Bail commercial : contestation d’une dette locative

Notez ce point juridique

La seule mention purement déclarative d’un accord à une cession est insuffisante à établir que la bailleresse aurait autorisé cette cession et agréé le cessionnaire. Le preneur doit justifier avoir notifié l’acte (qui ne comporte aucune signature de la bailleresse) et avoir appelé cette dernière à concourir à l’acte de cession selon les conditions précitées prévues au bail.

Résumé de l’affaire

La société Saint Jean, propriétaire du centre commercial Polygone Riviera, a consenti un bail commercial à la société Goldsons pour un emplacement dans le centre. La société Goldsons n’ayant pas payé les loyers et charges dus, la société Saint Jean l’a assignée en justice pour obtenir le paiement des sommes dues. Le juge des référés a condamné la société Goldsons à payer une provision de 50 630,51 euros TTC, ainsi qu’une indemnité forfaitaire et des dépens. La société Goldsons a interjeté appel de cette décision. Les parties ont échangé des notes en délibéré concernant le périmètre de la saisine de la cour. La société Saint Jean demande à la cour de confirmer la condamnation de la société Goldsons à lui payer les sommes dues.

Les points essentiels

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:

Mots clefs associés & définitions

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 mai 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/09240
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 23 MAI 2024

N° 2024/350

Rôle N° RG 23/09240 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLTSY

SAS GOLDSONS

C/

S.N.C. SAINT JEAN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES

Me Delphine MONTEGUT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 15 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00686.

APPELANTE

SAS GOLDSONS

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Henri ROUCH de la SELARL WARN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.N.C. SAINT JEAN

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Delphine MONTEGUT, avocat au barreau de GRASSE

et assistée de Me Samuel GUILLAUME de la SCP BLATTER SEYNAEVE, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 02 avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère rapporteur

Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

La société Saint Jean est propriétaire indivis du centre commercial Polygone Riviera situé [Adresse 3].

Ce centre est réparti sur 75 200 mètres carrés et comprend :

– 150 boutiques aux enseignes de renommée nationale et internationale,

– 27 restaurants,

– un grand cinéma multiplex,

– un casino,

– environ 3 260 places de stationnement.

La société Goldsons est spécialisée dans le prêt-à-porter pour femmes.

Par acte sous seing privé en date du 30 septembre 2022, la société Saint Jean (ci-après la bailleresse) a consenti un bail commercial à la société Goldsons (ci-après la preneuse) sur un emplacement n° G3, d’une surface totale de 51 m² au sein de ce centre commercial, pour une durée de dix années entières et consécutives, à compter du 1er novembre 2022.

Aux termes de l’article 4, ce bail a été consenti moyennant un loyer binaire comprenant :

1/ un loyer de base d’un montant 51 000 euros hors taxe et hors charges par an,

2/ un loyer variable additionnel correspondant à la différence positive entre 11 % du chiffre d’affaires annuel (année civile) hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués et le loyer de base annuel hors taxes.

La bailleresse a également consenti à la preneuse une franchise totale et une réduction du loyer de base, suivant des modalités contractuellement définies.

Se plaignant de l’absence de paiement des loyers et charges dûs conformément au bail, la société Saint Jean a fait assigner, par acte des 21 et 25 avril 2023, la société Goldsons devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, aux fins principalement d’obtenir :

– sa condamnation à lui payer la somme provisionnelle de 50 630,51 euros TTC, à parfaire, correspondant à l’arriéré de loyers et accessoires dus portant sur le local commercial n° G3 et arrêté à la date du 1er avril 2023, sous astreinte d’un montant de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– que le juge des référés se réserve le pouvoir de liquider ladite astreinte,

– une injonction à la société Goldsons, exerçant à l’enseigne ‘Azzura’, de reprendre le paiement des loyers et charges, conformément aux stipulations du bail commercial en date du 30 septembre 2022,

