Le fait que la personne qui assiste l’huissier instrumentaire, et qui est également huissier de justice, a procédé à une commande en ligne, laquelle ne nécessitait aucune création d’un compte préalable ni saisie d’un mot de passe, ne constitue pas un excès de pouvoir de l’huissier susceptible d’entraîner l’annulation dudit procès-verbal ou de lui retirer toute force probante.
Il résulte de l’article 9 du code de procédure civile qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Le principe de loyauté dans le recueil des preuves, qui constitue un élément du procès équitable, doit se concilier avec le droit à la preuve. En outre, en vertu de l’article 1er de l’ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, ces derniers peuvent effectuer des constatations, purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale, où elles ont valeur de simple renseignement, ces constatations font foi jusqu’à preuve du contraire. Dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. (Cour de cassation – Assemblée plénière, 22 décembre 2023 – 202-20.648). |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre plusieurs parties concernant la propriété et l’utilisation de la marque Ruby, ainsi que des modèles de casques associés. M. [G] [L] a déposé la marque Ruby et des modèles de casques, qu’il a ensuite cédés à la société Studio Pilote, qui a été liquidée. La société Paradise a acquis le fonds de commerce de Studio Pilote, y compris la marque Ruby, mais des casques contrefaits ont été vendus sous cette marque. Des condamnations pour contrefaçon ont été prononcées contre la société SPXT et FH Diffusion, avec des dommages et intérêts à payer. La société Paradise a également été condamnée à transférer des noms de domaine et à payer des dommages et intérêts pour enregistrement frauduleux. Des demandes en déchéance de droits et en dommages et intérêts ont été formulées par les différentes parties. La procédure est en cours d’appel avec des demandes de réformation du jugement initial.
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→ Les points essentielsMOTIFS DE LA DECISIONSur les chefs du jugement non contestésEn application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées. Sur la marque française verbale n° 3 296 875Sur la titularité de la société ParadiseLa société SPXT soutient en substance que la marque Ruby qui lui est opposée a été acquise par la société Paradise en fraude de ses droits, la cession ne pouvant intervenir qu’à son seul profit, en sa qualité de société filiale, en application du contrat de cession partielle du 11 juin 2010 intervenu entre [G] [L] et la société Studio Pilote ; que la société Paradise ne vient pas aux droits de la société Studio pilote liquidée mais a seulement acquis dans le cadre d’une vente de gré à gré quelques éléments d’actifs isolés, et qu’elle n’a pas repris les contrats en cours ; que les transferts des marques opposées n’ont été transcrits au registre des marques que le 13 avril 2016 ; qu’elle est en droit de revendiquer la propriété de cette marque et de la marque internationale Ruby n° 407, avec effet rétroactif au 2 février 2015 et en sollicite le transfert à son profit. La société FH Diffusion conteste la titularité des droits de la société Paradise sur la marque verbale RUBY, en substance, pour les mêmes motifs que ceux invoqués par la société SPXT. Sur la déchéance de la marque n°875La société SPXT fait valoir que la société Paradise ne justifie d’aucun motif de non exploitation en ce que c’est elle qui a initié l’action en contrefaçon et a stoppé la production de casques, de sorte qu’elle doit être déchue de ses droits sur la marque n°875. La société FH fait valoir également en substance que la société Paradise ne justifie pas de justes motifs de non exploitation de sorte qu’elle doit être déclarée déchue de ses droits. Sur la contrefaçon de la marqueLa société SPXT, qui dénie tout droit à la société Paradise, fait valoir qu’aucune contrefaçon n’est caractérisée ; que la seule pièce produite postérieure au 13 avril 2016 est un procès-verbal du 23 janvier 2019, dont elle oppose en appel la nullité et le caractère non probant compte tenu de ce que la personne ayant passé commande est une des huissières de l’étude qui a diligenté le constat, et que le constat d’achat est incompatible avec une