Le critère d’originalité propre à conférer une protection en matière de droit d’auteur est inopérant en matière de droit des marques, en ce qu’il ne figure pas parmi les critères fixés par les articles L711-2 et L711-3 du code de la propriété intellectuelle.
Il existe dans ces conditions un risque de confusion très élevé dans l’esprit du public, le signe GSE CONSTRUCTION pouvant apparaître commue une déclinaison ou une nouvelle version des marques antérieures GSE, désignant les mêmes produits ou services (promotion immobilière) Le signe GSE CONSTRUCTION constitue donc une contrefaçon par imitation des marques déposées par la société GSE les 31 janvier 2011 et 4 août 2015. Nos conseils : 1. Attention à l’usage de signes identiques ou similaires à une marque enregistrée, car cela peut constituer une contrefaçon et entraîner des conséquences juridiques graves. 2. Il est recommandé de prendre en compte l’impression d’ensemble produite par les signes en présence pour évaluer l’existence d’un risque de confusion, notamment vis-à-vis du public cible. 3. Soyez vigilant quant à la concurrence déloyale et au parasitisme, qui peuvent engager la responsabilité civile de leur auteur en cas de faute et de préjudice causé. Il est essentiel de démontrer le caractère déloyal des méthodes utilisées par un concurrent et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. |
→ Résumé de l’affaireLa société GSE, spécialisée dans la construction de bâtiments professionnels, a constaté que la société GSE CONSTRUCTION utilisait le même sigle et des éléments similaires dans sa communication, ce qui a entraîné une confusion chez certains clients. La société GSE a donc demandé au tribunal d’interdire à la société GSE CONSTRUCTION d’utiliser son nom, de changer sa dénomination sociale, de cesser toute concurrence déloyale, de lui transférer le nom de domaine et de lui verser des dommages et intérêts. La société GSE CONSTRUCTION et le liquidateur judiciaire de la société RESTAURANT TERRA MIA ont contesté ces demandes, arguant que les noms étaient suffisamment distincts et qu’il n’y avait pas de risque de confusion. Le tribunal doit maintenant trancher sur cette affaire.
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→ Les points essentielsMOTIFS DE LA DECISION :Sur la contrefaçon de marque :L’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : L’appréciation de la contrefaçon s’effectue au regard des ressemblances, non des différences. Il appartient au juge d’établir une comparaison entre le bien intellectuel approprié et le bien contrefaisant. Il dégage dans cette opération des similitudes allant au-delà du hasard ou de la nécessité technique pour en déduire la présence d’une contrefaçon. C’est alors éventuellement l’impression d’ensemble qui permet de constater la présence d’une contrefaçon. Les signes doivent être appréciés tels qu’ils ressortent de l’enregistrement, sans tenir compte des conditions d’exploitation de la marque. Concernant les similitudes visuelles, auditives ou conceptuelles, l’appréciation globale de l’existence d’un risque de confusion entre une marque antérieure et un signe contesté doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ces signes sur le consommateur d’attention moyenne, en prenant en compte les éléments distinctifs et dominants. Contrairement à ce que prétendent les défenderesses, le critère d’originalité propre à conférer une protection en matière de droit d’auteur est inopérant en matière de droit des marques, en ce qu’il ne figure pas parmi les critères fixés par les articles L711-2 et L711-3 du code de la propriété intellectuelle. En outre l’annulation des marques n°113802263 et 154201731 n’est pas sollicitée. Il résulte de leurs extraits Kbis respectifs que la société GSE a pour objet social « la conception et ou la réalisation de tout projet immobilier pour le compte de tiers ou pour son propre compte la réalisation de toute mission d’ingénierie dans le domaine de la construction et de l’infrastructure visant à l’établissement de projet », tandis que la société GSE CONSTRUCTION a pour objet « tous travaux de construction, rénovation et de finition du bâtiment et plus généralement toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières ou immobilière pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’un des objets spécifiés ou à tous objets similaires ou connexes de nature à favoriser son extension ou son développement ». Les deux marques en cause ont notamment été déposées en classes 36 : services de promotion (financement) de projets immobiliers, 37 : construction et démolition ; promotion (construction) de projets immobiliers, et 42 : évaluations et recherche dans les domaines scientifiques et technologiques, établissement de plans pour la construction. Les produits ou services proposés et exploités sous les marques n°113802263 et 154201731 par la société GSE, et par la société GSE CONSTRUCTION sont donc similaires. Les procès verbaux de constat d’huissier des 28 juillet 2021 et 2 mai 2022 montrent par ailleurs que la société GSE CONSTRUCTION fait usage de ce signe dans sa communication publique, en particulier sur son site internet et ses comptes sur des réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Youtube). Le public pertinent est donc le même, s’agissant de particuliers ou de professionnels domiciliés dans la région d'[Localité 4] et formant un projet de construction. Les marques n°113802263 et 154201731 sont des signes semi-figuratifs, dans lesquels l’élément verbal est dominant. Il existe dans ces conditions un risque de confusion très élevé dans l’esprit du public, le signe GSE CONSTRUCTION pouvant apparaître commue une déclinaison ou une nouvelle version des marques antérieures, désignant les mêmes produits ou services. Le signe GSE CONSTRUCTION constitue donc une contrefaçon par imitation des marques déposées par la société GSE les 31 janvier 2011 et 4 août 2015. Sur l’indemnisation du dommage résultant de la contrefaçon :L’article