– que la somme totale de 50 630,51 euros TTC, à parfaire, due à la société Saint Jean soit augmentée d’un intérêt de retard au taux d’intérêt légal majoré de 500 points de base (soit 5 %) l’an à compter de la date d’exigibilité de chaque somme concernée, prévue ci-dessus, et, s’ils sont dus au moins pour une année entière, qu’ils porteront eux- mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

– sa condamnation provisionnelle à lui payer, à titre d’indemnité forfaitaire, la somme de 5 063,05 euros TTC correspondant à 10 % du montant des sommes contractuellement dues, à parfaire,

– sa condamnation provisionnelle à lui payer des dommages et intérêts d’un montant de 30 647,92 euros TTC en réparation du grave préjudice subi,

– sa condamnation aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 15 000 euros, à parfaire, par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Goldsons, bien que régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat et n’a pas comparu.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 15 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :

– déclaré la SNC Saint Jean recevable et bien fondée en son action,

– condamné la SAS Goldsons, exerçant sous l’enseigne Azzura, à payer à la SNC Saint Jean une provision de 50 630,51 euros TTC à titre provisionnel, majorée des intérêts au taux légal majoré de 500 points soit 5 %, conformément à l’article 8 du titre II du bail à compter de l’exigibilité de chaque somme concernée,

– dit n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte en application des dispositions des articles L131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil,

– condamné la SAS Goldsons, exerçant sous l’enseigne Azzura, à payer à la SNC Saint Jean une provision de 5 063,05 euros TTC à valoir sur l’indemnité forfaitaire contractuelle,

– débouté la SNC Saint Jean de sa demande en paiement de la somme de 56 920,08 euros TTC à titre de dommages-intérêts,

– enjoint à la SAS Goldsons, exerçant sous l’enseigne Azzura de reprendre les paiements des loyers et charges conformément aux stipulations du bail commercial,

– condamné la SAS Goldsons aux dépens de l’instance, en application de l’article 696 du code de procédure civile, et à payer à la SNC Saint Jean une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a notamment considéré :

– que l’existence et le montant de la dette locative invoquée par le bailleur n’était pas sérieusement contestable,

– qu’il n’y avait cependant pas lieu à fixation d’une astreinte, dès lors que des intérêts assortissaient la condamnation à paiement,

– que la provision réclamée au titre de l’indemnité forfaitaire contractuelle n’était pas sérieusement contestable,

– que la bailleresse ne démontrait pas subir un préjudice spécifique justifiant l’allocation d’une somme provisionnelle à titre de dommages et intérêts.

Par déclaration reçue au greffe le 11 juillet 2023, la société Goldsons a interjeté appel de cette décision, en toutes ses dispositions, excepté celles ayant débouté la SNC Saint Jean de ses demandes d’astreinte et de paiement de la somme de 56 920,08 euros TTC à titre de dommages-intérêts.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 5 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elle demande à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle :

– a déclaré la SNC Saint Jean recevable et bien fondée en son action,

– l’a condamnée à payer à la SNC Saint Jean la somme de 50 630,51 euros TTC à titre provisionnel, majorée des intérêts au taux légal majorés de 500 points, soit 5 %, conformément à l’article 8 du titre 2 du bail à compter de la date d’exigibilité de chaque somme concernée,

– a ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil,

– l’a condamnée à payer à la SNC Saint Jean une provision de 5 063,05 euros TTC à valoir sur l’indemnité forfaitaire contractuelle,

– lui a enjoint de reprendre les paiements des loyers et charges conformément aux stipulations du bail commercial,

– l’a condamnée aux dépens de l’instance, en application de l’article 696 du code de procédure civile et à payer à la SNC Saint Jean une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau :

A titre principal,

– de déclarer l’action de la SNC Saint Jean irrecevable en ce qu’elle est dirigée à son encontre, en lieu et place de la société Re-Post, locataire en titre,

En conséquence,

– de la débouter de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

– de déclarer que la société Goldsons peut se prévaloir d’une exception d’inexécution de son obligation de paiement et que la créance alléguée à son encontre se heurte à des contestations sérieuses,