simple constatation matérielle, de sorte qu’il doit être annulé ou jugé dénué de toute force probante. La société FH Diffusion, faisant valoir que la société Paradise est irrecevable à invoquer la marque compte tenu de la fraude et qu’elle doit en être déchue pour non usage, en déduit qu’en conséquence elle n’a commis aucune contrefaçon. Sur les noms de domaines www.lesateliersruby.com> et www.lesateliersruby.fr>M. [F] fait valoir que le seul nom de domaine visé par l’ordonnance du juge commissaire était ateliersruby.com ; que la société Paradise qui vient aux droits de la société Studio Pilote dans le cadre d’une cession de gré à gré d’actifs expressément et limitativement énumérés ne saurait donc en aucun cas se prévaloir de quelconques droits sur les noms de domaines lesateliersruby.com et lesateliersruby.fr avant la transaction précitée, signée avec le liquidateur en mars 2016 ; que le transfert des noms de domaine litigieux au profit de M. [F] est intervenu en 2015, soit antérieurement à la prétendue acquisition desdits noms de domaine par la société Paradise ; qu’il a opéré en toute transparence, dans l’intérêt du projet commun Ruby, avant que la société Paradise ne détienne le moindre droit et sur instruction de la société Paradise elle-même. Sur les dessins et modèles communautaires n° 000181003 et n° 001982505La société SPXT fait valoir qu’elle s’associe aux développements de la société FH Diffusion relatifs aux casques Gallet et à la fonction de protection de la crête pour demander la nullité du modèle Pavillon pour défaut de caractère nouveau et individuel ; que le modèle Castel doit également être annulé au vu des antériorités produites. La société FH Diffusion soutient qu’elle présente de nouvelles antériorités en appel relatives à un casque Gallet et à un casque enregistré en Chine dont l’impression d’ensemble ne diffère pas du modèle Pavillon litigieux ; que la présence de la crête sur le casque a un rôle fonctionnel de protection ; que le modèle Pavillon doit donc être annulé. Sur les mesures de réparation demandées par la société ParadiseLa société Athena demande des mesures d’interdiction et à ce que lui soit accordé un droit à l’information. La société Athena fait valoir que l’ampleur de la contrefaçon est considérable ; que l’atteinte aux investissements humains et financiers que la société Paradise a engagés dans la reprise du fonds de commerce de la société Studio Pilote est caractérisée en ce qu’elle s’est vue privée de l’opportunité de fabriquer et commercialiser les casques sous sa marque Ruby ; qu’il en résulte un manque à gagner et une atteinte à son image de marque ; qu’elle demande en conséquence une somme provisionnelle de 500 000 euros à la société SPXT pour les faits de contrefaçon. Sur la demande reconventionnelle en dénigrementLa société Paradise demande l’infirmation du jugement qui l’a condamnée pour dénigrement. Elle fait valoir que, au même titre que la société SPXT et M. [M] [F] ont fait part de leur appréciation des faits dans leurs propos publics, et en réponse auxdits propos, c’est à bon droit qu’elle a fait une présentation factuelle et informative de la réalité des faits, à savoir qu’elle est titulaire de droits sur la marque « Ruby » n°875 et que la société SPXT et M. [M] [F] se sont rendus coupables de contrefaçon. Elle ajoute qu’il n’est justifié d’aucun préjudice. La société SPXT et M. [M] [F] sollicitent la confirmation du jugement qui a condamné la société Paradise à leur verser la somme de 10 000 euros à chacun en réparation d’actes de dénigrement commis à leur encontre. Les montants alloués dans cette affaire: – Société SPXT : 15 000 euros
– M. [M] [F] : 10 000 euros – Société FH Diffusion : 10 000 euros – Société Paradise : 10 000 euros – Société Paradise : 8 000 euros (article 700 du code de procédure civile) |
→ Réglementation applicable– Code de procédure civile, article 455
– Code de la propriété intellectuelle, article L. 714-5 – Ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 Article 455 du Code de procédure civile: Article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle: Ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Ramdane CHEROUATI
– Me Frédéric INGOLD – Me Matthieu CHUDET – Me Marie-Catherine VIGNES – Me Camille Steiner – Me Matthieu BOCCON GIBOD – Me Louise BELIVIER |