L716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : Afin de faire cesser les faits de contrefaçon il convient en premier lieu de faire interdiction à la société GSE CONSTRUCTION d’utiliser et reproduire tout signe reprenant les caractéristiques des marques françaises n°113802263 et 154201731, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée et de lui ordonner de changer de dénomination sociale et de nom commercial en supprimant la mention GSE, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement, lesdites astreintes courant pendant douze mois. La société GSE ne produit aucun document comptable de nature à établir les conséquences économiques négatives qu’elle dit avoir subies. Concernant son préjudice moral, l’usage du signe contrefaisant a contribué à banaliser les marques dont elle est titulaire auprès de sa clientèle et a contribué à porter atteinte aux efforts d’investissement qu’elle a réalisés. En conséquence la société GSE CONSTRUCTION sera condamnée à lui payer la somme de 10.000 € à ce titre. Sur la concurrence déloyale :La concurrence déloyale et le parasitisme consacrent des fautes susceptibles, dans les conditions fixées par l’article 1240 du Code civil, d’engager la responsabilité civile de leur auteur. Ils supposent la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien de causalité direct avec celle-ci. La faute en matière de concurrence déloyale s’apprécie au regard du principe général de libre concurrence qui est un principe fondamental des rapports commerciaux. Elle implique que tout commerçant a la possibilité d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, de vendre des produits similaires à ceux d’un concurrent ou même identiques en l’absence de droit privatif dans la mesure où tout produit qui n’est pas l’objet d’un droit privatif est en principe dans le domaine public, et de vendre des produits similaires ou identiques de qualité moindre à un prix inférieur. Ainsi, même si la reprise procure à celui qui la pratique des économies, elle ne saurait à elle seule être tenue pour fautive sauf à vider de toute substance le principe de liberté ci-dessus rappelé. Il appartient donc au commerçant qui se plaint d’une concurrence déloyale de démontrer le caractère déloyal des méthodes développées par son concurrent. Il en va de même du parasitisme qui suppose de démontrer l’existence d’actes de captation indue des efforts et investissements du concurrent. Enfin et surtout, le demandeur doit démontrer l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. Outre les deux marques dont elle est titulaire, la société GSE exploite la dénomination sociale GSE et le nom de domaine gsegroup.com, ainsi qu’il résulte des procès verbaux de constat d’huissier produits aux débats. Le procès verbal de constat du 2 mai 2022 montre que la société GSE CONSTRUCTION exploite un site internet à l’adresse gse-construction.fr. Si la lecture de ces procès-verbaux ne montre pas de similitude particulière dans le contenu de ces sites, il existe néanmoins un risque réel de confusion dans l’esprit du public dès lors que leurs adresses respectives commencent par le même groupe de lettres distinctives et dominantes comme il a été vu ci-dessus « gse ». Ainsi le consommateur d’attention moyenne, cherchant une société appelée « gse » et exerçant dans le domaine de la construction immobilière, trouvera indifféremment l’un ou l’autre site internet. Selon la base de données Whois, le nom de domaine gse-construction.fr appartient à la SAS RESTAURANT TERRA MIA. C’est donc cette dernière, prise en la personne de son liquidateur judiciaire qui sera condamnée à transférer ce nom de domaine au profit de la société GSE, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, et ce pendant douze mois. L’utilisation par la société GSE CONSTRUCTION d’un nom de domaine et d’une dénomination commerciale similaires à ceux exploités par la société GSE, et ce dans une même aire géographique traduit une volonté de s’inscrire dans son sillage commercial, sans bourse délier, et de capter ainsi une partie de sa clientèle tout en réalisant des économies d’investissement. Ces agissements parasitaires justifient que la société GSE CONSTRUCTION soit condamnée à payer à la société GSE la somme de 5.000 € de dommages et intérêts. Il y a encore lieu d’ordonner la publication du présent jugement dans trois périodiques ou journaux au choix de la demanderesse et aux frais de la société GSE CONSTRUCTION, dans la limite de 5.000 € HTpar insertion ; Sur les autres demandes :La société GSE CONSTRUCTION, qui succombe à l’instance, en supportera les dépens. Elle sera encore condamnée à payer à la société GSE la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire: – Astreinte de 1.000 € par infraction constatée pour l’interdiction d’usage des marques françaises
– Astreinte de 1.000 € par jour de retard pour le changement de dénomination sociale et de nom commercial – Astreinte de 1.000 € par infraction constatée pour le cesse de l’usage du nom de domaine – 10.000 € de dommages et intérêts pour contrefaçon – 5.000 € de dommages et intérêts pour concurrence déloyale – Astreinte de 150 € par jour de retard pour le transfert du nom de domaine – Publication du jugement dans trois périodiques ou journaux (frais limités à 5.000 € HT par insertion) – 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile – Frais de justice (dépens) à la charge de la société GSE CONSTRUCTION |
→ Réglementation applicable– Article L713-2 du code de la propriété intellectuelle
– Article L716-4-10 du code de la propriété intellectuelle – Article 1240 du Code civil – Article 700 du code de procédure civile Texte de l’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article L716-4-10 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article 1240 du Code civil: Texte de l’article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Marie-Dominique POINSO-POURTAL
– Maître Vincent REYMOND – Maître Stéphan SPAGNOLO – Maître Jean-Pierre BINON – Maître Jean-François CECCALDI |