En conséquence,

– de la débouter de toutes ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

– de fixer la créance locative à la somme de 26 944,35 euros,

– de rejeter toute autre demande de la SNC Saint Jean plus amples ou contraires,

– de lui octroyer un délai de 24 mois pour pouvoir s’acquitter de l’arriéré du montant des loyers et charges éventuellement dû,

En tout état de cause,

– de condamner la SNC Saint Jean à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la SNC Saint Jean aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 27 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la SNC Saint Jean demande à la cour de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– condamné la société Goldsons, exerçant sous l’enseigne ‘Azzura’, à lui payer la somme de 50 630,51 euros TTC en exécution du bail conclu le 30 septembre 2022, avec intérêt au taux légal à compter de la date de signification de la décision,

– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées par les articles 1154 ancien et 1343-2 du code civil,

– condamné la société Goldsons, exerçant sous l’enseigne ‘Azzura’, à lui payer une indemnité forfaitaire contractuelle à hauteur de 5 063,05 euros TTC,

– condamné la société Goldsons, exerçant sous l’enseigne ‘Azzura’, aux entiers dépens de l’instance,

– rappelé que l’ordonnance bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit,

– condamné la société Goldsons, exerçant sous l’enseigne ‘Azzura’, à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés,

En tout état de cause :

– condamner la société Goldsons, exerçant sous l’enseigne ‘Azzura’ à lui verser la somme de 6 800 euros TTC au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Goldsons, exerçant sous l’enseigne ‘Azzura’, aux dépens.

Par soit-transmis du 2 avril 2024, la cour a informé les conseils des parties qu’elle s’interrogeait sur le périmètre de sa saisine dès lors que :

– l’appel principal avait été limité par l’appelante aux dispositions ayant prononcé des condamnations à son encontre,

– dans les motifs de ses dernières conclusions (page 16), l’intimée développait des moyens tendant à l’infirmation de l’ordonnance entreprise en ce que sa demande de provision à valoir sur des dommages et intérêts et sa demande d’indemnité au titre des frais irrépétibles avaient été rejetées, tandis que dans le dispositif, elle ne sollicitait pas l’infirmation de la décision critiquée et ne formulait aucune demande de provision à valoir sur des dommages et intérêts.

Elle leur a indiqué :

– que la cour était susceptible de s’estimer non saisie des demandes évoquées par l’intimée en page 16 de ses écritures, puisqu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties, et qu’en vertu des articles 561 et 562 du même code, l’appel a pour objet de remettre la chose jugée en question devant la cour, pour les chefs de la décision expressément critiqués,

– qu’elle entendait soulever d’office ce point de droit et le soumettre à leur contradictoire,

et leur a laissé jusqu’au 16 avril suivant à minuit, pour lui faire parvenir leurs observations éventuelles par le truchement d’une note en délibéré (articles 444 et 445 du code de procédure civile).

Par note en délibéré transmise le 4 avril 2024, le conseil de la société Saint Jean a indiqué que, si la prétention relative à l’infirmation de l’ordonnance critiquée en ce qu’elle l’avait déboutée de sa demande de condamnation de la société Goldsons au versement de dommages et intérêts à hauteur de 56 920,08 euros ne figurait pas dans le dispositif de ses conclusions, cette absence résultait d’une simple erreur de plume et devrait nécessairement être corrigée, par application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, et qu’elle adressait à la cour un exemplaire rectifié de ses conclusions en ce sens.

