour procédure abusive. Le tribunal doit rendre sa décision le 16 mai 2024.

Les points essentiels

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

– Code de la propriété intellectuelle
– Code de procédure civile

Article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle:
« est irrecevable toute action en contrefaçon introduite par le titulaire d’une marque antérieure à l’encontre d’une marque postérieure : 1° Lorsque le titulaire de la marque antérieure a toléré pendant une période de cinq années consécutives l’usage de la marque postérieure en connaissance de cet usage et pour les produits ou les services pour lesquels l’usage a été toléré, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi »

Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle:
« l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code »

Article L. 112-4 du code de la propriété intellectuelle:
« le titre d’une oeuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’oeuvre elle-même. / Nul ne peut, même si l’œuvre n’est plus protégée dans les termes des articles L. 123-1 à L. 123-3, utiliser ce titre pour individualiser une œuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion »

Article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle:
« la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée »

Article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle:
« toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque »

Article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle:
« l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. / Ce droit est attaché à sa personne. / Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. / Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. / L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires »

Article 32-1 du code de procédure civile:
« celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Emmanuel BAUD
– Me Jehan-Philippe JACQUEY

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