En cas de contestation de virement par le client de la banque, il incombe à cette dernière (la société BNP Paribas) de prouver que ces opérations ont été authentifiées, dûment enregistrées et comptabilisées et qu’elles n’ont pas été affectées par une déficience technique ou autre.
La banque est, en principe, tenue de rembourser à sa cliente les sommes virées sans son autorisation, sauf à démontrer que celle-ci a agi frauduleusement ou encore n’a pas satisfait à son obligation de préservation de la sécurité du dispositif de sécurité personnalisé, et ce, soit intentionnellement ou par négligence grave. Un virement qui ne mentionne aucun numéro de mandataire à l’origine de leur création, numéro destiné à assurer la traçabilité de chaque opération, et ne comporte non plus aucun nom de tiers bénéficiaire, est une défaillance technique qui emporte la responsabilité de la banque. En la cause, ces anomalies ne sont ni discutées, ni expliquées par la société BNP Paribas. La banque n’a versé aux débats aucune pièce afférente auxdites opérations, considérant que la validation des bénéficiaires et des virements grâce à la carte Transfert sécurisé vaut consentement à l’exécution des opérations de payement. Or, l’utilisation de l’instrument de payement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de payement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur. L’article L. 133-16 du code monétaire et financier dispose à cet égard : « Dès qu’il reçoit un instrument de paiement, l’utilisateur de services de paiement prend toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses données de sécurité personnalisées. « Il utilise l’instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation qui doivent être objectives, non discriminatoires et proportionnées. » À la date des faits litigieux, les dispositions du code monétaire et financier applicables étaient les suivantes. Article L. 133-18, alinéa premier : « En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. » Article L. 133-19 du Code monétaire et financier : « I. ‘ En cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l’instrument de paiement, le payeur supporte, avant l’information prévue à l’article L. 133-17, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 50 €. « Toutefois, la responsabilité du payeur n’est pas engagée en cas : « ‘ d’opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation des données de sécurité personnalisées ; « ‘ de perte ou de vol d’un instrument de paiement ne pouvant être détecté par le payeur avant le paiement ; « ‘ de perte due à des actes ou à une carence d’un salarié, d’un agent ou d’une succursale d’un prestataire de services de paiement ou d’une entité vers laquelle ses activités ont été externalisées. « II. ‘ La responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées. « Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument. « III. ‘ Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si le prestataire de services de paiement ne fournit pas de moyens appropriés permettant l’information aux fins de blocage de l’instrument de paiement prévue à l’article L. 133-17. « IV. ‘ Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17. « V. ‘ Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur prévue à l’article L. 133-44. « VI. ‘ Lorsque le bénéficiaire ou son prestataire de services de paiement n’accepte pas une authentification forte du payeur prévue à l’article L. 133-44, il rembourse le préjudice financier causé au prestataire de services de paiement du payeur. » Article L. 133-23 : « Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. « L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement. » |
→ Résumé de l’affaireLa société BNP Paribas a été condamnée à rembourser à la société [H] Transports la somme de 98 000 € pour des fonds débités sans autorisation, ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice moral et résistance abusive. La responsabilité de la banque a été mise en cause en raison d’une faille de sécurité ayant permis une escroquerie. La société [H] Transports a nié avoir autorisé les virements litigieux et a contesté toute négligence de sa part. La banque a tenté de prouver que les opérations étaient autorisées en invoquant des conditions contractuelles, mais n’a pas fourni de preuves suffisantes. Les témoignages des employés de la société [H] Transports ont confirmé qu’ils ont été victimes d’une escroquerie téléphonique sophistiquée.
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→ Les points essentielsRemboursement de la somme dueCompte tenu de ces éléments, il n’est pas démontré par la banque que la société [H] Transports ait commis une négligence grave exonérant la société BNP Paribas de son obligation de remboursement. En conséquence, il y a lieu de condamner l’intimée à rembourser à la société [H] Transports la somme de 98 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2020, date de réception de la mise en demeure. Préjudice moral alléguéAlléguant avoir en outre subi un préjudice moral, la société [H] Transports fait valoir que [R] [Y] a été particulièrement affectée par ces événements, qu’elle subit un stress post-traumatique et est suivie psychologiquement pour ces faits. Elle a été destabilisée de plus fort lorsqu’elle s’est aperçue de l’absence de réel soutien de la part de la société BNP Paribas envers son employeur. La société [H] Transports se désole qu’un membre de son personnel puisse nourrir quelque traumatisme en raison des faits d’un tiers malveillant et se désole encore plus du défaut d’assistance de la société BNP Paribas avant, pendant et après les faits litigieux. Au surplus, le déni de responsabilité de la société BNP Paribas aggrave encore davantage le préjudice moral de la société [H] Transports. Les griefs tenant à l’émotion éprouvée par la salariée de l’entreprise, et au défaut d’assistance de la société [H] Transports par la société BNP Paribas, ne caractérisent pas un préjudice moral qu’aurait subi l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [H] Transports. Elle sera déboutée de ce chef de demande. Résistance abusive de la société BNP ParibasLa société [H] Transports fait valoir que la société BNP Paribas refuse de rembourser la somme alors qu’elle a conscience du caractère contestable des virements puisqu’elle a bloqué trois des cinq virements litigieux et demande à la société [H] Transports d’assumer les conséquences de sa propre incapacité à bloquer les deux autres virements contestés. La cour ne faisant pas droit à toutes les prétentions de l’appelante, la résistance de l’intimée ne saurait être qualifiée d’abusive. Au surplus, la société [H] Transports ne démontre pas avoir subi, du fait de la résistance de la partie adverse, un préjudice distinct de celui que répare l’intérêt au taux légal conformément à l’article 1231-6 du code civil. Dépens et frais irrépétiblesAux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La société BNP Paribas en supportera donc la charge. En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %. Sur ce fondement, la société BNP Paribas sera condamnée à payer à la société [H] Transports la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles. Les montants alloués dans cette affaire: – 98 000 euros à la société [H] Transports au titre du remboursement des fonds
– 4 000 euros à la société [H] Transports sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile – Entiers dépens à la société BNP Paribas, dont distraction au profit de maître Jacques Bellichach, avocat |
→ Réglementation applicable– Article 1343-2 du code civil:
« Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. » – Article 1231-6 du code civil: – Article 696 du code de procédure civile: – Article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Jacques BELLICHACH
– Me Sylvie NOACHOVITCH – Me Chloé ARESE – Me Dominique PENIN |