Par note en délibéré transmise le 19 avril 2024, le conseil de la société Goldsons, s’excusant de son retard dans la transmission de ses observations, a indiqué que la cour ne peut être saisie de l’appel incident de l’intimée, cette dernière n’ayant pas sollicité la réformation de l’ordonnance entreprise dans le dispositif de ses conclusions, et ce, en application de la jurisprudence de la cour de cassation en date du 1er juillet 2021, et elle a également relevé que, statuant sur l’appel d’une ordonnance de référé, la cour ne pouvait prononcer qu’une condamnation provisionnelle qui n’avait pas été demandée par l’intimée, cette dernière ne pouvant régulariser cette irrecevabilité au moyen de conclusions notifiées le 4 avril 2024 en cours de délibéré, alors que la cour ne réouvre pas les débats mais sollicite seulement des observations.

Par note en délibéré transmise le 22 avril 2024, le conseil de la société Saint Jean a répondu que, si la cour venait à considérer que sa demande formulée dans le cadre de son appel incident était irrecevable, il lui appartiendrait nécessairement d’avoir à se prononcer sur sa demande tendant à la confirmation de l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a condamné la société Goldsons, exerçant sous l’enseigne ‘Azzura’, à lui payer :

* la somme de 50 630,51 euros TTC en exécution du bail conclu le 30 septembre 2022, avec intérêt au taux légal à compter de la date de signification de la décision, outre la capitalisation des intérêts,

* une indemnité forfaitaire contractuelle à hauteur de 5 063,05 euros TTC,

* la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L’instruction a été déclarée close par ordonnance en date du 19 mars 2024.

MOTIFS :

Sur l’étendue de la saisine de la cour

Aux termes des dispositions de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

L’article 561 du même code dispose que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel et qu’il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code, tandis que selon l’article 562, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent : la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet est indivisible.

Enfin, l’article 954 alinéa 3 précise que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif (des conclusions d’appel) et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Il s’évince de la combinaison des dispositions de ces textes que, lorsque l’appelante ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni la réformation de l’ordonnance entreprise, la cour d’appel ne peut que la confirmer.

Si l’intimée ne formule aucune demande d’infirmation ou de réformation de l’ordonnance frappée d’appel, dans le dispositif de ses conclusions, la cour n’est alors pas saisie d’un appel incident.

En l’espèce, la société Goldsons a interjeté un appel limité aux condamnations prononcées à son encontre telles que rappelées ci-dessus et elle en demande expressément la réformation dans le dispositif de ses écritures, sollicitant à titre principal le débouté de l’intégralité des demandes formées par la société Saint Jean.

En revanche, si la société Saint Jean indique dans les motifs de ses écritures transmises le 27 octobre 2023 (page 16) qu’elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance entreprise des chefs par lesquels le premier juge l’a déboutée de ses demandes de provision à valoir sur des dommages et intérêts et d’indemnité au titre des frais irrépétibles, la cour ne peut que constater que, dans le dispositif de ses écritures, elle ne formule aucune prétention tendant à l’infirmation de la décision critiquée de ces chefs, ni aucune demande de provision à valoir sur des dommages et intérêts.

Contrairement à ce qu’indique la société Saint Jean dans sa première note en délibéré, l’article 954 du code de procédure civile ne prévoit aucune possibilité de correction ou de régularisation du dispositif des conclusions transmises à la cour par les parties, étant relevé que le soit transmis adressé aux conseils des parties par lequel la cour a sollicité une note en délibéré ne s’analyse pas en une réouverture des débats et ne permet donc pas le dépôt de nouvelles conclusions.

Il s’ensuit que les ‘conclusions rectifiées’, transmises le 4 avril 2024, postérieurement à la clôture des débats et en cours de délibéré, seront déclarées irrecevables.

En l’état, la cour n’est saisie d’aucun appel incident de l’intimée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’action soulevée par l’appelante

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile: ‘constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée’.

En l’espèce, l’appelante soutient, à titre principal, que l’action introduite à son encontre par la bailleresse est irrecevable, dans la mesure où elle a cédé son droit au bail, avec l’accord de cette dernière, à effet au 1er avril 2023 .

Le bail liant les parties signé le 30 septembre 2022 stipule notamment au point 12.3.1 intitulé ‘cession du fonds de commerce’ :

‘ le preneur ne pourra en aucun cas céder son droit au bail si ce n’est à l’acquéreur de l’intégralité de son fonds de commerce (…)

Pour une période de trois ans à compter de la prise d’effet de la cession, le cédant, le cessionnaire de même que les successeurs de celui-ci en cas de cessions successives, demeureront garants et répondants solidaires du paiement des loyers, de leurs accessoires, des indemnités d’occupation dues, le cas échéant, comme de l’exécution de toutes les clauses du bail, et ce, quelle que soit la période pendant laquelle le fonds aura été exploité par l’un d’entre eux.

Cette garantie solidaire sera due indistinctement tant par tout cédant du chef du (ou des) cessionnaire(s), que réciproquement par tout cessionnaire du chef de tout cédant (….)

Le preneur s’engage à ce que l’acte de cession reprenne l’intégralité des dispositions de l’article 12.3.1 du titre II (du bail).

Le bailleur sera appelé à concourir à l’acte de cession, quinze jours avant la date effective de signature par lettre recommandée avec accusé de réception à laquelle sera joint le projet d’acte définitif de la cession. Un original ou une expédition de cet acte lui sera remis sans frais dans le mois de la signature pour lui servir de titre exécutoire (….)

Le preneur devra, préalablement à la cession, être à jour dans le règlement des loyers, charges et accessoires et faire son affaire personnelle du paiement de ses charges salariales, fiscales et sociales.’

Si l’appelante se prévaut d’un acte signé le 23 mars 2023 par M.[M] [F] représentant d’une part la société Goldsons, et, d’autre part la société Re-Post, par lequel la première a cédé le bail commercial précité conclu avec la SNC Saint Jean à la deuxième, mentionnant en page 1 que ‘le bailleur a été dûment informé du projet de cession conformément aux stipulations du bail, et a, irrévocablement et inconditionnellement autorisé la présente cession et agréé le cessionnaire, dans les mêmes conditions que celles actuellement appliquées au cédant’, elle ne justifie pas lui avoir notifié cet acte qui ne comporte aucune signature de la bailleresse, ni avoir appelé cette dernière à concourir à l’acte de cession selon les conditions précitées prévues au bail, la seule mention purement déclarative susvisée étant insuffisante à établir que la bailleresse aurait autorisé cette cession et agréé le cessionnaire.

En outre, cet acte de cession du bail commercial, en date du 23 mars 2023, stipule, au titre des obligations des parties, que le cédant (soit la société Goldsons) s’engage à s’acquitter de toutes les sommes dues au bailleur du fait de son occupation des lieux, et notamment des loyers, charges et accessoires du bail jusqu’à la date d’entrée en jouissance du cessionnaire, ainsi que de tous les impôts, contributions, taxes, redevances et autres charges de toute nature relatives à son exploitation des locaux.

Il se déduit de l’ensemble de ces stipulations que la SNC Saint Jean a bien qualité à agir, en tant que bailleresse, à l’encontre de la société Goldsons à qui elle réclame une provision à valoir sur une dette locative, étant au surplus observé que l’assignation introductive d’instance visait une dette locative arrêtée à la date du 1er avril 2023, soit la date à laquelle le cessionnaire susvisé a acquis la pleine jouissance et propriété du bail et a été subrogé dans tous les droits du cédant et tenu de toutes ses obligations.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SNC Saint Jean sera rejetée et l’action formée par celle-ci à l’encontre de la société Goldsons déclarée recevable.

Sur les demandes de provisions

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin, c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiales ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

Provision sur l’arriéré locatif :

Comme l’a exactement estimé le premier juge, il résulte des factures produites par la bailleresse, arrêtées au 1er avril 2023, que sa créance locative s’élève à la somme de 50 630,51 euros TTC, en ce incluse l’échéance du 1er avril 2023 d’un montant de 16 166,62 euros, cette créance tenant compte des virements effectués le 10 février et le 7 mars 2023 d’un montant respectif de 5 100 euros et de 307,64 euros.

Contrairement à ce qu’elle soutient en premier lieu, l’appelante ne justifie par aucune pièce que sa bailleresse aurait émis en sa faveur un avoir d’un montant total de 16 166,62 euros pour la période allant du 1er avril 2023 au 30 juin 2023, étant relevé que, comme indiqué précédemment, la SNC Saint Jean est fondée à se prévaloir des stipulations du bail relatives à la cession dont il résulte que la société Goldsons, en sa qualité de cédante, reste néanmoins tenue solidairement avec la cessionnaire, pour une période de trois ans à compter de la prise d’effet de la cession, soit en l’espèce jusqu’au 1er avril 2026, du paiement des loyers, de leurs accessoires, des indemnités d’occupation dues, et ce, quelle que soit la période pendant laquelle le fonds a été exploité par elle.

Il s’ensuit qu’aucune contestation sérieuse tenant à l’existence d’un avoir à hauteur de la somme de 16 166,62 euros ne peut être retenue.

En second lieu, l’appelante conteste la créance locative réclamée par sa bailleresse en se prévalant d’une exception d’inexécution, lui reprochant un défaut d’entretien des parties communes du centre commercial, la fermeture de plusieurs magasins aux enseignes nationales aux abords de la place des arcades, empêchant selon elle tout flux de clientèle pour sa boutique, ainsi que pour celle de la société Re-Post qui lui a succédé.

Le procès-verbal de commissaire de justice en date du 21 juin 2023 n’établit nullement un défaut d’entretien des parties communes du centre commercial dans lequel se trouvent les locaux loués, et l’appelante ne démontre par aucune pièce, avec l’évidence requise en référé, que sa bailleresse aurait manqué à son obligation de délivrance, étant rappelé que la preneuse ne prouve pas davantage avoir été dans l’impossibilité totale de jouir des locaux loués.

De même, en l’état des stipulations du bail, l’exception d’inexécution tenant à l’absence de clientèle du centre commercial aux abords de la place des Arcades où se situe le local loué, et au déplacement des locaux commerciaux des magasins aux grandes enseignes nationales, invoquée par l’appelante ne peut caractériser une contestation sérieuse, aucun élément n’établissant, avec l’évidence requise en référé, que l’absence de fréquentation et de clientèle des locaux loués serait imputable à la bailleresse.

En troisième lieu, les contestations élevées par l’appelante quant au montant du loyer de base appelé, à l’actualisation par rapport à l’indice BT01 et au montant des charges ne sont manifestement pas sérieuses, puisque les relevés de comptes produits par la bailleresse détaillant les montants des loyers de base et des indices appliqués, ainsi que les charges permettent de constater qu’il a été fait application des stipulations contractuelles conformément aux modalités convenues entre les parties lors de la signature du bail détaillées aux pages 9 à 13.

En conséquence, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société Goldsons, exerçant sous l’enseigne ‘Azzura’, à payer à la société Saint Jean la somme de 50 630,51 euros TTC en exécution du bail conclu le 30 septembre 2022, avec intérêt au taux légal à compter de la date de signification de la décision, outre la capitalisation des intérêts.

Provision sur l’indemnité forfaitaire contractuelle :

Le bail liant les parties stipule en son article 26.2.1 intitulé ‘indemnités forfaitaires’ qu’à ‘défaut de paiement de toutes sommes dues par le preneur en vertu du bail, et notamment des loyers et accessoires à leur échéance, et du seul fait de l’envoi par le bailleur d’une lettre consécutive à cette défaillance, restée infructueuse 8 jours après sa première présentation, comme en toute hypothèse en cas de notification d’un commandement ou d’une mise en demeure, le montant des sommes dues sera majoré de plein droit de 10 % à titre d’indemnité forfaitaire. Celle-ci sera dûe indépendamment des intérêts de retard dont le règlement est prévu par l’article 8 du titre II.’

En l’espèce, l’appelante ne conteste pas les modalités d’application de cette clause, mais soutient que le premier juge ne pouvait se déclarer compétent pour statuer sur une clause pénale.

Cependant, comme l’a à juste titre relevé le premier juge, cette clause est claire et exempte de toute ambiguïté, et, si le juge des référés n’a pas le pouvoir de moduler une telle indemnité forfaitaire, il peut allouer une provision à valoir sur son montant, dès lors que ce dernier n’est pas sérieusement contestable.

En l’état de la créance locative non sérieusement contestable retenue s’élevant à la somme de 50 630,51 euros TTC, le premier juge a exactement fixé à 5 063,05 euros TTC le montant de la provision à valoir sur l’indemnité forfaitaire contractuelle en appliquant la pénalité de 10 % visée à l’article précité, de sorte qu’il y a lieu à confirmation de ce chef.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l’espèce, il résulte des pièces régulièrement produites par les parties que très rapidement après son entrée dans les lieux, la société Goldsons n’a pas réalisé le chiffre d’affaire qu’elle escomptait et qu’elle s’est plaint auprès de sa bailleresse du mauvais emplacement de son local, lui imputant la responsabilité de ses difficultés financières et sollicitant une résiliation amiable de son bail.

Dans une lettre officielle du 1er septembre 2023 adressée au conseil de la société Godsons par les conseils de la SCN Saint Jean, avant l’introduction de la présente instance en référé, la bailleresse avait proposé à sa locataire une solution amiable conditionnée au règlement de l’arriéré locatif s’élevant à la somme de 66 814,45 euros, arrêtée au 18 juillet 2023, qui n’a pas été suivie d’effet.

Alors qu’elle ne s’est pas présentée devant le premier juge, bien que régulièrement assignée, la société Goldsons soutient être de bonne foi, avoir fait des efforts, et elle sollicite à titre subsidiaire des délais de paiement en raison de son chiffre d’affaires particulièrement bas et de ses charges fixes importantes (page 17 de ses écritures).

Elle verse au débats un document intitulé ‘récap CA Boutique’ concernant la boutique à l’enseigne ‘Azzura’ comportant un tableau inexploitable puisqu’il mentionne les 12 mois de l’année, sans préciser de quelle année il s’agit, seule la date du 7 janvier 2023 étant indiquée comme étant celle de l’ouverture, étant observé qu’il n’est fourni aucune indication sur le rédacteur de ce document, lequel ne comporte aucune annexe, ni aucune pièce comptable justifiant les chiffres mentionnés concernant ‘Polygone Goldsons’ et ‘Polygone Re-Post’.

Alors que l’appelante soutient faire face à des charges fixes importantes, tandis que son chiffre d’affaires est particulièrement bas, elle ne justifie par aucune pièce probante ses allégations puisqu’elle ne communique aucun bilan comptable sur les exercices 2023 et 2024, ni aucun état actualisé de sa trésorerie permettant d’apprécier sa situation financière et sa capacité de remboursement, de sorte que sa bonne foi peut être questionnée.

En outre, elle ne peut sérieusement soutenir avoir fait des efforts puisqu’elle ne justifie pas de versements réguliers au titre de la dette locative et des loyers courants.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande tendant à obtenir des délais de paiement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la SAS Goldsons aux dépens, ainsi qu’à payer à la société Saint Jean une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant principalement en appel, la SAS Goldsons sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à la société Saint Jean une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais qu’elle a été contrainte d’exposer, et elle sera déboutée de sa demande formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel,

Déclare irrecevables les conclusions transmises le 4 avril 2024 par la SAS Goldsons,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Saint Jean et déclare recevable l’action formée par celle-ci à l’encontre de la société Goldsons,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions frappées d’appel,

Et, y ajoutant,

Condamne la SAS Goldsons à payer à la société Saint Jean une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La déboute de sa demande formée sur le même fondement,

Condamne la SAS Goldsons aux dépens d’appel.

La greffière Le président

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